Première Chambre B
ARRÊT No 71
R.G : 06/07983
S.A. CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DU MORBIHAN ET DE LOIRE ATLANTIQUE
C/
M. François X...
Infirme la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
POURVOI no Q 0813891
DU 14.04.08
(Nos Réf. Pouvoi 14/08)RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 JANVIER 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président,
Mme Rosine NIVELLE, Conseiller,
Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Marie-Noëlle Z..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Décembre 2007, devant Monsieur Jean-Pierre GIMONET, entendu en son rapport à l'audience, siégeant en qualité de magistrat rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 25 Janvier 2008, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A. CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT MARITIME MUTUEL DU MORBIHAN ET DE LOIRE ATLANTIQUE
25 rue François Guhur
LA FORET
56400 AURAY
représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et LE CALLONNEC, avoués
assistée de la SCP BACHY-VALTON-KRONGRAD, avocats
INTIMÉ :
Monsieur François X...
...
57100 THIONVILLE
représenté par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués
assisté de la SEP MNH, NASSOY - HELLENBRAND, avocat
Par jugement du 27 octobre 2006, le tribunal de commerce de LORIENT a débouté le CREDIT MARITIME MUTUEL de sa demande, débouté Monsieur X... de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts et a condamné le CREDIT MARITIME MUTUEL à payer à Monsieur A... somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens ;
La caisse régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL du MORBIHAN ET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE a interjeté appel de cette décision et, par conclusions du 23 octobre 2007 récapitulant ses moyens et prétentions, a demandé à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande reconventionnelle,
- d'infirmer le jugement dans ses autres dispositions,
- de juger que François X... est tenu des engagements souscrits auprès du CREDIT MARITIME par la société en participation CROISINVEST, dont il est l'un des associés, étant intervenu en cette qualité auprès de la banque afin d'obtenir le crédit qui lui était nécessaire, notamment en apportant son cautionnement personnel,
- de condamner en conséquence Monsieur X... à lui payer la somme de 30.489,80 euros avec intérêts au taux de 12,50 % l'an à compter de la mise en demeure du 11 décembre 1995,
- de condamner en outre Monsieur X... à lui payer la somme de 3.048,98 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article 1153 alinéa 4 du Code civil,
- de condamner Monsieur X... à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;
François X..., par conclusions du 18 octobre 2007 récapitulant ses moyens et prétentions, a demandé à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la banque de toutes ses demandes,
- d'infirmer le jugement pour le surplus,
- de condamner la caisse régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL du MORBIHAN ET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE à lui payer les sommes de :
* 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
* 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- subsidiairement, de prononcer la déchéance du droit de la banque aux intérêts échus, faute par elle de justifier de lui avoir délivré l'information annuelle prévue à l'article L 313-22 du Code Monétaire et Financier,
-d'inviter en conséquence la banque à produire un décompte rectifié de sa créance et de réserver les dépens ;
SUR CE,
Considérant que, le 1er octobre 1992, le CREDIT MARITIME a consenti à la SNC CROISINVEST, société en formation créée par Messieurs Michel B... et François X..., un prêt d'un montant de 200.000 Frs au taux nominal de 12,50 % l'an, destiné à financer l'acquisition de 200 parts sociales de la société CROISIERE DES ALIZES ;
Que Messieurs B... et X... se sont portés cautions à hauteur de 200.000 francs chacun, le prêt étant également garanti par une inscription de nantissement à hauteur de 200.000 Frs sur les 200 actions de la société CROISIERE DES ALIZES ;
Que la société CROISINVEST n'a jamais été immatriculée au RCS ;
Considérant que les fonds objet du prêt ont été virés directement sur le compte de la SARL CROISIERE DES ALIZES le 30 décembre 1993 ;
Considérant que la banque se prévaut des dispositions de l'article 3 des conditions générales du contrat selon lequel :
« L'Emprunteur, bénéficiant du prêt, donne, dès à présent mandat au prêteur de verser avant ou après régularisation des garanties, le montant net du prêt, d'ordre et pour son compte entre ses mains ou celles de qui il appartiendra, fournisseur, vendeur, entrepreneur ou autre, et, notamment, au compte bancaire qu'il fera connaître.» ;
Mais considérant que la caisse régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL du MORBIHAN ET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE, qui indique avoir versé les fonds sur le compte de la société CROISIERE DES ALIZES à la demande de Monsieur B..., gérant de la société CROISINVEST, ne justifie pas d'avoir reçu un tel ordre de virement à une société non bénéficiaire du prêt ;
Que cet ordre ne saurait résulter du document préimprimé signé de Monsieur B..., intitulé "fiche de paiement", dans lequel il est indiqué la mention suivante :
"L'emprunteur soussigné, demande à la Caisse Régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL d'effectuer en son nom, à valoir sur le prêt qui lui a été accordé, le versement (ou les versements) ci-dessous, conformément aux devis joints au dossier de prêt, ou en règlement des factures ci-jointes:
NOM et ADRESSE complète du fournisseur :
no de Cpte C.M.M. :
Montant du versement : " ;
Qu'en effet ce document, non daté, dont aucune rubrique n'a été renseignée, ne saurait valoir ordre de paiement ;
Considérant ainsi que, la société CROISINVEST ne pouvant être débitrice envers la banque au titre d'un prêt que cette dernière a pris l'initiative de ne pas exécuter entre ses mains, Monsieur X..., caution de CROISINVEST dont l'engagement est accessoire, n'est débiteur d'aucune somme en cette qualité ;
Qu'en outre, le prêt en cause a été contracté par Monsieur B... au nom de la société CROISINVEST en formation qui n'a jamais été immatriculée ;
Que, ladite société étant dépourvue de la personnalité morale, n'est engagé que celui qui agit au nom de la société, de sorte que l'obligation de restituer les fonds est à la charge d'une personne distincte de la personne morale prévue dans le contrat de prêt et de cautionnement et que la caution ne peut être tenue à garantir la dette d'une personne autre que celle désignée dans l'acte de cautionnement ;
Considérant cependant que la caisse régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL du MORBIHAN ET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE fonde son action sur les dispositions de l'article 1872-1 du Code civil qui prévoit que, lorsque les associés d'une société en participation agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres ;
Considérant d'abord que la société CROISINVEST n'ayant jamais été immatriculée au registre du commerce, aucune reprise par elle des engagements souscrits en son nom n'a pu avoir lieu ;
Qu'en revanche, Monsieur B... qui a souscrit l'emprunt en cause au nom de la société CROISINVEST en formation est tenu des obligations nées de l'acte ainsi accompli, conformément aux dispositions de l'article 1843 du Code civil ;
Considérant que, si seul celui qui a agi au nom de la société en formation, à l'exclusion des associés qui n'ont pas participé à l'acte accompli, est tenu au titre de cet acte, il en va différemment lorsqu'existe une société créée de fait qui résulte de la non-immatriculation de la société en formation, à laquelle sont applicables les dispositions de l'article 1872-1 du Code civil invoquées par la banque ;
Considérant que l'acte d'emprunt de la société CROISINVEST dépasse l'accomplissement de simples actes nécessaires à la constitution de cette société puisqu'il a permis de financer l'acquisition des parts sociales de la société CROISINVEST ;
Qu'il caractérise un acte nécessaire à la réalisation de l'objet social qui est ainsi rempli ;
Considérant que la banque justifie de ce que Monsieur X... a bien agi en qualité d'associé notamment au regard de la teneur de son courrier du 28 avril 1993 et participé à l'acte en cause de prêt en s'engageant formellement vis-à-vis d'elle ;
Que la souscription d'un engagement de caution par Monsieur X... en garantie de l'intégralité du montant de l'emprunt en cause contracté par la société CROISINVEST caractérise une action de celui-ci au profit de la banque en qualité d'associé ;
Que, dès lors, Monsieur X... doit être tenu à paiement au titre de l'emprunt en sa qualité d'associé d'une société créée de fait ;
Que le jugement sera infirmé et Monsieur X... condamné à payer à la caisse régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL du MORBIHAN ET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE la somme de 30.489,80 euros avec intérêts au taux conventionnel de 12,50 % l'an à compter de la mise en demeure du 23 décembre 1995 ;
Considérant que, la banque ne justifiant pas d'un préjudice différent de celui déjà réparé par l'allocation d'intérêts à un taux conventionnel important, il convient de la débouter de sa demande fondée sur l'article 1153 alinéa 4 du Code civil ;
Considérant que Monsieur X... qui succombe en ses prétentions principales ne peut qu'être débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;
Qu'enfin, l'engagement de caution de Monsieur X... étant reconnu sans portée, sa demande tendant à la constatation de la déchéance du droit aux intérêts de la banque pour défaut d'information annuelle de la caution apparaît sans objet ;
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement ;
Condamne Monsieur X... à payer à la caisse régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL du MORBIHAN ET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE la somme de 30.489,80 euros avec intérêts au taux conventionnel de 12,50 % l'an à compter du 23 décembre 1995 ;
Déboute la caisse régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL du MORBIHAN ET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE de sa demande fondée sur l'article 1153 alinéa 4 du Code civil ;
Déboute Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne Monsieur X... à payer à la caisse régionale de CREDIT MARITIME MUTUEL du MORBIHAN ET DE LA LOIRE-ATLANTIQUE la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur X... aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT