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25/10/2007 | FRANCE | N°629

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0178, 25 octobre 2007, 629


Huitième Chambre Prud'Hom

ARRÊT No629

R.G : 06/08584

POURVOI No98/2007 du 24/12/2007 Réf R 0745674

S.A.R.L. BIOMETH

C/

Melle Stéphanie X...

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Monique BOIVIN, Président,

Madame Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller,

Monsieur François PATTE, Conseiller,

G

REFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Septembre 2007

devant Madame Marie-Hélène L'HENORET, magistrat r...

Huitième Chambre Prud'Hom

ARRÊT No629

R.G : 06/08584

POURVOI No98/2007 du 24/12/2007 Réf R 0745674

S.A.R.L. BIOMETH

C/

Melle Stéphanie X...

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Monique BOIVIN, Président,

Madame Marie-Hélène L'HENORET, Conseiller,

Monsieur François PATTE, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Septembre 2007

devant Madame Marie-Hélène L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 25 Octobre 2007, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La S.A.R.L. BIOMETH prise en la personne de son représentant légal

8, rue Laugier

75017 PARIS

représentée par Me Jean-Charles CANNENPASSE-RIFFARD substituant à l'audience Me Aude Z..., Avocats au Barreau de PARIS

INTIMEE et appelante à titre incident :

Mademoiselle Stéphanie X...

...

44000 NANTES

représentée par Me Bruno CARRIOU, Avocat au Barreau de NANTES

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la société BIOMETH d'un jugement rendu le 6 décembre 2006 par le Conseil de Prud'hommes de NANTES.

FAITS ET PROCEDURE

Mademoiselle Stéphanie X... a été engagée le 16 mars 1998 par la société des laboratoires A... en qualité d'Attachée de Promotion dans le cadre d'un contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 30 novembre 1998.

Un second contrat à durée déterminée de 10 mois, conclu pour assurer le remplacement de Madame B..., en congé parental, a été signé le 1er décembre 1998 entre la salariée et la SARL BIOMETH dont l'activité est la vente et la promotion des produits pharmaceutiques du Laboratoire BAILLEUL, avec laquelle les relations contractuelles se sont poursuivies.

Le 23 septembre 1999 Mademoiselle X... a été engagée définitivement par contrat à durée indéterminée avec effet au 1er octobre 1999.

Par lettre du 14 mars 2006 la SARL BIOMETH a proposé à la salariée, dans le cadre de la réorganisation du réseau de distribution de ses produits quatre postes de reclassement en interne (Bretagne, Paris Sud, Paris Nord, Oise, Alpes) et trois postes de reclassement en externe au sein de la société Bretagne Dessert que Mademoiselle X... a refusés.

Le 17 mars 2006 cette dernière a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 24 mars 2006 au cours duquel la société BIOMETH lui a remis l'ensemble des documents relatifs à la Convention de reclassement personnalisé que l'intéressé a accepte le 6 avril 2006.

Par lettre du 18 avril 2006 la SARL BIOMETH a notifié à la salariée son licenciement pour motif économique en raison du dé remboursement ou de la baisse du taux de remboursement de plusieurs de ses produits, situation qui allait entraîner des répercussions importantes sur son chiffre d‘affaires et qui justifiant la réorganisation de son réseau de distribution, l'arrêt de la promotion de ses produits auprès des médecins généralistes et la suppression des postes des attachés de production médicale exerçant leur activité auprès des médecins généralistes, poste qu'elle occupait depuis mars 1998.

Contestant le bien fondé de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits, Mademoiselle X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de NANTES pour obtenir des dommages intérêts, des remboursements de frais ainsi que la requalification de son 1er contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et une indemnité de requalification.

Par jugement en date du 6 décembre 2006 le Conseil de Prud'hommes de NANTES a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a alloué à Mademoiselle X... 15.000 euros à titre de dommages intérêts et un solde de frais à hauteur de 1.389,06 euros et l'a déboutée de ses autres réclamations.

La SARL BIOMETH a interjeté appel de ce jugement.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES

La SARL BIOMETH conclut à la réformation, du moins partielle, de la décision déférée, au rejet des prétentions de la salariée à l'exception du solde de remboursement de frais.

Elle fait valoir :

- que si effectivement le 1er contrat à durée déterminée ne comportait pas de motif, Mademoiselle X... qui a bénéficié en septembre 1999 d'un contrat à durée indéterminée n'a subi aucun préjudice, qu'elle ne peut prétendre à aucune indemnité de requalification et que sa bonne foi ne peut être remise en cause,

- que la lettre de licenciement énonce des motifs précis,

- que la réalité du motif économique invoqué est établie dans la mesure où le déremboursement de la Cystine B6 et la baisse du taux de remboursement du Cemaflavone dont la commercialisation auprès des médecins généralistes allait de ce point être arrêtée ne pouvait qu'entraîner des conséquences financières susceptibles de menacer sa compétitivité,

- que depuis 2004 elle avait scindé son réseau de distribution en deux, l'un tourné vers les médecins généralistes, l'autre vers les médecins spécialistes et que la salariée faisait partie du réseau affecté aux médecins généralistes qui devait être supprimé,

- que dès le mois de mars 2006, date d'entrée en vigueur du décret instaurant les déremboursements les ventes des produits concernés ont considérablement diminué,

- qu'elle a respecté son obligation de reclassement en proposant à Mademoiselle X... plusieurs postes, soit en interne soit en externe,

- que les critères d'ordre des licenciements n'avaient pas à vocation à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où tous les attachés de promotion affectés aux médecins généralistes étaient concernés par la mesure de licenciement pour motif économique et où tous les emplois d'une catégorie professionnelle donnée ont été supprimés,

- que la scission entre médecins généralistes et médecins spécialistes est intervenue en 2004 et non pour les besoins de la cause comme le prétend la salariée,

- que le licenciement économique de mademoiselle X... est parfaitement justifié,

- qu'en toute hypothèse le préjudice allégué n'est pas démontré.

Mademoiselle Stéphanie X... conclut pour l'essentiel à la confirmation du jugement mais à titre incident demande que le montant des dommages intérêts qui lui ont été alloués par le Conseil de Prud'hommes soit porté à 27.000 euros, sollicite à nouveau la requalification de son 1er contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et une indemnité de requalification de 2.537,14 euros et réclame en outre une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle soutient :

- que dans la lettre de licenciement la société BIOMETH ne fait état ni de difficultés économiques ni de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise,

- qu'aucune pièce comptable de nature à établir la baisse des ventes alléguée n'est produite aux débats,

- que les difficultés économiques invoquées n'étaient que potentielles et concernaient une autre société du Groupe,

- que les propositions de reclassement ont été insuffisantes,

- que l'appréciation des critères des licenciements doit s'effectuer par catégorie professionnelle et qu'elle a toujours visité des médecins généralistes et spécialistes (dermatologues, angiologues, gynécologues), la restriction de son secteur d'intervention aux seuls généralistes n'ayant été effective qu'au 1er janvier 2006 et apparaissant de pure circonstance,

- que dès lors en tout état de cause les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été mis en oeuvre et qu'elle est fondée subsidiairement à obtenir des dommages intérêts à ce titre,

- que le préjudice qu'elle a subi est important,

- que la requalification du contrat à durée déterminée s'impose et qu'elle a droit à l'indemnité de requalification,

- que le remboursement des frais est dû.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties la Cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience

DISCUSSION

Sur la rupture du contrat de travail.

Considérant que Mademoiselle Stéphanie X... a été licenciée le 18 avril 2006 pour le motif économique suivant :

Notre société assure la promotion des produits pharmaceutiques du laboratoire A... par le biais de deux circuits de distribution, l'un auprès des médecins généralistes et l'autre auprès des spécialistes.

Par décision du 24 janvier 2006 applicable à compter du 1er mars 2006, le comité économique des produits de santé a décidé de procéder au déremboursement d'un des produits phare de la société A..., la Cystine B6 qui représente 75% de son chiffre d'affaires.

Par ailleurs, la spécialité Cemaflavone (qui représente 10% du chiffre d'affaires) a fait l'objet d'une part du taux de remboursement qui passe de 35% à 15% et d'autre part d'une diminution de son prix de 15%.

Enfin, le prix de remboursement (tarif forfaitaire de responsabilité) de deux autres spécialités de A..., le Dermazol et Spanor a également été baissé de 15% par décret.

La société A... nous a fait savoir qu'eu égard aux répercussions très importantes que cette situation allait entraîner sur son chiffre d'affaires, elle entendait réorganiser le réseau de distribution de ses produits et ne plus assurer la promotion de ses produits auprès des médecins généralistes.

Cette situation nous contraint à réorganiser le réseau existant et à supprimer les postes des attachés de promotion médicale qui exercent leur activité auprès des médecins généralistes, poste que vous occupez depuis le 16 mars 1998.

Par courrier en date du 14 mars 2006 et après consultation des représentants du personnel, nous vous avons proposé plusieurs postes de reclassement en interne (Bretagne, Région Parisienne, Alpes) ainsi que trois postes en externe au sein de la société BRETAGNE DESSERTS. Nous avons joint à ce courrier les mesures d'accompagnement et d'aide à la mobilité interne qui avaient été soumises aux délégués du personnel. Ce courrier mentionnait que l'absence de réponse dans un délai de 15 jours équivalait à un refus d'acceptation des postes de reclassement proposés. Vous n'avez pas donné suite à nos propositions de reclassement.

La suppression de votre poste et l'impossibilité de vous proposer des postes de reclassement autres que ceux que vous avez refusés, nous ont conduit à la présente mesure.

Considérant en premier lieu qu'il convient de rappeler que pour justifier une mesure de licenciement économique la réorganisation de l'entreprise qui a pour effet des suppressions de poste doit être consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

Considérant que si une société est parfaitement fondée à mettre en oeuvre des restructurations pour prévenir des difficultés économiques prévisibles encore faut-il que soit caractérisée l'existence d'une menace pesant sur sa compétitivité ;

Considérant qu'il convient d'observer qu'à l'exception d'un document graphique dont on ignore la provenance, qui n'est ni signé ni daté et qui ne concerne que A... FRANCE, la société BIOMETH ne produit aux débats aucun élément comptable de nature à faire apparaître les conséquences financières prévisibles des déremboursements des produits ni les répercussions effectives que ces déremboursements (ou la diminution des remboursements) ont pu avoir sur la situation de l'entreprise ;

Que la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise n'est pas établie d'autant que la société BIOMETH pouvait parfaitement mettre l'accent sur la commercialisation d'autres produits ;

Considérant en second lieu que l'obligation de reclassement à laquelle l'employeur est tenu s'apprécie tant au sein de l'entreprise qu'au niveau du Group à laquelle cette dernière appartient ;

Considérant que s'il est exact que la société BIOMETH a proposé à Mademoiselle X... par lettre du 14 mars 2006 des postes de reclassement en interne et des postes de reclassement en externe au sein de la société BRETAGNE DESSERTS (dont on ignore la teneur et dans un domaine totalement étranger à celui dans lequel travaillait la salariée), force est de constater que la société ne justifie nullement des démarches réelles et concrètes qu'elle a pu entreprendre pour tenter de procéder au reclassement effectif de l'intéressée au sein du Groupe dont elle faisait partie, étant précisé :

- que le 24 novembre 2005 un courrier de la société BIOMETH informait de la création d'une société OFFIDIS en partenariat avec les laboratoires BIOCEDEX dont la mission était la promotion en pharmacies de spécialités non remboursées par la Sécurité Sociale comme par exemple pour A... le produit "Cystine B6" et qu'aucune recherche n'a été effectuée au sein de cette société,

- que le 20 février 2006 la société BIOMETH a adressé à un certain nombre de sociétés dont les laboratoires A... une lettre type signée par Monsieur Patrice C..., les informant de la suppression de 10 postes de délégués médicaux et leur demandant de lui faire savoir tous les postes susceptibles de convenir à d'éventuels reclassements,

- que dès le 22 février 2006 ces sociétés ont toutes répondu qu'elles ne disposaient d'aucun poste à pourvoir par un courrier strictement identique et signé par le même Patrice C...,

- qu'aucun registre d'entrée et de sortie du personnel n'est versé aux débats,

Considérant qu'il s'ensuit que la société BIOMETH, en s'abstenant de tout mettre en oeuvre pour essayer de reclasser Mademoiselle X..., n'a pas respecté l'obligation à laquelle elle était tenue ;

Considérant que c'est en conséquence à juste titre que les Premiers Juges ont retenu l'absence de cause réelle et sérieuse et ont alloué à Mademoiselle X... des dommages intérêts dont le montant sera toutefois porté à la somme de 20.000 euros eu égard au préjudice subi par l'intéressée qui avait 8 ans d'ancienneté.

Sur les autres demandes.

Considérant d'une part que le contrat à durée déterminée initial signé le 16 mars 1998 ne comportait aucun motif ;

Que la requalification de ce contrat en un contrat à durée indéterminée s'impose ;

Que par application de l'article L 122-3-13 du Code du Travail Mademoiselle X... est en droit de prétendre à une indemnité de requalification équivalente à un mois de salaire dans la mesure où sa demande de requalification est fondée sur une irrégularité du contrat à durée déterminée ;

Considérant d'autre part que la société BIOMETH ne remet pas en cause le solde de remboursements de frais accordé par le Conseil de Prud'hommes à la salariée ;

Considérant que l'équité commande d'octroyer à cette dernière une indemnité supplémentaire de 1.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Que la société qui succombe supportera les dépens.

DECISION

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme partiellement le jugement entrepris.

Condamne la société BIOMETH à verser à Mademoiselle X... la somme de 20.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Requalifie le contrat à durée déterminée signé le 16 mars 1998 en un contrat à durée indéterminée.

Condamne la société BIOMETH à verser à Mademoiselle X... la somme de 2.537,14 euros à titre d'indemnité de requalification.

Confirme le dit jugement pour le surplus.

Y additant.

Condamne la société BIOMETH à verser à Mademoiselle X... la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0178
Numéro d'arrêt : 629
Date de la décision : 25/10/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nantes, 06 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-10-25;629 ?
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