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13/09/2007 | FRANCE | N°501

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0178, 13 septembre 2007, 501


Huitième Chambre Prud'Hom

ARRÊT No501

R.G : 06/05337

POURVOI no83/07 du 13/11/2007 Réf W0744805

S.A. ARMOR

C/

M. Jacques X...

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Francine SEGONDAT, Président,

Madame Marie-Hélène L'HÉNORET, Conseiller, entendue en son rapport,

Monsieur François PATTE,

Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Juin 2007

ARRÊT :

Contradictoire, prononc...

Huitième Chambre Prud'Hom

ARRÊT No501

R.G : 06/05337

POURVOI no83/07 du 13/11/2007 Réf W0744805

S.A. ARMOR

C/

M. Jacques X...

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Francine SEGONDAT, Président,

Madame Marie-Hélène L'HÉNORET, Conseiller, entendue en son rapport,

Monsieur François PATTE, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Juin 2007

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 13 Septembre 2007, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La S.A. ARMOR prise en la personne de ses représentants légaux

20, rue Chevreul

44105 NANTES CEDEX 4

représentée par Me Didier MALKA substituant à l'audience Me Jean Z..., Avocats au Barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur Jacques X...

...

44100 NANTES

comparant en personne, assisté de Me Alain PALLIER, Avocat au Barreau de NANTES

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la société Armor d'un jugement rendu le 10 juillet 2006 par le conseil de prud'hommes de NANTES.

FAITS ET PROCEDURE :

Monsieur Jacques X... a été engagé le 10 décembre 1985 par la société ARMOR en qualité de Directeur Administratif et Financier.

A l'occasion de recherches de rapprochement et de partenariat avec certains groupes faisant partie du même secteur d'activité, un avenant au contrat de travail a été régularisé le 31 mai 2000 entre les parties prévoyant notamment le versement d'une indemnité complémentaire de rupture au cas où, au cours des trois années suivant la date du changement de contrôle de la société, le contrat de travail de Monsieur X... serait résilié à l'initiative d'Armor, sauf en cas de faute grave ou d'inaptitude médicalement constatée.

Le 1er octobre 2000 Monsieur X... a été nommé Directeur Général adjoint .

Par lettre du 13 mars 2001 le Directeur Général de la société Armor a confirmé à ce dernier qu'il conservait ses fonction de DAF et que l'avenant du 31 mai 2000 restait applicable.

Le 21 janvier 2003 Monsieur X... a été nommé Directeur Général de la société Armor tout en continuant à exercer ses fonctions salariales comme le lui a précisé le Président du Conseil d'Administration dans un courrier du même jour, lui rappelant en outre que l'avenant du 31 mai 2000 conservait son plein effet.

Monsieur X... a été révoqué de ses fonctions de Directeur Général le 7 septembre 2004 et licencié le 20 septembre 2004 en raison de ses carences et de ses insuffisances dans la mise en oeuvre de ses attributions.

Invoquant un changement de contrôle majoritaire de la société Monsieur X... a saisi le conseil de prud'hommes de NANTES pour obtenir le versement de l'indemnité contractuelle prévue dans l'avenant du 31 mai 2000 et s'élevant à la somme de 782 599 euros.

Par jugement en date du 10 juillet 2006 le conseil de prud'hommes de NANTES a fait droit aux réclamations du salarié.

La société Armor a interjeté appel de ce jugement.

OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES :

La Société ARMOR conclut à l'infirmation de la décision déférée, au rejet des prétentions du salarié et sollicite une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une indemnité de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir :

- que la clause litigieuse dont se prévaut Monsieur X... doit être replacée dans son contexte.

- que le versement d'une indemnité contractuelle avait été prévu dans le cas d'un rapprochement avec un partenaire industriel qui aurait pu avoir des conséquences directes sur l'emploi du salarié et que l'opération patrimoniale de la famille B... ne constituait pas une telle opération stratégique.

- que les trois conditions prises pour la mise en oeuvre de la clause indemnitaire à savoir l'accompagnement d'un projet de rapprochement stratégique, le changement dans le contrôle majoritaire et la rupture du contrat liée à ce changement n'étaient pas remplies.

- que la procédure diligentée par Monsieur X... ainsi que la saisie-conservatoire qu'il a fait pratiquer sont abusives et lui ont causé un préjudice qui justifie l'octroi des dommages-intérêts qu'elle réclame.

Monsieur Jacques X... conclut à la confirmation du jugement dont il adopte pour l'essentiel les motifs et sollicite en outre une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi qu'une indemnité du même montant en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il soutient :

- qu'en juillet 2004 la société civile Liselotte est devenue actionnaire majoritaire de la société Armor et qu'il y a bien eu changement de contrôle de la société .

- que les conditions posées par l'avenant étaient remplies et que l'indemnité contractuelle lui est due.

- que les arguments avancés par la société ARMOR sont inopérants d'autant que les premières discussions à ce sujet remontent à septembre 1998, soit à une époque où le rapprochement avec la société Liselotte n'était pas encore envisagé et que la famille B... avait pris en réalité la décision de céder l'intégralité du Groupe à un seul actionnaire en juin 2004.

- que la cession des parts à une société civile n'était pas une opération purement patrimoniale mais avait pour but la vente de 100% du capital à un seul acquéreur, permettant en outre à Armor de ne plus avoir à consulter le Comité d'Entreprise.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la Cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience.

DISCUSSION :

Considérant qu'aux termes d'un avenant signé le 31 mai 2000 et reconduit en 2001 et 2003 lorsque Monsieur X... a été nommé Directeur Général Adjoint puis Directeur Général tout en conservant ses fonctions de Directeur Administratif et Financier salarié, il a été prévu que :

"Dans le cas où, au cours des trois années suivant la date du changement de contrôle de la société, votre contrat de travail serait résilié à l'initiative d'Armor pour quelque cause que ce soit à l'exception toutefois d'une faute grave ou d'une incapacité à exercer votre activité professionnelle constatée médicalement ou vous même seriez amené à refuser une modification substantielle de votre contrat de travail, vous bénéficierez, en plus de l'indemnité légale et conventionnelle de licenciement et des indemnités de congés payés et de préavis auxquelles vous pourriez prétendre, d'une indemnité complémentaire, compensatrice du préjudice moral et professionnel que vous subiriez de ce fait. Cette même indemnité vous serait également due dans l'hypothèse où dans les 9 mois suivant la date de changement de contrôle, vous seriez amené à quitter vos fonctions à votre initiative. Cette indemnité complémentaire sera égale à un montant global correspondant à 3 fois la plus forte rémunération de base brute versée au cours des 5 dernières années civiles précédant la rupture des relations contractuelles et à 3 fois la plus forte prime de fin d'année versée au cours des 5 dernières années civiles précédant la rupture des relations contractuelles.

Il va de soi que cette indemnité qui aurait principalement pour objet de réparer le préjudice moral et professionnel que vous subiriez dans de telles circonstances, vous sera versée à titre d'indemnité transactionnelle, vous-même renonçant irrévocablement à réclamer à la société tous autres avantages ou toutes autres indemnités se rapportant à la cessation de votre contrat de travail".

Considérant que Monsieur X... qui a été licencié le 20 septembre 2004 pour insuffisances personnelles revendique le bénéfice de cet avenant au motif qu'un changement de contrôle de la société est intervenu en juillet 2004 ;

Considérant qu'il est constant qu'au 1er juillet 2004 le capital de la société ARMOR était réparti ainsi :

- Groupe Antoine B... : 71,04 %

dont 45,86 % pour les époux B...

25,18 % pour leurs enfants.

- WIECES : 1,53 %

- Financière GAGATELLE : 25,12 %

- Autres tiers : 2,31 %

Qu'au 12 juillet 2004 cette répartition était la suivante :

- Groupe Antoine B... : 71,04 %

dont 1,37 % pour les époux B...

0 % pour leurs enfants

69,67 % pour la Société Civile LISELOTTE détenue à 82,3 % par les enfants B... et à 17,7 % par les époux B....

- WIECES : 1,53 %

- Financière BAGATELLE : 25,12 %

- Autres tiers : 2,31 %

Qu'autrement dit le contrôle de la société ARMOR a été modifié par l'effet de la donation partage des époux B... à chacun de leurs trois enfants puis par la constitution de la société civile Liselotte qui, par le biais d'apport en capital et d'acquisition directe de titres, est devenue l'actionnaire majoritaire de la société ARMOR ;

Considérant que si "la famille" B... a conservé effectivement le contrôle de la société il n'en demeure pas moins qu'au sein de la "famille" et par l'effet de la constitution de la société civile Liselotte, ce contrat majoritaire a été modifié ce qui était susceptible d'avoir des conséquences indéniables pour l'avenir sur les choix stratégiques de la société ;

Qu'il est donc établi qu'un changement de contrôle majoritaire a été opéré ce qui est d'ailleurs confirmé par la consultation du comité d'entreprise à laquelle la société ARMOR a procédé ;

Considérant d'autre part que l'avenant a été proposé par Monsieur X... dans un courrier soulignant que la société ARMOR, comme beaucoup d'entreprises industrielles de son secteur, pouvait être amenée à étudier diverses stratégies pouvant avoir pour conséquence un changement de contrôle majoritaire, que, dans ce cadre, il était de l'intérêt d'Armor que Monsieur X... puisse accompagner les éventuels projets de rapprochement avec la plus grande efficacité et objectivité possible et que ses appréciations et décisions ne soient pas dictées par des considérations d'ordre personnel et que la société était parfaitement consciente du risque encouru par le salarié en raison d'un changement de contrôle majoritaire ;

Considérant que ce préambule ne constitue qu'une explication de nature à justifier la mise en oeuvre de la clause (rédigée entre guillemets et seule insérée dans le contrat de travail), est libellé dans les termes très larges et très généraux, ne fait aucune distinction quant aux modalités d'un éventuel changement de contrôle majoritaire et notamment ne se réfère nullement à une prise de contrôle par une société concurrente ou exerçant dans la même branche d'activité ;

Considérant en outre qu'il convient d'observer que rien n'empêchait la société ARMOR d'assortir l'application de la clause des conditions dont elle se prévaut actuellement d'autant que celle-ci a donné lieu à l'évidence à des discussions et à une analyse approfondies puisque sa rédaction a débuté dès le début de l'année 1999 (cf les projets raturés et complétés produits aux débats) et que la société a pris soin d'envisager tous les cas de rupture (licenciement pour quelque cause que ce soit sauf faute grave ou inaptitude physique, refus d'une modification du contrat ou démission) et d'apporter toutes les précisions voulues quant au montant de l'indemnité (mode de calcul, base de calcul, indemnité s'ajoutant aux indemnités légales et conventionnelles de rupture mais ne pouvant se cumuler avec des dommages-intérêts ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'à partir du moment où un changement de contrôle majoritaire est intervenu en juillet 2004, où Monsieur X... a été licencié quelques mois plus tard pour un motif personnel ne relevant ni de la faute grave ni de l'inaptitude physique et où aucune autre condition n'était prévue dans l'avenant pour permettre à l'intéressé de bénéficier de l'indemnité contractuelle complémentaire, c'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à la demande de Monsieur X..., qui du fait même des termes dudit avenant ne pouvait contester le bien fondé de son licenciement, sauf à renoncer au bénéfice de l'indemnité, ce qui rend totalement inopérant l'argument selon lequel cette clause n'était applicable que si la rupture des relations contractuelles n'intervenait qu'en raison du changement de contrôle ;

Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé, le montant de l'indemnité calculé par Monsieur X... n'étant pas contesté en tant que tel ;

Considérant en revanche que ce dernier ne rapporte pas la preuve d'un préjudice particulier de nature à justifier l'octroi des dommages intérêts qu'il sollicite;

Que l'équité commande de lui allouer une indemnité supplémentaire de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Que la société ARMOR qui succombe ne peut utilement prétendre à des dommages-intérêts pour procédure abusive et supportera ses propres frais irrépétibles et les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Y additant,

Condamne la société ARMOR à verser à Monsieur X... la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0178
Numéro d'arrêt : 501
Date de la décision : 13/09/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Nantes, 10 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-09-13;501 ?
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