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10/09/2007 | FRANCE | N°

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0003, 10 septembre 2007,


Sixième Chambre

ARRÊT No

R. G : 06 / 05493

Mme Jeannine X... épouse AA...

C /

M. Christian Y...

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Bernard CALLÉ, Président,
Monsieur Philippe SEGARD, Conseiller,
Madame Elisabeth MAUSSION, Conseiller,

GREFFIER :

Jacqueline ROUAULT, lors des débats, et Claudine A..., lors du pronon

cé,

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 12 Juin 2007
devant Madame Elisabeth MAUSSION, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition de...

Sixième Chambre

ARRÊT No

R. G : 06 / 05493

Mme Jeannine X... épouse AA...

C /

M. Christian Y...

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2007

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Bernard CALLÉ, Président,
Monsieur Philippe SEGARD, Conseiller,
Madame Elisabeth MAUSSION, Conseiller,

GREFFIER :

Jacqueline ROUAULT, lors des débats, et Claudine A..., lors du prononcé,

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 12 Juin 2007
devant Madame Elisabeth MAUSSION, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Bernard CALLÉ, Président, à l'audience publique du 10 Septembre 2007, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

Madame Jeannine X... épouse AA...
née le 03 Juin 1932 à PARIS 14 (75014)
La Brochardine
22550 MATIGNON

représentée par la SCP GAUTIER-LHERMITTE, avoués
assistée de Me DUCROZ B..., avocat

INTIMÉ :

Monsieur Christian Y...
né le 14 Novembre 1941 à VIENNE (38200)
...
49000 ANGERS

représenté par la SCP BAZILLE J. J. et GENICON S., avoués
assisté de Me Philippe C..., avocat

Monsieur Christian Y... et Madame Jeanine X... se sont mariés le 20 décembre 1986 à Neuilly sur Marne, sous le régime de la séparation de biens.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Autorisée par ordonnance de non conciliation en date du 02 décembre 2004, Madame X... a, le 04 avril 2005, fait assigner son mari en divorce sur le fondement des dispositions de l'article 242 du Code Civil.

Par jugement en date du 06 juillet 2006, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Dinan a, entre autres dispositions :

-Prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari,

-Désigné Maître D... ainsi que le Président de la Chambre des Notaires des Côtes d'Armor, ou son représentant, pour procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial,

-Débouté Madame X... du surplus de ses demandes,

-Dit que chacune des parties prendra en charge la moitié des dépens.

***

Madame X... a interjeté appel de cette décision.

POSITION DES PARTIES

Madame X..., par conclusions en date du 09 mai 2007, demande à la Cour :

-De réformer partiellement la décision déférée,

-De prononcer le divorce aux torts exclusifs de Monsieur Y...,

-De commettre la SCP LE VOYER-VILLIN à Dinan pour procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial,

-De condamner Monsieur Y... à lui verser une somme de 100 000 euros à titre de prestation compensatoire,

Subsidiairement,

-De lui allouer une rente viagère de 500 euros par mois,

-De condamner Monsieur Y... à lui payer 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts tant sur le fondement des dispositions de l'article 266 que subsidiairement sur celles de l'article 1382 du Code Civil,

-De dire que la donation indirecte contenue dans l'acte d'acquisition de l'immeuble de la Brochardine à Matignon (22), en date du 24 décembre 1999 sera révoquée par effet du prononcé du divorce aux torts exclusifs de Monsieur Y...,

-De dire qu'en conséquence l'immeuble lui sera attribué en pleine propriété, sans soulte,

A titre infiniment subsidiaire,

-De fixer un droit d'usufruit à son profit sur l'immeuble en cause,

-De condamner Monsieur Y... à lui payer 2 000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-De le condamner aux entiers dépens d'instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Y..., par conclusions en date du 15 mai 2007, demande à la Cour :

-De lui décerner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur la demande en divorce engagée par son épouse,

Subsidiairement,

-De dire n'y avoir lieu à réformation partielle de la décision déférée,

-De dire Madame X... autant irrecevable que mal fondée en sa demande de prestation compensatoire,

Subsidiairement,

-De lui décerner acte de ce qu'il ne serait pas opposé en application de l'article 274-2o du Code Civil à la fixation d'un droit viager d'usage et d'habitation sur la part indivise qu'il détient sur l'immeuble situé...,

En tout état de cause,

-De débouter Madame X... de ses plus amples demandes, notamment de dommages et intérêts,

-De la dire autant irrecevable que mal fondée en sa demande de révocation de prétendue donation indirecte inexistante,

-De débouter Madame X... de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-De la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE PRONONCE DU DIVORCE

Madame X... reproche à son mari d'entretenir une relation adultère.

A l'appui de sa demande elle produit :
* un e-mail émanant de son mari dans lequel ce dernier, interrogeant un site spécialisé en matière de divorce, expose sa liaison,
* le rapport d'un détective privé ayant constaté que Monsieur Y... sortait d'un hôtel à 9 heures le matin en compagnie d'une dame E...,
* un relevé bancaire du compte de Monsieur Y... au débit duquel figure un virement " E...,
* une lettre d'un syndicat sportif, datée du 30 septembre 2003, établissant l'inscription, par Monsieur Y..., de Madame E... aux visites organisées dans le cadre du colloque sportif.

Monsieur Y... qui conteste cette relation adultère, s'en rapporte toutefois à justice sur le prononcé du divorce.

Les quatre éléments produits par Madame X... à l'appui de sa demande corroborent l'existence d'une relation injurieuse de Monsieur Y... avec Madame E....

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs du mari.

SUR LES CONSÉQUENCES DU DIVORCE

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a désigné Maître D... et Monsieur le président de la Chambre des Notaires des Côtes d'Armor pour procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial, précision étant apportée qu'il convient de désigner la SCP LE VOYER-VILLIN aux lieu et place de Maître LE VOYER..

Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes des dispositions de l'article 266 du Code Civil, quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci peut être condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral que la dissolution fait subir à son conjoint.

En l'espèce, le préjudice de Madame X... résulte de la solitude morale dans laquelle elle va désormais se retrouver, alors qu'âgée de 75 ans, elle pouvait espérer être soutenue par son mari durant sa vieillesse.

Sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code Civil, elle ne rapporte pas la preuve de ce que la liaison de son mari, au demeurant connue d'elle seule, lui aurait occasionné un préjudice durant le mariage.

Il convient en conséquence, sur le fondement de l'article 266 du Code Civil, de condamner Monsieur Y... à lui payer 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de révocation de la donation indirecte consentie par Madame X... à Monsieur Y...

Les époux se sont mariés sous le régime de la séparation de biens.

Par acte du 24 décembre 1999, ils ont procédé à l'acquisition indivise de l'immeuble sis à la Brochardine, commune de Matignon, pour un prix de 950 000 francs (144 826,57 euros) et ce à hauteur de 2 / 3 au profit de l'épouse et de 1 / 3 au profit du mari.

Madame X... soutient qu'elle a payé la totalité du prix d'acquisition de cet immeuble et que par voie de conséquence l'attribution pour un tiers indivis de la valeur de cette propriété à l'époux s'analyse en une donation indirecte révocable du fait du prononcé du divorce pour faute à l'encontre de son conjoint.

Aux termes des dispositions de l'article 265 du Code Civil issu de la loi du 26 mai 2004, le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme.

Toutefois, la donation indirecte dont se prévaut Madame X... ayant été consentie avant le 1er janvier 2005, reste révocable, faute de dispositions expresse de la loi, et ce dans la mesure où elle était révocable au moment où elle a été consentie en application des dispositions de l'article 267 ancien du Code Civil.

Il résulte de la comptabilité des notaires ayant établi l'acte d'acquisition de l'immeuble de Matignon que ce dernier a été payé au moyen d'un chèque de 95 000 francs ainsi que d'un virement de 855 000 francs provenant, en ce qui concerne ce dernier, de l'étude des notaires ayant procédé à la vente de l'immeuble appartenant en propre à Madame X..., situé à Neuilly sur Marne.

En ce qui concerne le chèque de 95 000 francs versé à titre d'acompte, il résulte des documents bancaires produits aux débats par Madame X... que ce chèque a été tiré le 08 novembre 1999 sur un compte ouvert au nom de Monsieur et Madame Y... mais, ce compte a été recrédité le 01 décembre 1999 au moyen d'un chèque de 90 000 francs émanant d'un compte ouvert au nom de Madame et Monsieur Y....

Ce virement a été réalisé postérieurement à la réception par Madame X... du solde du prix de vente de son immeuble de Neuilly sur Marne, soit la somme de 346 200 francs portée au crédit de ce même compte le 26 novembre 1999, ce qui tend à confirmer les affirmations de Madame X... selon lesquelles Monsieur Y... a uniquement fait l'avance d'une somme de 95 000 francs dans l'attente du versement du prix de vente de son immeuble de Neuilly sur Marne, vente s'étant réalisée le 25 novembre 1999.

En tout état de cause, Monsieur Y... ne s'explique pas sur le versement de 90 000 francs fait en sa faveur le 01 décembre 1999.

Il ne justifie pas davantage de l'utilisation de fonds propres, alors que les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens, pour l'acquisition de sa part indivise dans l'immeuble de Matignon, part indivise qui en tout état de cause, compte tenu du prix d'achat de l'immeuble (950 000 francs) s'élevait à 316 666 francs.

Monsieur Y... ne saurait pas davantage venir prétendre qu'il avait financé des travaux sur l'immeuble de Neuilly sur Marne et que par voie de conséquence, Madame X... ne saurait rapporter la preuve de son intention libérale en ayant financé l'acquisition de l'immeuble de Matignon, ce financement n'étant que la contre-partie des travaux effectués par lui sur l'immeuble appartenant en propre à son épouse.

Si Monsieur Y... produit des factures de travaux réalisés sur l'immeuble de Neuilly sur Marne, force est de constater que ces factures sont établies au nom des deux époux et qu'il ne justifie pas avoir, au moyen de ses deniers propres, réglé le montant de ces travaux.

En tout état de cause, la participation de Monsieur Y... aux travaux réalisés sur l'immeuble de Neuilly sur Marne n'est que la contre partie de son occupation gratuite, avec ses enfants nés d'une précédente union, du domicile personnel de Madame X... et ne saurait excéder son obligation aux charges du ménage.

Il convient en conséquence, Monsieur Y... ne rapportant pas la preuve de ce que son activité au sein du foyer excédait sa simple contribution aux charges du mariage, de constater que Madame X... en lui faisant don de ses deniers pour acquérir le tiers de l'immeuble indivis a manifesté ainsi une intention libérale et que par voie de conséquence l'apport par Madame X... des fonds ayant servi à l'acquisition de l'immeuble en cause constitue une donation indirecte révocable dans la mesure où le divorce est prononcé aux torts exclusifs du mari.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur la demande de prestation compensatoire

Il résulte des articles 270 et suivants du Code Civil que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

En l'espèce le mariage a duré 20 ans et la vie commune 18 ans.

La situation respective des époux est la suivante :

Le mari

Monsieur Y... est âgé de 66 ans, il est retraité.

Il a déclaré en 2005 un revenu imposable de 38 585 euros, soit un revenu mensuel moyen de 3 215,42 euros.

Il a une charge de loyer de 454,83 euros par mois (logement et garage).

Il rembourse mensuellement 1 635 euros de crédits à la consommation.

Il a une charge mensuelle d'impôt de 136,67 euros, outre les charges d'entretien courant dans le détail desquelles il n'y a pas lieu d'entrer.

La femme

Madame X... est âgée de 75 ans. Elle est atteinte d'une maladie invalidante.
Elle perçoit une retraite de 1027,33 euros par mois.

Elle a une charge d'impôts de 84,83 euros par mois et des frais d'aide ménagère de 203,40 euros.

Elle occupe l'immeuble indivis, lequel du fait de la révocation de la donation indirecte consentie à son époux devient un propre.

Cet immeuble est évalué à 213 000 euros (valeur mai 2004).

Au vu de ce qui précède, la disparité existant entre les revenus respectifs des époux, se trouve compensée par l'existence d'un patrimoine propre à Madame X..., Monsieur Y... ne possédant, en dehors de sa retraite, aucun bien.

Madame X... sera en conséquence déboutée de sa demande de prestation compensatoire et le jugement confirmé de ce chef, avec substitution de motifs, le seul fait que la disparité entre les époux existait avant le mariage étant insuffisant pour priver l'épouse d'un droit à prestation compensatoire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le divorce étant prononcé aux torts exclusifs de Monsieur Y... ce dernier supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, sans qu'il apparaisse opportun de faire droit à la demande au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile présentée par Madame X....

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après rapport à l'audience,

-Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 06 juillet 2006 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Dinan, sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts, la révocation de la donation déguisée et les dépens,

Statuant à nouveau,

-Condamne Monsieur Y... à payer à Madame X... la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 266 du Code Civil,

Dit que la donation indirecte contenue dans l'acte d'acquisition de l'immeuble de la Brochardine à Matignon (22), en date du 24 décembre 1999, sera révoquée par l'effet du prononcé du divorce aux torts exclusifs de Monsieur Y...,

Dit en conséquence que l'immeuble sera attribué en pleine propriété à Madame X...,

Y ajoutant,

-Désigne la SCP-LE VOYER-VILLIN aux lieu et place de Maître LE VOYER, pour procéder avec Monsieur le Président de la Chambre des Notaires des Côtes d'Armor, ou son délégataire, aux opérations de liquidation partage du régime matrimonial des époux,

-Renvoie les parties devant les notaires chargés de la liquidation du régime matrimonial aux fins d'établissement de l'état liquidatif selon les principes ci-dessus dégagés,

-Déboute Madame X... de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

-Condamne Monsieur Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le greffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0003
Numéro d'arrêt :
Date de la décision : 10/09/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Dinan, 06 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-09-10; ?
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