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26/06/2007 | FRANCE | N°277

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0007, 26 juin 2007, 277


FAITS ET PROCÉDURE

En vertu d'un acte de donation-partage du 24 juin 1987 Madame Marie X... épouse Y... est propriétaire d'une maison d'habitation située au bourg de Lanfains, lieu-dit "Au Pas", cadastrée section B nº 1128.

Monsieur Eric Z... est propriétaire du fonds contigu cadastré section B nº 532 et 1127.

Les parties ont un auteur commun et leurs propriétés proviennent d'un fonds unique qui a été divisé en 1966.

Exposant qu'à la suite de la division du fonds d'origine sa propriété se trouve enclavée, par acte du 22 octobre 2003 Madame X... sai

sit le Tribunal aux fins de voir dire et juger qu'elle devait bénéficier d'une servitude ...

FAITS ET PROCÉDURE

En vertu d'un acte de donation-partage du 24 juin 1987 Madame Marie X... épouse Y... est propriétaire d'une maison d'habitation située au bourg de Lanfains, lieu-dit "Au Pas", cadastrée section B nº 1128.

Monsieur Eric Z... est propriétaire du fonds contigu cadastré section B nº 532 et 1127.

Les parties ont un auteur commun et leurs propriétés proviennent d'un fonds unique qui a été divisé en 1966.

Exposant qu'à la suite de la division du fonds d'origine sa propriété se trouve enclavée, par acte du 22 octobre 2003 Madame X... saisit le Tribunal aux fins de voir dire et juger qu'elle devait bénéficier d'une servitude de passage sur le fonds de Monsieur Z....

Par ordonnance du 14 décembre 2004 le juge de la mise en état fit interdiction à Monsieur Z... de procéder à tous travaux de construction sur l'assiette du passage litigieux, sous astreinte de 1000 € par jour de retard.

Par jugement du 13 septembre 2005 le Tribunal de grande instance de Saint Brieuc :

condamna, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification du jugement Monsieur Z... à aménager les lieux de telle façon que Madame X... puisse aisément contourner la longère de Monsieur Z... pour accéder à son jardin,

condamna Monsieur Z... à paye. à Madame LE.NOUVEL une somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts,

condamna Monsieur Z... aux dépens et au paiement d'une somme de 1000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur Z... forma appel de ce jugement.

POSITION DES PARTIES

* MONSIEUR Z...

Dans ses dernières conclusions en date du 20 décembre 2006 Monsieur Z... demande à la Cour:

de réformer le jugement et débouter Madame X... de toutes ses demandes,

de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 4000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* MADAME X...

Dans ses dernières écritures en date du 26 février 2007 Madame X... demande à la Cour:

de confirmer le jugement sauf à porter à la somme de 9500 € le montant des dommages et intérêts,

de désigner un expert afin de déterminer les travaux nécessaires à la remise en état de l'assiette du passage dans ses conditions antérieures, en permettant de contourner les façades de la longère située sur la parcelle 1127 et d'accéder au jardin selon une pente existant antérieurement aux travaux,

de condamner Monsieur Z... aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le procès-verbal d'huissier, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5000 € en application de l'article 700) du nouveau code de -procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* SUR L'ÉTAT D'ENCLAVE

Aux termes de l'article 682 du code civil le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, est fondé à réclamer sur les fonds voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds.

Dans le cas présent les propriétés des parties, précédemment cadastrées B nº 533 et 1114, et actuellement 1127 et 1128, appartenaient aux époux A....

Le 22 juin 1966 les époux A... procédèrent à la division de leur fonds et vendirent aux auteurs de Madame X... la parcelle nouvellement cadastrée B 1128 pour 9 a 70 ca. Le 29 décembre 2000 ils cédèrent le surplus de leur propriété à Madame LE HIR, auteur de Monsieur Z....

Du fait de ce démembrement la parcelle 1128 a perdu tout accès direct à la voie publique. Les actes emportant division du fonds d'origine n'ont prévu aucune servitude conventionnelle de passage et les procès-verbaux d'huissier et photographies produites aux débats ne permettent pas de conclure à l'existence d'une servitude par destination du père de famille, faute de démontrer l'existence d'aménagements apparents et permanents révélant la volonté du vendeur d'assujettir un fonds à l'autre.

Par ailleurs les pièces produites aux débats sont insuffisantes à établir que le fonds de Madame X... serait desservi par un chemin d'exploitation.

En revanche il résulte de ces mêmes documents que le fonds de Madame X... est composé d'une longère, d'une petite cour à l'Est et d'un jardin à l'Ouest. Ce jardin ne dispose d'aucune façade sur la voie publique et il n'est pas accessible à partir de la maison. En effet la façade Est de la longère est adossée contre un talus et ne dispose d'aucune ouverture.

Il est ainsi établi que Madame X... ne dispose pas, du fait de la division du fonds intervenue en 1966, d'un accès suffisant à son jardin, à partir de la voie publique, pour en assurer une pleine desserte conforme à sa destination et que celui-ci se trouve donc enclavé.

X SUR L'ASSIETTE DE LA SERVITUDE DE PASSAGE

Aux termes de l'article 685 du code civil l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage.

L'article 684 du code civil: si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange ou de tout autre contrat, la passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes. Toutefois, dans le cas oÿ un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable.

L

Les nombreuses attestations produites aux débats, rédigées par les habitants du village, exposent que Madame X... et ses auteurs ont toujours, depuis l'année 1966, utilisé le passage entre l'angle de la maison et la grange des époux A... pour accéder à leur jardin.

Le passage devant, conformément à l'article 684 du code civil être pris sur les fonds qui ont fait l'objet de la division et Madame X... justifiant avoir prescrit par un usage plus que trentenaire l'assiette du passage qu'elle revendique, elle est bien fondée à voir constater qu'elle bénéficie d'un droit de passage le long des façades de l'immeuble implanté sur la parcelle Nº 1127 appartenant à Monsieur Z....

La décision du premier juge ayant, dans ses motifs non repris dans le dispositif, reconnu l'état d'enclave du fonds de Madame X... et l'acquisition par prescription trentenaire de l'assiette de la servitude de passage sur un tracé contournant la longère de Monsieur Z..., le jugement sera complété en ce sens.

* SUR LA DEMANDE DE REMISE EN ÉTAT DES LIEUX

Aux termes de l'article 701 du code civil le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. Cependant si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, ou si elle l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l'autre fonds un endroit aussi commode pour l'exercice de ses droits, et celui-ci ne pourrait pas le refuser.

En l'espèce il résulte des différentes pièces produites aux débats que Monsieur Z... a procédé à d'importants travaux d'excavation à l'arrière de sa maison et que, de ce fait, le passage utilisé depuis toujours par Madame X... n'est plus praticable.

Le procès-verbal de constat dressé le 22 juillet 2003 par Maître SIMON, huissier de justice, précise : "'L'arrière de la parcelle 1128 est inaccessible puisque l'on se trouve face à une paroi en surplomb de la parcelle 1128 d'une hauteur de 4 à 5 mètres".

Madame X... verse aux débats une photographie représentant une passerelle que Monsieur Z... a mis en place au-dessus de l'excavation qu'il a creusée pour se conformer à la décision du premier juge. Cette étroite rampe, de construction artisanale, dépourvue de garde-fou, en équilibre sur des parpaings superposés, ne répond manifestement pas au minimum requis en

matière de sécurité. Elle ne constitue nullement un endroit aussi commode pour l'exercice du droit de passage que celui dont bénéficiait Madame X... auparavant.

Il s'avère donc opportun de désigner, aux frais avancés par Monsieur Z..., un expert à l'effet de déterminer, au regard de la configuration des lieux, quelle pourrait être la nouvelle assiette de la servitude de passage permettant à Madame X... d'accéder à son jardin en toute sécurité et dans des conditions de commodité identiques à celles dont elle bénéficiait avant les travaux.

X SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Il sera sursis à statuer sur cette demande jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

* SUR LES DÉPENS

Les dépens et les demandes formées en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile seront réservés jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme et complète le jugement en date du 13 septembre 2005 rendu par le Tribunal de grande instance de Saint Brieuc en ce qu'il a :

constaté l'état d'enclave du fonds cadastré section B nº 1128 appartenant à Madame Marie X... épouse Y...,

constaté que Madame X... justifiait avoir acquis par l'effet de la prescription trentenaire un droit de passage le long de la façade du bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section B nº 1127 appartenant à Monsieur Z....

Avant dire droit sur les autres demandes, ordonne une expertise. Désigne pour y procéder :

Monsieur Maurice C... D... Hoche

... 22000 Saint Brieuc v 0296941578

avec mission :

de voir et visiter les lieux,

de déterminer, compte tenu de l'état actuel des lieux, une assiette pour la servitude de passage dont bénéficie Madame X... sur le fonds de Monsieur Z... aussi commode que celle dont elle bénéficiait auparavant et qui consistait à contourner la longére édifiée sur la parcelle B nº 1127, et ce, pour accéder à son jardin situé à l'Ouest de sa maison d'habitation,

de décrire et chiffrer les travaux à entreprendre pour l'aménagement de cette servitude, en se faisant assister si nécessaire par tout sapiteur de son choix,

dans l'hypothèse où les travaux entrepris par Monsieur Z... ne permettraient pas de fixer une assiette du droit de passage aussi commode que celle dont elle bénéficiait auparavant, de décrire et chiffrer les travaux à entreprendre pour remettre les lieux en leur état antérieur,

de dresser un plan sur lequel figurera l'assiette de cette servitude,

de déposer un pré-rapport et le soumettre aux parties,

de répondre à tous dires des parties, dans les limites de sa mission.

Dit que l'expert accomplira sa mission en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées et la conduira conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du nouveau code de procédure civile.

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe de la Cour d'appel, lère chambre A, dans le délai de cinq mois à compter du jour de la consignation.

Dit qu'une provision de 1500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert devra être consignée au greffe de la Cour d'appel dans le délai d'un mois à compter de ce jour par Monsieur Z....

Dit que, par les soins du greffe, avis de la consignation sera donné à l'expert.

Dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, la désignation de l'expert sera caduque.

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance.

Désigné Madame MALLET, conseiller, pour assurer le suivi des opérations d'expertise et, en cas d'empêchement, tout autre magistrat de la le`, chambre A de la Cour d'appel de Rennes.

Dit qu'il appartiendra à l'expert de solliciter les prorogations et les compléments de provision utiles à la bonne exécution de sa mission.

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du 19 décembre 2007 par application de l'article 153 du nouveau code de procédure civile.

Sursoit à statuer sur la demande de dommages et intérêts.

Réserve les dépens et les demandes formées en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0007
Numéro d'arrêt : 277
Date de la décision : 26/06/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, 13 septembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-06-26;277 ?
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