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26/06/2007 | FRANCE | N°276

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0007, 26 juin 2007, 276


FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte en date du 30 octobre 2001 au rapport de Maître X..., notaire à Scaer, Monsieur Bruno Y... a acquis une ancienne chaumière située commune de Nevez, lieu-dit " Port Manec'h", 12 place de Benaven, cadastrée section AD nº 167 pour 85 ca.

Aux termes d'une donation-partage du 31 mars 1999 Madame Magali Z... est propriétaire du fonds contigu cadastré section AD nº 168 et 233 d'une superficie de 411 m2.

Estimant qu'il bénéficiait d'un droit d'usage sur la cour cadastrée section AD nº 168, par acte du 2 septembre 2002 Monsieur Y... sai

sit le Tribunal aux fins qu'il fasse interdiction à Madame Z... d'user à titre ...

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte en date du 30 octobre 2001 au rapport de Maître X..., notaire à Scaer, Monsieur Bruno Y... a acquis une ancienne chaumière située commune de Nevez, lieu-dit " Port Manec'h", 12 place de Benaven, cadastrée section AD nº 167 pour 85 ca.

Aux termes d'une donation-partage du 31 mars 1999 Madame Magali Z... est propriétaire du fonds contigu cadastré section AD nº 168 et 233 d'une superficie de 411 m2.

Estimant qu'il bénéficiait d'un droit d'usage sur la cour cadastrée section AD nº 168, par acte du 2 septembre 2002 Monsieur Y... saisit le Tribunal aux fins qu'il fasse interdiction à Madame Z... d'user à titre exclusif de cette cour et la condamne à remettre les lieux en leur état antérieur.

Par jugement en date du 9 mars 2004 le Tribunal de grande instance de Quimper, avant dire droit, ordonna une expertise confiée à Monsieur DE A....

Après dépôt du rapport d'expertise, par jugement du 13 décembre 2005, le Tribunal de grande instance de Quimper:

dit que la cour située au Sud de la parcelle nº 168, Place de Benaven, lieu-dit "Port Manec'h", commune de Nevez, est indivise et commune aux propriétés de Monsieur Y... et de Madame Z...,

condamna Madame Z... :

à faire procéder à la destruction du mur de clôture construit à la limite de la parcelle 168 et à l'enlèvement des jardinières,

à faire remettre en état le puisard existant ou, à défaut, à en faire creuser un à l'intérieur de la cour,

à mettre en place au pied du mur de façade de Monsieur Y..., un drain dans un lit de gravier de granulométrie 5-15, ce drain trouvant son exutoire dans le puisard Sud-Ouest qui aura préalablement été réaménagé ou aménagé,

le tout dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard pendant trois mois, après quoi il sera à nouveau fait droit,

débouta Monsieur Y... de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité de propriétaire d'une bande de terre d'un mètre de large devant son habitation,

condamna Madame Z... à payer à Monsieur Y... la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts,

condamna Madame Z... aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise, et au paiement d'une somme de 1500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Madame Z... forma appel de ce jugement.

POSITION DES PARTIES

* MADAME Z...

Dans ses dernières conclusions en date du 20 mars 2007 Madame Z... demande à la Cour:

de réformer le jugement et débouter Monsieur Y... de toutes ses demandes,

de le condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

* MONSIEUR Y...

Dans ses dernières écritures en date du 19 avril 2007 Monsieur Y... demande à la Cour:

de débouter Madame DROUGLA.ZET de son appel et confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celles l'ayant débouté de sa demande relative à une bande de terre et limité à 3000 € le montant de dommages et intérêts,

de le recevoir en son appel incident et dire et juger que Monsieur Y... est propriétaire, par voie de prescription acquisitive, d'une bande de terrain d'un mètre de large tout au long de la façade Ouest de sa maison et jusqu'au droit de la propriété de Madame Z...,

de condamner Madame Z... à lui payer une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que son comportement abusif a généré,

de condamner Madame Z... aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 6000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

à titre subsidiaire, de dire que la propriété de Monsieur Y... bénéficie d'un droit d'usage sur la cour litigieuse.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* SUR LA PROPRIÉTÉ DE LA COUR

La preuve parfaite du droit de propriété étant impossible, il appartient au juge de rechercher quelles sont les présomptions les meilleures et les plus caractérisées en tenant compte des titres, de la possession et des indices.

- les titres

Dans le cas présent le titre de Madame Z..., soit l'acte de donation-partage du 31 mars 1999, lui attribue la propriété de la parcelle cadastrée AD nº 168 en se référant aux données cadastrales.

Son père avait acquis cette propriété suivant acte en date du 16 novembre 1920 au rapport de Maître B..., notaire à Pont-Aven. Ce bien était ainsi décrit à l'acte :

un bâtiment construit en pierre et couvert en chaume. Il possède son pignon levant privatif, son pignon couchant mitoyen, ouvre au midi sur cour et figure à la matrice cadastrale de la commune de Nevez sous le n º424 de la section D, pour une contenance de 62 ca,

droit à la cour au midi du bâtiment.

Le titre de Monsieur Y... lui attribue la parcelle cadastrée AD nº 167, sans référence aucune à la parcelle AD nº 168.

Monsieur Y... a acquis sa chaumière de Madame C... le 30 octobre 2001. Madame C... avait elle-même acquis ce bien des époux D... suivant acte en date du 14 août 1959 au rapport de Maître E.... Cet acte désigne ainsi qu'il suit le bien vendu :

une maison construite en pierres et couverte en chaume, élevée sur terre plein. Cette maison donne :

du Nord sur propriété Z... du Midi, sur chemin,

du levant, sur propriété Moisan et chemin,

du couchant sur propriété Z... et cour indivise.

Ainsi si le titre de Madame Z... lui attribue la propriété de l'actuelle parcelle nº 168, il ressort du titre de ses auteurs que ces derniers ne disposaient pas de la propriété exclusive de la cour litigieuse mais de simples droits sur celle-ci.

Si le titre de Monsieur Y... ne lui attribue aucun droit de quelque nature que ce soit sur la cour, celui de ses auteurs précise que la cour litigieuse est indivise.

- la possession

Monsieur Y... verse aux débats de très nombreuses attestations aux termes desquelles les témoins, habitants de longue date de la commune de Nevez, certifient que depuis l'année 1959 l'entrée principale de la maison de la famille C..., auteur de Monsieur Y..., donnait sur la cour située à l'Ouest de son habitation, que les consorts C... occupaient régulièrement cette cour, y installaient leur salon de jardin par beau temps, l'entretenaient et y avaient effectué de nombreuses plantations.

- les indices

Les photographies et plan de rénovation produits aux débats ainsi que les constatations de l'expert judiciaire permettent de constater que la chaumière de Monsieur Y..., dont la construction peut être fixée au début du XIXº siècle, a toujours eu deux portes d'entrée et plusieurs ouvertures donnant sur la cour litigieuse. Une photographie très ancienne montre que cette habitation était entourée de plante-bandes de fleurs sur sa façade Ouest.

Les attestations de Mesdames Marcelle et Monique Z... indiquant que la chaumière des époux C... ne disposait d'aucune ouverture sur la cour sont contredites par les photographies produites aux débats. Si Madame Marcelle Z... précise que ses beaux-parents utilisaient ladite cour de manière privative, elle ne fournit aucun élément caractérisant un usage purement privatif.- le cadastre

L'ancien cadastre n'attribuait pas de numéro à la parcelle litigieuse. La configuration des lieux et l'absence de numérotation font présumer qu'il s'agissait alors d'une issue de village, présomption confortée par une ancienne photographie faisant clairement apparaître que l'actuelle cour ne constituait que le prolongement d'un chemin d'accès aux maisons du village.

Si le nouveau cadastre rattache la cour à la parcelle nº 168, aucun acte emportant transfert de propriété ne vient justifier un tel rattachement.

Il résulte des éléments ainsi recueillis que le titre des auteurs de Madame Z... ne leur attribuait pas la propriété de la cour litigieuse mais de simples droits sur celle-ci, que cette cour, qui constituait dans les temps anciens une issue de village, était commune et appartenait indivisément aux propriétaires riverains, ce que vient confirmer tant l'ancien cadastre et les photographies que les mentions portées au titre des auteurs de Monsieur Y.... Enfin ce dernier apporte suffisamment la preuve d'actes de possession trentenaire du fait de ses auteurs.

Dès lors la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a estimé que la cour litigieuse était commune et indivise aux propriétés HILAIRE et Z....

* SUR LES TRAVAUX

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que Madame Z... a procédé, sans l'accord de Monsieur Y..., à la pose de jardinières devant les portes de la maison de son voisin et à des travaux à la fois de clôture et de surélévation de la cour favorisant une circulation de l'eau de surface vers la façade de la maison HILAIRE, qu'il en résulte un phénomène d'humidité et de remontées capillaires par les sols et les murs.

C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné Madame Z... à supprimer les jardinières et la clôture mise en place et à faire exécuter les travaux préconisés par l'expert dans un délai de trois mois sous astreinte de 100 € par jour de retard.

Ce délai de trois mois courra à compter de la signification du présent arrêt.

* SUR LA PROPRIÉTÉ DES PLATES-BANDES

Aux termes de l'article 2229 du code civil pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque.

Dès lors qu'un indivisaire détient des droits de propriété sur la chose indivise, il ne peut prescrire que s'il établit avoir accompli des actes de possession incompatibles avec la simple qualité de copropriétaire et qui démontrent son intention manifeste de se comporter en seul et unique propriétaire.

Dans le cas présent Monsieur Y... demande à se voir déclarer propriétaire d'une bande d'environ un mètre de large cernant sa maison en soutenant qu'il a acquis ce bien par prescription.

Si les photographies et attestations produites aux débats apportent la preuve que depuis plus de trente ans les propriétaires de la parcelle cadastrée section AD nº 167 ont effectué des plantations au pied de la façade Ouest de leur maison, et donc sur l'emprise de la cour indivise, un tel comportement n'est nullement incompatible avec la qualité de simple copropriétaire et ne peut, à lui seul, démontrer une intention de se comporter en propriétaire exclusif de cette bande de terre.

En conséquence la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a débouté Monsieur Y... de sa demande.

* SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Il est acquis aux débats et non contesté que Madame Z..., sans l'accord de son voisin, procéda à des travaux d'aménagement de la cour indivise préjudiciables au fonds HILAIRE mais également arracha les plantations de ce dernier et obstrua les portes de sa maison à l'aide de jardinières.

En revanche la preuve que le droit d'interjeter appel de Madame Z... ait dégénéré en abus n'étant pas rapportée, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a accordé à Monsieur Y... une somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts.

* SUR LES DÉPENS

Les dépens seront supportés par Madame Z... qui succombe en son appel.

Madame Z... sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamnée à payer, à ce titre, à Monsieur Y... une somme de 1500 €, somme qui s'ajoutera à celle déjà accordée par le premier juge sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 13 décembre 2005 rendu par le Tribunal de grande instance de Quimper.

Y ajoutant,

Dit que le délai de trois mois imparti par le premier juge à Madame Magali Z... pour procéder aux travaux prescrits courra à compter de la signification du présent arrêt.

Déboute Madame Magali Z... de sa demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne Madame Z... à payer à Monsieur Bruno Y... une somme de mille cinq cents euros (1500,00 €) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, somme qui s'ajoutera à celle déjà accordée par le premier juge sur le même fondement.

Condamne Madame Z... aux entiers dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0007
Numéro d'arrêt : 276
Date de la décision : 26/06/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Quimper, 13 décembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-06-26;276 ?
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