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05/06/2007 | FRANCE | N°255

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0007, 05 juin 2007, 255


EXPOSE DU LITIGE.

Propriétaire indivis avec ses enfants Joseph et Annick, d'un immeuble situé à NEVEZ au lieudit Port-Manech ainsi que du fonds de commerce d'hôtel, bar, restaurant exploité dans les murs, Mme Suzanne X... née Y... a donné mandat à M. Noël Z... notaire, de rechercher un acquéreur pour le prix de 4.000 000 F, suivant acte du 12 février 1997.

Suivant compromis négocié et établi le 4 juin 1997 par M. Z..., Joseph X... ainsi que Mme Suzanne X... agissant tant en son nom personnel qu'en celui de sa fille ont cédé à la société TRIDENT INTERNATIONAL l'

immeuble ainsi que les meubles meublants dépendant du fonds de commerce subsis...

EXPOSE DU LITIGE.

Propriétaire indivis avec ses enfants Joseph et Annick, d'un immeuble situé à NEVEZ au lieudit Port-Manech ainsi que du fonds de commerce d'hôtel, bar, restaurant exploité dans les murs, Mme Suzanne X... née Y... a donné mandat à M. Noël Z... notaire, de rechercher un acquéreur pour le prix de 4.000 000 F, suivant acte du 12 février 1997.

Suivant compromis négocié et établi le 4 juin 1997 par M. Z..., Joseph X... ainsi que Mme Suzanne X... agissant tant en son nom personnel qu'en celui de sa fille ont cédé à la société TRIDENT INTERNATIONAL l'immeuble ainsi que les meubles meublants dépendant du fonds de commerce subsistant après la cessation d'activité fixée au 30 septembre suivant de Mme Suzanne X... exploitante du fonds ainsi que la licence de débit de boissons de quatrième catégorie pour le prix de 3 600 000 F.

Par jugement du 7 décembre 1999 confirmé sur ce point par arrêt du 27 novembre 2001 devenu définitif après rejet du pourvoi, Mmes Suzanne et Annick X... ont été déboutées de leur demande en nullité de vente formée à l'encontre de la société venderesse et de leur co-indivisaire Joseph X..., les mêmes voyant les dommages-intérêts mis à leur charge élevés en cause d'appel.

Exposant que M. Z... avait manqué aux obligations contenues dans le mandat ainsi qu'à son devoir de conseil, ce dont il résultait que la vente avait eu lieu à un prix inférieur à la valeur de l'immeuble et qu'elles avaient été spoliées de la valeur du fonds de commerce, Mme Suzanne et Annick X... l'ont assigné en dommages-intérêts.

Par jugement rendu le 22 novembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de QUIMPER saisi du litige et statuant après expertise a :

- condamné M. Z... à payer à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour:

à Mme Suzanne X... la somme de 53 036 €, à Mme Annick MEL:hAC la somme de 8 569:e,

- condamné M. Z... aux dépens incluant les honoraires de l'expert judiciaire ainsi qu'à payer à Mesdames X... la somme de 2 000:E au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions déposées 1e 17 avril 2007 par Mme Suzanne X... née Y... et Mme Annick X... appelantes demandant au visa des articles 1134, 1147, 1382, 2005, 1153-1 et 1154 du code civil de :

- condamner M. Z... à payer à Mesdames Suzanne et Annick X... les montants suivants à titre de dommages-intérêts (au regard de leur part respective dans l'indivision soit 75,60% et 12,20%) se décomposant comme suit :

* 74 230,07 € x 75,60% = 56 873,93 € pour Suzanne X... et 74 230,07:E x 12,20,E = 9 056,06 € pour Annick X... au titre de la sous évaluation manifeste du bien immobilier et ce avec intérêt au taux légal à compter du 30 octobre 1997 et capitalisation des intérêts,

* 169 027,02 € x 75,60 € = 127 784,42 € pour Suzanne X... et 169 027,02 € x 12,20% = 20 621,29 € pour Annick X... au titre de la perte de la valeur des éléments du fonds de commerce et ce avec intérêt légal à compter du 30 octobre 1997 et capitalisation des intérêts ;

* les intérêts légaux sur la somme de 3,6 Millions de francs soit 548 816,46 € à compter du 30 octobre 1997 jusqu'au 28 août 2003 le tout avec capitalisation et ce à hauteur de 415 042,46/548 816,48émepour Suzanne X... et 66 887/548 816,48èmepour Annick X...),

* 9 146,94 € (60 000 Frs) au titre du remboursement des dommages intérêts alloués à Joseph X...,

* 24 582,01 € (161 274,44 F) au titre du remboursement des dommages intérêts alloués à la société TRIDENT INTERNATIONAL par les juridictions,

* 1 676, 94 € au titre des frais irrépétibles alloués à Joseph B... C... par les juridictions et payés par les demanderesses,

* 3 729,39 € au titre des frais irrépétibles alloués à la société TRIDENT INTERNATIONAL et payés par les demanderesses,

* l'ensemble des dépens de première instance et d'appel alloués à la société TRIDENT INTERNATIONAL et Joseph X... dans le cadre des différentes procédures les ayant opposés,

* dire et juger que ces quatre chefs de préjudice emporteront intérêt légal à compter des décaissements opérés le tout avec capitalisation des intérêts,

* la somme de 50 000 € à chacune à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral qu'elles ont subi et qui est la conséquence de la faute du notaire,

- condamner M. Noël Z... à verser à chacune des appelantes la somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire.

Vu les dernières conclusions déposées le 6 octobre 2006 par M. Noël Z... intimé demandant au contraire de:

- débouter Mme Annick et Suzanne X... de leurs demandes,

- condamner les mêmes aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5 000 € au titre des frais non répétibles.

DISCUSSION.

Considérant qu'agissant en responsabilité contre M. Z... pris en sa qualité de mandataire négociateur et rédacteur du compromis de vente des biens indivis, Mme Suzanne X... et sa fille ne peuvent remettre en cause la cession intervenue dont la validité est au surplus acquise aux termes de l'instance les ayant opposées à l'acquéreur la société TRIDENT INTERNATIONAL et à leur coindivisaire M. Joseph X... ;

- Sur la responsabilité de M. Z...:

Considérant, cela étant et en premier lieu que M. Z... a commis une faute en recueillant le mandat de vente comportant la seule signature de Mme Suzanne X... à l'exclusion de celle de ses deux enfants co indivisaires,

Mais considérant que c'est par de justes motifs que la Cour adopte que le premier juge a estimé que ce mandat ayant été ratifié par les co-indivisaires non signataires, l'irrégularité constatée, au surplus sans relation causale avec le préjudice financier invoqué, n'était pas de nature à engager la responsabilité du mandataire ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. Z... a commis un manquement en établissant le compromis comportant la signature de Mme Suzanne B... C... agissant tant en son nom que pour le compte de sa fille Annick nonobstant le retrait de procuration notifié par celle-ci ;

Mais considérant que le premier juge a exactement retenu que le compromis ne faisant que reprendre les termes de l'offre antérieurement acceptée de sorte que Mme Annick X... était obligée de vendre au prix fixé dans l'acte incriminé, ce grief était sans incidence sur les conditions de la cession ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme Annick X... et sa mère reprochent à M. Z... d'avoir manqué à sa mission pour avoir, d'une part, établi un compromis ne portant pas sur le fonds de commerce dans son ensemble comme indiqué dans le mandat au motif erroné que le fonds était dépourvu de valeur alors même que l'expert judiciaire désigné a estimé ce bien à 1 180 526 F = 179 970,03 € nonobstant le déficit constaté les deux dernières années (1996 et 1997), d'autre part, omis de les informer sur le fait que la vente convenue dans ces conditions impliquait le sacrifice du fonds ;

Mais considérant que s'arrêtant au seul déficit croissant constaté, M. Z... a pu croire de bonne foi que le fonds avait une valeur négligeable ; que le compromis établi par lui ne fait que reprendre l'offre acceptée de la société TRIDENT INTERNATIONAL élevée après négociations à 3 600.000 F = 548 816.46 €, laquelle proposition précisait clairement porter sur l'immeuble à l'exclusion du fonds de commerce, réserve faite de la licence du débit de boissons et des meubles meublants subsistant à la cessation d'activité de l'exploitante Mme Suzanne X... ; qu'aucun comportement dolosif n'est établi à charge de M. Z...,

Considérant, de plus, que Mmes Suzanne et Annick X... ne démontrent pas que, plus amplement informées sur la valeur du fonds au demeurant sujette à discussion et conséquences de son exclusion, elles auraient renoncé à la cession intervenue alors que :

- mis en vente ensemble depuis le 13 mars 1995 suivant mandat confié à un professionnel tiers, l'immeuble et le fonds de commerce n'avaient toujours pas trouvé d'acquéreur au jour du mandat confié à M. Z... près de deux ans plus tard ni au» prix d'origine de 6 000.000 F = 914 694,10 € ni au prix inférieur de 4.500.000 F = 686 020,58 €, les offres à due hauteur de la SNCF et du Groupe BOUYGUES évoquées par les consorts X... n'apparaissant pas avoir été maintenues, à les supposer réelles, de sorte qu'il n'est pas justifié d'une candidature sérieuse autre que celle de la société TRIDENT INTERNATIONAL laquelle a toujours fait savoir qu'elle n'était pas acquéreur du fonds hormis les éléments mobiliers énoncés ci-dessus,

- en l'absence de repreneur, la disparition du fonds exploité personnellement par Mme Suzanne X... âgée de soixante neuf ans au jour de la vente, était inéluctable,

Considérant, s'agissant de grief tiré de l'insuffisance du prix des biens vendus, que l'expert désigné par le premier juge estime l'immeuble à 4 240 272 F = 646 425.30 € suivant la valeur sol + constructions et à 3 800 000 F = 579 306.27 € selon la méthode de comparaison avec des ventes de biens similaires ;

Considérant que la responsabilité du notaire sera appréciée au regard de cette dernière estimation laquelle apparaît la plus pertinente comme reflétant concrètement celle résultant du marché immobilier;

Considérant que les biens ont été vendus pour le prix global de 548 916,46 € = 3.600.000 F s'appliquant:

- à l'immeuble pour 537 873,46:E = 3 528.218 F - à la licence pour 10 000 € = 65 595.70 F

- aux éléments mobiliers pour 943 € = 6 185.67 F

Considérant que le prix des éléments mobiliers licence inclus n'est pas discuté, que la vente de l'immeuble à hauteur de la valeur vénale de 579 306,27,E ne constituait qu'une éventualité nullement certaine comme étant conditionnée par l'acceptation de l'acquéreur qui avait tout intérêt à former une proposition inférieure en l'absence d'acquéreur concurrent, ce que n'a pas manqué de faire la société TRIDENT INTERNATIONAL,

Considérant, par ailleurs, que M. Z... négociateur et rédacteur de l'acte de vente était tenu de garantir un prix non pas au plus juste de la valeur vénale mais raisonnable en comparaison de cet élément appliqué aux contraintes de l'offre et de la demande ;

Considérant qu'inférieur d'environ 10% à sa valeur vénale le prix de l'immeuble vendu sous l'égide de M. Z... ne paraît pas critiquable au regard de l'absence de proposition d'achat sérieuse à un montant supérieur,

Considérant par suite qu'il y a lieu de réformer le jugement et de débouter les consorts X... de leur demande en réparation de préjudice matériel ;

Considérant en revanche que c'est par une juste motivation que le premier juge a débouté les consorts X... de leur demande en garantie des condamnations prononcées à leur encontre dans un litige les ayant opposées à la société TRIDENT INTERNATIONAL et à leur co-indivisaire Joseph X..., en l'absence de relation causale établie avec les manquements constatés ;

Considérant, cela étant, que les conditions d'établissement de l'acte de vente ont causé un préjudice moral à Mme Annick X... en ce que M. Z... a passé outre le retrait de procuration donnée primitivement à sa mère dont il avait parfaitement connaissance, la circonstance que la mandante soit obligée de vendre aux conditions du compromis étant sans incidence sur le dommage causé; qu'il sera alloué à Mme Annick X... la somme de 1200 € à titre de dommages-intérêts ;

Considérant qu'en maintenant dans l'acte la mention suivant laquelle Mme Suzanne X... intervenait comme mandataire, M. Z... a abusé de la signature apposée par celle-ci en son seul nom personnel ; qu'il a de ce fait occasionné également à Mme Suzanne X... un préjudice moral qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 600:E ;

- Sur les dé

gens et article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que M. Z... supportera la charge des dépens de première

instance et d'appel ; qu'il sera débouté de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant en revanche que chacune des parties conservera la charge de ses frais non répétibles ;

DECISION

LA COUR,

Réformant partiellement, statuant à nouveau sur le tout et ajoutant,

Déboute les consorts X... de leur demande en réparation de préjudice financier et perte de chance,

Déboute les consorts X... de leur demande en garantie des condamnations prononcées à leur encontre dans le cadre du litige les ayant opposées à la société TRIDENT INTERNATIONAL, d'une part, à M. Joseph X... d'autre part,

Condamne M. Noël Z... à payer en réparation de préjudice moral :

la somme de 1 200:E à Mme Annick X...,

la somme de 600 € à Mme Suzanne X... née Y...,

Condamne M. Noël Z... aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile,

Déboute les parties de leur demande en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER.-LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0007
Numéro d'arrêt : 255
Date de la décision : 05/06/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Quimper, 22 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2007-06-05;255 ?
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