Septième ChambreARRÊT NoR.G : 03/07284CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DE ST NAZAIRELA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES (CNAMTS) C/SOCIETE NATIONALE D EXPLOITATION INDUSTRIELLE DES TABACS ET ALLUMETTESSOCIETE PHILIP D... HOLLAND BVSociété PHILIP MORRIS A... PHILIP D... FRANCESociété BRITISH AMERICAN TOBACCO EUROPE BVSociété BRITISH AMERICAN TOBACCO THE NETHERLANDS BVSociété BRITISH AMERICAN TOBACCO MANUFACTURING BVSociété BRITISH AMERICAN TOBACCO FRANCESociété JT INTERNATIONAL GERMANY GMBHS.A. JT INTERNATIONAL FRANCEConfirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recoursCopie exécutoire délivrée le :à :RÉPUBLIQUE FRANOEAISEAU NOM DU PEUPLE FRANOEAISCOUR D'APPEL DE RENNESARRÊT DU 13 DECEMBRE 2006COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller GREFFIER :Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcéDÉBATS :A l'audience publique du 25 Octobre 2006ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, à l'audience publique du 13 Décembre 2006, date indiquée à l'issue des débats.
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APPELANTES :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE ST NAZAIRE28 avenue Suzanne B... BP 415 44606 SAINT NAZAIRE CEDEX représentée par la SCP JEAN LOUP X... etamp; LUC X..., avouésassistée de Me Z... - LE
DOUARIN - VEIL, avocat
LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES (CNAMTS) INTERVENANTE VOLONTAIRE26/50 Avenue du Professeur André Lemierre75020 PARISreprésentée par la SCP JEAN LOUP X... etamp; LUC X..., avouésassistée de Me Z... - LE DOUARIN - VEIL, avocat
-----INTIMÉES :SOCIETE NATIONALE D'EXPLOITATION INDUSTRIELLE DES TABACS ET ALLUMETTES - SA SEITA-53 quai d'Orsay75007 PARISreprésentée par la SCP BAZILLE J.J., GENICON P., GENICON S., avouésassistée de Me Pierre-Louis Y..., avocatSOCIETE PHILIP MORRIS HOLLAND BV, société de droit néerlandaisMaconilaan 20, 4622 RDBERGEN OP ZOOM - PAYS BASreprésentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE etamp; LE CALLONNEC, avouésassistée de la SCP AUGUST ET DEBOUZY, avocatsSociété PHILIP MORRIS GMBH, société de droit allemandFallstrasse 40 D81369 MUNICH - ALLEMAGNEreprésentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE etamp; LE CALLONNEC, avouésassistée de la SCP AUGUST ET DEBOUZY, avocatsSA PHILIP D... FRANCE192 Avenue Charles de Gaulle92200 NEUILLYreprésentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE etamp; LE CALLONNEC, avouésassistée de la SCP AUGUST ET DEBOUZY, avocatsBRITISH AMERICAN TOBACCO EUROPE BV, société de droit néerlandais, venant aux droits de la STE ROTHMANS EUROPE (NEDERLAND) BVDe Boelelaan 32 1083 HJAMSTERDAM - PAYS BASreprésentée par la SCP GAUVAIN etamp; DEMIDOFF, avouésassistée de Me Pierre C..., avocat
Societé BRITISH AMERICAN TOBACCO THE NETHERLANDS BV anciennement dénommée Société BRITISH AMERICAN TOBACCO EXPORTS BV, société de droit néerlandais, venant aux droits de la STE ROTHMANS SERVICES BVDe Boelelaan 321 083 H AMSTERDAM - PAYS BASreprésentée par la SCP GAUVAIN etamp; DEMIDOFF, avouésassistée de Me Pierre C..., avocat
-----Société BRITISH AMERICAN TOBACCO MANUFACTURING BV, société de droit néerlandais, venant aux droits de la STE ROTHMANS MANUFACTURING BV (THE NETHERLANDS)De Boelelaan 321 083 HJ ,AMSTERDAM - PAYS BASreprésentée par la SCP GAUVAIN etamp; DEMIDOFF, avouésassistée de Me Pierre C..., avocatSociété BRITISH AMERICAN TOBACCO FRANCE, venant aux droits de la STE ROTHMANS INTERNATIONAL FRANCE29-31 rue de l'Abreuvoir95513 BOULOGNE BILLANCOURTreprésentée par la SCP GAUVAIN etamp; DEMIDOFF, avouésassistée de Me Pierre C..., avocatSociété JT INTERNATIONAL GERMANY GMBH, société de droit allemand, venant aux droits de la STE RJ REYNOLDS TOBACCO GMBH500 Koln 1 Maria-Ablas - Platz 15 Postfach50668 KOLN - ALLEMAGNEreprésentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avouésassistée de Me E..., avocatSociété JT INTERNATIONAL FRANCE, venant aux droits de la STE RJ REYNOLDS TOBACCO FRANCE35 rue des Abondances92100 BOULOGNE BILLANCOURTreprésentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avouésassistée de Me E..., avocat
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Imputant à diverses sociétés impliquées dans l'industrie du tabac le préjudice résultant du versement de prestations pour ses assurés sociaux victimes de pathologies liées au tabagisme, la Caisse primaire d'assurance maladie de St Nazaire (la Caisse) les a fait assigner pour obtenir des dommages-intérêts sur le fondement des articles 1382 et 1384 du code civil.
Par jugement du 29 septembre 2003 le tribunal de grande instance de Saint Nazaire a constaté que la Caisse exerce une action directe et non subrogatoire ; qu'elle a la qualité de tiers payeur gérant un régime obligatoire de sécurité sociale ; que l'article L376-1 du code de la sécurité sociale et l'article 28 de la loi du 5 juillet 1985 lui ouvrent l'action subrogatoire en cas de maladie mais qu'en application de l'article 33 l'action directe ne lui est pas ouverte.
Il a en conséquence dit l'action de la Caisse primaire d'assurance maladie irrecevable. Il a débouté la SEITA de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
La Caisse primaire d'assurance maladie de St Nazaire a fait appel de cette décision.
Elle soutient notamment que son action est recevable dès lors que la loi Badinter limitant la possibilité d'action des organismes de sécurité sociale à l'action subrogatoire ne concerne pas la maladie ; que l'événement ouvrant droit à l'action ne peut en tout état de cause concerner le processus que constitue le tabagisme, fait générateur du dommage ; qu'enfin elle bénéficiait avant le 1er janvier 1986, date d'effet de la loi Badinter, d'une action directe pour son préjudice personnel distinct de celui de la victime et que, si l'événement ayant occasionné le dommage, en l'espèce le tabagisme, est antérieur à cette date, elle est recevable à agir quand le dommage s'est réalisé postérieurement.
Pour cette même raison elle conclut que son action ne peut être prescrite.
Elle fonde son action sur les articles 1382 et 1384 du code civil et L 221-1 du code de la consommation et demande la condamnation in solidum des intimées à lui payer la somme de 25 279 296 euros représentant le coût des dépenses de santé induites par le tabagisme entre le 1er avril 1997 et le 31 mai 2004 et celle de 3 611 428 euros par an tant que les produits du tabac n'offriront pas au public la sécurité à laquelle il peut légitimement s'attendre.
Subsidiairement elle demande la somme de 214 114 euros correspondant au coût des actions de prévention à la date du 29 janvier 2004, le surplus des surcoûts en relation directe avec le tabagisme devant
faire l'objet d'une expertise.
La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) est intervenue volontairement en cause d'appel au soutien des intérêts de l'appelante.
Les sociétés intimées concluent essentiellement à la confirmation du jugement. Elles soutiennent que la demande relative au coût des actions de prévention est nouvelle en appel et comme telle irrecevable.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie à la décision attaquée et aux dernières écritures déposées le 13 avril 2006 par l'appelante et l'intervenante et en juillet 2006, le 10 pour les sociétés JT International, le 11 pour les sociétés British American Tobacco et Philip D..., le 13 pour la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs etamp; allumettes SEITA.SUR CE
Considérant que l'intervention volontaire de la CNAMTS est recevable en cause d'appel sur le fondement de l'article 554 du nouveau code de procédure civile puisqu'elle peut avoir un intérêt au moins moral au succès de l'action ;
Considérant sur la demande principale que le premier juge a exactement énoncé que la Caisse, qui le revendique au demeurant, exerce une action directe distincte d'une action subrogatoire et que le préjudice dont elle demande réparation représente les prestations qu'elle a versées à ses assurés sociaux ; que c'est donc en sa qualité de tiers payeur qu'elle agit ;
Qu'il a rappelé que l'article 28 de la loi Badinter énonce que les dispositions du présent chapitre (relatif au recours des tiers payeurs contre les personnes tenues à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne) s'appliquent aux relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation du dommage quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné ce dommage ;
Que c'est à raison qu'après avoir analysé les débats parlementaires et le mot événement il a estimé que la maladie constitue un événement au sens de l'article 28 et que ce terme ne vise pas seulement les accidents en tout genre ; que c'est d'ailleurs bien ce que comprend généralement la Caisse lorsqu'elle demande paiement de ses débours à la suite d'une infection nosocomiale ou d'une maladie occasionnée par la délivrance de sang contaminé par exemple ;
Considérant que le fait générateur du dommage allégué par la Caisse n'est pas le processus du tabagisme mais la manifestation de la maladie qui lui impose de verser des prestations en nature ou en argent ;
Que le dommage dont elle demande réparation s'étant réalisé après le 1er janvier 1986, date d'effet de la loi Badinter, elle est soumise à ses dispositions qui ne lui ouvrent qu'une action subrogatoire par application de son article 33 disposant que, hormis les prestations mentionnées aux articles 29 et 32, aucun versement effectué au profit d'une victime en vertu d'une obligation légale, conventionnelle ou statutaire n'ouvre droit à une action contre la personne tenue à la réparation du dommage ou son assureur ;
Considérant en conséquence que c'est à juste titre que le premier juge a dit irrecevable l'action directe de la Caisse en paiement d'une somme représentant les prestations versées à ses assurés qu'elle dit victimes du tabac ;
Considérant qu'aux termes de l'article 564 du nouveau code de procédure civile les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;
Qu'aux termes de l'article 566 du nouveau code de procédure civile les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;
Considérant qu'en première instance la Caisse exposait qu'elle assure le remboursement des dépenses de santé de 257 242 assurés sociaux de Loire-Atlantique et demandait aux sociétés responsables de la fabrication et de la distribution des produits du tabac sur le territoire français réparation sur le fondement des articles 1382 et 1384 du code civil en raison de leur défaut persistant et gravement fautif d'information des fumeurs sur les dangers du tabac dont les propriétés addictives et cancérigènes sont en relation de causalité directe avec le préjudice qu'elle subit du fait du tabagisme des assurés de son département, et qu'elle évalue à 23 689 416,66 francs par an ;
Que la demande de la Caisse aux fins de voir condamner les intimées au coût des actions de prévention n'était pas virtuellement comprise dans sa demande de paiement d'un dommage consommé ou futur mais certain constitué par les dépenses de santé de ses assurés ;
Que cette demande n'est pas non plus l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande originaire puisque son objet en est totalement différent et qu'elle ne tend pas aux mêmes fins ;
Qu'il s'agit donc d'une demande nouvelle en appel et comme telle irrecevable ;PAR CES MOTIFSStatuant contradictoirement en audience publique Dit recevable l'intervention volontaire de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).Confirme le jugement.Y ajoutant dit la demande relative au coût des actions de prévention irrecevable.Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile déboute les intimés de leur demande à titre d'indemnité de procédure. Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie de St Nazaire aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT