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30/01/2006 | FRANCE | N°181

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0011, 30 janvier 2006, 181


Le 15 Janvier 2004, Madame Bernadette X... épouse Y..., née le 22 mars 1937 à BRIENNE LE CHATEAU (10), de nationalité française, et Monsieur Khaled Z..., né le 20 mai 1973 à TUNIS (TUNISIE), de nationalité tunisienne, ont conjointement présenté requête au Tribunal de Grande Instance de NANTES aux fins d'adoption simple du second par la première, avec toutes conséquences de droit.Par jugement du 03 mai 2005, le Tribunal de Grande Instance de NANTES a rejeté cette requête et condamné Madame Y... aux dépens.Madame Bernadette Y... épouse X... est appelante de cette décision.L'af

faire a été fixée à l'audience du OS décembre 2005. Par écrits du ...

Le 15 Janvier 2004, Madame Bernadette X... épouse Y..., née le 22 mars 1937 à BRIENNE LE CHATEAU (10), de nationalité française, et Monsieur Khaled Z..., né le 20 mai 1973 à TUNIS (TUNISIE), de nationalité tunisienne, ont conjointement présenté requête au Tribunal de Grande Instance de NANTES aux fins d'adoption simple du second par la première, avec toutes conséquences de droit.Par jugement du 03 mai 2005, le Tribunal de Grande Instance de NANTES a rejeté cette requête et condamné Madame Y... aux dépens.Madame Bernadette Y... épouse X... est appelante de cette décision.L'affaire a été fixée à l'audience du OS décembre 2005. Par écrits du 15 Novembre 2005, le Ministère Public a conclu à la confirmation du jugement entrepris.Par conclusions reçues le ler décembre 2005, Madame Bernadette Y... née X..., et Monsieur Khaled Z... qui se joint à elle, demandent:- d'infirmer le jugement dont appel,- de prononcer l'adoption simple de Monsieur Khaled Z... par Madame Bernadette Y...,- de conférer à l'adopté le nom de Y...,- de dire en conséquence que celui-ci s'appellerait désormais Khaled Z... - Y...,

'- d'ordonner mention de la décision à intervenir sur le registre de l'état civil et sur le répertoire central de l'état civil du Ministère des Affaires Etrangères à NANTES,- de dire que sur tous les extraits qui pourront être délivrés par l'officier d'état civil, l'adopté sera porté comme s'appelant Khaled Z...-Y....S UR CEAux termes de l'article 370-3 alinéa 1 du Code Civil, tel qu'il résulte de la loi du 06 février 2001, les conditions de l'adoption internationale sont soumises à la loi nationale de l'adoptant.En l'espèce, l'adoptante Madame Bernadette Y... née X... est de nationalité française, de sorte que c'est la loi française qui est ici applicable.L'article 360 du Code Civil permet l'adoption simple quel que soit l'âge de l'adopté.Si l'alinéa 2 de l'article 370-3 du

même code précise que l'adoption d'un mineur ne peut être prononcée lorsque sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf s'il est né ou réside en France, force est de constater qu'aucune disposition de ce type n'est prévue par la loi pour l'adoption d'un enfant majeur. L'adoption d'une personne majeure étrangère par un français est en conséquence possible quand bien même la loi personnelle étrangère ne reconnaisse pas cette institution et que la personne concernée demeure à l'étranger.Il est donc ici sans effet que la loi tunisienne ne prévoie, en matière d'adoption, que celle de l'enfant mineur, en outre de façon plénière et révocable, sans d'ailleurs expressément prohiber l'adoption simple d'un enfant majeur.Le consentement à l'adoption doit être libre et éclairé, manifestant la pleine connaissance des conséquences de cette adoption. Quand bien même l'article 348-3 du Code Civil prévoie à cette fin des dispositions particulières pour l'expression de ce consentement, d'ailleurs manifestement édictées pour l'adoption des enfants mineurs, il échet de constater que le consentement exprimé le 08 décembre 2003 par Monsieur Khaled Z..., alors âgé de 30 ans, devant un huissier de justice tunisien, dont rien n'indique qu'il ne serait pas compétent pour recevoir un tel acte en l'absence de notaire, a été formulé de manière libre et en toute conscience de sa portée.Rien ne permet d'affirmer que l'adoption demandée soit contraire à l'ordre public français et démontre la volonté sans équivoque de contourner frauduleusement les règles d'acquisition de la nationalité française.En effet, si effectivement la requête a été présentée le 15 janvier 2004 après qu'un visa ait été refusé à Monsieur Z... le 11 novembre 2003, par ailleurs sans aucune précision sur le motif de ce refus, il n'en demeure pas moins que ce dernier a bénéficié d'un visa en décembre 2001 lui ayant permis de séjourner pendant trois mois sans incident sur le territoire

français, au domicile de Madame Y..., qu'il est constant que les époux Y... ont fait la connaissance de Khaled Z... il y a une dizaine d'années, se sont pris d'affection pour lui et l'ont aidé dans le financement de ses études (maîtrise en droit option Administration et finances publiques en 2001, formation informatique), et que, selon attestation du 15 mars 2005; le maire de la commune de SAINT ETIENNE DE MONTLUC précise, d'une part que Madame Y... l'a informé à plusieurs reprises de son intention d'adopter le jeune Z... qu'elle considère comme son fils, lui apportant soutien moral et financier, d'autre part que ce dernier, que le témoin a rencontré lors de son séjour en France, s'est toujours comporté dignement en respectant les dates imposées sur cette commune.Ces éléments sont confortés par une attestation de Monsieur Frédéric Y..., fils de Madame Bernadette X... épouse Y..., estimant Khaled Z... comme son "frère" en vertu de "liens puissants" l'unissant à toute la famille, au point d'être le "parrain républicain" du fils de l'attestant.Il en résulte la preuve de liens d'affection réels et réciproques, de nature filiale, entre Madame Bernadette Y... et Monsieur Khaled Z..., ce dernier ayant en outre toujours manifesté son intention de subvenir aux besoins de celle-ci si cela s'avérait nécessaire.Le fait que la Tunisie, en application de l'article 15 de la Convention relative à l'entraide judiciaire franco-tunisienne, puisse invoquer la réserve de son ordre public empêchant Monsieur Z... de faire valoir son nouveau statut dans son pays d'origine où il conserve sa nationalité et son état civil, n'interdit pas une adoption légalement prononcée dont les effets en France sont ceux de la loi française, au sens de l'article 370-4 du Code Civil.Messieurs Frédéric et François Y..., les deux enfants de Madame Bernadette X... épouse Y..., ont expressément accepté la démarche de leur mère aux fins d'adoption

simple de Monsieur Khaled Z....Il y a donc lieu, en conséquence, à infirmation du jugement et il sera fait droit aux demandes conjointes de Madame Bernadette X... épouse Y... et de Monsieur Khaled Z....Il n'est toutefois pas inéquitable de laisser les entiers dépens de première instance et d'appel à la charge de ces derniers.PAR CES MOTIFS- Infirme le jugement rendu le 03 mai 2005 par le Tribunal de Grande Instance de NANTES,- Prononce l'adoption simple de Monsieur Khaled Z..., né le 20 mai 1973 à TUNIS (TUNISIE), de nationalité tunisienne, par Madame Bernadette X... épouse Y..., née le 22 mars 1937 à BRIENNE LE CH TEAU (10), de nationalité française,-Dit qu'en conséquence l'adopté s'appellera désormais Khaled KHELIFIGUITART,- Ordonne qu'il en soit fait mention sur le registre de l'état civil et sur le répertoire du Service Central de l'Etat Civil du Ministère des Affaires Etrangères à NANTES,- Dit que sur tous les extraits qui pourront être délivrés par l'Officier d'état civil, l'adopté sera identifié sous le nom de Khaled Z...-Y...,- Laisse les entiers dépens â la charge de Madame Bernadette X... épouse Y... et Monsieur Khaled Z...-Y....L E PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0011
Numéro d'arrêt : 181
Date de la décision : 30/01/2006

Analyses

FILIATION - Filiation adoptive - Conflit de lois - Loi applicable - Loi personnelle du mineur - Loi prohibant l'adoption - Exclusion - Cas

Si l'alinéa 2 de l'article 370-3 du Code civil précise que l'adoption d'un mineur ne peut être prononcée lorsque la loi personnelle prohibe cette institution sauf s'il est né ou réside en France, force est de constater qu'aucune disposition de ce type n'est prévue par la loi pour l'adoption d'un enfant majeur. L'adoption d'une personne physique majeure étrangère par un français est en conséquence possible quand bien même la loi personnelle étrangère ne reconnaîtrait pas cette institution, et que la personne concernée demeurerait à l'étranger


Références :

Code civil article 370-3

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2006-01-30;181 ?
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