Arrêt n° 458
du 04/09/2024
N° RG 23/00362 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJSL
FM/ACH
Formule exécutoire le :
04/09/2024
à :
- SCRIBE
- DELVINCOURT
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 04 septembre 2024
APPELANT :
d'une décision rendue le 19 janvier 2023 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TROYES, section ACTIVITES DIVERSES (n° F 22/00070)
Monsieur [J] [N]
[Adresse 4]
[Localité 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-000664 du 25/05/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)
Représenté par la SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS, avocat au barreau de l'AUBE
INTIMÉE :
S.A.R.L. SELECTRA CONVERSION CLIENTS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et représentée par l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocats au barreau de PARIS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, Président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 04 septembre 2024.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur François MÉLIN, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseillère
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère
GREFFIER lors des débats :
Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
M. [J] [N] a été embauché par la Selectra Relations Clients par un contrat à durée indéterminée à compter du 5 août 2019, afin d'occuper le poste de superviseur énergie sur le site de [Localité 7].
Par un avenant tripartite, le contrat de travail a été transféré à compter du 1er décembre 2019 au bénéfice de la société Selectra Conversion Clients.
Cette société et le salarié ont conclu une convention de rupture conventionnelle datée du 16 novembre 2021, prévoyant que le contrat de travail prendra fin le 21 décembre 2021.
M. [J] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes 17 mars 2022, en demandant des dommages-intérêts au titre notamment d'une rémunération variable, de l'absence de mise en place du CSE, et d'une inégalité de salaire et en invoquant par ailleurs un harcèlement moral et une discrimination salariale.
Par un jugement du 19 janvier 2023, le conseil a :
- dit M. [J] [N] recevable mais mal fondé en ses demandes ;
- débouté M. [J] [N] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la société Selectra Conversion Clients de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
M. [J] [N] a formé appel.
Par des conclusions remises au greffe le 13 septembre 2023, M. [J] [N] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a dit recevable mais mal fondé en ses demandes et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Selectra Conversion Clients de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Et, statuant à nouveau,
- le juger recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions ;
- qualifier le poste en position 3.3 coefficient 270 cadre CCNS ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 108.061,80 € au titre des rappels de salaire ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 10.806,18 € au titre des congés payés afférentes ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 7.201,00 € au titre des primes variables non versées ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 5.000,00 € € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice né de l'absence de CSE ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour la discrimination salariale sur le salaire fixe ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 9.800,00 € € à titre de dommages et intérêts pour la discrimination salariale sur le salaire variable ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 18.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- débouter la société Selectra Conversion Clients de ses demandes plus amples ou contraires ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients aux entiers dépens de la présente instance d'appel et de la première instance.
Par des conclusions remises au greffe le 4 août 2023, la société Selectra Conversion Clients demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL
- Juger que la classification attribuée à M. [J] [N] était celle correspondant à la réalité de ses missions et responsabilités ;
- Juger qu'aucune des autres demandes de M. [J] [N] n'est fondée ;
En conséquence :
- Déclarer M. [J] [N] mal fondé en son appel et l'en débouter,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté intégralement M. [J] [N] de l'ensemble de ses demandes ;
A TITRE RECONVENTIONNEL
- Condamner M. [J] [N] au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dire que cette condamnation portera intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de la décision à intervenir ;
- Condamner M. [J] [N] aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la classification professionnelle:
M. [J] [N] indique que le contrat de travail prévoit que son poste relève du statut Etam, position 2.1, coefficient 275, en référence à la convention collective Syntec, alors que ses attributions correspondaient en réalité à la position 3 .3, coefficient 270, au niveau cadre.
La société Selectra Conversion Clients sollicite le rejet de sa demande.
Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil prévoit que :
- la position 2.1 du statut Etam correspond à la définition suivante : «L'exercice de la fonction, généralement limité à un domaine particulier d'application d'une technique, implique la connaissance de méthodes, procédés et moyens habituels et l'aptitude à les mettre en oeuvre à partir de consignes générales » (annexe I) ;
- la position 3.3, coefficient 270, correspond à la définition suivante : «L'occupation de ce poste, qui entraîne de très larges initiatives et responsabilités et la nécessité d'une coordination entre plusieurs services, exige une grande valeur technique ou administrative » (annexe II).
M. [J] [N] indique que ses tâches étaient diversifiées, à savoir :
- Ouverture et fermeture des locaux / mise en place et suivi du système de reporting des entrées/sorties du site et de sa sécurité.
- Gestion des partenaires sur le site de production (devis, travaux, ménage, sécurité, ...),
- Réception de visiteurs (partenaires, candidats de recrutement, hiérarchie, collègues)
- Signature de devis / factures / attestations de travaux finis / commandes avec différents prestataires de services au nom de la société Selectra Conversion Clients ou en son nom propre,
- Achat, réception et installation du mobilier et du matériel informatique et de fournitures. Installation des logiciels, réparation des problèmes techniques, création et configuration des sessions et des outils de téléphonie, de CRM et autres outils internes,
- Réalisation d'entretiens de recrutement en présentiel ou à distance par visioconférence / sourcing direct (remises en mains propres de CV, interviews dédiés dans les médias, anciens collègues de travail de Centres d'appels) de nombreux candidats avant l'entretien de vérification des compétences par le service RH,
- Contrôle du travail des collaborateurs subordonnés (qualité, partie commerciale, process) à l'aide d'écoutes d'enregistrements audio et directes, coachings, vérification des tâches effectuées,
- Réalisation d'entretiens disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement de commerciaux, envoi d'alertes et d'avertissements directement par mails aux collaborateurs concernés, réalisation d'entretiens de désamorçage de litiges ou de conflits entre salariés,
- Coordination des moyens humains et technologiques pour mettre en oeuvre les orientations commerciales efficaces et garantes de la satisfaction des clients,
- Supervision des modifications d'emploi du temps des salariés / suivi du staffing, delogs, absentéisme et retards avec vérification, reporting et transmission des justificatifs au service RH,
- Réalisation de reportings de l'activité du site de production à l'aide de la création et gestion de tableaux de bords concernant le suivi des différents indicateurs de performances établis et de l'analyse des résultats obtenus,
- Organisation et pilotage du travail des commerciaux encadrés en faisant appliquer les process définis avec les différents donneurs d'ordres et process internes,
- Gestion de la formation initiale et continue des salariés, coachings et montées en compétences,
- Etude analytique des résultats globaux et individuels des commerciaux avec point mensuel et semestriel auprès de la Direction générale / Point hebdomadaire intersites avec les autres responsables de sites et référents Selectra.
- Point de contact entre la Direction, le service RH, le service Qualité, le service Informatique et tout autre interlocuteur nécessaire de l'entreprise,
- Identification et gestion des commerciaux en difficultés avec points individuels, objectifs, accompagnement et suivi des sanctions,
- Force de propositions au niveau de la Direction sur les problématiques rencontrées afin d'améliorer les résultats de l'entreprise,
- Organisation et gestion d'évènements extérieurs pour les salariés (after-works),
- Interviews, communication et accueil avec la presse et les médias locaux.
M. [J] [N] ajoute qu'au regard de ces éléments, il y a lieu de retenir qu'il avait un pouvoir de décision, de gestion des acheteurs et des dépenses, qu'il intervenait en matière disciplinaire, de recrutement, qu'il avait la charge de la supervision du travail d'une petite équipe d'agents commerciaux.
Toutefois, la cour relève que M. [J] [N] ne démontre pas avoir assuré la coordination entre plusieurs services, qui est pourtant l'une des conditions requises pour un positionnement au niveau 3.3, ainsi qu'il a été relevé précédemment.
Par ailleurs, M. [J] [N] ne bénéficiait pas d'un pouvoir de délégation, et indique lui-même qu'il n'avait pas besoin d'avoir un pouvoir de décision en qualité de cadre, qu'en matière de dépenses, il pouvait engager « de simples dépenses de fonctionnement courantes » et qu'il n'avait pas la possibilité d'acheter du matériel pour un montant supérieur à 300 €, bien qu'il soit arrivé qu'il achète pour l'entreprise des matériels ayant un coût situé entre 599 € et 679,99 € avec sa carte bancaire personnelle avant d'être remboursé de ces dépenses. Il ne disposait donc pas de pouvoirs de très large initiative et de responsabilités au sens de la définition précitée.
Dès lors, M. [J] [N] ne justifie pas remplir les conditions pour bénéficier de la position 3.3, de sorte qu'il est mal fondé en ce qu'il demande à la cour de :
- qualifier le poste en position 3.3 coefficient 270 cadre CCNS ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 108.061,80 € au titre des rappels de salaire ;
- condamner la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 10.806,18 € au titre des congés payés afférentes ;
Le jugement est dès lors confirmé en ce qu'il l'a débouté le salarié de ces chefs.
Sur la demande au titre de la rémunération variable:
L'article 4 du contrat de travail stipule que :
« Le salarié percevra une rémunération brute annuelle fixe de 20 400 €.
Le salarié percevra également une rémunération variable mensuelle, indexée sur des indicateurs de performance clés, indiqués en annexe 1. Le montant maximal de la prime sera de 1300 € bruts mensuels.
Les indicateurs de performance et les primes associées pourront être modifiés mensuellement par l'employeur, sans qu'un avenant au présent contrat de travail ne soit signé. L'employeur devra informer le salarié de la modification des conditions édictées à l'annexe 1 avant le début du mois à partir duquel les modifications s'appliquent ».
M. [J] [N] soutient que les indicateurs, les objectifs et les rémunérations afférentes à chaque palier ont été modifiées de façon mensuelle à l'initiative de l'employeur, qu'il n'a jamais réceptionné ni signé d'annexe 1 au contrat de travail, que le paiement de l'intégralité des primes variables est donc dû pour un montant total de 7201 € se répartissant de la manière suivante, sur une durée de 14 mois :
' primes attribuées entre novembre 2020 et décembre 2021 : 10 004 €
' primes rattrapées en 2021 : 995 €
' primes réellement attribuées : 10 999 €
' primes normalement atteignables maximum : 18 200 € (1300 × 14)
' différence de primes variables 18 200 - 10 999 = 7201 euros.
L'employeur produit, pour chaque mois de la relation contractuelle, les indicateurs de performance utilisés et le montant de la prime, comme le prévoit l'article 4 du contrat de travail.
Néanmoins, il ne produit pas l'annexe 1 définissant ces indicateurs, alors pourtant que M. [J] [N] indique n'avoir ni réceptionné ni signé cette annexe.
Il est donc fait droit à la demande, faute pour l'employeur de justifier avoir porté à la connaissance du salarié cette annexe 1. Le jugement est dès lors infirmé en ce qu'il l'a rejetée.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice né de l'absence de CSE:
M. [J] [N] demande la condamnation de la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice né de l'absence de CSE. Il indique qu'il a adressé à l'employeur le 4 août 2021 un mail par lequel il demande des explications sur la mise en place du CSE afin de respecter la réglementation, que la société Selectra Conversion Clients a attendu que l'inspection du travail dresse un procès-verbal relatif à l'absence d'un CSE, que l'employeur a attendu le 6 janvier 2021 pour organiser le premier tour de l'élection au CSE alors que plus des trois quarts des salariés avaient quitté l'entreprise suite à des ruptures conventionnelles ou des fins de contrat, et que l'absence de mise en place d'un CSE au 31 décembre 2020 est constitutive du délit d'entrave.
La société Selectra Conversion Clients répond qu'un membre du personnel lui a demandé la mise en place d'un CSE en octobre 2021, qu'elle a procédé à des élections les 6 et 19 janvier 2022 et qu'elle a donc respecté ses obligations légales.
Dans ce cadre, la cour relève que M. [J] [N] produit effectivement un mail du 4 août 2021 par lequel il demande des informations sur la mise en place du CSE dans la mesure où l'entreprise comprenait plus de 11 salariés ainsi que la réponse apportée par la société Selectra Conversion Clients, indiquant qu'il s'agit d'un sujet géré par le service des ressources humaines « qui prendra le lead dès que possible » et que ce n'est pas vraiment la priorité de M. [J] [N], qui doit se concentrer sur sa très large fiche de poste.
Ainsi, la cour relève que la société Selectra Conversion Clients savait dès le 4 août 2021 que la mise en place du CSE lui était demandée, qu'elle ne conteste pas que les conditions de sa mise en place étaient réunies, que l'employeur a annoncé la fermeture du site de [Localité 7] le 21 septembre 2021, que M. [J] [N] a signé une rupture conventionnelle le 16 novembre 2021 avant de quitter l'entreprise le 21 décembre 2021 et que le premier tour des élections du CSE est intervenu le 6 janvier 2022, soit postérieurement au départ de M. [J] [N].
La société Selectra Conversion Clients a dès lors manqué à ses obligations, ce qui justifie l'allocation d'une somme de 1 000 euros au salarié, en réparation du préjudice subi. Le jugement est donc infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination salariale quant au salaire fixe:
M. [J] [N] demande la condamnation de la société Selectra Conversion Clients à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale sur le salaire fixe. Il indique que son homologue lyonnais percevait un salaire fixe supérieur au sien de 170 € par mois depuis le mois de juillet 2021 et que l'employeur ne peut pas utilement faire valoir que cet homologue lyonnais a bénéficié d'une telle augmentation au regard de la qualité de son travail et justifier cette différence par des résultats différents au cours des dernières évaluations semestrielles des deux salariés.
Dans ce cadre, la cour rappelle que l'article L 1132 '1 du code du travail dispose notamment qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, telle que définie à l'article premier de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, et que l'article L 1134-1 ajoute que « Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ;
Au regard de ces éléments, la cour retient que M. [J] [N] ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, dès lors qu'il se borne à faire état d'une augmentation accordée à l'un de ses collègues lyonnais en considération des résultats de ses évaluations, ce qui n'est pas une discrimination au sens du texte précité.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] [N] de sa demande.
Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination salariale quant au salaire variable:
M. [J] [N] demande la condamnation de la société Selectra Conversion Clients à verser la somme de 9.800 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale sur le salaire variable. Il indique que la société Selectra Conversion Clients a décidé de modifier les salaires des salariés sur les parties variables lorsqu'ils prenaient des congés, alors qu'un salarié qui prend des congés payés n'a pourtant pas à se voir proratiser ses primes.
Toutefois, comme le soutient l'employeur, M. [J] [N] ne fait état d'aucun élément de discrimination, alors pourtant qu'il demande dans le dispositif de ses conclusions des dommages et intérêts pour discrimination.
Sa demande est donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral:
M. [J] [N] demande la condamnation de la société Selectra Conversion Clients à lui payer la somme de 18.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral. Il indique que :
- le 21 juillet 2021, la responsable des opérations lui a demandé de prendre des appels de façon fréquente et lui a demandé de suivre un programme pour monter en compétence à [Localité 6], [Localité 5] ou [Localité 8], alors que la prise des appels n'est pas envisagée dans sa fiche de poste et qu'il était déjà allé à [Localité 6] en août 2019 pour une formation initiale d'un mois ;
- lorsqu'une rupture conventionnelle a été envisagée, il lui a été proposé d'occuper un poste de « commercial sédentaire élite » afin d'obtenir une rémunération variable plus élevée, alors que l'objectif était en réalité de le pousser à accomplir des tâches inférieures et avoir des fonctions moindres qu'à son poste de responsable de site et que l'employeur envisageait de la sorte une modification de son contrat de travail qui ne pouvait pourtant pas lui être imposé.
M. [J] [N] indique qu'il a donc été harcelé car :
- son employeur a voulu l'obliger à effectuer des séjours professionnels récurrents à l'étranger pour effectuer des tâches autres que celles prévues par sa fiche de poste ;
- son employeur a voulu l'obliger à prendre des appels fréquents devant ses subordonnés dans le but de le rabaisser ;
- son employeur a voulu baisser son système de rémunération variable ;
- son employeur n'a plus répondu à certains de ses courriers mails ;
- son employeur a refusé de modifier sa classification professionnelle ;
- il a été victime d'une discrimination salariale au regard de la situation de son homologue lyonnais ;
- l'employeur lui a précisé à deux reprises qu'il venait de l'extérieur de l'entreprise alors que ses homologues avaient gravi les échelons petit à petit ;
- ces éléments ont altéré sa santé mentale et sa santé physique comme le prouvent une ordonnance médicale du 20 août 2022 concernant des anxiolytiques et les résultats d'un IRM cérébrale du 30 août 2022 faisant état d'une image kystique arachnoïdienne temporo-pariétale ;
- suite au départ de l'entreprise il a ouvert sa propre société Selectra Conversion Clients mais n'a perçu aucune rémunération jusqu'au mois de juillet 2022
Dans ce cadre, la cour rappelle que :
- L'article L 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
- L'article L 1154-1 du même code ajoute que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il appartient donc, dans un premier temps, à M. [J] [N] de fournir des éléments de fait matériellement établis laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Or, en ce qui concerne les quatre premiers griefs (séjours professionnels récurrents à l'étranger, prise d'appels fréquents devant ses subordonnés, baisse du système de rémunération variable, absence de réponse à ses courriers ou mails) et le septième grief (l'employeur lui aurait précisé à deux reprises qu'il venait de l'extérieur de l'entreprise alors que ses homologues avaient gravi les échelons petits à petit), M. [J] [N] procède par de simples affirmations générales, sans établir matériellement ses allégations. Ces griefs sont donc écartés.
Les cinquième et sixième griefs (classification professionnelle et discrimination salariale) ne sont pas justifiés puisqu'ils correspondent à des demandes qui ont été rejetées.
Le huitième grief (considérations médicales) repose sur une ordonnance du 20 août 2022 et un compte-rendu d'examen du 30 août 2022, qui sont postérieurs de près de huit mois à la sortie des effectifs de M. [J] [N].
Le neuvième grief concerne la création de sa propre société Selectra Conversion Clients et l'absence de rémunération jusqu'au mois de juillet 2022.
Ainsi, seuls ces huitième et neuvième grief visent des faits matériellement établis. Néanmoins, ils ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral, même pris globalement : aucun élément du dossier ne conduit à retenir que ces pièces médicales d'août 2022 sont en lien avec les agissements de l'employeur avant la sortie des effectifs de M. [J] [N] le 21 décembre 2021 : le neuvième grief est sans lien avec l'employeur.
La demande formée au titre du harcèlement moral allégué est donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Selectra Conversion Clients, qui succombe, est condamnée à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande est quant à elle rejetée.
Sur les dépens:
Le jugement est infirmé en ce qu'il a dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens.
La société Selectra Conversion Clients, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [J] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de mise en place du CSE, de sa demande au titre de la rémunération variable et dit que chaque partie conserve la charge de ses dépens ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Selectra Conversion Clients à payer à M. [J] [N] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'absence de mise en place du CSE ;
Condamne la société Selectra Conversion Clients à payer à M. [J] [N] la somme de 7201 euros au titre de la rémunération variable ;
Condamne la société Selectra Conversion Clients à payer à M. [J] [N] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande formée par la société Selectra Conversion Clients au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Selectra Conversion Clients aux dépens de première instance et d'appel.
La Greffière Le Président