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09/07/2024 | FRANCE | N°24/00235

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 09 juillet 2024, 24/00235


ARRET N°

du 09 juillet 2024



N° RG 24/00235 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FOLG





S.A. BANQUE CIC EST





c/



[L]

S.A.R.L. CHAMPAGNE MDL

S.C.P. CROZAT-[R]-MAIGROT



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 09 JUILLET 2024



APPELANTE :

d'une ordonnance rendue le 22 janvier 2024 par le juge co

mmissaire du tribunal de commerce de TROYES



S.A. Banque CIC Est, société anonyme au capital de 225.000.000 €, dont le siège social est sis [Adresse 5], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de

Strasbourg sous le numéro 754 800...

ARRET N°

du 09 juillet 2024

N° RG 24/00235 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FOLG

S.A. BANQUE CIC EST

c/

[L]

S.A.R.L. CHAMPAGNE MDL

S.C.P. CROZAT-[R]-MAIGROT

Formule exécutoire le :

à :

la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 09 JUILLET 2024

APPELANTE :

d'une ordonnance rendue le 22 janvier 2024 par le juge commissaire du tribunal de commerce de TROYES

S.A. Banque CIC Est, société anonyme au capital de 225.000.000 €, dont le siège social est sis [Adresse 5], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de

Strasbourg sous le numéro 754 800 712, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Stanislas COLOMES de la SCP X.COLOMES S.COLOMES-MATHIEU-ZANCHI-THIBAULT, avocat au barreau de L'AUBE, avocat postulant, et Me Ségolène COIFFET de l'EURL SEGOLENE COIFFET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [W] [L]

Né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Eric SEUTET, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

S.A.R.L. CHAMPAGNE MDL, société à responsabilité limitée au capital de 3.000.000 €, dont le siège social est sis [Adresse 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Troyes sous le numéro 304 995 830, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Eric SEUTET, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

S.C.P. CROZAT-[R]-MAIGROT, société civile professionnelle, dont le siège social est sis [Adresse 4], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de

Troyes sous le numéro 414 974 246, prise en la personne de Maître [T] [R] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Champagne MDL, nommée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Troyes du 6 août 2020, ayant ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Champagne MDL

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée

DEBATS :

A l'audience publique du 10 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 juillet 2024

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 09 juillet 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

La société Champagne MDL est la société holding du groupe familial Champagne [L], spécialisée dans l'élaboration de champagne.

Par ordonnance du 12 mai 2016, le président du tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de conciliation au profit de Champagne MDL ainsi que d'autres sociétés du groupe.

Le 18 mai 2016, un accord de conciliation a été signé sous l'égide de Me [C] [O], conciliateur, entre le groupe [L] et les établissements de crédit parmi lesquels la CIC-Est, afin de faire face à des difficultés de trésorerie.

Le protocole de conciliation a été homologué le 31 mai 2016 par jugement du tribunal de commerce de Troyes.

La famille [L] s'engageait notamment à procéder à toutes diligences de nature à permettre un apport en fonds propres, au plus tard le 30 juin 2016, d'un montant de 1 500 000 euros minimum au bénéfice de la société Champagne MDL.

A cette fin, M. [L] acceptait de vendre à la SAFER des parcelles de vignes dont il était propriétaire sur la commune de [Localité 7]. L'intégralité du produit de la cession, après impôts, a été apportée à Champagne MDL, soit 1 500 000 €.

La société Champagne MDL a été placée en redressement judiciaire par jugement du 6 août 2020. Maîtres [D] et [Y] [G] ont été désignés en qualité d'administrateurs judiciaires, et Maître [T] [R] en qualité de mandataire judiciaire.

M. [W] [L] a déclaré une créance de 1 500 000 euros à titre privilégié au passif de la procédure, en invoquant le privilège de " new money " ou privilège de conciliation de l'article L.611-11 du code de commerce.

Par courrier du 16 juillet 2021 adressé au mandataire judiciaire, le CIC-Est, en sa qualité de contrôleur, a, par la voie de son avocat, contesté le caractère privilégié de la créance.

Par ordonnance du 10 octobre 2022, le juge commissaire a admis la créance de renforcement des fonds propres à hauteur d'un montant de 1 500 000 euros à titre privilégié.

L'avis de dépôt de l'état des créances a été publié au BODACC les 12 et 13 juin 2023.

Par requête en date du 12 juillet 2023, le CIC-Est a formé une réclamation contre l'état des créances relatif à la procédure de sauvegarde de Champagne MDL.

Selon ordonnance du 22 janvier 2024, le juge commissaire à la procédure de sauvegarde ouverte au bénéfice de Champagne MDL, a :

- dit que la banque CIC-Est ne justifie pas d'un intérêt personnel et distinct par rapport à la collectivité des créanciers et n'a donc pas qualité à agir ;

- déclaré la requête de la banque CIC-Est irrecevable à ce titre

Le CIC-Est a, par déclaration du 8 février 2021, interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions notifiées le 5 avril 2024, il demande à la cour d'infirmer l'ordonnance du juge commissaire du 22 janvier 2024, et statuant à nouveau :

- juger recevable la réclamation formée par le CIC Est à l'encontre des créances de Champagne MDL,

- prendre acte de ce que la créance déclarée par M. [W] [L] à hauteur de 1.500.000 euros ne bénéficie pas du privilège de conciliation ;

En conséquence :

- infirmer l'ordonnance rendue le 10 octobre 2022 admettant la créance de M. [W] [L] à hauteur de 1 500 000 euros à titre privilégié,

- admettre la créance de M. [W] [L] à hauteur de 1 500 000 euros à titre chirographaire.

La banque fait valoir à titre liminaire qu'en vertu des articles L. 624-3-1, R.624-8 et R. 624-10 du code de commerce, toute personne intéressée peut former une réclamation à l'encontre de l'état des créances de Champagne MDL dans le délai d'un mois à compter du 13 juin 2023, de sorte que la réclamation formée par le CIC le 12 juillet 2023 est recevable.

Elle soutient que l'ordre de répartition des créanciers prévu aux termes de l'article L. 643-8 du code de commerce réserve un rang plus favorable aux créances garanties par le privilège de conciliation établi par l'article L. 611-11 du code de commerce qu'à des créances garanties par des engagements de garanties, que dès lors l'admission de la créance de renforcement des fonds propres à titre privilégié impacte l'ordre de répartition des créanciers de Champagne MDL au détriment de CIC-Est, qui dispose par conséquent d'un intérêt personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers de Champagne MDL à former une réclamation à l'encontre de l'état des créances.

Elle conteste l'existence même du privilège de conciliation dès lors qu'il n'a pas été précisé dans le jugement d'homologation en violation des dispositions de l'article R. 611-40 du code de commerce et qu'il n'en est pas fait mention dans le protocole de conciliation.

Elle souligne les termes de l'article L. 611-10 du code de commerce, qui ouvre une possibilité d'appel du jugement d'homologation aux parties à l'accord en cas de contestation du privilège de l'article L. 611-11, pour faire valoir que M. [L] n'a jamais usé de cette possibilité pour faire reconnaitre son privilège, et pour cause, l'apport effectué par M. [L] n'étant pas assorti d'un quelconque privilège dès lors qu'il était prévu le blocage des sommes jusqu'au complet remboursement des créances des banques.

Enfin, elle estime que M. [L] ne justifie pas de la réalité de l'apport ni de sa nature (apport en compte courant ou en capital)

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 4 mai 2024, M. [W] [L] et Champagne MDL demandent à la cour de :

A titre principal :

Constater :

- que le créancier doit disposer d'un intérêt personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers pour former une réclamation contre l'état du passif, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation,

- que le CIC a soutenu dans sa lettre de contestation du 16 juillet 2021 (i) que le privilège de new money a une influence sur la collectivité des créanciers et (ii) que la contestation du privilège de new money relève des attributions du Mandataire judiciaire représentant l'intérêt collectif des créanciers et qu'il ne peut dès lors soutenir l'inverse sans se contredire et commettre une violation flagrante du principe d'estoppel.

- que le privilège de new money est un privilège de paiement et qu'il a donc nécessairement un impact sur la collectivité des créanciers, de sorte que le CIC ne démontre pas disposer d'un intérêt personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers,

- de surcroît que la réclamation du CIC est motivée de la même manière que sa lettre de contestation envoyée au mandataire es qualités de contrôleur et donc de représentant de la collectivité des créanciers lors de l'établissement de la liste des créances,

- enfin que les engagements de garantie dont dispose le CIC au titre de sa déclaration de créance sont des sûretés réelles et (i) ne sont donc pas de même nature que le privilège de new money et (ii) ne sont donc pas remises en cause par son admission, de sorte que le CIC ne démontre pas disposer d'un intérêt personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers.

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance du juge commissaire du 22 janvier 2024 en toutes ses dispositions,

- débouter le CIC de toute ses demandes, fins et conclusions contraires.

A titre subsidiaire,

Si par exceptionnel la cour d'appel devait infirmer l'ordonnance du 22 janvier 2024 et considérer que le CIC dispose d'un intérêt personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers,

- constater que la cour d'appel de Reims, dans son arrêt du 5 avril 2022, a considéré que " seul [W] [L] a réalisé un apport en trésorerie au sens de l'article L 611-11 du code de commerce en versant la somme de 1.500.000 euros provenant de la vente de vignes afin de renforcer les fonds propres de la société Champagne MDL ",

- constater que les articles L. 611-11 et R. 611-40 du code de commerce ne sanctionnent pas l'absence de mention du privilège de new money dans le jugement d'homologation de l'accord de conciliation, car ils n'en font pas expressément une condition de validité dudit privilège.

En conséquence,

-débouter le CIC de sa réclamation à l'encontre de l'état du passif, et plus précisément de sa contestation de l'admission à titre privilégié de la créance de Monsieur [W] [L],

- débouter le CIC de toute ses demandes, fins et conclusions contraires.

En tout état de cause,

- condamner le CIC à verser à M.[W] [L] et à la société Champagne MDL une indemnité d'un montant de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner le CIC aux entiers dépens de l'instance.

Ils rappellent qu'un créancier n'a qualité à agir contre l'état du passif que s'il dispose d'un préjudice personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers, ce que le CIC ne démontre pas dès lors que le privilège de conciliation est un privilège de paiement ayant un impact sur la collectivité des créanciers, et non une garantie réelle.

Ils précisent que la créance du CIC est privilégiée en vertu d'un gage sur des stocks de bouteilles de champagne, qui n'entre pas en conflit avec le privilège de conciliation de M. [L].

Ils soulignent la contradiction du CIC qui, intervenu ès qualités de contrôleur en juillet 2021 pour contester le privilège de M. [L] au nom de l'intérêt collectif des créanciers, formule la même contestation devant les juridictions en son nom et intérêt personnel, commettant une violation du principe de l'estoppel.

A titre subsidiaire, M. [L] soutient que sa créance au titre de son apport en trésorerie dans le cadre du protocole de conciliation entre bien dans le champ de l'article L. 611-11 du code de commerce instaurant le privilège de conciliation.

La SCP Crozat-[R]-Maigrot prise en la personne de Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Champagne MDL n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Sur l'existence d'un intérêt de la SA BANQUE CIC EST, personnel et distinct de celui de la collectivité des créanciers pour contester l'admission de la créance de M.[W] [L] à titre privilégié

M. [W] [L] a déclaré une créance de 1 500 000 euros à titre privilégié au passif de la procédure de sauvegarde ouverte le 6 août 2020 au bénéfice de la Sarl Champagne MDL en invoquant le privilège de " new money " ou privilège de conciliation de l'article L.611-11 du code de commerce.

Ce privilège énonce qu'en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti dans le cadre d'une procédure de conciliation ayant donné lieu à l'accord homologué mentionné au II de l'article L611 - 8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances selon leur rang prévu au II de l'article L6 22 - 17 et au II de l'article L 143 - 8, soit un privilège général qui n'est primé par les créances antérieures que par les créances superprivilégiées.

Dans la mesure où par ce privilège, M.[L] disposerait d'un privilège de paiement sur toutes les créances antérieures, l'intérêt collectif des créanciers pouvait être de contester cette attribution.

Et dans ce cadre, par courrier du 16 juillet 2021 adressé au mandataire judiciaire, le CIC-Est, en sa qualité de contrôleur, au nom de l'intérêt collectif des créanciers, a par la voie de son avocat, contesté le caractère privilégié de la créance développant que " l'attribution injustifiée d'un tel privilège dégrade logiquement les chances de recouvrement des autres créanciers".

Par ordonnance du 10 octobre 2022, le juge commissaire a rejeté la contestation et a admis la créance de M.[L] à hauteur d'un montant de 1 500 000 euros à titre privilégié.

L'état du passif a été publié au Bodacc les 12 et 13 juin 2023.

Le CIC Est reprend les développements précédents pour contester le caractère privilégié de la créance de M.[L] inscrite au passif publié mais en formant désormais un recours à titre personnel.

Si un créancier autre que celui dont la créance est en cause dispose de la faculté, comme toute personne intéressée, de former une réclamation contre une décision du juge commissaire portée sur l'état des créances, c'est à la condition de justifier d'un intérêt personnel et distinct de celui des autres créanciers pour discuter de l'existence du montant de la nature de la créance.

Dans ce cadre, les intimés constitués estiment à tort que la banque ne peut sans violer le principe de l'estopel, si ce n'est même sans simplement se contredire, considérer dans le cadre de la présente procédure, qu'elle dispose d'un intérêt distinct des autres créanciers pour discuter de l'existence et du montant de la créance de M.[L] alors qu'elle s'est inscrite précédemment pour les mêmes fondements dans la défense de l'intérêt collectif de ceux-ci.

En effet, même si la SA BANQUE CIC EST a contesté l'admission de la créance avant son inscription au passif et mené une action en vue de protéger et reconstituer le gage commun des créanciers, elle conserve la possibilité de contester à titre personnel l'état du passif et voir écarter le privilège de paiement de M.[L] si elle justifie de l'existence d'un intérêt distinct de la collectivité des autres créanciers.

La SA BANQUE CIC EST explique alors qu'elle bénéficie de 3 créances inscrites à titre privilégié dans l'état des créances et que son inscription lui assure une place particulière dans la distribution de l'actif disponible au détriment des autres créanciers antérieurs à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, si ce n'est de M.[L] dont la créance primerait sur la sienne si elle était retenue au titre du privilège de new money.

M.[L] et la Sarl Champagne MDL lui répondent que certes un créancier hypothécaire de second rang aura intérêt direct et personnel à faire réclamation à l'encontre de la décision d'admission d'un créancier hypothécaire de premier rang qui prendrait sa place ou de celle admettant un créancier bénéficiant d'une sûreté sur un même actif précis et avec lequel il devrait partager le bénéfice particulier qu'il aurait pu en tirer, mais qu'en l'espèce tel n'est pas le cas puisque son propre privilège lui donne priorité de paiement de sa créance sur toutes les créances antérieures précitées et donc priorité de distribution de l'actif récolté mais que ne serait pas inclus dans cet actif, celui sur lequel le CIC garderait sa priorité de paiement et constitué par ses gages sans dépossession lui permettant de bloquer la vente des bouteilles par l'intervention des douanes.

Il importe dès lors de vérifier si le privilège accordé à la créance de M.[L] modifie les garanties admises à l'état des créances au bénéfice de la banque.

Reprenant les développements de la banque, la cour retient qu'elle se prévaut de l'existence de suretés accordées et constituées de droits de gage de stocks avec dépossession et portant :

- sur 384 000 bouteilles d'une valeur gagée de 2 300 000 euros selon engagement du 25 avril 2013 ;

-sur 350 000 bouteilles d'une valeur gagée de 2 250 000 euros selon engagement du 3 mars 2014 ;

- sur 270 000 euros d'une valeur gagée de 1 600 00 euros selon un engagement du 25 avril 2013.

Le gage régi par les dispositions des articles L521-1 du code de commerce est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels précis, qu'il emporte affectation spéciale et droit de préférence au sens de l'article 2333 du code civil.

Les contestations pouvant survenir relativement à la validité et l'importance de ces gages n'aboutiraient dans tous les cas pas à donner à la SA BANQUE CIC EST un autre privilège par rapport aux autres créanciers, de sorte que l'intérêt personnel et distinct dont se prévaut la banque, ne peut s'analyser que dans la limite de ce privilège particulier.

Par ailleurs, l'article L643-8 du code de commerce visé par la banque pour dire qu'il réserve un rang plus favorable aux créances garanties par le privilège de conciliation établi par l'article L611-11 du code de commerce, dans sa version en vigueur au moment de l'ouverture de la procédure collective et déterminant la règlementation applicable à cette procédure, n'est pas opérant, en ce qu'il ne traite pas de cette question qui est abordée à cette date aux dispositions de l'article L641-13.

Sur le fondement de cet article L641-13 du code de commerce, il ressort que la répartition entre créanciers, y compris le créancier bénéficiant d'un privilège de conciliation, doit se faire " sans préjudice des droits de rétention opposables à la procédure collective.

Et en cas de vente d'un bien gagé, l'article L622-8 du code de commerce précise encore que les créanciers bénéficiaires de cette sûreté sont payés sur le prix suivant l'ordre de préférence existant entre eux.

La répartition entre créanciers, y compris le créancier bénéficiant d'un privilège de conciliation, apparaît donc se faire sans préjudice des droits de gage sur stock pris par la banque.

Et la SA BANQUE CIC EST ne fait pas état d'un préjudice particulier ou d'éléments de l'espèce pour montrer le contraire et dire que serait inclus dans l'actif distribué en priorité à M.[L], celui sur lequel elle même peut prétendre par l'effet des garanties portant sur des bouteilles qui lui ont été accordées les 25 avril 2013 et 3 mars 2014.

En conséquence, la SA BANQUE CIC EST ne démontre pas l'existence d'un intérêt personnel et distinct des autres créanciers à contester le privilège accordé à M.[L] et l'ordonnance querellée déclarant son appel irrecevable est confirmée.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme l'ordonnance du juge commissaire du 22 janvier 2024 en toutes ses dispositions.

Ajoutant,

Condamne la SA BANQUE CIC EST à payer à M.[W] [L] et la SARL CHAMPAGNE MDL la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Condamne la SA BANQUE CIC EST aux dépens.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 24/00235
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;24.00235 ?
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