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26/06/2024 | FRANCE | N°23/01669

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 26 juin 2024, 23/01669


Arrêt n°

du 26/06/2024





N° RG 23/01669





AP/FM/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 26 juin 2024





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 15 septembre 2023 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE MEZIERES, section Industrie (n° F 22/00108)



Madame [W] [M]

[Adresse 4]

[Localité 1]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale

numéro 2024-000246 du 23/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)



Représentée par Me Emeric LACOURT de la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE, avocat au barreau des ARDENNES





INTIMÉ :



Monsieur [K] [B]

[Adresse 2]...

Arrêt n°

du 26/06/2024

N° RG 23/01669

AP/FM/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 26 juin 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 15 septembre 2023 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE MEZIERES, section Industrie (n° F 22/00108)

Madame [W] [M]

[Adresse 4]

[Localité 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2024-000246 du 23/02/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Emeric LACOURT de la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE, avocat au barreau des ARDENNES

INTIMÉ :

Monsieur [K] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 26 juin 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

Mme [W] [M] prétend avoir travaillé pour le compte de M. [K] [B], boulanger, à compter du 8 mai 2021, en qualité de vendeuse sans contrat de travail écrit et avoir reçu par sms la rupture de son contrat le 17 mai 2021.

Le 11 mai 2022, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières de demandes de rappel de salaire, d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 15 septembre 2023, le conseil de prud'hommes a :

- dit Mme [W] [M] recevable mais partiellement fondée en ses demandes ;

- requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein ;

- déclaré la rupture durant la période d'essai fondée sur un caractère réel et sérieux ;

- condamné M. [K] [B] à verser à Mme [W] [M] les sommes suivantes :

89,68 euros au titre de rappel de salaire,

8,96 euros à titre des congés payés afférents,

800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcé l'exécution provisoire dans la limite des obligations légales ;

- ordonné la remise de documents de fin de contrat corrigés sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de 30 jours suivant la date de mise à disposition du jugement ;

- débouté Mme [W] [M] de ses autres demandes ;

- mis les dépens à la charge de M. [K] [B].

Le 12 octobre 2023, Mme [W] [L] [Y] a interjeté appel du jugement des chefs lui étant défavorables.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Dans ses écritures remises au greffe le 22 février 2024, Mme [W] [M] demande à la cour:

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a dit partiellement fondée en ses demandes, a déclaré la rupture durant la période d'essai fondée sur un caractère réel et sérieux et l'a déboutée de ses autres demandes ;

- de dire et juger que M. [K] [B] s'est rendu coupable de travail dissimulé ;

- de dire et juger nul, à titre principal, et dépourvu de cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire, son licenciement ;

- de condamner M. [K] [B] à lui payer les sommes suivantes :

9 327,48 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

9 327,48 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement nul, à titre principal, et sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire,

388,65 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

38,86 euros à titre de congés payés afférents ;

- d'ordonner à M. [K] [B] de lui remettre un reçu pour solde de tout compte, un bulletin de paie afférent aux rémunérations remises, une attestation Pôle Emploi, ainsi qu'un certificat de travail, dans un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour et par document de retard ;

- de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

- de condamner M. [K] [B] à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles d'appel.

Dans ses écritures remises au greffe le 27 février 2024, M. [K] [B] demande à la cour de:

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme [W] [M] un rappel de salaire, une indemnité de congés payés afférents et une indemnité pour frais de procédure ;

- débouter Mme [W] [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [W] [M] au paiement de la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [W] [M] aux entier dépens.

Motifs :

Sur la demande de requalification d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 8 mai 2021

Mme [W] [Y] prétend à l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 8 mai 2021 jusqu'au 17 mai 2021 tandis que M. [K] [B] invoque un essai professionnel pour les 8 et 9 mai 2021 et une prestation de travail uniquement les 15 et 16 mai 2021.

Sur ce,

Le contrat de travail est la convention par laquelle une personne, le salarié, s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre personne, l'employeur, sous la subordination juridique de laquelle elle se place, moyennant rémunération.

L' existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée.

Pour qu'un contrat de travail soit constitué, il convient de caractériser cumulativement trois éléments : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En outre, en l'absence d'écrit, il incombe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence. A l'inverse, en présence d'un contrat apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve (Cass. soc., 23 mars 2011 n° 09-70.416 ; Cass. soc., 10 mai 2012 n°11-18.681).

Par ailleurs, il est admis que l'employeur puisse recourir à un test professionnel, non obligatoirement rémunéré et distinct de la période d'essai, exclusivement destiné à vérifier la qualification professionnelle et l'aptitude à l'emploi d'une personne qu'il envisage d'embaucher. Il doit s'agir d'une mise en situation, nécessairement de très courte durée (Cass. soc., 9 nov. 2011, n° 10-13.573 ; Cass. soc., 16 sept. 2009, n° 07-45.485), excluant que l'intéressé soit placé dans des conditions normales d'emploi. Le candidat ne doit, durant ce test, effectuer aucune prestation de travail sous la subordination juridique de l'employeur (Cass. soc., 9 nov. 2011, n° 10-13.573). Au cours de ce court exercice, seules quelques missions du futur poste doivent être testées pour évaluer les aptitudes essentielles qui sont requises pour l'occuper. Il n'est pas considéré comme marquant le début des relations contractuelles entre les parties et partant (Cass. soc., 4 janv. 2000, n° 97-41.154).

En l'espèce,

Par sms du jeudi 6 mai 2021, M. [K] [B] a proposé à Mme [W] [Y] d'effectuer un essai le vendredi, samedi et dimanche.

Il n'est pas discuté de la journée du vendredi 7 juin 2021. Aucune des deux parties n'invoque, pour cette date, une quelconque prestation que ce soit au titre d'un essai ou d'un contrat de travail.

S'agissant des 8 et 9 mai 2021, dans un sms du 17 mai 2021 adressé à l'ex-conjointe de M. [K] [B], Mme [W] [Y] a indiqué avoir travaillé le 8 mai 2021 de 5h à 12h30 et le dimanche de 5h à 10h30 ce qui ne pouvait selon elle constituer un essai professionnel.

Dans son courrier de contestation de la rupture du contrat de travail daté du 22 juin 2021, Mme [W] [Y] a reproché à M. [K] [B] d'avoir travaillé 8h30 la journée du samedi 8 mai 2021 alors qu'il avait été convenu un essai professionnel pour le 8 et 9 mai 2021 pour une durée maximale de 4h par jour. Elle a également déploré n'avoir bénéficié que d'une pause de 15 minutes le samedi 8 mai et accusé M. [K] [B] de lui avoir 'demandé de rester beaucoup plus longtemps' et 'd'avoir rajouté une heure de plus avec la stagiaire pour le nettoyage de la boulangerie totalisant 8h30 travaillées sans distinction de poste de travail par rapport aux employés de l'entreprise et 15 min de pause pur ce samedi'.

Aucune réponse n'a été apportée au sms et à la lettre de contestation.

Elle indique par ailleurs, dans ses écrituresqu'elle occupait un véritable emploi puisqu'elle travaillait derrière le comptoir pour servir les clients.

Ainsi, selon Mme [W] [Y], la durée du test a été plus importante que ce qui avait été convenue entre les parties, elle a effectué les mêmes horaires et mêmes tâches que les salariés et elle a reçu des directives de la part de M. [K] [B] en terme d'horaire, de pause et de prestation de travail notamment de nettoyage de la boulangerie caractérisant un lien de subordination.

M. [K] [B] conteste ces éléments et verse une attestation d'une vendeuse qui affirme que Mme [W] [Y] est venue en observation à ses côtés les 8 et 9 mai 2021. Outre,que cette attestation n'est pas circonstanciée et est imprécise, elle émane de l'ex-conjointe de M. [K] [B] avec qui Mme [W] [Y] échangeait pour l'organisation de son travail (remise de planning, demande de papier pour l'établissement du contrat de travail, sms de licenciement). De plus, par un sms du 9 mai 2021 à 12h12, cette personne a demandé à Mme [W] [Y] si elle avait bien pris son emploi du temps sur le micro-onde, ce qui contredit les termes de l'attestation qui fait état de la présence de Mme [W] [Y] le 9 mai 2021 en qualité d'observatrice.

Par ailleurs, M. [K] [B] ne verse aux débats aucun élément pour établir les heures auxquelles Mme [W] [Y] aurait été présente dans la boulangerie ces deux jours du mois de mai. Il n'explique pas en quoi a consisté le test et n'apporte aucune explication quant à sa durée, à la pause et à la prestation de ménage évoquées par Mme [W] [Y].

Au regard de ces éléments, la cour retient que Mme [W] [Y] a été placée dans des conditions normales d'emploi à compter du 8 mai 2021.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 8 mai 2021.

Sur la durée du travail

M. [K] [B] soutient que Mme [W] [Y] a été embauchée à temps partiel et reproche aux premiers juges d'avoir requalifié la relation de travail à temps complet.

Mme [W] [Y] se prévaut de l'absence de contrat écrit pour prétendre à une requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.

Sur ce,

En application de l'article L.3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

A défaut de contrat écrit, le contrat est présumé avoir été conclu à temps plein .

Cette présomption simple peut toutefois être combattue par l'employeur en rapportant la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

En l'espèce,

Il est produit aux débats un contrat de travail à durée indéterminée avec prise d'effet au 15 mai 2021 fixant une durée de travail de 20 heures hebdomdaires. Celui-ci n'est pas signé par Mme [W] [Y]. Il ressort, en outre, des sms échangés avec l'ex-conjointe de M. [K] [B] qu'à la date du 17 mai 2021, aucun contrat de travail écrit n'a été remis à Mme [W] [Y] et que compte-tenu de la rupture de la relation contractuelle, aucun CDI ne serait signé. En conséquence, il ne peut être tenu compte de ce contrat de travail.

La présomption d'un contrat de travail à temps complet trouve donc à s'appliquer et il incombe à M. [K] [B] qui la conteste, d'établir la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue avec Mme [W] [Y] , que cette dernière n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas dans l'obligation de se tenir constamment à sa disposition.

Celui-ci fait valablement valoir que Mme [W] [Y] reconnaît dans ses écritures que l'offre d'emploi à laquelle elle a répondu concernait un poste à temps partiel de 20 heures hebdomadaires.

Le planning qu'elle produit aux débats fixe une durée de travail de 20 heures hebdomadaires.

Mme [W] [Y] indique, par ailleurs, dans ses écritures (p6) exercer une activité en micro-entreprise et dans son courrier de contestation du licenciement, elle fait état de son activité de nutritionniste.

Dans un sms du 9 mai 2021, elle a indiqué à son employeur que le 19 mai 2021 et le samedi suivant elle avait des consultations à honorer.

Ces éléments établissent que le temps de travail était partiel, que Mme [W] [Y] savait quel était son rythme de travail et qu'elle exerçait une autre activité en dehors de son travail au sein de la boulangerie, de sorte qu'elle n'était pas tenue de demeurer en permanence à disposition de son employeur.

En conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a requalifié la relation de travail en un contrat de travail à temps complet.

Sur la demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires

Mme [W] [Y] affirme avoir effectué sept heures supplémentaires correspondant à des prestations de nettoyage effectuées, à la demande de son employeur, à la fin des prestations indiquées dans le planning.

L'employeur soutient que Mme [W] [Y] a été payée de l'ensemble des heures qu'elle a effectuées et fait valoir qu'elle n'indique pas quelles heures elle aurait réalisées ni quelles heures n'auraient pas été payées.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d' heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d' heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce,

Mme [W] [Y] présente une demande en paiement qu'elle désigne dans ses écritures comme un rappel d' heures supplémentaires.

Comme il a été précédemment dit, il n'est pas établi qu'elle a bénéficié d'un contrat de travail à temps complet, ce dont il résulte que la relation de travail s'inscrit dans le cadre d'un temps partiel.

Par suite, sa demande salariale porte sur des heures complémentaires et non des heures supplémentaires.

Mme [W] [Y] affirme avoir effectué sept heures de nettoyage à la fin du travail et précise qu'il était exigé d'elle qu'elle reste pour effectuer le nettoyage car pour l'employeur, il ne s'agissait pas de travail.

Compte tenu de la date de début des relations contractuelles, du planning et des écritures des parties qui s'accordent sur une prestation de travail le 16 mai 2021, il apparaît que Mme [W] [Y] a travaillé sept jours. Il s'ensuit que les sept heures revendiquées correspondent à du travail de nettoyage après chaque journée travaillée.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre avec ses propres éléments, ce qu'il ne fait pas.

Dès, Mme [W] [Y] est fondée à solliciter le paiement de ces heures.

Chacune des heures complémentaires accomplies donne lieu à une majoration de salaire de 25% conformément aux dispositions des articles L.3123-8, du code du travail, L. 3123-29 du code du travail et 21 de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976.

En conséquence, M. [K] [B] sera condamné à payer à Mme [W] [Y] la somme de 89,68 euros à titre de rappel d'heures complémentaires, outre les congés payés afférents.

Le jugement est confirmé par substitution de motifs.

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [W] [Y] prétend, à titre principal, à la nullité de la rupture de son contrat de travail et, à titre subsidiaire, à l'absence de cause réelle et sérieuse de celle-ci.

L'employeur réplique que le contrat de travail a été rompu au cours de la période d'essai prévue par la convention collective.

sur la période d'essai

L'employeur ne peut se prévaloir d'une période d'essai. En effet,en l' absence d'écrit le juge n'est pas tenu de rechercher l'éventuelle existence d'une période d' essai, qui ne se présume pas (Cass. Soc., 6 mai 2009, n° 07-42.599)

sur la nullité du licenciement

Mme [W] [Y] soutient que son licenciement est motivé au moins pour partie par son état de santé, ce que conteste M. [K] [B].

Sur ce,

Il résulte des articles L. 1132-1, L. 1132-4 et L. 1133-3 du code du travail que sauf inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail, le licenciement d'un salarié en raison de son état de santé est nul.

En l'espèce,

Il ressort de la lettre de contestation du licenciement que Mme [W] [Y] a transmis à son employeur le 11 mai 2021, la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé (RQTH), étant relevé que l'employeur indique lui-même avoir été informé de ses soucis médicaux avant même l'embauche (conclusions p. 11).

Mme [W] [Y] a été licenciée par sms du 17 mai 2021 ainsi libellé:

'Malheureusement le comportement que vous avez eu samedi nous inquiète car nous avons eu des retours clients négatifs, beaucoup se sont également plaints que vous désinfecter jamais les mains entre chaque clients.

Nous comprenons que chacun peu avoir des soucis personnels, mais nous ne pouvons pas tolérer que cela se répercute sur le travail demandé et sur l'apparence qu'il faut avoir en vente vis-à-vis des clients.

Nous préférons renvoyer le contrat car nous recherchons quelqu'un de toujours motivé, de souriante quoi qu'il se passe, en forme pour éviter les arrêts maladie, et prudente sur les gestes barrière à respecter (...)'

Dans des sms suivants du même jour, l'ex-conjointe de M. [K] [B] indique:

'le souci c'est que samedi sa a été vraiment compliqué. Nous vous avons vu pleurer plusieurs fois accroupi vous avez pleurer etc...'

' sa nous embêter également de devoir repartir dans des démarches de rechercher une autre personne... mais nous pensons que ce sera la meilleure solution autant pour nous que pour vous car vous avez déjà eu mal au dos et aux yeux...'

'Nous avions su que vous n'étiez pas bien que le dimanche quand les filles nous en ont parlé. Vous avez dit le samedi à [K] que tout aller bien, donc nous ne pouvons pas deviner sinon bien sûr qu'il vous aurez laissé partir'

Ces éléments attestent que la rupture du contrat de travail a été motivée pour partie par l'état de santé de Mme [W] [Y].

En conséquence, le licenciement est nul.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la nullité du licenciement

sur l'indemnité pour licenciement nul

L'article L. 1235-3-1 du code du travail dispose que l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa, notamment en cas de nullité afférente au licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées à l'article L. 1226-13. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Mme [W] [Y] peut prétendre à une telle indemnité peu important que son ancienneté soit inférieure à six mois de salaire tel qu'a pu le juger la Cour de cassation dans un arrêt du 2 juin 2004 (n°02-41.045 )

Il résulte des précédents développements que le temps de travail avait été convenu pour une durée de 20 heures hebdomadaires, soit 86,67 heures mensuelles.

Il résulte du contrat de travail et du bulletin de salaire produit aux débats que la rémunération de Mme [W] [Y] aurait dû s'élever à la somme de 911,77 euros pour 86,67 heures mensuelles.

En conséquence, M. [K] [B] sera condamnée à payer à Mme [W] [Y] la somme de 5 470,62 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Le jugement est infirmé de ce chef.

sur l'indemnité de préavis et les congés payés afférents

Mme [W] [Y] sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

Sur ce,

L'article 32 de la convention collective prévoit qu'en cas de licenciement d'un salarié qui a moins de 6 mois d'ancienneté, la durée du préavis est d'une semaine.

En l'espèce,

Compte tenu de l'ancienneté de Mme [W] [Y] et de sa rémunération, M. [K] [B] sera condamné à payer à cette dernière la somme de 210,40 euros (10,52 euros x 20h), outre les congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Mme [W] [Y] soutient que son employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé et fait valoir qu'elle a travaillé du 8 au 17 mai 2021 sans contrat de travail, ni bulletin de paie, ni remise des documents de fin de contrat et qu'aucune déclaration préalable à l'embauche (DPAE) n'a été effectuée. Elle ajoute que l'employeur a pris soin de payer une partie seulement du salaire à hauteur de 268 euros en espèces.

L'employeur réplique que Mme [W] [M] a travaillé seulement deux jours à temps partiel soit 8 heures et qu'elle ne lui a pas communiqué de numéro de sécurité sociale valide empêchant l'enregistrement de la DPAE de sorte que ce défaut d'enregistrement n'est pas volontaire et ne peut caractériser l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Sur ce,

Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes des dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il résulte de l'article L. 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En l'espèce,

Il résulte des précédents développements que Mme [W] [Y] a travaillé à compter du 8 mai 2021 jusqu'au 17 mai 2021 pour le compte de M. [K] [B].

Le test professionnel des 8 et 9 mai 2021 a en réalité consisté en une véritable prestation de travail.

Ces deux journées n'ont fait l'objet d'aucune rémunération.

Un courrier de l'Urssaf en date du 2 septembre 2022 indique qu'aucune DPAE n' a été effectuée par M. [K] [B] pour le compte de Mme [W] [Y].

Un bulletin de salaire pour des prestations effectuées les 15 et 16 mai 2021 ainsi que les documents de rupture ont été établis en octobre 2022 soit plusieurs mois après la saisine du conseil de prud'hommes et plus d'un an après la rupture du contrat de travail.

Aucun contrat de travail n'a jamais été remis. Au contraire, par sms du 17 mai 2021, l'ex-conjointe de M. [K] [B] a indiqué qu'aucun CDI ne serait signé.

L'employeur affirme qu'il a été dans l'impossibilité d'établir les documents dans la mesure où Mme [W] [Y] ne lui aurait pas communiqué le bon numéro de sécurité sociale. Or, à aucun moment avant la date du 14 septembre 2022 qui correspond à la sommation de communiquer son numéro de sécurité sociale, il n'a été demandé à Mme [W] [Y] de transmettre ce numéro. Au surplus, cette sommation de communiquer ne fait nullement état d'un numéro de sécurité sociale erronée.

Par ailleurs, le bulletin de paie renseigne un montant à percevoir de l'ordre de 100,25 euros payé par chèque alors que par sms du 17 mai 2021 l'employeur avait indiqué à Mme [W] [Y] qu'elle serait payée 274,70 euros. De même, il est produit aux débats la photographie d'un document attestant la remise à Mme [W] [Y] de la somme de 268 euros en espèce le 23 mai 2021.

L'ensemble de ces éléments caractérisent la volonté de l'employeur de se soustraire à ses obligations déclaratives.

Il y a lieu, dans ces conditions, de dire que le travail dissimulé est caractérisé.

Il sera dès lors octroyé à Mme [W] [Y] une indemnité pour travail dissimulée. Cette indemnité forfaitaire, qui a un caractère indemnitaire, ne peut être réduite et doit donc être fixée à six mois de salaire, soit la somme de 5470,62 euros.

Le jugement déféré est infirmé sur ce point

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il y a lieu de confirmer le conseil de prud'hommes qui a ordonné la remise des documents de fin de contrat ainsi qu'un bulletin de paie afférent aux rémunérations remises en précisant cependant que leur remise doit être conforme au présent arrêt et sans qu'il soit utile, en l'absence de circonstances de nature à compromettre la bonne exécution de la présente décision, de prononcer une astreinte sur cette remise.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Mme [W] [Y] voit ses prétentions satisfaites en partie. Elle bénéficie à hauteur d'appel de l'aide juridictionnelle totale, qu'elle n'avait pas en première instance.

Le jugement est confirmé du chef des frais irrépétibles et des dépens.

A hauteur d'appel, M. [K] [B] est condamné aux dépens. L'équité n'impose pas qu'il soit fait droit aux demandes formées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en ce qu'il a:

- dit Mme [W] [M] recevable mais partiellement fondée en ses demandes ;

- requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 8 mai 2021;

- condamné M. [K] [B] à verser à Mme [W] [M] les sommes suivantes :

89,68 euros au titre de rappel de salaire,

8,96 euros à titre des congés payés afférents,

800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise de documents de fin de contrat corrigés ;

- mis les dépens à la charge de M. [K] [B] ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs d'infirmation et y ajoutant;

Requalifie le contrat de travail en contrat à temps partiel de 20 heures hebdomadaires ;

Juge nul le licenciement ;

Dit que M. [K] [B] s'est rendu coupable de travail dissimulé ;

Condamne M. [K] [B] à payer à Mme [W] [Y] les sommes suivantes:

5 470,62 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

210,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

21,04 euros à titre de congés payés afférents,

5 470,62 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

Ordonne la remise des documents de fin de contrat et d'un bulletin de paie afférent aux rémunérations conformes au présent arrêt ;

Dit n'avoir lieu à astreinte ;

Dit que les condamnations sont prononcées sous réserve d'y déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales ;

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [K] [B] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01669
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;23.01669 ?
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