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25/06/2024 | FRANCE | N°23/01576

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 25 juin 2024, 23/01576


ARRET N°

du 25 juin 2024



N° RG 23/01576 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMR6





S.A.S. SOCIÉTÉ AUBOISE MAINTENANCE SERRURERIE





c/



S.A.S. SOCIETE INDUSTRIELLE D'INTERVENTION















Formule exécutoire le :

à :



la SELARL SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES



la SELAS FIDAL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 JUIN 2024



APPELANTE :



d'un jugement rendu le 05 sept

embre 2023 par le tribunal de commerce de REIMS



S.A.S. Société Auboise Maintenance Serrurerie, société par actions simplifiée au capital de 8.000,00 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Troyes sous le numéro 850 748 ...

ARRET N°

du 25 juin 2024

N° RG 23/01576 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMR6

S.A.S. SOCIÉTÉ AUBOISE MAINTENANCE SERRURERIE

c/

S.A.S. SOCIETE INDUSTRIELLE D'INTERVENTION

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES

la SELAS FIDAL

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 JUIN 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 05 septembre 2023 par le tribunal de commerce de REIMS

S.A.S. Société Auboise Maintenance Serrurerie, société par actions simplifiée au capital de 8.000,00 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Troyes sous le numéro 850 748 344, dont le siège social est situé [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité au dit

siège,

Représentée par Me Aurélien CASAUBON de la SELARL SF CONSEIL ET ASSOCIES, avocat au barreau de L'AUBE

INTIMEE :

S.A.S. SOCIETE INDUSTRIELLE D'INTERVENTION, société par actions simplifiée au capital de 262.500,00 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Reims sous le numéro 348 680 992, dont le siège social est situé [Adresse 2], représentée par son président en exercice, Monsieur [I] [S], dûment habilité à cet effet,

Représentée par Me Cécile SANIAL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Emilen AMIZET, avocat au barreau de MULHOUSE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 21 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

La SAS Société Industrielle d'Interventions (la SII) est titulaire de plusieurs lots d'un marché de travaux passé le 12 juin 2018 avec la SA d'HLM Plurial Novilia, maître d'ouvrage, pour la construction de 36 logements locatifs à [Localité 3] (Aisne).

Suivant bon de commande du 29 mai 2019, elle a sous-traité à la SAS SAMS Maintenance Serrurerie (la SAMS) l'exécution des lots " structures métal et bois " et " métallerie " pour un prix total de 95 000 euros hors taxe.

Un nouveau bon de commande du 19 novembre 2019 a été signé par la SII pour des travaux supplémentaires, au prix hors taxe de 6 048 euros.

Par acte d'huissier du 11 février 2022, la SAMS a fait assigner la SII devant le tribunal de commerce de Reims afin d'obtenir le paiement de la somme de 43 531.60. euros TTC au titre de factures impayées et celle de 39 726 euros à titre de dommages intérêts pour résiliation fautive du contrat de sous-traitance.

Par jugement du 5 septembre 2023, le tribunal de commerce de Reims a :

- débouté la société SAMS de toutes ses demandes,

- déclaré la société SII recevable et partiellement fondée sur ses demandes,

- prononcé la résiliation du contrat de sous-traitance à la date du 13 février 2020,

- condamné la SAMS à payer à la société SII la somme de 17 640 euros TTC correspondant à la reprise des malfaçons, défauts de finition et de non conformités sur les travaux réalisés,

- rejeté toute demande des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAMS à supporter les dépens de l'instance, dont frais de greffe pour une somme de 78.96 euros TTC,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Il a relevé que plusieurs comptes-rendus de réunion ont mis en évidence des retards sur l'intervention de SII, donc de SAMS, par le maître d'ouvrage, Plurial Novilia, que les factures faites par la SAMS sont des états avec peu de détails des prestations faites et rendent donc très difficiles la connaissance de l'avancement réel des travaux, que le cumul des factures représente pratiquement la totalité du marché, que suite à des retards répétés, SII a dû reprendre à son compte le chantier et assumer le coût des pénalités de retard au 10 février 2020, ainsi que des frais de reprise des défauts à hauteur de 17 640 euros TTC et qu'un constat d'huissier met en avant de nombreuses prestations non effectuées et de nombreux défauts.

La SAMS a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 septembre 2023.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 décembre 2023, elle sollicite:

- l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions,

- la condamnation de la SII à lui payer la somme de 33 531.60 euros TTC au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2020, date de la mise en demeure,

- la condamnation de la SII à lui payer la somme de 28 566.30 euros à titre de dommages intérêts pour résiliation fautive du contrat de sous-traitance, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

- le rejet de toutes les demandes plus amples ou contraires de la SII,

- la condamnation de la SII à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, y compris l'ensemble des éventuels frais d'exécution forcée.

Elle explique avoir facturé des situations pour les mois d'octobre à décembre 2019 et avoir facturé, en sus, des prestations supplémentaires commandées par la SII, qu'elle affirme avoir intégralement réalisées.

Elle assure que la SII n'a pas remis en cause ces factures, ni la conformité des travaux effectués, jusqu'à ce qu'elle soit contrainte d'interrompre la réalisation du chantier pour obtenir paiement de ses prestations.

Quant au DGPF, elle affirme qu'il a été établi alors que le chantier était déjà arrêté pour non-paiement des factures et qu'il a été contractuellement prévu que la SII paye les travaux réalisés suivant les factures de situation et non sur la base du DGPF ; elle fait observer que la SII reconnaît elle-même que ce décompte n'a fait l'objet que d'un règlement partiel.

Elle explique avoir suspendu le chantier dans l'attente du règlement de sa créance, au titre d'une exception d'inexécution, donc non fautive, mais que la SII a décidé de l'évincer pour reprendre les travaux à son compte, ce qu'elle ne pouvait faire sans commettre de faute. Elle analyse le préjudice en résultant pour elle comme la privation d'un gain contractuellement prévu puisqu'elle n'a pu terminer le chantier.

Elle se prévaut de l'article 1226 du code civil et soutient que la SII devait la mettre en demeure de reprendre le chantier, lui indiquant qu'à défaut, elle procèderait à la résolution du contrat, puisqu'elle devait lui notifier la résolution par écrit, en motivant sa décision, mais que cette résolution ne pouvait intervenir de fait.

Elle définit son préjudice comme la perte de marge brut sur le solde du chantier et non pas comme la perte de bénéfice et conteste que le coût des matériaux doive être pris en compte au motif qu'elle ne devait pas fournir ceux-ci.

Elle s'oppose à la demande reconventionnelle de la SII au motif que celle-ci ne prouve pas les non-conformités qu'elle invoque, les constats d'huissier produits ayant été établis après qu'elle a quitté les chantiers et alors que les travaux n'étaient donc pas achevés.

Elle conteste que l'exception d'inexécution implique la démonstration de l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible.

Elle s'oppose également à la demande de résolution judiciaire du contrat, puisqu'il n'est pas justifié de malfaçons de sa part, ni d'un abandon de chantier, ni de retard alors que les matériaux qui lui étaient nécessaires ne lui avaient pas été livrés.

Par conclusions transmises le 26 avril 2024, la SII demande à la cour de rejeter l'appel de la SAMS, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la SAMS de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel.

Elle conteste le droit de la SII au règlement des factures qu'elle produit, rappelant qu'il lui appartient de prouver l'avancement du chantier et la réalisation des travaux dont elle exige le paiement, qu'à cet égard, les factures sont dénuées de force probante, que le bon de commande signé entre les parties prévoit qu'elle n'est tenue de payer que les factures de situation qu'elle a préalablement validées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Elle affirme que les indications et pourcentages d'avancement repris dans les factures de situation sont faux et que les prix sont surévalués. Elle affirme qu'elle a transmis un décompte des travaux réalisés (DGPF) le 11 janvier 2020, à la demande de la SAMS, qui établit que le pourcentage d'avancement du chantier était alors de 34%, que les parties sont parvenues sur le fondement de ce décompte, à un accord sur un solde à devoir de 38 403.60 euros TTC et que la SAMS a déjà reçu 38 000 euros.

Elle demande la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1228 et 1229 du code civil en invoquant plusieurs manquements de la SAMS : important retard dans l'exécution des travaux, demande de paiement de factures de situation inexactes, réalisation de travaux affectés de nombreuses malfaçons, défauts de finitions et non-conformités, abandon de chantier dès le mois de décembre sans motif légitime. Sur ce dernier point, elle estime que la SAMS n'est pas fondée à invoquer l'exception d'inexécution à défaut de créance certaine au titre de ses factures de situation et parce que cette exception est temporaire, tandis que la SAMS n'a jamais repris le chantier, même après le paiement du solde convenu entre les parties. Elle conteste en outre que la SAMS ait été contrainte d'interrompre le chantier en raison de retards dans la livraison de matériaux.

La SII s'oppose aux demandes indemnitaires de la SAMS en soutenant qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle puisque cette dernière a bien été destinataire d'une mise en demeure lui enjoignant de reprendre les travaux sous peine de résiliation du contrat.

Elle considère que même si la cour ne devait pas confirmer la résiliation judiciaire du contrat, il est évident que le contrat de sous-traitance a été résilié de fait puisque c'est elle qui a repris et achevé les travaux, que la SAMS a abandonné le chantier et a renoncé d'elle-même au bénéfice du contrat.

Elle estime qu'en tout état de cause, la seule faute qui pourrait lui être reprochée est exclusivement tirée du formalisme légal de la résiliation en l'absence de notification écrite mais que sur le fond, cette résiliation était justifiée. Elle ajoute qu'elle était solidaire de la SAMS pour l'exécution du contrat et qu'elle n'avait donc d'autres choix que de résilier le contrat et d'intervenir elle-même pour éviter de nouvelles pénalités à son encontre.

Elle soutient que la SAMS ne démontre pas la preuve d'un préjudice et qu'elle ne peut prétendre que ce préjudice équivaudrait à une perte de marge brute, mais que seule la perte de bénéfice pourrait permettre d'évaluer une perte de gain attendu, qui serait très inférieure à la somme réclamée.

Elle affirme en outre qu'il n'existe pas de lien de causalité entre sa prétendue faute, tirée du non-respect du formalisme légal de la résiliation et le prétendu préjudice de la SAMS lié à la perte du chantier et qu'en toute hypothèse, celle-ci ne peut prétendre au paiement d'une indemnité dès lors que c'est elle qui est à l'origine de son propre préjudice du fait de l'abandon du chantier.

Elle fonde sa propre demande indemnitaire sur la responsabilité contractuelle de la SAMS, au titre de désordres atteignant les travaux réalisés par celle-ci et dont elle dit ne s'être aperçue que lorsqu'elle a été contrainte de terminer les travaux.

MOTIFS

Sur la demande de la SAMS en paiement de factures

Il résulte de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Ainsi que la SAMS le fait valoir, le bon de commande signé par la SII mentionne, à propos du paiement, le versement de 10 000 euros à la commande, puis sur situation mensuelle mais avec la précision suivante : " Situation mensuelle suivant avancement des travaux validée et paiement à 30 jours fdm ".

La SII conteste la réalisation des travaux à hauteur des taux d'avancement facturés et fait valoir qu'elle n'a jamais validé les factures en litige. La SAMS ne peut donc s'en tenir, pour justifier de sa créance, à soutenir qu'elle s'est conformée à ses obligations en facturant des situations mensuelles, ni qu'aucune réclamation ne lui a été adressée et il lui appartient de justifier de la réalité des travaux mentionnés dans les factures dont elle demande le paiement.

Plus précisément, les parties s'accordant sur le fait que la SII a d'ores et déjà payé 38.000 euros à la SAMS et la SII affirmant que celle-ci a ainsi été réglée à hauteur des prestations qu'elle a réellement effectuées, il appartient à cette dernière de justifier de l'exécution des travaux correspondant au surplus de la somme facturée et dont elle demande le paiement.

Or elle ne procède sur ce point que par affirmation, alors qu'en sens contraire, il résulte, pour exemple, d'un compte-rendu de réunion de chantier qu'au 21 janvier 2020, les garde-corps vitrés restaient à finir sur les bâtiments B1 et B2, l'installation des garde-corps sur le bâtiment B2, R1 et R2 étant pourtant l'objet des factures n° FA00000023 du 4 novembre 2019 et n° FA00000030 du 2 décembre 2019 dont le paiement est demandé dans la présente affaire par la SAMS.

Si dans ce même compte-rendu, le représentant de la SII explique que les garde-corps complémentaires des balcons sont en cours de fabrication et que les garde-corps R+3 du B1+ B2 ne sont pas fabriqués, ce qui tend à confirmer l'affirmation de la SAMS selon laquelle elle restait dans l'attente des livraisons de la part de la SII pour poursuivre le chantier, la SAMS ne peut pour autant prétendre obtenir le paiement des travaux en cause, puisqu'ils n'ont pas été exécutés.

En conséquence, la SAMS ne peut qu'être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 33 531,60 euros au titre des factures impayées, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur le contrat de sous-traitance

Il résulte de l'article 1217 du code civil que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment provoquer la résolution du contrat.

L'article 1228 prévoit que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

L'article 1229 dispose : " La résolution met fin au contrat.

La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ".

La SII demande la confirmation du jugement prononçant la résiliation du contrat la liant à la SAMS sur le fondement de plusieurs manquements de cette dernière : un important retard dans l'exécution des travaux, la demande de payer des factures de situation inexactes, la réalisation de travaux affectés de nombreuses malfaçons, des défauts de finition et non-conformités et l'abandon du chantier dès le mois de décembre 2019 sans motif légitime.

La SII produit un courrier électronique que l'architecte, maître d''uvre sur le chantier, lui a adressé le 2 octobre 2019 à propos d'un retard d'une semaine dans le démarrage des travaux du bâtiment B1+ B2 (qui devait débuter le 10 septembre 2019), ainsi que des comptes-rendus de réunion de chantier mentionnant un retard à rattraper au 1er octobre 2019 dans la réalisation des balcons des bâtiments B1 + B2 et C1, proposition étant faite au maître de l'ouvrage d'appliquer des pénalités de retard.

De nouveaux retards sont mentionnés dans l'exécution des lots confiés à la SII et sous-traités à la SAMS dans un compte-rendu du 12 novembre 2019.

La SAMS ne conteste pas avoir interrompu ses travaux au début de l'année 2020 et un décompte du 10 février 2020 fait apparaître l'application à la SII de 18 480 euros de pénalités pour un retard d'exécution de 30 jours sur un des deux lots sous-traités à la SAMS.

L'attente des livraisons par la SII que la SAMS invoque ne suffit pas à justifier la totalité des retards ainsi mis en évidence alors que des comptes-rendus de chantier mentionnent la nécessité de simples opérations de nettoyage ou d'évacuation, qui n'imposent pas la livraison de matériaux.

Et il a été précédemment établi que la SAMS ne justifiait pas avoir effectivement exécuté la totalité des travaux dont elle demande le paiement du solde, de sorte qu'elle n'est pas fondée à justifier la suspension de son intervention sur le chantier au titre d'une exception d'inexécution.

En outre, la SAMS n'a jamais repris ses travaux, ni proposé de le faire, en dépit de l'envoi par la SII le 11 janvier 2020 d'une mise en demeure de terminer l'ensemble des travaux balcons, plancher et garde-corps dès que possible.

Dans un courrier électronique du 11 janvier 2020, la SAMS a répondu qu'elle n'avait pas exprimé la volonté d'arrêter le chantier, mais demandait le paiement de ses factures de situation mensuelle et invoquait l'absence de livraison du matériel à installer.

Pourtant, dans un courrier électronique du 20 janvier 2020, en réponse à un décompte transmis par la SII, la SAMS a conclu que celui-ci faisait apparaître un solde restant dû par la SII de 8 403,60 euros et indiqué qu'elle attendait d'être honorée de cette différence de prix. Et la SII lui a versé 8 000 euros le 4 février 2020, sans que la SAMS ne reprenne ses travaux.

Le procès-verbal de constat d'huissier précité du 13 février 2020 fait apparaître la présence de matériaux en attente d'installation, ce qui permettait à la SAMS, ayant par ailleurs reçu paiement de la somme précitée, de reprendre ses activités sur le chantier à cette date, au plus tard.

La SII est donc fondée à reprocher à la SAMS des manquements contractuels du fait de retards dans l'exécution du chantier, puis de son arrêt, injustifié, lequel s'est poursuivi jusqu'à la fin du chantier, sans que la SAMS ne démontre que la SII l'aurait empêchée de reprendre ses travaux, de sorte qu'elle ne peut valablement soutenir qu'elle aurait été évincée. Sa demande en paiement de dommages intérêts pour résiliation fautive du contrat de sous-traitance par la SII sera dès lors rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

La SII justifie en outre de malfaçons dans les travaux réalisés par la SAMS, par un procès-verbal de constat d'huissier du 13 février 2020 qui indique que, sur le bâtiment B1 B2, les extrémités des lattes de bois des balcons ont été coupées de manière aléatoire et ne sont pas alignées et qui fait état de la présence de nombreux trous mal alignés et percés de manière aléatoire au niveau du plancher de la terrasse.

Dans un autre procès-verbal de constat, dressé le 9 juillet 2020, l'huissier de justice fait état de joints mal fixés sur 15 vitres au moins des balcons.

Ces constatations valent jusqu'à preuve contraire, que la SAMS, qui ne saurait faire valoir qu'ils n'ont pas été établis en sa présence pour les voir écarter, ne rapporte pas. La circonstance qu'elles ont été opérées après le départ de la SAMS du chantier est sans emport dès lors que sont en cause des malfaçons et non un manque de finition.

Par ailleurs, il n'est nul besoin d'un avis technique pour établir l'absence de conformité aux règles de l'art des désordres relevés par l'huissier de justice, dont les seules constatations suffisent à établir les malfaçons invoquées.

L'ensemble des manquements précités (retards puis arrêt injustifié du chantier, malfaçons) sont suffisamment importants pour justifier la résolution du contrat liant les parties, particulièrement l'arrêt du chantier par la SAMS.

Le contrat ayant trouvé à s'exécuter utilement pour les deux parties jusqu'au 13 février 2020, date du constat d'huissier précité, établi après l'arrêt définitif des travaux par la SAMS, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il prononce sa résiliation à cette date.

Sur la demande en paiement de la SII

L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La SII demande la condamnation de la SAMS à lui payer le coût de reprise des travaux réalisés par la SAMS, affectés de malfaçons, défauts de finition et non-conformités. Elle se réfère, pour justifier de ces désordres aux procès-verbaux de constat d'huissier déjà cités des 13 février et 9 juillet 2020.

Cependant, ces procès-verbaux relèvent essentiellement des non-façons et la SAMS a été déboutée de sa demande en paiement de ses factures en considération de ces non-façons. La SII n'est donc pas fondée à obtenir en outre une indemnisation au titre du coût de réalisation des travaux que la SAMS n'a pas réalisés, sauf à sanctionner 2 fois ce manquement contractuel.

Seules les malfaçons relevées par l'huissier, qui atteignent les travaux effectivement réalisés par la SAMS, pour lesquels celle-ci a reçu paiement, ouvrent droit à indemnisation pour la SII :

- sur les bâtiments B1 B2 : extrémités des lattes coupées de manière aléatoire et non alignées, trous mal alignés et percés de manière aléatoire au niveau du plancher de la terrasse, vis mal enfoncées entraînant un léger jeu au niveau des lattes de bois,

- sur le bâtiment C : boulonneries mal fixées et constat d'un jour important au niveau de certaines plaques.

Au vu du détail de la facture de la SII, le coût de reprise de ces désordres peut être évalué à la somme totale de 7 082.58 euros hors taxes, la SAMS ne fournissant aucun élément de nature à mettre en cause l'évaluation de ce coût par la SII, qui a procédé elle-même aux reprises.

La SAMS sera donc condamnée à payer la somme de 7 082.58 euros hors taxe à la SII, le jugement étant infirmé sur le seul quantum de la somme allouée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens et frais irrépétibles de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

La SAMS, qui succombe en son appel, supportera la charge des dépens de cette procédure et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il est équitable d'allouer à la SII la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 5 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Reims en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il condamne la SAS SAMS Maintenance Serrurerie à payer à la SAS Société Industrielle d'Interventions la somme de 17 640 euros TTC,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne la SAS SAMS Maintenance Serrurerie à payer à la SAS Société Industrielle d'Interventions la somme de 7 082.58 euros hors taxes au titre du coût de reprise des malfaçons,

Y ajoutant,

Condamne la SAS SAMS Maintenance Serrurerie à payer à la SAS Société Industrielle d'Interventions la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel,

Déboute la SAS SAMS Maintenance Serrurerie de sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS SAMS Maintenance Serrurerie aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 23/01576
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.01576 ?
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