La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2024 | FRANCE | N°23/01420

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 25 juin 2024, 23/01420


ARRET N°

du 25 juin 2024



N° RG 23/01420 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMHQ





Société RELYENS MUTUAL INSURANCE





c/



[Y]

[G]

Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MA RNE















Formule exécutoire le :

à :



la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-

LEAU



Me Anne-dominique BRENER



Me Christophe VAUCOIS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 JUIN 20

24



APPELANTE :



d'un jugement rendu le 19 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de CHALONS- EN-CHAMPAGNE



Société Relyens Mutual Insurance, nouvelle dénomination de la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES (S.H.A.M.), Société Mutuel...

ARRET N°

du 25 juin 2024

N° RG 23/01420 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMHQ

Société RELYENS MUTUAL INSURANCE

c/

[Y]

[G]

Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MA RNE

Formule exécutoire le :

à :

la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-

LEAU

Me Anne-dominique BRENER

Me Christophe VAUCOIS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 JUIN 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 19 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de CHALONS- EN-CHAMPAGNE

Société Relyens Mutual Insurance, nouvelle dénomination de la SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES (S.H.A.M.), Société Mutuelle d'Assurances, dont le siège social est [Adresse 3] à [Localité 12], prise en la personne de son président du conseil d'administration pour ce domicilié de droit audit siège

Représentée par Me Laetitia JOURNE-LEAU de la SCP SAMMUT-CROON-JOURNE-LEAU, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMES :

Madame [S] [Y]

Née le [Date naissance 13] 1972 à [Localité 15] (Seine-et-Marne)

[Adresse 1]

[Localité 9]/FRANCE

Représentée par Me Anne-Dominique BRENER, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MARNE

Etablissement de droit privé en charge d'un service public régi par le Code de la Sécurité Sociale, dont le siège social est [Adresse 2] à [Localité 10] agissant poursuites et diligences de son directeur domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Christophe VAUCOIS, avocat au barreau des ARDENNES

Maître [H] [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [O]-[C] [M]

De nationalité française, médecin gynécologue, domicilié [Adresse 4] à

[Localité 7], ayant étude [Adresse 5] à [Localité 8]

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 21 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Mme [S] [Y] a été opérée le 1er aout 2017, alors âgée de 45 ans, à la Polyclinique [16] de [Localité 7], par le Docteur [O]-[C] [M], gynécologue, pour une ablation de kystes aux deux ovaires.

Invoquant une opération distincte de celle prévue, et des complications ayant donné lieu à plusieurs interventions chirurgicales en raison de fautes du Dr [M], Mme [Y] a déposé une plainte disciplinaire auprès de l'Ordre des médecins de la Marne en janvier 2018, et a sollicité en référé une expertise judiciaire le 29 mai 2018.

Elle indique avoir découvert à cette occasion que le Dr [M] avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 16 mai 2017 et Me [G] désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

La Chambre disciplinaire de première instance de Champagne Ardennes de l'Ordre des médecins a sanctionné le Dr [M], ni présent ni représenté, d'une interdiction d'exercer de trois mois aves sursis, pour manquement à son obligation d'assurance de responsabilité civile professionnelle et manquement à son obligation d'information de sa patiente.

Le Dr [Z], désigné par ordonnance du 11 avril 2019, a rendu son rapport le 10 août 2019, sans que le Dr [M] n'ait pu être contacté. Il a conclu notamment que l'indication opératoire avait été mal posée, qu'au cours de l'intervention, les gestes préventifs concernant les lésions per opératoires des uretères n'ont pas été réalisés, que cette attitude n'est pas conforme aux bonnes pratiques, et que les complications urétérales sont imputables à l'intervention chirurgicale.

Par exploits d'huissier des 19 et 29 juin 2020, Mme [S] [Y] a fait assigner Me [G] ès qualités de liquidateur judiciaire du Dr [M], la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et la CPAM de la Haute Marne devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne aux fins de voir engager la responsabilité du Dr [M] et d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

La SHAM a reconventionnellement sollicité l'exclusion de sa garantie.

Le Dr [M] est décédé le [Date décès 11] 2021, en conséquence de quoi Mme [Y] a retiré ses demandes dirigées contre Me [G] ès qualités de mandataire judiciaire, et la CPAM s'est formellement désistée de ses demandes formées contre elle.

Aux termes de ses dernières conclusions, Mme [Y] demandait notamment aux premiers juges de

- dire et juger que le Dr [M] a commis une faute dans l'opération qu'il a pratiquée le 1er août 2017 sur Mme [Y],

- déclarer M. [M] responsable des complications et séquelles causées par cette opération à Mme [Y],

- condamner la SHAM à payer à Mme [Y] en indemnisation de son préjudice, à titre de dommages et intérêts, les sommes de :

. 2 600 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

. 7 000 euros au titre des souffrances endurées avant consolidation

. 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

. 3 300 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne

. 309,50 euros au titre des fournitures complémentaires

. 6 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

. 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent

. 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément

. 4 000 euros au titre du préjudice sexuel permanent

(soit une somme totale de 27 709,50 euros)

Par jugement réputé contradictoire du 19 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a :

- fixé à la somme de 39.060,25 euros le montant des préjudices patrimoniaux et à la somme de 12.936,25 Euros le montant des préjudices extra-patrimoniaux subis par Mme [Y] consécutivement à l'intervention médicale injustifiée du Docteur [M] du 1er août 2017, soit un montant total de 51.996,50 euros

- fixé à la somme de 15.176,68 euros la créance indemnitaire due à Mme [Y], déduction faite des débours de la CPAM de la Haute-Marne (36.819,82 Euros)

- condamné la SHAM à payer à Mme [Y] la somme de 15.176,88 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement

- condamné la SHAM à payer à Mme [Y] la somme de 2.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- condamné la SHAM à payer à la CPAM de la Haute-Marne la somme de 36.819,82 Euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2022 au titre de ses débours définitifs

- condamné la SHAM à payer à la CPAM de la Haute-Marne la somme de 1.098 Euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion

- condamné la SHAM à payer à la CPAM de la Haute-Marne la somme 1.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- condamné la SHAM aux dépens

Il s'est fondé sur le rapport d'expertise pour considérer que le Dr [M] avait engagé sa responsabilité médicale.

Il a rejeté la demande d'exclusion de garantie de la SHAM en relevant que le Dr [M], en liquidation judiciaire à titre personnel au jour de l'opération, était intervenu au nom de la SELARL, non soumise à l'interdiction d'exercer, et que le défaut d'information sur l'ouverture d'une procédure collective était sans conséquence pour l'assureur.

Il a fixé les préjudices comme suit :

dépenses de santé actuelles : 34 375,87 euros

perte de gains professionnels actuels : 2 704,38 euros

assurance tierce personne : 1 980 euros

déficit fonctionnel temporaire : 2 436,25 euros

préjudice esthétique temporaire : 1 500 euros

déficit fonctionnel permanent : 1 500 euros

préjudice esthétique permanent : 500 euros

préjudice d'agrément : néant

préjudice sexuel : 2 000 euros

(soit un total de 51 996,50 euros donc 36 819,82 euros)

Par déclaration du 1er septembre 2023, la société Relyens Mutual Insurance (anciennement SHAM) a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions n°3 notifiées par RPVA le 25 janvier 2024, elle demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 19 juillet 2023 par le tribunal Judicaire de Châlons-en-Champagne, et statuant à nouveau de :

A titre principal,

- débouter Mme [Y] et la CPAM de la Haute Marne de leurs demandes en garantie à l'encontre de la société Relyens Mutual Insurance.

- débouter Mme [Y] et la CPAM de la Haute Marne de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la société Relyens Mutual Insurance.

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité du contrat d'assurance souscrit par le Dr [M] auprès de la société Relyens Mutual Insurance à compter de la publication du jugement du 16 mai 2017 prononçant la liquidation judiciaire du Docteur [M].

- débouter Mme [Y] et la CPAM de la Haute Marne de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la société Relyens Mutual Insurance.

Dans tous les cas,

- débouter Mme [Y] de ses demandes au titre du préjudice sexuel.

- condamner in solidum Mme [Y] et la CPAM de la Haute Marne à verser à la société Relyens Mutual Insurance la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner in solidum Mme [Y] et la CAPM de la Haute Marne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Relyens Mutual Insurance, nouveau nom de la SHAM, dénie sa garantie en soutenant qu'en application des articles L. 641-9 III et L. 640-2 du code de commerce, le prononcé de la liquidation judiciaire le 16 mai 2017 entraînait pour le Dr [M] l'interdiction d'exercer son activité à titre libéral à compter de cette date, et que l'exercice illégal de la médecine par le Docteur [M] lors de l'intervention du 1er juin 2017 ne peut donner lieu à garantie par la société Relyens Mutual Insurance.

Elle conteste l'argumentation retenue par le tribunal judiciaire en affirmant que Mme [Y] a bien été prise en charge par le Dr [M] en qualité de praticien libéral et non par une SELARL dont le nom ne figure aucunement sur le dossier médical de la patiente à part sur un devis adressé trois semaines après l'intervention, sans autre précision.

Elle ajoute que par ailleurs, elle n'a jamais été assureur d'une quelconque SELARL [M].

En réponse à l'argumentation développée par Mme [Y], la société Relyens Mutual Insurance précise que l'ensemble de la prise en charge par le Dr [M] a démarré postérieurement à la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire entraînant une interdiction d'exercer à titre libéral.

La société Relyens Mutual Insurance invoque à titre subsidiaire la nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances pour défaut de déclaration par l'assuré de son changement de situation, en considérant que le Dr [M] a caché à son assureur un changement important de son statut juridique entrainant une interdiction d'exercer l'activité assurée, qui, si l'assureur l'avait su, aurait donné lieu à une résiliation du contrat.

Enfin, à titre infiniment subsidiaire, la société Relyens Mutual Insurance conteste tout préjudice sexuel résultant de l'intervention du Dr [M].

Par conclusions du 13 janvier 2024 portant appel incident, Mme [S] [Y] demande à la cour de:

- confirmer le jugement du 19 juillet 2023 dans la mesure utile.

Y ajoutant,

- dire et juger que le Dr [M] a commis une faute dans le diagnostic et l'opération qu'il a pratiquée le 1er août 2017 sur Mme [Y],

- déclarer le Dr [M] entièrement responsable des complications et séquelles causées à Mme [Y]

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Relyens Mutual Insurance à payer à Mme [Y] une somme de 15 176,68 euros,

- déclarer Mme [Y] recevable et bien fondée en son appel incident sur l'indemnisation de son préjudice sexuel,

- statuant à nouveau, condamner la Société Relyens Mutual Insurance à payer à Mme [Y] 4.000 euros en indemnisation de son préjudice sexuel.

- condamner la Société Relyens Mutual Insurance à payer à Mme [Y] une somme totale de 19.176,68 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Relyens Mutual Insurance (anciennement SHAM) à payer à Mme [Y] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamner la Société Relyens Mutual Insurance à payer à Mme [Y] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure en appel.

- condamner la Société Relyens Mutual Insurance aux dépens de première instance et d'appel.

Mme [Y] fait valoir, sur le fondement du rapport d'expertise, que les fautes commises par le Dr [M] sont clairement établies et engagent pleinement sa responsabilité.

Elle soutient que la prise en charge par le Dr [M] a commencé au mois d'avril 2017 par des échographies qui ont amené à l'indication erronée de kystes et à la prescription d'une opération inutile, avec les conséquences dommageables qui en ont découlé pour Mme [Y], et qu'à cette date, la liquidation judiciaire du Dr [M] n'avait pas été prononcée.

Elle invoque un compte rendu opératoire du Dr [M] en date du 30 octobre 2017 établi sur papier à entête et pied de page de la SELARL Dr E.A [M] pour affirmer que le Dr [M], bien qu'en liquidation judiciaire, pouvait parfaitement continuer à exercer en société. Elle ajoute que le Dr [M] avait conservé ses diplômes et que selon la chambre disciplinaire de première instance de Champagne-Ardenne de l'Ordre des médecins, aucune interdiction d'exercer du Docteur [M] sous le statut libéral n'existait à la date de l'intervention, du 1er août 2021.

Mme [Y] conteste la nullité du contrat d'assurance en estimant que l'intention du Dr [M] de cacher ou de faire une fausse déclaration n'est pas démontrée, et que le défaut d'information concernant l'ouverture d'une procédure collective à son encontre n'a pas modifié l'objet du risque ni diminué l'opinion de l'assureur.

Sur l'évaluation des différents postes de préjudice, Mme [Y] sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le préjudice sexuel permanent que le tribunal a écarté et qu'elle souhaite voir fixer à 4 000 euros.

Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 23 octobre 2023, la CPAM de la Haute Marne demande à la cour de:

- confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Châlons-en -Champagne du 19 juillet 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

- dire et juger que les intérêts échus des condamnations confirmées, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts.

- condamner Relyens Mutual Insurance, nouvelle dénomination de la S.H.A.M., à payer à la CPAM de la Haute Marne au titre des frais irrépétibles d'appel, la somme de 2.000 € 00.

- condamner Relyens Mutual Insurance aux dépens de l'instance d'Appel.

Subsidiairement, Statuant alors à nouveau.

- dire et juger Monsieur [O]-[C] [M], médecin gynécologue, entièrement responsable du préjudice subi par Madame [S] [Y] ensuite de l'intervention du 1er août 2017.

Vu le décès de M. [O]-[C] [M], constater que la CPAM de la Haute Marne s'est désistée, lors de la première instance, des demandes formées contre Maître [H] [G] es-qualité de liquidateur judicaire de M. [O]-[C] [M]

- condamner Relyens Mutual Insurance à payer à la CPAM de la Haute Marne :

Débours exposés''''''.''''''''''' 36.816 € 82

Indemnité forfaitaire de gestion'''''''''''. 1.091 € 00

- dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de la notification des conclusions présentant les demandes de la CPAM, soit à compter du 28 janvier 2022, en application de l'alinéa 1 de l'article 1231-6 du Code Civil, ce en quoi le jugement du Tribunal Judiciaire de Chalons en Champagne du 19 juillet 2023 sera confirmé.

- dire et juger les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts'

- condamner Relyens Mutual Insurance à payer à la CPAM de la Haute Marne, au titre des frais irrépétibles d'appel, la somme de 2.000 € 00

- condamner Relyens Mutual Insurance aux dépens de l'instance d'Appel.

La CPAM fait valoir, sur le fondement du rapport d'expertise, que le Dr [M] a engagé sa responsabilité médicale à l'égard de Mme [S] [Y].

Elle invoque son recours subrogatoire à l'encontre de la liquidation judiciaire du Dr [M] sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, abandonné au profit de son droit d'action directe à l'encontre de l'assureur de responsabilité civile de la personne responsable sur le fondement de l'article L. 124-3 du code des assurances.

Elle soutient que la responsabilité du Dr [M] est encourue dans le cadre de l'exercice de sa profession ayant conservé les diplômes requis pour exercer quoiqu'en liquidation judiciaire, que le Dr [M] n'avait pas perdu l'autorisation d'exercer la médecine, et que le contrat d'assurance garantit les fautes commises dans l'exercice de la médecine.

Elle conteste la nullité du contrat d'assurance sur le fondement des conditions générales du contrat d'assurance en affirmant que la circonstance nouvelle du placement en liquidation judiciaire n'avait pas pour conséquence, soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux, le Dr [M] n'ayant pas perdu l'autorisation d'exercer la médecine.

La CPAM sollicite donc le remboursement par la société Relyens Mutual Insurance des débours exposés à hauteur de 36 816,82 euros ainsi que le paiement d'une indemnité forfaitaire de gestion en application de l'article 1343-2 du code civil pour 1 098 euros.

Maître [H] [G] es qualité de liquidateur judiciaire de M. [M] n'a pas constitué avocat. Tant l'assignation initiale que les dernières conclusions d'appel ont été remises à domicile.

MOTIFS

Sur la responsabilité du Dr [O]-[C] [M]

Le Dr [M] est intervenu au stade du diagnostic puis au stade de l'opération chirurgicale à laquelle a conduit le diagnostic.

Mme [Y] sollicitait devant les premiers juges la reconnaissance de la faute du Dr [M] dans l'opération qu'il a pratiquée.

Elle sollicite devant la cour que soit reconnue la faute de ce dernier dans le diagnostic et l'opération qu'il a pratiquée.

S'agissant du diagnostic, qui, selon le rapport d'expertise, a été posé lors de deux consultations avec le Dr [M] en juin et juillet 2017, le Dr [Z] a considéré que Mme [Y] présentait très probablement une dystrophie ovarienne secondaire aux multiples interventions antérieures, ces interventions étant responsables d'adhérences autour des ovaires restants qui entraînaient une gêne à la fonction ovarienne entrainant des douleurs et des images liquidiennes qui ne sont pas des kystes. Il a conclu que le traitement de ces dystrophies ovariennes ne repose pas sur la chirurgie en première intention, que d'autres traitements dont l'abstention étaient préférables, et que l'indication opératoire posée était par conséquent abusive.

Le Dr [M] a par conséquent commis une faute engageant sa responsabilité au stade du diagnostic et de l'indication médicale opératoire qui s'en est suivie, le préjudice en résultant étant la perte de chance de ne pas recourir à une opération avec les risques correspondants.

S'agissant de l'opération, le Dr [Z] a indiqué que les lésions de l'uretère peuvent survenir lors des annexectomies difficiles et que leur prévention repose sur le repérage de l'uretère en per opératoire afin d'éviter de le léser, ou la dissection de l'uretère. Il a relevé que ces gestes préventifs n'ont pas été réalisés au cours de l'intervention et que cette attitude n'est pas conforme aux bonnes pratiques chirurgicales.

La faute du Dr [M] au stade opératoire est donc caractérisée.

Mme [Y] tend en conséquence à voir reconnaître le Dr [M] entièrement responsable des complications et séquelles qui lui ont été causées, à savoir principalement l'incontinence urinaire et anale et les douleurs abdominales.

Il est constant qu'en suite de l'intervention du Dr [M], Mme [Y] a présenté une nécrose de l'uretère qui a nécessité trois interventions.

Il ressort du rapport d'expertise :

. que les complications urétérales sont entièrement imputables à l'intervention du Dr [M], mais qu'elles ont été bien prises en charge et que les séquelles à long terme ne sont que des infections urinaires bénignes bien que gênantes ;

. que l'incontinence anale comme l'incontinence urinaire d'effort ne sont pas imputables aux interventions ;

. que si les signes d'irritabilité vésicales peuvent être imputables aux complications urétérales, même cette imputabilité ne peut pas être retenue de façon directe et certaine aux interventions urinaires, ce type de complication n'étant pas décrit après les interventions de réimplantation urétéro vésicales ;

. que les douleurs pelviennes gauches qui persistent ne sont que la conséquence de la dystrophie ovarienne initiale qui persiste sur l'ovaire gauche laissé en place ;

. que tous les autres symptômes que présente actuellement Mme [Y] ne sont pas imputables à l'intervention.

Dans cette limite, la responsabilité du Dr [M] est retenue.

Néanmoins, compte tenu du décès de ce dernier le [Date décès 11] 2021, Mme [Y] et la CPAM ont retiré leurs demandes dirigées contre Me [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [M] et ne formulent pas de demandes autonomes de fixation du préjudice mais des demandes de condamnation de la compagnie d'assurance société Relyens Mutual Insurance.

L'étendue et les conséquences de la responsabilité retenue seront donc analysée dans le cadre des seules prétentions soulevées soit celles précitées dirigées contre la compagnie d'assurance.

Sur la garantie de la société Relyens Mutual Insurance

Mme [Y] demande la condamnation de la société Relyens Mutual Insurance à lui payer les sommes correspondant à l'indemnisation de son préjudice.

La CPAM de la Haute Marne entend la voir condamner à lui rembourser ses débours au titre de son action directe sur le fondement de l'article L. 124-3 du code des assurances.

La société Relyens Mutual Insurance invoque à titre principal l'exclusion de sa garantie au motif que le Dr [M] était sous interdiction d'exercer du fait de sa liquidation judiciaire au moment de l'intervention, et qu'il travaillait au sein d'une SELARL E.A Johson, non soumise à une procédure collective à la date de l'intervention chirurgicale, mais dont elle n'a jamais été l'assureur.

Sur l'existence d'un contrat couvrant l'activité professionnelle du Dr [M]

La société Relyens Mutual Insurance produit un contrat d'assurance Responsabilité civile professionnelle à effet au 5 mars 2011, au nom du Docteur [M] [O] [C].

Conformément à l'article 2.1 des conditions générales, et aux termes d'un avenant aux conditions particulières du 1er janvier 2017, la compagnie d'assurance garantissait les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par ce dernier à l'égard des tiers, dans le cadre de l'exercice légal de sa profession et pour les activités suivantes :

- Praticien hospitalier-Gyneco-obstétrique avec pratique de l'obstétrique, au centre hospitalier de [Localité 7]

- Libéral-Chirurgie gynécologie sans accouchement et sans écho f'tale, à la polyclinique [14] de [Localité 7]

- Libéral-Gynécologue obstétricien avec échos obstétricales et/ou f'tales, à son cabinet situé à [Localité 7].

Le Dr [M] était donc, au moins depuis le 1er janvier 2017, assuré auprès de la SHAM pour les actes entrant notamment dans son activité de médecin libéral en gynécologie à la polyclinique [16] de [Localité 7].

Il n'est pas contestable que l'assuré était bien le Dr [M], et non la SELARL E.A [M].

L'assurance de responsabilité civile professionnelle de l'associé en son nom personnel est appelée à couvrir les conséquences pécuniaires des dommages corporels, matériels et immatériels que le praticien peut causer à des tiers au cours de son activité, quel que soit son mode d'exercice, en son nom personnel ou au nom d'une société d'exercice libéral.

Ainsi les tiers peuvent agir indifféremment contre l'associé fautif, contre la société ou contre les deux en même temps. Mme [S] [Y] a choisi d'agir en responsabilité contre le Dr [M] à titre personnel, la SELARL E.A [M] étant déjà en liquidation judiciaire lors de l'assignation.

Sur les conditions de la garantie

Conformément au préambule et à l'article 2.1 des conditions générales, la garantie de l'assurance est subordonnée à l'exercice régulier de son activité par le professionnel.

Ne sont ainsi pas garanties les conséquences d'actes professionnels que l'assuré n'est pas autorisé à pratiquer (article 7.3.4 des conditions générales).

M. [O] [M], médecin spécialiste gynécologue, immatriculé sous le numéro Siren [Numéro identifiant 6], a été placé en liquidation judiciaire par jugement du 16 mai 2017, publié au BODACC le 13 juin 2017.

Ainsi en application des dispositions de l'article L. 641-9 III du code de commerce selon lesquelles lorsque le débiteur est une personne physique, il ne peut exercer, au cours de la liquidation judiciaire, aucune des activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2, parmi lesquelles figurent les activités professionnelles indépendantes y compris les professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, il n'était pas autorisé à travailler.

Le tribunal judiciaire a jugé que le Dr [M] était intervenu le 1er août 2017 au nom de la SELARL E.A [M] qui n'était pas en liquidation judiciaire et donc non soumise à l'interdiction édictée par l'article précité.

Cependant, conformément à l'article 1er de la loi du 31 décembre 1990 en vigueur au moment des faits, les sociétés d'exercice libéral ne peuvent accomplir les actes d'une profession déterminée que par l'intermédiaire d'un de leurs membres ayant qualité pour exercer cette profession, justifiant que chaque associé d'une SEL soit responsable personnellement sur l'ensemble de son patrimoine, et solidairement avec la société, des actes accomplis dans le cadre de sa profession (article 16 de la loi du 31 décembre 1990).

Comme conséquence inéluctable de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1990, l'interdiction d'exercer faite à l'associé unique d'une société d'exercice libéral de médecin (comme tel est le cas en l'espèce), en lui ôtant sa qualité pour exercer, rend la société elle-même incapable d'accomplir les actes médicaux par son intermédiaire.

L'intervention du Dr [M] au nom et pour le compte de la SELARL E.A [M] est en outre très contestable au vu des deux documents produits, établis sous l'en-tête " Dr [O] [C] [M]. Gynécologue accoucheur. Chirurgien des hôpitaux. DEA anatomie-organogénèse ", et portant de manière accessoire la mention " SELARL " sans numéro d'identification au RCS ni indication du montant du capital social contrairement aux exigences de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1990.

A supposer même que le Dr [M] ait agi au nom de la SELARL E.A [M] dans le cadre de l'intervention du 1er août 2017, il n'a jamais cessé d'exercer une activité professionnelle indépendante (en l'espèce une profession libérale) au sens de l'article L. 640-2 alinéa 1 du code de commerce.

Par conséquent, à compter du 16 mai 2017, le Dr [M] n'était plus autorisé à exercer son activité conformément aux dispositions de l'article L. 641-9 III du code de commerce, quel que soit le mode d'exercice de cette activité.

C'est d'ailleurs ce que le conseil départemental de la Marne de l'Ordre des médecins, appelé à délibérer sur la plainte de Mme [Y] en séance du 7 décembre 2017, précisait en ses termes: " nous portons à la connaissance de la Chambre disciplinaire que nous avons été interpelés de la liquidation judiciaire à titre personnel du Docteur [M] en date du 16 mai 2017 avec en corollaire l'interdiction d'exercer au sein de sa SEL. "

Mme [Y] soutient que sa prise en charge par le Dr [M] a commencé en avril 2017, avant la publication au BODACC du jugement de sa liquidation judiciaire, et que dès cette date des erreurs en termes d'indication peropératoire avaient été commises.

Elle produit des échographies sur lesquelles apparaît la date du 20 avril 2017. Toutefois, au-delà de la mauvaise qualité des échographies produites, rien ne permet d'affirmer qu'elles ont été réalisées par le Dr [M].

Au contraire, le Dr [Z] a noté dans son rapport d'expertise qu'aux dires de Mme [Y], cette dernière a été adressée au Dr [M] par son médecin généraliste le Dr [P] en juin 2017, et qu'elle a été vue pour la première fois au mois de juin, date à laquelle une échographie a été réalisée montrant des " kystes " sur les ovaires.

Il n'est, par conséquent, pas établi que les premiers actes de prise en charge de Mme [Y] par le Dr [M] datent d'avril 2017.

Dès lors, en application de l'article 7.3.4 des conditions générales du contrat d'assurance, les conséquences des actes professionnels, tant de diagnostic que de chirurgie, que le Dr [O] [M] a pratiqués alors qu'il était interdit d'exercer son activité ne sont pas couverts par la garantie.

Mme [S] [Y] et la CPAM de la Haute Marne seront déboutées de leurs demandes en indemnisation et remboursement des débours à l'encontre de la société Relyens Mutual Insurance, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur une éventuelle nullité du contrat d'assurance sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances.

L'ensemble des demandes d'indemnisation des préjudices étant formulées sous forme de demandes de condamnation de la société Relyens Mutual Insurance, il n'y a pas lieu de liquider le préjudice de manière autonome.

Sur les frais accessoires

Le tribunal judiciaire a condamné la SHAM à payer à Mme [Y] la somme de 2 000 euros et à la CPAM de la Marne la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Compte tenu de l'équité, la société Relyens Mutual Insurance sera déboutée de ses prétentions au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne en date du 19 juillet 2023,

Et statuant à nouveau,

Dit que le Dr [O]-[C] [M] a commis une faute dans le diagnostic et l'opération qu'il a pratiquée le 1er août 2017, le déclare responsable du préjudice en résultant,

Constate que Mme [Y] ne formule aucune demande de réparation à l'encontre de la liquidation judiciaire ou des héritiers de M. [O]-[C] [M],

Constate que la CPAM de la Haute-Marne s'est désistée, lors de la première instance, des demandes formées contre Me [G] ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [O]-[C] [M],

Constate que la garantie d'assurance de la société Relyens Mutual Insurance ne couvre pas les actes effectués par le Dr [M],

Déboute en conséquence Mme [Y] et la CPAM de la Haute-Marne de leurs demandes en garantie et condamnation à l'encontre de la société Relyens Mutual Insurance,

Déboute Mme [Y] et la CPAM de l'intégralité de leurs demandes subséquentes ou additionnelles à l'encontre de la société Relyens Mutual Insurance,

Déboute la société Relyens Mutual Insurance de ses prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [Y] et la CPAM de la Haute-Marne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 23/01420
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.01420 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award