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25/06/2024 | FRANCE | N°23/00470

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 25 juin 2024, 23/00470


ARRET N°

du 25 juin 2024



N° RG 23/00470 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJ2Y





S.A. GENERALI IARD





c/



[H]

S.A. AXA FRANCE IARD

Compagnie d'assurance GROUPAMA NORD EST

S.A.R.L. BKF DIFFUSION

S.A.S.U. EURISOL

S.A.S. GUILLEMINOT PERE ET FILS

Société HDI GLOBAL SE

Société CHAPUT DENIS

S.A.S. BATI 10

S.A.M.C.V. SMABTP DES TRAVAUX PUBLICS

S.A.R.L. DASOM

Société CAMBTP DES TRAVAUX PUBLICS

S.A. ALLIANZ

S.A.R.L. DEBERT

SociÃ

©té MMA IARD











Formule exécutoire le :

à :



la SELARL FLORY-ZAVAGLIA



la SELARL JACQUEMET SEGOLENE



la SELARL LE CAB AVOCATS



Me Pascal GUILLAUME



la SCP ACG & ASSOCIES



la SCP DELVINC...

ARRET N°

du 25 juin 2024

N° RG 23/00470 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJ2Y

S.A. GENERALI IARD

c/

[H]

S.A. AXA FRANCE IARD

Compagnie d'assurance GROUPAMA NORD EST

S.A.R.L. BKF DIFFUSION

S.A.S.U. EURISOL

S.A.S. GUILLEMINOT PERE ET FILS

Société HDI GLOBAL SE

Société CHAPUT DENIS

S.A.S. BATI 10

S.A.M.C.V. SMABTP DES TRAVAUX PUBLICS

S.A.R.L. DASOM

Société CAMBTP DES TRAVAUX PUBLICS

S.A. ALLIANZ

S.A.R.L. DEBERT

Société MMA IARD

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL FLORY-ZAVAGLIA

la SELARL JACQUEMET SEGOLENE

la SELARL LE CAB AVOCATS

Me Pascal GUILLAUME

la SCP ACG & ASSOCIES

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 25 JUIN 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 01 février 2023 par le tribunal judiciaire de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

S.A. GENERALI IARD, assureur de la SAS DUCOIN INGÉNIERIE ET CONCEPTS, société inscrite au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le n°B 552 062 663 dont le siège social est [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représentée par Me Patricia FLORY de la SELARL FLORY-ZAVAGLIA, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, avocat postulant, et Me Kérène RUDERMANN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMES :

S.A. AXA FRANCE IARD, société anonyme inscrite au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le n°722 057 460 dont le siège social est [Adresse 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

* * * *

S.A.R.L. DEBERT, SARL au capital de 40 000 euros inscrite au registre de commerce et des sociétés de TROYES sous le n° B 378 594 972, dont le siège social est [Adresse 14] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

* * * *

Société MMA IARD, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LE MANS sous le n° 440 048 882, dont le siège social est [Adresse 3] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS

* * * *

Compagnie d'assurance GROUPAMA NORD EST, compagnie d'assurance dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette

qualité audit siège

Représentée par Me Bruno CHOFFRUT de la SELARL LE CAB AVOCATS, avocat au barreau de REIMS

* * * *

Société HDI GLOBAL , société de droit étranger dont le siège social est [Adresse 17] (Allemagne), agissant par son établissement principal en France, sis [Adresse 1],

Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et la SCP BILLEBEAU-MARINACCE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

* * * *

Société CHAPUT DENIS, SCEV au capital de 182.250 euros dont le siège social est [Adresse 13], immatriculée au registre du commerce et des Sociétés de TROYES (10000) sous le numéro D 390 580 496, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

* * * *

S.A.S. BATI 10, société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de TROYES sous le n° 332 440 247 dont le siège social est [Adresse 20], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Daniel WEBER, avocat au barreau de L'AUBE de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant

* * * *

S.A.M.C.V. SMABTP, mutuelle inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le N° 775 684 764dont le siège social est [Adresse 15], prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Daniel WEBER, avocat au barreau de L'AUBE de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant

* * * *

S.A.R.L. DASOM, société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce et des sociétés de TROYES sous le n°B 477 864 565 dont le siège social est [Adresse 11], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 11]

Représentée par Me Pierre DEVARENNE de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

* * * *

La CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (CAMBTP), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le n° D 775 684 764 dont le siège social est [Adresse 16], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pierre DEVARENNE de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

* * * *

S.A. ALLIANZ, société inscrite au RCS de NANTERRE sous le n°303 265 128 dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pierre DEVARENNE de la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, avocat postulant, et Me Aline POIRSON, avocat au barreau de NANCY, avocat plaidant

* * * *

Maître [L] [H] ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL DUCOIN Ingénierie et Concepts

[Adresse 9]

[Localité 10]

Non comparante, ni représentée bien que régulièrement assignée

* * * *

S.A.R.L. BKF DIFFUSION, société à responsabilité limitée immatriculée au registre du commerce et des socités d'ARRAS sous le n° B 401 747 373 dont le siège social est [Adresse 19], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Non comparante, ni représentée bien que régulièrement assignée

* * * *

S.A.S.U. EURISOL, société par actions simplifiée unipersonnelle immatriculée au registre du commerce et des sociétés de DUNKERQUE sous le n° B 400 775 433 dont le siège social est [Adresse 4]-

[Adresse 18], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Non comparante, ni représentée bien que régulièrement assignée

* * * *

S.A.S. GUILLEMINOT PERE ET FILS, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de TROYES sous le n° 672 880 259 dont le siège social est [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Non comparante, ni représentée bien que régulièrement assignée

* * * *

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 21 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 juin 2024

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Par contrat d'ingénierie du 4 février 2011, la SCEV Denis Chaput a confié à la société Ducoin Ingénierie et Concepts (société DIEC), intervenant en qualité de contractant général, une mission de maîtrise d''uvre portant sur l'extension du domaine vinicole du Champagne Denis Chaput.

La société DIEC a confié la réalisation des travaux aux sociétés Bâti 10, Schwartz, Les étancheurs Sparnaciens, BKF Diffusion, Eurisol, Guilleminot père et fils et elle a confié à la société Dasom une mission d'OPC (Ordonnancement, Planification, Coordination) des différents intervenants.

Se plaignant de malfaçons et de non-façons, la SCEV Denis Chaput a sollicité du juge des référés du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne, une expertise, qui a été ordonnée le 10 septembre 2013. Le rapport d'expertise a été déposé le 27 février 2017.

Par acte du 2 janvier 2018, la SCEV Denis Chaput a fait assigner la société DIEC et son assureur, la société Generali IARD, devant le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne afin d'être indemnisée de ses préjudices.

La société Generali IARD a elle-même appelé en garantie les sociétés Bâti 10, SMABTP en qualité d'assureur des sociétés Bâti 10 et Schwartz, Les étancheurs Sparnaciens, Axa, BKF Diffusion, Eurisol, Allianz, DHI, Guilleminot père et fils et Dasom.

Les sociétés Bâti 10 et SMABTP ont, à leur tour, appelé en garantie les sociétés Debert et Groupama Nord-Est, laquelle a mis en cause la société MMA Assurance.

Par jugement du 27 mars 2018, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société DIEC, désignant la SCP [H] Raulet représentée par Me [L] [H] en qualité de liquidateur. Celle-ci a été appelée en la cause.

L'ensemble des procédures ainsi initiées ont été jointes.

Par jugement du 1er février 2023, le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a :

- Rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture formée par la société HDI-Global SE,

- Dit que la société Schwartz et compagnie n'est pas partie à l'instance,

- Déclaré la CAMBTP recevable en son intervention volontaire,

- Débouté la SCEV Denis Chaput de sa demande tendant à voir fixer sa créance indemnitaire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Ducoin Ingénierie et Concepts,

- Condamné la SA Generali IARD à garantir la SARL Ducoin Ingénierie et Concepts à hauteur de 341 493 euros HT au titre du préjudice matériel et 50 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- Rejeté le surplus des demandes,

- Laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,

- Condamné la SA Generali IARD aux dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire d'un montant de 15 993.87 euros TTC, avec distraction au profit de la SELAS ACG.

Il a retenu que :

- La réception des travaux, à l'exception de ceux qui concernent le bureau, a bien eu lieu, de sorte que les dommages apparents mais non réservés sont couverts par la réception

- L'expert judiciaire a constaté un certain nombre de désordres, parmi lesquels ceux qui n'étaient pas apparents dans leur existence, leur ampleur et leurs conséquences à la réception et n'ont fait l'objet d'aucune réserve, relèvent de la garantie décennale, tous les autres relevant de la garantie de parfait achèvement, à l'exception des portes coulissantes, qui relèvent de la garantie de bon fonctionnement,

- L'expert indique que toutes les malfaçons et non façons relevées sont de la responsabilité du contractant général et sont la résultante d'une absence de mise au point dans la réalisation des ouvrages et que la SARL DIEC devait remettre les plans d'exécution aux entreprises et assurer, sur le chantier, le suivi de travaux pour respecter les règles de l'art, de sorte qu'elle est seule et entièrement responsable des désordres, malfaçons et non-façons,

- Le liquidateur de la société DIEC a indiqué à la SCEV Denis Chaput qu'elle était forclose à déclarer sa créance et cette dernière ne justifie pas avoir exercé une action en relevé de forclusion,

- La SA Generali IARD doit garantir son assuré en dépit du rejet des demandes de la SCEV Denis Chaput contre ce dernier, le tiers lésé disposant d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

La SA Generali IARD a relevé appel de ce jugement par déclaration du 10 mars 2023.

Par conclusions notifiées le 9 juin 2023, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- A titre principal, débouter la SCEV Denis Chaput de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens en ce qu'ils sont dirigés à son encontre, dont les garanties ne sont pas mobilisables en l'absence de réception de l'ensemble des travaux ou à tout le moins de la partie bureau en ce compris les travaux de toiture la concernant,

- A titre subsidiaire, écarter toute mobilisation de la garantie décennale délivrée par la compagnie Generali mais également de la garantie des dommages immatériels consécutifs qui lui est complémentaire au regard du caractère apparent et/ou réservé des désordres allégués,

A titre très subsidiaire, en cas de condamnation de la compagnie Generali,

- Limiter les demandes de la SCEV Denis Chaput à la somme de 228 920.40 euros au titre des travaux de reprise,

- Rejeter toute demande au titre du versement de la taxe sur la valeur ajoutée,

- Rejeter les demandes de la SCEV Denis Chaput au titre des préjudices de jouissance alléguée ou tout au plus, confirmer la condamnation à hauteur de 50 000 euros prononcée en première instance,

- Débouter la SCEV Denis Chaput de ses plus amples demandes,

- Condamner solidairement la compagnie Axa France IARD, assureur de la société Les étancheurs Sparnaciens, la société Bâti 10 et son assureur, la SMABTP, BKF Diffusion, Eurisol et ses assureurs, les compagnies Allianz et HDI Global SE, Guilleminot père et fils et Dasom à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

- Juger que les plafonds et franchises contractuelles telles qu'établies dans le contrat d'assurance qui liait la société Diec à la compagnie Generali sont applicables en l'espèce et opposables erga omnes s'agissant des garanties facultatives,

- Et sur le fondement des frais irrépétibles et des dépens,

- Débouter la SCEV Denis Chaput de ses demandes,

- Condamner la SCEV Denis Chaput à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- Il n'y a pas eu de réception de l'ouvrage : le document daté du 13 septembre 2012 ne formalise aucune réception en l'absence d'un ouvrage qui soit en état d'être réceptionné à cette date et d'une volonté univoque du maître de l'ouvrage de procéder à la réception des travaux,

- Subsidiairement, si l'existence d'une réception partielle devait être confirmée, les travaux de la zone bureau n'ont pas été réceptionnés,

- Ni les garanties complémentaires (faute de réception et en raison de leur inapplicabilité pour les garanties avant réception) du contrat d'assurance, ni la garantie obligatoire (faute de réception) ne peuvent être mobilisées et la société Generali ne garantit pas la responsabilité civile de droit commun de la société DIEC,

- S'il devait être considéré que les travaux ont fait l'objet d'une réception, il convient d'écarter de la garantie décennale et donc de sa garantie, les désordres qui ont été réservés et ceux qui étaient décelables à la réception,

- En tout état de cause, les dommages immatériels allégués ne sont pas justifiés, les préjudices matériels ont été revus à la hausse en appel, ce qui contrevient à l'article 564 du code de procédure civile et la société Denis Chaput ne peut prétendre au paiement de la TVA, faute de justifier qu'elle ne peut pas la récupérer,

- Très subsidiairement, elle est fondée en présence de manquements de ses sous-traitants, qui ont une obligation de résultat et une obligation de conseil, ainsi qu'un devoir de se renseigner envers l'entrepreneur principal, à obtenir la garantie de ceux-ci, sur le fondement de la responsabilité contractuelle dès lors qu'elle est subrogée dans les droits de la société Denis Chaput et, subsidiairement, sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

- Le quantum des demandes justifiées est exagéré et doit être ramené à 228 920.40 euros HT,

- Si elle devait être condamnée, il conviendrait de faire application des plafonds et franchises contractuels.

Par conclusions notifiées le 3 mai 2023, la SCEV Denis Chaput, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour :

- D'infirmer le jugement en ce qu'il la déboute de sa demande de fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC et en ce qu'il condamne la société Generali IARD à garantir la société DIEC à hauteur de 341 493 euros HT au titre du préjudice matériel et 50 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

Statuant de nouveau,

- Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC les créances suivantes, à son bénéfice :

o La somme de 473 938.08 euros HT au titre des travaux de réfection, outre la TVA avec indexation sur la base de l'indice BT 01 du coût de la construction à compter du 27 février 20147 date d'établissement du dépôt du rapport d'expertise,

o La somme de 625 630 euros en réparation du préjudice de jouissance en compte arrêté au 1er mai 2023,

- Débouter la société Generali IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens,

- Condamner la société Generali IARD à garantir intégralement la société DIEC en qualité d'assureur décennale des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages subis à la suite de la construction de l'immeuble, outre intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

- Condamner in solidum la SAS DIEC et la société Generali IARD à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouter la société Generali IARD de sa demande sur le même fondement,

- Condamner in solidum la société DIEC et la société Generali IARD en tous les dépens de référé, première instance et d'appel, comprenant notamment le coût de l'expertise judiciaire (15 993.87 euros TTC), qui seront passés en frais privilégiés de la procédure collective, dont distraction au profit de la SELAS ACG qui en a fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SCEV Denis Chaput soutient que :

- Les désordres constatés par l'expert relèvent pour partie des garanties légales (garantie décennale et de bon fonctionnement) et pour partie du droit commun de la responsabilité contractuelle (inexécution d'une obligation de résultat),

- Ces désordres sont entièrement imputables à la société DIEC et à elle seule,

- Ses préjudices matériels doivent être réévalués compte tenu du temps écoulé depuis le rapport d'expertise et il convient de les indexer sur l'indice du coût de la construction, compte tenu du surenchérissement du coût des matières premières et des matériaux de construction ; il convient d'y ajouter la TVA, dont elle devra s'acquitter auprès des entreprises qui réaliseront les travaux,

- Son préjudice de jouissance correspond au coût de location d'un bureau extérieur pour inutilisation du bâtiment depuis septembre 2012, manque à gagner pour l'inutilisation de la zone de stockage et manque à gagner pour l'inutilisation de la partie accueil du bâtiment,

- Elle a déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société DIEC et le tribunal de commerce de Reims a relevé la forclusion de sa déclaration par jugement du 24 septembre 2018,

- La position de la société Generali IARD quant à la réception, va à l'encontre de la jurisprudence désormais constante, l'article 1792-6 du code civil ne prévoyant pas que la construction de l'immeuble doit être achevée pour que la réception puisse intervenir ; l'état de l'immeuble n'a d'influence que lorsqu'il s'agit de demander que la réception judiciaire soit prononcée, pas lorsqu'il s'agit d'une réception conventionnelle ; en l'espèce aucune des parties n'a contesté la validité de son consentement lors de la signature du procès-verbal de réception,

- Si les désordres réservés ou apparents ne relèvent pas de la garantie décennale, cette garantie est applicable, par exception, en présence de vices cachés, c'est-à-dire de défauts qui ont fait l'objet de réserves à la réception et non levées mais qui se révèlent par la suite notamment par une expertise, dans toute leur ampleur ; il en va de même des désordres apparents du moment qu'ils sont indissociables des vices cachés du même élément, rendant l'ouvrage impropre dans sa totalité à sa destination,

- La société Generali ne saurait donc refuser sa garantie et les limites contractuelles de garantie ne sont pas opposables au tiers lésé dans les assurances de responsabilité obligatoires.

Par conclusions transmises le 31 octobre 2023, la SAMBTP et la SARL Bâti 10 sollicitent:

A titre principal,

- La confirmation du jugement,

Par conséquent,

- Le rejet de l'intégralité des demandes de la SA Generali en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SARL Bâti 10 et de la SMABTP en qualité d'assureur décennal de celle-ci et de la société Schwartz et compagnie,

- Le rejet des demandes des sociétés Debert, MMA IARD, Groupama Nord Est et Axa France IARD tendant à leur condamnation à supporter les dépens de l'instance,

Subsidiairement, si la cour infirmait le jugement,

- Le rejet de toutes demandes de la SA Generali IARD formées à l'encontre de la SMABTP en qualité d'assureur de la société Schwartz et compagnie, la police d'assurance étant un contrat en base déclaration ayant été résilié au moment de la réclamation du 18 février 2014,

- La condamnation des sociétés Debert, MMA IARD, Groupama Nord Est et Axa France IARD à garantir la société Bâti 10 et la SMABTP de toutes condamnations concernant les ouvrages sous-traités à l'entreprise Debert et qui sont affectés de désordres pour manquement à son obligation de résultat,

- Le rejet de l'ensemble des demandes des sociétés Debert, MMA IARD, Groupama Nord Est et Axa France IARD de garantie, de frais irrépétibles et de dépens formées,

- Le rejet de la demande de la société Dasom et de la CAMBTP, de garantie, de frais irrépétibles et de dépens formées à l'égard de la SARL Bâti 10 et de la SMABTP,

En tout état de cause,

- La condamnation de la SA Generali IARD à payer à la SARL Bâti 10 et à la SMABTP la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elles estiment que :

- La société DIEC est seule responsable des désordres, malfaçons et non-façons des ouvrages, cette responsabilité étant prépondérante compte tenu de sa qualité de contractant général avec une mission complète,

- La jurisprudence précise que l'achèvement n'est pas une condition de la réception,

- Le document signé par la SCEV Denis Chaput et la société DIEC le 13 septembre 2012 et intitulé " procès-verbal de réception " constate l'acceptation expresse de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage et la société Generali IARD n'apporte aucun élément tangible permettant de remettre en cause la réalité et la véracité de l'acte de réception,

- La société Generali IARD est tenue à garantie,

- Le caractère apparent des désordres doit s'apprécier au regard de la qualité de profane du maître de l'ouvrage et de la révélation, après la réception, de leur ampleur et de leurs conséquences dans le temps,

- La SARL Bâti 10 a fait appel à trois sous-traitants pour la réalisation des ouvrages confiés par la société DIEC ; ces sous-traitants lui doivent un travail de bonne qualité et sont tenus à son égard d'une obligation de résultat ; parmi ces sous-traitants, seule la responsabilité de la société Debert est à retenir du chef d'un certain nombre de désordres, sur un fondement contractuel,

- La société Generali IARD est mal-fondée à rechercher la garantie décennale de la SMABTP du chef des travaux non finis ou réservés relevant des lots sous-traités à la société Schwartz ; cette dernière, sous-traitante de la société DIEC, n'est pas soumise à la présomption de responsabilité décennale de l'article 1792 du code civil, qui vise uniquement les locateurs d'ouvrage et non les sous-traitants ; la responsabilité contractuelle de la société Schwartz ne peut être valablement recherchée en l'absence de preuve d'une faute de la part de celle-ci ; à la date de la réclamation, la SMABTP n'était plus l'assureur de la société Schwartz,

- L'appel en garantie présenté par la société Dasom et la CAMBTP à leur encontre suppose la preuve d'une faute, conformément à l'ancien article 1382 du code civil, puisqu'aucun contrat ne lie les sociétés Bâti 10 et Dasom.

Par conclusions notifiées le 31 juillet 2023, la SARL Debert, la SA MMA IARD et la SA Axa France IARD, en qualité d'assureur de la SARL Etancheurs sparnaciens, demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement, sauf en ce qu'il laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

- Condamner les sociétés Bâti 10 et SMABTP au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Et à hauteur d'appel,

- Condamner la société Generali Assurances IARD à verser à chacune d'elles la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Generali Assurances IARD aux dépens d'appel,

Subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement,

- Rejeter toute demande formulée à leur encontre,

- Dire que les sommes sollicitées à l'encontre de la société Debert ne pourront excéder les sommes visées par l'expert au titre du lot VRD en page 26 de son rapport, déduction faite des postes relevant des désordres de nature strictement décennale,

- Dire et juger que s'agissant du préjudice de jouissance, la garantie de la société MMA n'a vocation à intervenir qu'en cas de condamnation prononcée au titre de la garantie des préjudices immatériels non consécutifs à un dommage matériel garanti, garantie assortie d'un plafond de 150 000 euros avec une franchise opposable de 3 200 euros,

- Condamner la société Generali Assurances IARD à verser à chacune d'elles la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Generali Assurance IARD aux dépens d'appel.

Elles soutiennent :

- A titre principal, que la société DIEC est la seule responsable des désordres et que le tribunal aurait donc dû leur allouer une somme pour leurs frais irrépétibles,

- Subsidiairement, la société Groupama Nord Est, assureur décennal de la SARL Debert à l'ouverture du chantier, doit faire seule son affaire du recours décennal, étant précisé que la responsabilité de la société Debert ne peut éventuellement être recherchée que sur le fondement juridique de la faute prouvée, puisqu'elle n'a agi qu'en qualité de sous-traitant de la Bâti 10 et que l'expert a écarté toute responsabilité de sa part,

- Le recours en garantie de Groupama ne pourra qu'être écarté dès lors que les travaux ont été réceptionnés avec réserves ; la garantie civile décennale facultative de la société MMA n'a vocation à s'appliquer que si s'applique la garantie obligatoire,

- La cour ne saurait entrer en voie de condamnation contre les Etancheurs sparnaciens et donc contre son assureur, la société Axa, sa responsabilité ayant été écartée par l'expert judiciaire ; la société Axa n'a vocation à assurer la société les Etancheurs sparnaciens que dans la limite de son contrat, dont il sera fait application des franchises,

- La demande de condamnation in solidum ne se justifie pas puisque les responsabilités et leur contribution à la dette sont inégales entre chaque intervenant,

- Les sommes sollicitées à l'encontre de la société Debert ne pourront excéder les sommes visées par l'expert au titre du lot VRD page 26 de son rapport déduction faite des postes relevant des désordres de nature strictement décennale.

Par conclusions transmises le 6 septembre 2023, la société Groupama Nord Est demande à la cour de :

- Constater qu'aucune condamnation n'a été prononcée à son encontre par le jugement,

- Constater que ni la société Generali Assurances IARD, ni la SCEV Denis Chaput n'ont formé la moindre demande de condamnation à son encontre devant la cour,

- En conséquence, dire n'y avoir lieu à une quelconque condamnation contre elle,

- Débouter la SMABTP et la SARL Bâti 10 de leur demande de condamnation contre elle sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

- En tout état de cause, débouter toute partie qui formerait une demande de condamnation à son encontre,

- Condamner la société Generali Assurances IARD à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle considère que :

- L'expert judiciaire n'a retenu aucune responsabilité à l'encontre de la société Debert,

- La cour devra retenir la seule responsabilité de la société DIEC,

- Subsidiairement, une partie des travaux en cause dans les désordres invoqués par la SMABTP et la SARL Bâti 10 concerne la société Debert,

- La société Bâti 10 ne rapporte pas la preuve d'une faute à l'encontre de la société Debert,

- L'expert indique qu'une réception est intervenue avec réserve, dont une partie concerne les travaux réalisés par la SARL Debert et les réserves n'ont jamais été levées; les travaux qui n'ont pas été réceptionnés ressortissent de la garantie contractuelle de parfait achèvement et non de la garantie décennale ; la garantie décennale ne peut donc être mobilisée,

- Seules la bouche à clé et la cuve à eau de pluie ont été réceptionnées sans réserve, mais elles ne constituent pas à des dommages de nature décennale,

- En tout état de cause, la SMABTP et la SARL Bâti 10 ne recherchent pas la responsabilité de Debert et de ses assureurs sur le fondement de la responsabilité décennale, mais sur celui de la responsabilité contractuelle,

- La SARL Debert a résilié ses contrats auprès de la société Groupama à effet du 1er janvier 2013, soit avant l'engagement de la procédure, de sorte que les garanties facultatives telles que la garantie dommages immatériels et la garantie RCP, ne peuvent recevoir application et que c'est au nouvel assureur, la société MMA, qu'il appartiendra le cas échéant, de prendre en charge l'indemnisation du préjudice de jouissance réclamée par la SCEV Denis Chaput,

- Le contrat de Groupama inclut une franchise de 15%, opposable à l'assuré et à l'appelant en garantie en raison de la qualité de sous-traitante de la SARL Debert.

Par conclusions notifiées le 29 août 2023, la SARL Dasom et la CAMBTP demandent à la cour de :

- Statuer ce que de droit sur la demande de la société Generali Assurances IARD visant à solliciter le débouté de la SCEV Denis Chaput de l'ensemble de ses demandes,

- La déclarer infondée en sa demande très subsidiaire en tant que dirigée à l'encontre de la société Dasom visant à être garantie par cette dernière de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- Confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre la société Dasom,

Et à titre infiniment subsidiaire, au cas où par impossible, il serait fait droit à la demande en garantie formée par la société Generali Assurances IARD à l'encontre de la société Dasom,

- Condamner la société Bâti 10 et son assureur, la SMABTP, la société Les Etancheurs sparnaciens et son assureur la compagnie Axa France IARD, la société BFK Diffusion et la société Eurisol et ses assureurs la compagnie Allianz et la compagnie HDI ainsi que la société Generali Assuarnces IARD en qualité d'assureur de la société DIEC in solidum à garantir la société Dasom des condamnations qui seraient prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais,

- Déclarer l'appel incident formé par la SCEV Denis Chaput infondé en ce qu'il sollicite fixation de sa créance à une somme de 473 937.08 euros HT au titre des travaux de réfection ainsi qu'une somme de 625 630 euros en réparation d'un préjudice de jouissance,

En tout état de cause,

- Condamner la société Generali Assurances IARD ou à défaut tous succombants à payer à la société Dasom la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Generali Assurances IARD ou à défaut tous succombants aux entiers dépens tant de première instance que d'appel et dont distraction au profit de la SELAS Devarenne associés Grand Est.

Elle soutient que :

- La société DIEC lui a sous-traité une mission d'organisation, de pilotage et de coordination (dite OPC), consistant dans l'établissement d'un calendrier d'exécution des travaux et la coordination de leur avancement afin de respecter le délai prévu au marché; cette mission ne faisait pas d'elle un maître d''uvre et ne lui donnait pas la main dans la direction générale du chantier,

- Ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire, elle n'a manqué à aucune de ses obligations contractuelles et la société Generali Assurances IARD ne démontre pas que les désordres dont la SCEV Denis Chaput demande la réparation, auraient pour origine la société Dasom,

- A titre infiniment subsidiaire, la société Dasom entend être garantie par les sociétés Bâti 10 et la SMABTP, les Etancheurs sparnaciens et Axa France IARD, BFK Diffusion, Eurisol, Allianz et HDI et Guilleminot Père et fils au titre de leur responsabilité quasi-délictuelle du fait des dommages qu'ils ont pu causer dans l'exécution de leurs prestations.

Par conclusions transmises le 7 septembre 2023, la société HDI Global SA sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il rejette les demandes dirigées contre elle, le rejet de toute demande dirigée contre elle et la condamnation de la société Generali ainsi que tous succombants à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que :

- Elle n'a pas trouvé dans ses services de contrat au nom d'une société Eurisol, ni portant le numéro de référence figurant dans l'attestation produite aux débats,

- Ses polices d'assurances RC sont en base réclamation et la réclamation au sens de l'article L124-5 du code des assurances est postérieure à la période supposée de garantie,

- Elle estime que la preuve n'est pas rapportée que la société Eurisol serait intervenue sur le chantier, ni quels travaux elle aurait réalisés.

Me [H] et les sociétés Eurisol, BKF et Guilleminot père et fils n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel leur a été signifié, à personne, respectivement les 5 mai 2023, 4 mai 2023, 3 mai 2023 et 4 mai 2023. Le présent arrêt est donc réputé contradictoire, par application de l'article 473 du code de procédure civile.

MOTIFS

Reprenant les conclusions de l'expertise judiciaire, la société Denis Chaput recherche la responsabilité de la société DIEC sur le fondement de la garantie décennale, de la garantie de bon fonctionnement et sur celui de la responsabilité contractuelle de droit commun, en fonction des désordres en cause.

La garantie décennale et celle de bon fonctionnement impliquent l'existence d'une réception, laquelle est discutée entre les parties.

Sur la réception

Il résulte de l'article 1792-6 du code civil que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

Si la réception partielle d'un ouvrage, notamment par lots, est admise (Civ., 3ème, 16 novembre 2010, pourvoi n°10-10.828), la réception de travaux qui ne constituent pas des tranches de travaux indépendantes ou ne forment pas un ensemble cohérent, ne vaut pas réception au sens de l'article 1792-6 du code civil (Civ 3ème, 16 mars 2022, pourvoi n°20-16.829).

La société Denis Chaput se prévaut d'un procès-verbal de réception signé le 13 septembre 2012 par elle et la société DIEC.

Ce document indique que le société DIEC " prononce la réception sous réserve que l'entrepreneur procède à la réalisation des prestations non exécutées et à la réparation des imperfections ou des malfaçons constatées dans un délai de 6 semaines à compter de l'arrêt des vendanges ".

Un nombre important de réserves sont ensuite formulées, certaines correspondent à l'inexécution de certains travaux, telle que la pose de tous les équipements de plomberie dans la cuverie.

Puis, et ainsi que la société Generali IARD le fait valoir, dans un courrier du 5 février 2013, l'avocat de la société Denis Chaput écrit à la société DIEC qu'il subsiste à cette date un certain nombre de malfaçons et non-façons dont un certain nombre de points sont listés, parmi lesquels l'électricité et la plomberie à terminer.

Dans un nouveau courrier du 14 mars 2013, l'avocat de la société Denis Chaput indique que le chantier n'est pas achevé et que son client se trouve confronté, du fait de ce retard dans l'exécution des travaux, à des difficultés sérieuses parce qu'il ne peut disposer complètement de ses locaux d'exploitation, qu'il est possible à la date précitée de procéder à la lever d'environ 30% des réserves, mais qu'il demeure un nombre non-négligeable de malfaçons signalées à maintes reprises depuis plusieurs mois.

Dans l'assignation du 18 juin 2013 qu'elle a fait délivrer aux fins de référé-expertise à la société DIEC, la société Denis Chaput listait de nombreux éléments pour lesquels elle indiquait que les réserves n'étaient, à cette date, toujours par levées.

La société Generali IARD est donc fondée à invoquer une absence de volonté manifeste de la société Denis Chaput de procéder à la réception des travaux, puisque l'achèvement des travaux et la reprise des réserves, érigées en condition de la réception, ont perduré au-delà du délai imparti.

Surtout, pour ne pas être totale, la réception actée le 13 septembre 2012 ne porte pas pour autant sur des lots définis et il n'est pas soutenu que les travaux qui en sont l'objet constituent des tranches de travaux indépendantes ou formant un ensemble cohérent.

En conséquence, cet acte ne peut valoir réception au sens de l'article 1792-6 du code civil.

Les demandes de la société Denis Chaput ne peuvent donc prospérer que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société DIEC.

Sur la demande de fixation de la créance de la société Denis Chaput au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC

Par ordonnance du 24 septembre 2018, le juge-commissaire de la procédure de liquidation ouverte à l'égard de la société DIEC a relevé la SCEV Denis Chaput de la forclusion de déclaration de créance qui la frappait et l'a autorisée à déclarer sa créance entre les mains de la SCP [H] Raulet es qualités au passif de la SAS DIEC dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance.

L'ordonnance a été notifiée à la société Denis Chaput le 24 septembre 2018.

La société Denis Chaput justifie avoir adressé de nouveau sa déclaration de créance à la SCP [H] Raulet le 4 octobre 2018.

Elle est donc recevable à demander la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC, le jugement devant être infirmé en ce qu'il la déboute de sa demande tendant à voir fixer sa créance indemnitaire au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC.

L'expert judiciaire a relevé des désordres atteignant l'aire de lavage, la cuve à eau de pluie, la cuve de reprise des eaux de la plateforme, la dalle de puisard, la plateforme terminée en concassés, la bouche à clef, la toiture en système Arval, la rive côté pignon sud, le traitement des appuis, les enduits sur soubassement, le quai de chargement en partie supérieure, les toitures, la ventilation, la fenêtre donnant sur la partie côté toiture, une fuite dans le local technique, le raccordement entre l'ancienne et la nouvelle cuverie, la nouvelle cuverie, la gaine CO², l'ancienne cuverie, la ventilation de la nouvelle cuverie, le local dégorgement, les clefs (jamais remises), le stockage, le sol dans la partie stockage, la porte de sortie de la salle d'habillage, la porte coulissante d'accès entre stockage et parties annexes et le local bureau.

Il explique que toutes les malfaçons et non-façons ainsi relevées sont essentiellement la résultante d'une absence de mise au point dans la réalisation des ouvrages, que la société DIEC devait remettre les plans d'exécution aux entreprises et assurer sur le chantier un suivi de travaux pour respecter les règles de l'art, précision étant faite que la société Dasom n'avait pas pour mission de faire un suivi de travaux techniques, mais uniquement un suivi de planning.

Or l'expert indique qu'il n'y a pas eu de suivi de travaux avec comptes-rendus de chantier, mise au point ou contrôle de conformité et que le point le plus important est l'absence de plan de réalisation d'ouvrage à 2 cm/m et de plan d'exécution, cette absence ayant eu une incidence importante sur les travaux effectués.

Il en résulte la preuve suffisante d'un manquement de la société DIEC à ses obligations contractuelles, puisque celle-ci avait reçu une mission de maîtrise d''uvre complète et qu'elle intervenait en outre comme contractant général.

L'expert a évalué le coût des travaux de reprise à la somme totale de 373 999.62 euros. Il retient en outre le montant des honoraires d'un bureau d'études structure pour vérifier la stabilité des existants (4 500 euros) et ceux d'un bureau d'études thermiques pour tous les locaux modifiés et créés (3 200 euros), ainsi que les honoraires d'un maître d''uvre (à hauteur de 10%, soit 37 399,96 euros) et ceux d'un bureau de contrôle (à hauteur de 1.20%, soit 4 487.99 euros).

La SCEV Denis Chaput invoque le temps écoulé depuis cette évaluation et demande une actualisation de ce chiffrage, en produisant de nouveaux devis, mais aussi en sollicitant l'indexation de la somme allouée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction.

Le devis qu'elle produit datant de 2021, une telle actualisation, qui se justifie compte tenu du temps écoulé depuis la date du rapport d'expertise (27 février 2017), sera plus sûrement réalisée par l'indexation des sommes évaluées par l'expert judiciaire.

Ainsi, la créance de la SCEV Denis Chaput à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC au titre du coût des travaux de reprise, sera fixée à la somme totale de 423 587.57 euros hors taxe, indexée sur la variation de l'indice BT 01 du coût de la construction depuis le 27 février 2017.

S'agissant du préjudice de jouissance allégué par la SCEV Denis Chaput, il est indéniable que celle-ci va devoir exposer des frais pour assurer la protection et le déplacement de son matériel durant la réalisation des travaux, qui concernent notamment la réfection de la toiture. Un devis est produit pour la protection de la cuverie, du pressoir et des bouteilles, pour un montant de 12 730 euros hors taxe, qui n'est pas remis en cause par d'autres éléments de la procédure et qu'il convient donc de retenir.

La SCEV Denis Chaput invoque en outre un manque à gagner résultant de l'impossibilité d'utiliser la partie accueil du bâtiment, en faisant valoir que l'expert a évalué ce manque à gagner à 16 000 euros par an. Le rapport d'expertise fait cependant apparaître que l'expert s'en est tenu, sur ce point, à un dire de l'avocat de la SCEV Denis Chaput, aux termes duquel le nombre de bouteilles qui pourraient être vendues grâce à cet accueil et à cette partie commerciale, serait de 4 000 par an et la marge sur une bouteille finie, d'environ 4 euros (ce dont il résulte un manque de 16 000 euros par an). Mais ces affirmations ne sont étayées par aucune pièce, de sorte que le préjudice lui-même, consistant dans la vente manquée de 4 000 bouteilles par an faute d'avoir la jouissance de l'accueil n'est pas même établi.

La société Denis Chaput se prévaut en outre d'un manque à gagner pour l'inutilisation de la zone de stockage et indique que l'expert a évalué ce manque pour 45 000 bouteilles, à 8 250 euros par an. Mais le rapport d'expertise montre à nouveau que cette évaluation n'est que la reprise du dire de l'avocat de la société Denis Chaput, qu'aucune pièce de la procédure ne vient corroborer.

Il convient néanmoins de relever que l'expert judiciaire relève que le sol de la zone de stockage présente de grandes déformations de l'état de surface du dallage (différences de hauteurs de 8 à 10 mm sous une règle de 2.00 m), rendant le déplacement des transpalettes difficiles.

Les désordres en cause ont donc nécessairement engendré un préjudice de jouissance pour la société Denis Chaput, lequel sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme annuelle de 4 000 euros, soit une somme totale de 42 666.66 euros pour la période courant du 1er septembre 2012 au 1er mai 2023, dates retenues dans la demande de la société Denis Chaput.

La SCEV Denis Chaput allègue encore la nécessité de louer un bureau extérieur, en faisant valoir que l'expert a relevé que le coût de cette location est de 2 500 euros. Mais, comme précédemment, cette évaluation est directement tirée d'un dire de l'avocat de la société Denis Chaput, qui ne justifie pas d'une telle dépense, qu'elle invoque pourtant sur une période débutant au mois de septembre 2012.

Pour autant, l'absence d'achèvement des travaux de construction du bureau, encore d'actualité lors des opérations d'expertise, a nécessairement causé un préjudice de jouissance à la société Denis Chaput, qui doit être évalué, compte tenu de la superficie de cette zone (un peu plus de 100 m² selon les plans annexés au contrat d'ingénierie) et de son importance pour la bonne gestion de l'entreprise, à une somme totale de 26 666.66 euros (2 500 euros par an sur 10 ans et 8 mois).

Ainsi, la créance de la SCEV Denis Chaput à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC au titre de la réparation de son préjudice de jouissance sera fixée à la somme totale de 82 063.32 euros.

Les créances indemnitaires de la SCEV Denis Chaput produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément à l'article 1231-7 du code civil.

Sur la garantie de la société Generali IARD

Il résulte des conditions générales du contrat souscrit par la société DIEC auprès de la société Generali que celle-ci assure la responsabilité décennale de la société DIEC au titre de la garantie obligatoire, laquelle ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, en l'absence de réception.

La société DIEC a en outre souscrit des garanties complémentaires portant sur des dommages postérieurs à la réception, qui ne peuvent recevoir application pour le même motif, ainsi que, antérieurement à la réception, les dommages matériels affectant les travaux exécutés par la société DIEC et résultant d'un effondrement, ainsi que les dépenses engagées pour effectuer les travaux nécessaires pour remédier à une menace grave et imminente d'effondrement.

Le présent litige ne portant pas sur un effondrement, ces garanties complémentaires avant réception ne trouvent pas non plus à s'appliquer.

Dans ces conditions, la société Denis Chaput ne peut obtenir la garantie de la société Generali IARD et doit être déboutée de ses demandes en ce sens, le jugement étant infirmé de ce chef.

Le jugement sera, en revanche, confirmé en ce qu'il rejette le surplus des demandes, des demandes formulées par et à l'encontre des sociétés Bâti 10, Dasom, BKF Diffusion, Eurisol, Les Etancheurs sparnaciens, Guilleminot, Debert et leurs assureurs respectifs, puisque l'appel en garanti présenté par la société Generali est sans objet.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de la solution donnée au litige, le jugement sera infirmé en ce qu'il met les dépens à la charge de la société Generali et laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

Les dépens, de première instance et d'appel, seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC, qui succombe. Ceux afférents à l'intervention de la société Denis Chaput et de la SELAS Devarenne associés Grand Est pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il est équitable d'allouer à la société Denis Chaput la somme de 5 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, cette créance étant fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société DIEC. La société Generali, qui n'est pas tenue aux dépens, ne saurait être condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les sociétés Denis Chaput, HDI-Global SE, Groupama Nord Est, Dasom, Debert, MMA IARD, Axa France IARD, Bâti 10 et SMABTP en ce sens seront donc rejetées.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de la société Dasom en paiement pour frais irrépétibles en ce qu'elle est dirigée contre la société DIEC, partie succombante.

La société Generali sera déboutée de sa demande en paiement au titre de ses frais irrépétibles dès lors qu'elle est formée contre la société Denis Chaput, qui n'est pas tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 1er février 2023 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne en ce qu'il rejette le surplus des demandes,

L'infirme en ses autres dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Fixe les créances de la SCEV Denis Chaput à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Ducoin Ingénierie et Concepts comme suit :

- Au titre du préjudice matériel : 423 587.57 euros hors taxe, indexée sur la variation de l'indice BT 01 du coût de la construction depuis le 27 février 2017, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- Au titre du préjudice de jouissance : 82 063.32 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- Frais irrépétibles de première instance et d'appel : 5 000 euros,

Déboute la SCEV Denis Chaput de ses demandes présentées contre la SA Generali IARD,

Déboute les parties autres que la SCEV Denis Chaput de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la société Ducoin Ingénierie et Concepts, ceux afférents à l'intervention de la société Denis Chaput et de la SELAS Devarenne associés Grand Est pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 23/00470
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.00470 ?
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