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19/06/2024 | FRANCE | N°23/01191

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 19 juin 2024, 23/01191


Arrêt n°

du 19/06/2024





N° RG 23/01191





AP/FM/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 19 juin 2024





APPELANT :

d'un jugement rendu le 6 juillet 2023 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Commerce (n° F 22/00453)



Monsieur [T] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocats au barreau

de REIMS



INTIMÉE :



SAS ANDRA BUSINESS

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par la SELARL MCMB, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :



En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de p...

Arrêt n°

du 19/06/2024

N° RG 23/01191

AP/FM/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 19 juin 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 6 juillet 2023 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Commerce (n° F 22/00453)

Monsieur [T] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉE :

SAS ANDRA BUSINESS

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL MCMB, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 19 juin 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président de chambre

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Maureen LANGLET, greffier placé

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

M. [T] [B] et la SAS Andra Business ont signé, le 29 juin 2020, un contrat de travail à durée indéterminée pour une prise de poste fixée le 13 juillet 2020 en qualité de coiffeur. Le contrat prévoyait une période d'essai de 50 jours.

Le 6 juillet 2020, les parties ont conclu un second contrat de travail à durée indéterminée toujours avec une prise d'effet au 13 juillet 2020 sans période d'essai pour, selon l'employeur, permettre à M. [T] [B], jusqu'alors domicilié à [Localité 4], de trouver un logement à [Localité 2].

Compte tenu, selon l'employeur, de l'impossibilité pour M. [T] [B] de trouver un logement dans la région lui permettant de débuter son emploi le 13 juillet 2020, les parties ont signé, le 15 septembre 2020, une convention relative à la mise en oeuvre d'une " période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP)" pour la période courant du 21 septembre 2020 au 3 octobre 2020.

Le 25 janvier 2021, les parties ont signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec prise d'effet au 2 février 2021 et fixant une période d'essai de 50 jours.

Par courrier du 3 mars 2021, la SAS Andra Business a notifié à M. [T] [B] la rupture des relations de travail à compter du 8 mars 2021 "suite à l'abandon de poste du 3 février 2021".

Le 22 novembre 2021, M. [T] [B] a saisi, le conseil de prud'hommes de Reims aux fins de voir juger qu'il était titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et que la rupture de son contrat de travail s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la SAS Andra Business au paiement de sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement du 6 juillet 2023, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que M. [T] [B] est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;

- jugé le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse ;

- dit n'y avoir lieu à écarter le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail ;

- condamné la SAS Andra Business à payer à M. [T] [B] la somme de 12252 euros à titre de rappel de salaires, outre 1 225 euros à titre de congés payés ;

- débouté M. [T] [B] de sa demande au titre des dommages-intérêts pour préjudice financier lié à l'absence de remise des fiches de paie et de règlement des salaires ;

- débouté M. [T] [B] de sa demande au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS Andra Business à payer à M. [T] [B] la somme de 2000,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 200,04 euros à titre de congés payés afférents ;

- débouté M. [T] [B] de sa demande au titre d'une indemnité liée à l'existence d'un travail dissimulé ;

- condamné la SAS Andra Business à payer à M. [T] [B] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise des bulletins de paie, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi, sous astreinte de 10 euros par jour de retard et pour l'ensemble des documents, à compter de trente jours suivant la notification à l'employeur de la décision, le conseil se réserve le droit de liquider l'astreinte ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision au titre de l'article 515 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Andra Business aux entiers dépens comprenant les éventuels frais d'exécution forcée de la décision ;

- débouté la SAS Andra Business de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 19 juillet 2023, M. [T] [B] a interjeté appel partiel du jugement.

Exposé des prétentions et moyens des parties

Dans ses écritures remises au greffe le 25 mars 2024, M. [T] [B] demande à la cour:

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :

' jugé le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse ;

' jugé qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 13 juillet 2020 ;

' condamné la SAS Andra Business à lui payer la somme de 2 000,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 200,04 euros à titre de congés payés afférents ;

' condamne la SAS Andra Business à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a:

' dit n'y avoir lieu à écarter le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail ;

' condamné la SAS Andra Business à payer à M. [T] [B] la somme de 12 252 euros à titre de rappel de salaires, outre 1 225 euros à titre de congés payés ;

' débouté M. [T] [B] de sa demande au titre des dommages-intérêts pour préjudice lié à l'absence de remise des fiches de paie et de règlement des salaires ;

' débouté M. [T] [B] de sa demande au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' débouté M. [T] [B] de sa demande au titre d'une indemnité liée à l'existence d'un travail dissimulé ;

Statuant à nouveau :

- de juger qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 13 juillet 2020 ;

- de juger que doit être écarté le montant maximal d'indemnisation prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;

- de condamner la SAS Andra Business à lui payer les sommes suivantes :

' 16 390,53 euros à titre de rappel de salaires,

' 1 639,05 euros à titre de congés payés afférents,

' 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier lié à l'absence de remise des fiches de paie et de règlement des salaires,

' 12 000 euros à titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 10 010,22 euros au titre de l'indemnité liée à l'existence d'un travail dissimulé,

' 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la SAS Andra Business aux entiers dépens comprenant les éventuels frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.

Dans ses écritures remises au greffe le 7 mars 2024, la SAS Andra Business demande à la cour:

- de déclarer M. [T] [B] recevable mais mal fondé en son appel ;

- de la déclarer recevable en son appel incident ;

- d'infirmer le jugement ;

In limine litis,

- de dire M. [T] [B] irrecevable en sa demande tendant à voir dire qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 juillet 2020 ;

Sur le fond,

- de débouter en l'absence de toutes prestations effectives sur la période du 13 juillet 2020 au 3 mars 2021, M. [T] [B] de sa demande au titre du rappel de salaire sur cette période ;

- de débouter M. [T] [B] au titre des dommages- intérêts pour préjudice financier ;

- de dire et juger régulière la rupture de la période d'essai du contrat de travail de M. [T] [B] en date du 2 février 2021 ;

- de débouter M. [T] [B] de ses demandes au titre de la rupture sans cause réelle et sérieuse, des dommages- intérêts afférents, outre l'indemnité de préavis et les dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

A titre subsidiaire sur la rupture,

- de dire et juger que M. [T] [B] ne justifie d'aucun préjudice ;

- de débouter M. [T] [B] de sa demande au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- de dire et juger que M. [T] [B] n'établit pas l'existence de l'élément intentionnel s'agissant de ses allégations de travail dissimulé ;

- de débouter M. [T] [B] de sa demande au titre des dommages-intérêts pour rupture de contrat travail en situation de travail dissimulé ;

- de condamner M. [T] [B] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs :

Sur la demande d'irrecevabilité de la demande visant à dire que M. [T] [B] a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 juillet 2020

La SAS Andra Business prétend, sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile, à l'irrecevabilité de la demande de M. [T] [B] tendant à voir dire qu'il a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 juillet 2020 en soutenant que celui-ci invite la cour à dire qu'il a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 13 juillet 2020 alors même que cette date de prise d'effet ne figurait ni dans la déclaration d'appel ni dans son premier jeu de conclusions.

M. [T] [B] réplique qu'il s'agit d'une simple précision et qu'il a toujours, dans le cadre de ses écritures, sollicité la requalification de son contrat à partir du 13 juillet 2020 et les rappels de salaires depuis cette date.

Sur ce,

L'article 910-4 du code de procédure civile énonce: "A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait."

En l'espèce,

Le chef de jugement est ainsi libellé "juge que M. [T] [B] est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet".

La déclaration d'appel ne vise pas ce chef de jugement.

Dans ses premières écritures en date du 11 septembre 2023, M. [T] [B] a demandé à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a "jugé que M. [T] [B] est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet".

Dans de nouvelles conclusions déposées le 22 février 2024, M. [T] [B] a demandé à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 13 juillet 2020 et de juger qu'il bénéficie d'un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 13 juillet 2020.

En ajoutant la date du 13 juillet 2020, M. [T] [B] n'a fait qu'apporter une précision à sa prétention qui est celle de voir reconnaître qu'il était titulaire d'un contrat de travail conclu avec la SAS Andra Business.

Cette demande n'est donc pas nouvelle au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Dès lors, la SAS Andra Business sera déboutée de sa demande d'irrecevabilité.

Sur l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée

M. [T] [B] sollicite la confirmation du chef de jugement qui a jugé qu'il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet tandis que l'employeur prétend à l'infirmation du jugement en ce compris ce chef de jugement.

Sur ce,

En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve. (Cass.soc. 25 octobre 1990, n°88-12.868)

En l'espèce,

Pour retenir que M. [B] est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, le jugement, dans ses motifs, indique que les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein le 6 juillet 2020.

Il est constant que deux contrats de travail à durée indéterminée ont été conclus, l'un le 29 juin 2020 et le second le 6 juillet 2020 fixant tous deux une prise d'effet au 13 juillet 2020.

M. [T] [B] verse aux débats des sms échangés avec son employeur sur la période courant du 30 avril 2020 au 3 décembre 2020 dans lesquels il s'adresse à celui-ci par des "monsieur" puis à compter du 18 juillet 2020 par "patron". Il ressort également de ces échanges, que le 8 septembre 2020 ou encore le 17 septembre 2020, l'employeur a rappelé à M. [T] [B] les heures d'ouverture du salon, lui faisant remarquer son retard et que le 21 septembre 2020, il l'a informé qu'une déduction des retards serait opérée sur la fiche de paie.

En présence de tels éléments, il appartient à la SAS Andra Business, qui conteste la réalisation d'une prestation de travail de la part de M. [T] [B] à compter du 13 juillet 2020, de rapporter la preuve du prétendu caractère fictif du contrat de travail de celui-ci.

Cette preuve ne peut résulter de la seule affirmation selon laquelle les contrats ont été remis à M. [T] [B] dans l'unique but de lui permettre d'obtenir un logement sur [Localité 2] ou ses environs. De même, la seule mention d'une domiciliation de M. [T] [B] à [Localité 4] n'est pas de nature à établir ce caractère fictif. Au surplus, M. [T] [B] justifie de sa présence à [Localité 2] dès le 13 juillet 2020 puisqu'il produit les factures de locations de logements Airbnb à [Localité 2] du 5 au 26 juillet 2020 et des quittances de loyer pour un logement à [Localité 2] à compter du 24 juillet 2020.

La conclusion d'un contrat de période de mise en situation en milieu professionnel pour la période courant du 21 septembre 2020 au 3 octobre 2020 n'est pas davantage probante dès lors que l'employeur ne justifie pas des raisons qui ont motivé les remarques adressées à M. [T] [B] antérieurement au 21 septembre 2020 quant à ses retards de prise de poste.

L'employeur ne verse donc aucune pièce utile de nature à démentir la présomption résultant de l'existence de ce contrat écrit.

Dès lors, il y a lieu de retenir l'existence d'un contrat de travail liant M. [T] [B] à la SAS Andra Business et ce depuis le 13 juillet 2020.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que M. [T] [B] est titulaire d'un contrat de travail à temps complet et complété en précisant la date de prise d'effet.

Sur la demande de rappel de salaires

M. [T] [B] soutient que depuis son embauche le 13 juillet 2020, il n'a perçu aucun salaire et reproche aux premiers juges d'avoir indiqué qu'il avait été rémunéré à partir de janvier 2021 et d'avoir ainsi opéré une déduction sur le montant du rappel sollicité.

L'employeur réplique que M. [T] [B] ne justifie d'aucune prestation de travail en dehors de la période du 21 septembre 2020 au 3 octobre 2020 correspondant à la période de mise en situation en milieu professionnel et prétend ainsi au débouté de M. [T] [B].

Sur ce,

Il appartient à l'employeur de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition et de payer la rémunération et de prouver qu'il a payé le salaire au salarié et ce, même en cas de remise d'un bulletin de paie.

En l'espèce,

Il résulte des précédents développements que M. [T] [B] a été embauché par la SAS Andra Business à compter du 13 juillet 2020.

L'employeur ne démontre pas que celui-ci a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.

Il ne justifie pas non plus avoir versé un salaire à M. [T] [B] pour la période courant du 21 septembre 2020 au 3 octobre 2020 qui correspondrait, selon ses dires, à la période de mise en situation professionnelle.

Dans ces conditions, M. [T] [B] doit être accueilli dans sa demande de rappel de salaires pour un montant de 16 390,53 euros à titre de rappel de salaires, outre la somme de 1 639,05 euros à titre de congés payés afférents, sans qu'il y ait lieu de procéder à une déduction.

En conséquence, la SAS Andra Business sera condamnée à payer à M. [T] [B] la somme de 12 252 euros à ce titre, outre les congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le préjudice financier

M. [T] [B] affirme avoir subi un préjudice financier né du défaut de paiement de ses salaires et de l'absence de remise de ses fiches de paie.

Il ne justifie cependant pas de l'existence du préjudice qu'il prétend avoir subi et qui ne serait pas déjà réparé au titre du rappel de salaire précédemment ordonné.

En conséquence, il sera débouté de sa demande.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [T] [B] explique s'être vu notifier une rupture de période d'essai le 3 mars 2021 alors qu'il a été engagé le 13 juillet 2020 sans période d'essai et qu'en conséquence, cette rupture est sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur réplique que la relation de travail a été rompue pendant la période d'essai prévue par le contrat de travail à durée indéterminée conclu à la suite de la période de mise en situation professionnelle et qui a pris effet le 2 février 2021.

Sur ce,

La période d'essai permet aux parties au contrat de travail de ne pas soumettre pendant cette période leurs relations de travail aux règles de droit commun relatives à la rupture du contrat de travail.

Au-delà du terme de l'essai, le contrat de ne peut être rompu à l'initiative de l'employeur que par un licenciement.

En l'espèce,

Il résulte des précédents développements que M. [T] [B] a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 juillet 2020.

Le premier contrat de travail du 29 juin 2020 a fixé une période d'essai de 50 jours et le second contrat du 6 juillet 2020 a supprimé celle-ci.

En tout état de cause, à la date du 3 mars 2021, date à laquelle la SAS Andra Business a notifié à M. [T] [B] la rupture de son contrat de travail au motif d'une rupture de la période d'essai, M. [T] [B] n'était plus soumis à la moindre période d'essai.

Par conséquent, la rupture du contrat de travail intervenue sans respect de la procédure de licenciement doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

' indemnité compensatrice de préavis

M. [T] [B] est fondé à solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents.

Il justifie d'une ancienneté de sept mois.

L'article L.1234-1 2° du code du travail énonce que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois.

Au terme du contrat de travail du 6 juillet 2020, la rémunération mensuelle de M. [T] [B] a été fixée à la somme de 2 000,42 euros.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Andra Business au paiement de la somme de 2 000,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

' dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [T] [B] peut également prétendre au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, c'est à tort qu'il demande que le barème de l'article L.1235-3 du code du travail soit écarté au regard des dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne et des articles quatre et 10 de la convention numéro 158 de l'organisation internationale du travail et du droit au procès équitable. En effet, le moyen tendant à écarter le barème légal d'indemnisation, fondé sur une appréciation de la proportionnalité des dispositions de l'article 24 de la charte européenne des droits sociaux, ne peut aboutir en l'absence d'applicabilité directe du texte invoqué. Le moyen tiré de la violation de la convention n°158 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) ne peut davantage aboutir dès lors qu'il appartient seulement au juge d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail. Enfin, l'article L. 1235-3 du code du travail n'empêche pas un salarié d'agir en justice pour faire reconnaître le caractère injustifié du licenciement et faire condamner l'employeur. Loin d'interdire ou de compromettre le recours au juge, l'article L. 1235-3 du code du travail en fait un préalable nécessaire. Le salarié conserve ainsi la faculté de saisir effectivement un juge impartial pour défendre ses droits selon des modalités qui, tout en réduisant l'office de ce dernier, laisse intact la nature de son pouvoir. Ce pouvoir reste souverain et s'exerce entre les plancher et plafond variables et afférents à l'ancienneté du salarié, ce qui ôte au procès tout caractère inéquitable, peu important l'impact de l'article L. 1235-3 du code du travail sur le montant de l'indemnisation.

Par conséquent, il appartient à la cour d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L.1235-3 du code du travail.

Sur la base d'une ancienneté de moins d'un an et compte tenu de l'effectif de la SAS Andra Business dont il n'est pas démontré qu'il est inférieur à 11 salariés, le barème fixe une indemnité maximale correspondant à un mois de salaire brut.

M. [T] [B] ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieure à la rupture de son contrat de travail ni de recherche d'emploi.

Il y a donc lieu de condamner la SAS Andra Business, par infirmation du jugement, à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la perte de son emploi.

Sur le travail dissimulé

M. [T] [B] prétend à l'existence d'un travail dissimulé en faisant valoir que l'employeur n'a émis aucun bulletin de paie, n'a pas procédé à sa déclaration d'embauche et n'a pas payé l'ensemble des cotisations fiscales et sociales.

Pour l'employeur réplique que M. [T] [B] n'apporte pas la preuve de l'intention prétendument délictuelle.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait par l'employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2 du code du travail , relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail , soit à l'accomplissement auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales des déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises dessus.

La charge de la preuve du caractère intentionnel du travail dissimulé appartient au salarié.

L'article L. 8223-1 du même code prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail , le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l'article L. 8221-5 du code du travail , a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

En l'espèce,

M. [T] [B] a été embauché à compter du 13 juillet 2020 sans qu'aucune déclaration d'embauche n'ait été enregistrée.

L'employeur a, le 26 janvier 2021, déclaré une embauche à la date du 2 février 2021. Il ressort pourtant des sms échangés entre M. [T] [B] et son employeur qu'antérieurement à cette date, ce dernier n'a pas manqué de rappeler à l'ordre à plusieurs reprises M. [T] [B] pour ses retards dans sa prise de poste.

Aucun bulletin de paie n'a jamais été établi.

Le salaire n'a jamais été versé.

De tels manquements sur une période de plusieurs mois caractérisent l 'élément intentionnel du travail dissimulé.

En conséquence, la SAS Andra Business sera condamnée à payer à M. [T] [B] la somme de 10 010,22 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Le jugement doit être confirmé du chef de la remise des documents de fin de contrat sans qu'il soit toutefois nécessaire d'ordonner une astreinte.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la SAS Andra Business sera condamnée aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance par confirmation du jugement sur ce point, et en appel, sera déboutée de ses demandes et sera condamnée à payer à M. [T] [B] la somme de 2 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 6 juillet 2023 en ce qu'il a :

- condamné la SAS Andra Business à payer à M. [T] [B] la somme de 12252 euros à titre de rappel de salaires, outre 1 225 euros à titre de congés payés ;

- débouté M. [T] [B] de sa demande au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouté M. [T] [B] de sa demande au titre d'une indemnité liée à l'existence d'un travail dissimulé ;

- assorti la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans les limites des chefs d'infirmation et y ajoutant :

Déboute la SAS Andra Business de sa demande d'irrecevabilité de la demande visant à dire que M. [T] [B] a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 juillet 2020 ;

Juge que M. [T] [B] a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 13 juillet 2020 ;

Condamne la SAS Andra Business à payer à M. [T] [B] les sommes suivantes :

' 16 390,53 euros à titre de rappel de salaires,

' 1 639,05 euros à titre de congés payés afférents,

' 1 000 euros à titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 10 010,22 euros au titre de l'indemnité liée à l'existence d'un travail dissimulé ;

Dit que les condamnations sont prononcées sous réserve d'en déduire le cas échéant, les charges sociales et salariales ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Déboute la SAS Andra Business de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Andra Business à payer à M. [T] [B] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Andra Business aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01191
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.01191 ?
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