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19/06/2024 | FRANCE | N°23/00184

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 19 juin 2024, 23/00184


Arrêt n°

du 19/06/2024





N° RG 23/00184





MLS/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 19 juin 2024





APPELANT :

d'un jugement rendu le 30 décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Industrie (n° F 21/00053)



Monsieur [O] [K]

Chez Monsieur [D]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représenté par la S

CP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES



INTIMÉE :



SARL MAISON DEVOUGE

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par la SELARL AHMED HARIR, avocats au barreau des ARDENNES

DÉBATS :



En audience publi...

Arrêt n°

du 19/06/2024

N° RG 23/00184

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 19 juin 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 30 décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Industrie (n° F 21/00053)

Monsieur [O] [K]

Chez Monsieur [D]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES

INTIMÉE :

SARL MAISON DEVOUGE

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL AHMED HARIR, avocats au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mai 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 19 juin 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président de chambre

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Maureen LANGLET, greffier placé

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé des faits et de la procédure :

Monsieur [O] [K], embauché depuis le 14 octobre 2002 en qualité de boulanger pâtissier a été licencié le 7 octobre 2020 par la SARL Maison Devouge, pour faute grave.

Le 23 mars 2021, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières de demandes tendant à obtenir condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

8 650,45 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 145,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la mauvaise foi de l'employeur,

- 23 592,30 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et économique,

- 1 016, 26 euros à titre de salaire d'août 2020,

- 1 572,82 euros à titre de salaire de septembre 2020,

- 1 572,82 euros à titre de salaire d'octobre 2020,

- 3 000 euros à titre d'indemnité de l'article 700 du Code de procédure civile,

L'employeur a conclu au débouté et a sollicité reconventionnellement la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement contradictoire rendu le 30 décembre 2022 et notifié le 2 janvier 2023, le conseil de prud'hommes a :

- dit M. [K] [O] recevable dans ses demandes mais non fondé en ses prétentions,

- débouté M. [K] [O] de l'ensemble de ses demandes, et l'employeur de sa demande reconventionnelle,

- mis les dépens à la charge de M. [K] [O].

Le 30 janvier 2023 le salarié a interjeté appel du jugement en ce qu'il le dit bien fondé dans ses demandes mais non fondé dans ses prétentions et en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble des demandes, puis mis les dépens à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 avril 2024.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, l'appelant demande à la cour, par infirmation du jugement, de faire droit à ses demandes initiales, y ajoutant une demande de congés payés afférents aux demandes salariales et une demande d'indemnité de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2023, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié. Formant appel incident du chef du rejet de sa demande reconventionnelle, elle sollicite la condamnation de M. [O] [K] à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices nés de la procédure abusive, outre 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle demande de réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts.

Motivation :

l'exécution du contrat de travail

le rappel de salaires

Le salarié appelant soutient que l'employeur est tenu de lui verser une rémunération, même si l'employeur n'est pas en mesure de lui proposer une prestation de travail, en faisant valoir que l'employeur s'est opposé à ce qu'il reprenne son poste de travail, au terme de la suspension du contrat.

L'employeur, qui conclut au débouté par confirmation, ne développe pas de moyens à ce titre, étant observé qu'il plaide sur la contestation du licenciement l'absence injustifiée du salarié depuis la mi-août 2020.

Le Conseil de Prud'hommes a retenu que le salarié n'étant pas venu travailler en août, septembre, et octobre 2020, les salaires n'avaient pas à être versés.

Il ressort de l'avis CERFA d'arrêt de travail produit par le salarié, que celui-ci était en arrêt maladie jusqu'au 11 août 2020. Contrairement à ce que celui-ci soutient, aucune pièce de son dossier, hormis ses dires relayés dans un courrier de son assurance protection juridique, ne permet de justifier qu'il se soit, à partir du 12 août 2020 présenté à son poste de travail. M. [K] fait attester par sa mère qu'il s'est bien présenté à son travail le 12 décembre 2020 à une date où le contrat avait été rompu. Au contraire, les pièces du dossier de l'employeur, notamment les mises en demeure adressées au salarié et les attestations de ses collègues, montrent que l'employeur était sans nouvelle de lui depuis le 12 août 2020. C'est vainement qu'il vient soutenir que l'employeur lui aurait envoyé des mises en demeure à la mauvaise adresse dans la mesure où la mise en demeure envoyée le 18 août 2020 [Adresse 5] à [Localité 2] est revenue avec la mention « pli avisé non réclamé » de même que celle adressée le 17 septembre 2020 à la même adresse, laquelle a été certifiée par le maire comme étant celle de M. [K] jusqu'au 31 janvier 2021.

Par conséquent, M. [K] ne peut imputer à son employeur une absence de fourniture de travail pour obtenir sa rémunération, alors qu'il ressort des pièces des dossiers des deux parties qu'en réalité l'employeur n'a pas rémunéré, à bon droit, les absences injustifiées de son salarié.

Le jugement doit donc être confirmé sur ce point et l'appelant sera en outre débouté de sa demande de congés payés afférents aux rappels de salaire.

la rupture du contrat de travail

le licenciement

Le salarié appelant soutient qu'à la fin de son arrêt de travail, l'accès à son poste de travail lui a été refusé par l'employeur, ce, dès le 12 août 2020, date à laquelle il situe donc la rupture du contrat de travail. Il soutient que la société employeur a écrit à une adresse à laquelle il ne résidait pas, et qui était différente de celle figurant sur son arrêt de travail. Il prétend que la société Devouge aurait volontairement initié une procédure à une adresse à laquelle elle n'a jamais écrit à son salarié, à laquelle il ne se trouvait pas, et ne résidait pas, pour préjudicier à ses droits. Il ajoute que l'employeur savait où le joindre, et avait également possibilité de s'adresser à son assureur. Il conteste également les prétendues absences injustifiées. De plus, il conteste le caractère gravement fautif du manquement qui lui est imputé, la situation n'était pas de nature à permettre un licenciement pour faute grave. Il allègue finalement une discrimination liée à son état de santé, prétendant avoir été licencié à la suite d'un arrêt de travail pour cause de maladie.

L'employeur réplique en soutenant qu'il a été démontré devant le Conseil de Prud'hommes que les lettres de mise en demeures ainsi que les lettres de convocation à l'entretien préalable au licenciement ont été adressées à l'adresse où demeurait Monsieur [K] au moment des faits comme en témoigne le maire du village, et la mention « pli avisé non réclamé » qui implique une vérification de l'adresse par le facteur et le dépôt d'un avis de passage. Cette adresse figurait selon lui sur la lettre recommandée avec accusé de réception contenant l'arrêt maladie courant jusqu'au 11 août 2020. L'employeur prétend qu'il s'agit d'un stratagème de son salarié et que ce dernier a délibérément décidé de ne pas retirer les lettres recommandées qui lui étaient adressées.

C'est à raison que le Conseil de Prud'hommes a rappelé que dans le cadre d'un licenciement pour faute grave, la charge de la preuve pèse exclusivement sur l'employeur.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 7 octobre 2020, qui fixe les limites du litige, fait grief au salarié de son absence injustifiée depuis le 12 août 2020.

C'est également à raison que le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de sa demande tendant à faire dire le licenciement nul ou à défaut sans cause réelle et sérieuse, même si, en qualifiant le grief « d'abandon de poste », il a dénaturé la lettre de licenciement qui reproche au salarié une absence injustifiée.

Comme il a été dit plus haut, c'est vainement et avec mauvaise foi que le salarié vient reprocher à l'employeur de lui avoir déloyalement adressé des mises en demeures à une adresse où il ne résidait pas, alors que l'employeur démontre que le salarié était bien domicilié à l'adresse à laquelle lui ont été envoyées les mises en demeure, la convocation à l'entretien préalable au licenciement et la lettre de licenciement. En effet, cette adresse est celle indiquée par le salarié lui-même dans un courrier adressé à l'employeur le 6 août 2020. Elle est confirmée par le maire de la commune de [Localité 2], dans laquelle se situe l'adresse contestée. En outre, les courriers qui lui ont été envoyés sont revenus avec la mention « pli avisé non réclamé » et non pas « destinataire inconnu à l'adresse indiquée » signe, que l'adresse était bien celle du destinataire du courrier.

Il ressort donc de ces éléments que depuis le 12 août 2020, l'employeur n'a plus de nouvelles de son salarié, malgré les mises en demeure qu'il lui envoie à l'adresse que le salarié a lui-même communiquée, sans que celui-ci ne daigne en prendre connaissance ni ne se présente à son poste de travail. Ce manquement à l'obligation contractuelle de présence au travail ne peut toutefois être considéré comme suffisamment grave pour justifier que l'employeur mette fin immédiatement au contrat de travail dans la mesure où l'employeur a attendu le mois d'octobre pour initier la procédure de licenciement.

Le salarié ne saurait comme il le prétend imputer la rupture du contrat de travail à une discrimination liée à son état de santé dans la mesure où son arrêt de travail pour cause de maladie a cessé le 11 août 2020, que l'employeur a sollicité son retour à deux reprises, que la cour ignore l'état de santé du salarié après le 11 août 2020, de sorte que le salarié ne présente aucun élément laissant présumer l'existence d'une discrimination au sens de l'article L 1134-1 du Code du travail.

L'absence injustifiée, dans ces circonstances, est un manquement suffisamment grave pour justifier que l'employeur mette fin sans préavis au contrat de travail, dans la mesure où l'employeur ne pouvait envisager de faire exécuter un préavis à un salarié qui ne répondait pas à ses sollicitations y compris pendant la procédure de licenciement, le salarié n'ayant pas répondu à la convocation à l'entretien préalable au licenciement.

Le licenciement pour faute grave étant justifié, c'est à raison que le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de sa contestation de la rupture du contrat de travail et de ses demandes subséquentes.

Le jugement sera donc confirmé.

la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral né de la mauvaise foi contractuelle

Le salarié prétend que l'employeur l'a maintenu dans l'ignorance de son licenciement au-delà même de l'audience de conciliation, l'empêchant de faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi, qu'il n'a pas déféré à l'injonction de l'assureur protection juridique de reprendre le paiement du salaire.

Comme il a été dit plus haut l'employeur a adressé au salarié, à l'adresse que celui-ci avait lui-même communiquée, la convocation à l'entretien préalable et la lettre de licenciement qui est revenue avec la mention « pli avisé non réclamé » de sorte qu'il ne saurait reprocher à l'employeur une mauvaise foi dans la communication de la décision de licencier comme il ne peut lui reprocher de n'avoir pas repris le paiement des salaires, qui n'étaient pas dus pour des motifs évoqués plus haut.

Le jugement sera donc confirmé.

autres demandes

la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'employeur intimé prétend que la procédure est abusive et sollicite 5 000 euros de dommages et intérêts. La mauvaise foi de Monsieur [K] est rappelée comme ayant été retenue en première instance.

Le salarié a succombé. Toutefois, l'action en justice est un droit qui ne peut engager la responsabilité de son auteur qu'en cas d'abus qui doit être prouvé, cette preuve ne pouvant résulter de la seule succombance. En l'espèce, le salarié a engagé l'action en paiement des salaires, persuadé que le contrat était toujours en cours et que l'employeur ne souhaitait pas son retour. Certes, il s'est abstenu de retirer les courriers qui lui ont été envoyés. Cependant, l'absence d'information contradictoire à sa version lors de l'introduction de l'instance et la motivation du jugement qui a dénaturé la lettre de licenciement ont pu lui faire croire au succès de ses prétentions, excluant ainsi l'abus.

La demande, nouvelle en appel, sera rejetée.

les frais irrépétibles et les dépens

Le salarié succombe. Aussi, il doit supporter les frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles.

Débouté de ses demandes à ce titre, le salarié sera, en équité, condamné à payer à la SARL Maison Devouge la somme de 3 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement rendu le 30 décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Charleville Mézières en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles ;

Confirme le surplus du jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, y ajoutant,

Déboute M. [O] [K] de sa demande de congés payés afférents aux demandes salariales ;

Déboute la SARL Maison Devouge de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés de l'abus de droit ;

Déboute M. [O] [K] de ses demandes de remboursement des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [O] [K] à payer à la SARL Maison Devouge la somme de 3 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne M. [O] [K] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00184
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.00184 ?
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