La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°23/01308

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 18 juin 2024, 23/01308


ARRET N°

du 18 juin 2024



R.G : N° RG 23/01308 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FL62





[M]

[F]





c/



[U]

S.A. FRANFINANCE

S.A.R.L. RENOVATION ENERGY HABITAT

S.E.L.A.R.L. [Z] [S]











BD







Formule exécutoire le :

à :



Me Julie D'ANGELO



Me Catherine LIEGEOIS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 18 JUIN 2024



APPELANTS :



d'un jugement rendu le 26 mai 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Charleville-Mézières



Monsieur [V] [M]

[Adresse 5]

[Localité 2]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-51454-2023-02923 du 16/10/2023 accordée par le bureau d'a...

ARRET N°

du 18 juin 2024

R.G : N° RG 23/01308 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FL62

[M]

[F]

c/

[U]

S.A. FRANFINANCE

S.A.R.L. RENOVATION ENERGY HABITAT

S.E.L.A.R.L. [Z] [S]

BD

Formule exécutoire le :

à :

Me Julie D'ANGELO

Me Catherine LIEGEOIS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 18 JUIN 2024

APPELANTS :

d'un jugement rendu le 26 mai 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Charleville-Mézières

Monsieur [V] [M]

[Adresse 5]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-51454-2023-02923 du 16/10/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Julie D'ANGELO, avocat au barreau de REIMS, et Me Karine LEBOUCHER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [P], [I] [F] épouse [M]

[Adresse 5]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-51454-2023-02922 du 07/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Julie D'ANGELO, avocat au barreau de REIMS, et Me Karine LEBOUCHER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

S.A.R.L. Rénovation Energy Habitat prise en la personne de son liquidateur amiable Me [B] [J] née [U]

[Adresse 4]

[Localité 8]

N'ayant pas constitué avocat

S.A. FRANFINANCE

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Catherine LIEGEOIS de la SCP LIEGEOIS, avocat au barreau des ARDENNES

S.E.L.A.R.L. [Z] [S] ès qualité de mandataire ad'hoc de la SARL Rénovation Energy Habitat

[Adresse 3]

[Localité 1]

N'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Bertrand DUEZ, président de chambre

Madame Christel MAGNARD, conseiller

Madame Claire HERLET, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 14 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024,

ARRET :

Par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024 et signé par M. Bertrand DUEZ, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige

Le 28 octobre 2020 Mme [P] [F] et M. [V] [M] ont signé un bon de commande auprès de la SARL Rénovation Energy Habitat afin d'acquérir deux pompes à chaleur (air-air et air-eau) ainsi qu'un ballon thermodynamique.

Cette installation a été financée par un contrat de crédit affecté, souscrit le 28 octobre 2020 auprès de la société Franfinance pour un capital de 36.247 euros remboursable en 170 échéances mensuelles au taux de 3,90 % l'an.

La SARL Rénovation Energy Habitat a fait l'objet d'une dissolution puis d'une liquidation amiable. Cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nanterre (92) le 20 mai 2021.

Aucune mensualité du contrat de crédit n'a été payée.

Se plaignant d'avoir été surpris par la souscription du contrat de crédit et de n'avoir découvert l'existence d'un crédit que par courrier du 6 novembre 2020, les consorts [M]-[F] ont fait citer la SARL Rénovation Energy Habitat représentée par son mandataire ad hoc, M. [S] [Z], puis par son liquidateur, Mme [B] [U]-[J] ainsi que la société Franfinance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières par assignations des 29 octobre 2021 et 06 juillet 2022, sollicitant l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.

Par jugement du 26 mai 2023 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a :

Prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 28 octobre 2020 entre les consorts [M]-[F] et la SARL Rénovation Energy Habitat, retenant que l'information sur le droit de rétractation du consommateur n'a pas été respectée de sorte que les consorts [M]-[F] étaient fondés à exercer leur rétraction par courrier du 25 mai 2021 adressé à la société Franfinance.

Prononcé l'annulation corrélative du contrat de crédit affecté souscrit entre consorts [M]-[F] et la SA Franfinance, au visa de l'article L. 312-55 du code de la consommation.

Retenu une faute de la banque dans le déblocage des fonds sur un bon de commande ne respectant pas les dispositions légales en matière de droit de rétractation et pour déblocage des fonds pendant le délai de rétractation.

Condamné les consorts [M]-[F] à rembourser à la SA Franfinance la somme de 27.500 euros correspondant au seul capital emprunté avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.

Débouté les consorts [M]-[F] et la SA Franfinance de l'ensemble de leurs autres prétentions;

Condamné la SA Franfinance aux dépens de l'instance et à payer aux consorts [M]-[F] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [M]-[F] ont interjeté appel de cette décision le 11 août 2023 sur les seules dispositions relatives aux dommages-intérêts réclamés par les consorts [M]-[F] et sur leur condamnation à rembourser à la SA Franfinance la somme de 27.500 € avec intérêts légaux.

La SA Franfinance a interjeté appel incident par conclusions du 09 février 2024.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives signifiées le 30 avril 2024 les consorts [M]-[F] sollicitent de la cour de :

Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a prononcé la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Infirmer la décision déférée sur le surplus et, statuant à nouveau à titre principal :

CONDAMNER Franfinance à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par les Consorts [F] [M] au titre de l'emprunt souscrit.

CONSTATER les fautes imputables à Franfinance

PRIVER Franfinance de fait de tout droit à remboursement contre les Consorts [F] [M] s'agissant du capital, des frais et accessoires versés

CONDAMNER solidairement les intimés à prendre en charge le coût des travaux dépose et remise en état.

A titre subsidiaire :

CONSTATER les fautes imputables à Franfinance s'agissant du défaut de mise en garde et la condamner à verser la somme de 27.500 euros à titre de dommages intérêts.

PRIVER Franfinance de fait de tout droit à remboursement du capital contre les Consorts [F] [M] s'agissant du capital, par l'effet de la compensation.

A titre infiniment subsidiaire en cas de maintien du paiement du capital à la SA Franfinance :

DIRE ET JUGER que les remboursements de prêts devront s'effectuer l'échéancier convenu entre les parties, sans intérêts du fait de la perte du droit aux intérêts.

CONDAMNER Rénovation Energy Habitat et Madame [U] in solidum à rembourser aux Consorts [F] [M] la somme de 27.500 euros en conséquence de l'anéantissement du contrat, outre le coût de la dépose et remise en état à l'état d'origine.

En tout état de cause les consorts [M]-[F] sollicitent :

La condamnation de la société Rénovation Energy Habitat et de son mandataire liquidateur à prendre en charge le coût des travaux de dépose et de remise en état.

La condamnation de la société Rénovation Energy Habitat et de son mandataire liquidateur ainsi que la SA Franfinance aux dépens et à leur payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de procédure, et ce avec prise en charge des sommes restant à la charge des créanciers poursuivants par la partie succombante en vertu des articles A 444-32 du code du commerce et R 631-4 du code de la consommation.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 9 février 2024 reprenant l'appel incident de l'intimée, la SA Franfinance sollicite par voie d'infirmation de la décision déférée :

De dire valables les contrats de vente et de crédit affecté.

Par voie de conséquence de dire les consorts [M]-[F] tenus à la poursuite du contrat de crédit et au paiement des échéances mensuelles afférentes à ce contrat.

Subsidiairement en cas de confirmation de l'annulation des deux contrats :

De dire que la banque n'a commis aucune faute dans le déblocage des fonds et, par substitution de motif, confirmer le jugement rendu le 26 mai 2023 en ce qu'il a condamné Monsieur [M] solidairement avec Madame [F] à verser à la Société Franfinance la somme de 27.500,00 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement du 26 mai 2023.

A titre infiniment subsidiaire et si la Cour considérait par impossible que le contrat de vente et le contrat de crédit sont nuls et que la Société Franfinance a commis une faute :

De confirmer le jugement rendu le 26 mai 2023 sauf en ce qu'il a condamné Franfinance à payer 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile aux consorts [F] [M].

Dans tous les cas, condamner solidairement les Consorts [F] [M] à payer 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Madame [F] et Monsieur [M] en tous les dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mai 2024.

Vu les conclusions récapitulatives des appelants signifiées le 30 avril 2024 et auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions récapitulatives de l'intimé SA Franfinance, signifiées le 09 février 2024 et auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Vu la signification de la déclaration d'appel faite par les époux [M]-[F] à Mme [B] [U] es qualité de mandataire judiciaire de la SARL Rénovation Energy Habitat, effectuée le 15 septembre 2023 (article 659 code de procédure civile)

Vu la signification de la déclaration d'appel faite par les époux [M]-[F] à la SELARL [Z] [S] es qualité de mandataire ad hoc de la SARL Rénovation Energy Habitat, effectuée le 05 octobre 2023 à personne morale.

Vu l'absence de constitution de la SARL Rénovation Energy Habitat

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande d'annulation du contrat principal

Pour considérer que le consommateur n'a pas été suffisamment informé de son droit de rétractation et des modalités d'exercice de celui ci, et que de ce fait, le délai de rétractation était valablement prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai initial, et donc valablement exercé par les époux [M]-[F] le 25 mai 2021, le premier juge a retenu que :

' ... le bon de commande est en date du 28 octobre 2020.

Le bon de commande mentionne que « la livraison et l'installation des produits interviendra au plus tard dans les 4 mois à compter du présent bon de commande ''.

L'article 3 des conditions générales précise que 'le délai court à compter du jour de la réception du bien par le consommateur ou un tiers [... ]pour les contrats de vente de bien.'

La livraison s'est effectuée le 13 novembre 2020 ce qui correspond au point de départ du délai de rétractation conformément aux dispositions susvisées.

Or, il apparaît que sur l'attestation de livraison signée entre les parties le 13 novembre 2020, le cachet de la SARL RENOVATION ENERGY HABITAT a été posé sur le paragraphe concernant les conditions de rétractation, les rendant illisibles, ne permettant pas aux demandeurs de comprendre que leur délai de rétractation commençait à courir à cette date, soit jusqu'au 27 novembre 2020.

En effet, le simple constat du bon de livraison ne permet pas aux parties de connaître exactement le point de départ du délai de rétractation.

Conformément aux articles de la consommation susvisés, un tel manquement ne respecte pas les dispositions légales et le droit de rétractation n'ayant pas été respecté, il doit être prolongé de 12mois à partir de l'expiration du délai initial, soit jusqu'au 27 novembre 2021.'

Il ressort en premier lieu des dispositions cumulées des articles L. 221-5 7°, L. 221-18 et L. 221-20 du code de la consommation que le consommateur dispose d'un délai de rétractation de 14 jours à compter de la réception du bien pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement.

Lorsque l'information relative au droit de rétractation n'a pas été donnée préalablement à la conclusion du contrat et dans les conditions prévues au 2° de l'article L221-5 dans sa rédaction applicable à la convention souscrite en l'espèce, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial.

L'information relative à l'exercice du droit de rétractation doit donc être conforme au formulaire type de rétractation figurant à l'annexe de l'article R. 221-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 01/07/2016 au 28/05/2022.

En second lieu et selon l'article L. 221-5 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 01 juillet 2016 au 28 mai 2022, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement, signé par les parties, comprenant, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées à l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 12 février 2020 au 01 octobre 2021 applicable au présent contrat, parmi lesquelles figurent, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, l'indication, de manière claire et lisible, de la date ou du délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Cour de cassation Civ 1ère 24 janvier 2024 Pourvoi n° 21-20.693

En l'espèce, en ayant retenu que la mention d'un délai maximum repris dans les conditions générales du contrat souscrit par les époux [M]-[F], ne permettait pas de suppléer l'absence d'indication, sur le bon de commande, de la date précise d'exécution des différentes prestations, le premier juge a pu exactement en déduire que le contrat ne satisfaisait pas aux exigences formelles prévues à peine de nullité par le code de la consommation.

Ainsi, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'exercice ou non du droit de rétractation dans le délai augmenté de l'article L221-5 2° du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la convention souscrite, ou sur le dol invoqué à titre subsidiaire par les appelants, la cour retiendra, comme l'y invite les époux [M]-[F] dans leurs conclusions (page 7/29), que le contrat signé entre eux et la SARL Rénovation Energy Habitat le 28 octobre 2020, est nul pour violation des mentions obligatoires devant figurer sur le bon de commande.

2/ Sur le moyen tenant à l'annulation du contrat de prêt

L'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation dispose que :

« En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions de l'alinéa précédant ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur. »

Il résulte de ce texte que le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

En l'espèce le contrat principal ayant été annulé en cause d'appel par voie de confirmation de la décision déférée, le contrat de crédit souscrit le 28 octobre 2020 entre les époux [M]-[F] et la banque Franfinance sera également annulé.

3/ Sur les conséquences de l'annulation du contrat de crédit :

A/ Sur l'existence d'une faute dans le déblocage des fonds

Il est constant que sauf faute du prêteur dans la remise des fonds au vendeur, la résolution du contrat de prêt faisant suite à la résolution du contrat de vente emporte l'obligation pour l'emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées, peu importe que les fonds aient été versés directement entre les mains du vendeur.

(Cass. Civ 1ère 9 novembre 2004 n° 02-20999)

Il est également constant que commet une faute le prêteur qui s'abstient, avant de verser les fonds empruntés à l'entreprise, de vérifier la régularité du contrat principal.

La commission de cette faute, cumulée au préjudice subi par l'acquéreur-emprunteur, interdit à l'établissement bancaire de demander aux emprunteurs la restitution du capital.

(Cass. Civ 1ère 19 juin 2019 pourvoi n° Z 18-18.126 arrêt n° 607 FD)

Ainsi, dans une décision sans renvoi, la cour de cassation pose l'obligation pour l'établissement bancaire réceptionnaire d'un contrat de vente affecté au crédit qui lui est demandé, de ne libérer les fonds qu'après vérification, tout à la fois de la régularité du contrat principal au regard des règles d'ordre public du code de la consommation, ainsi que du bon accomplissement de l'obligation de délivrance et d'installation pesant sur le vendeur des matériels.

En l'espèce la cour retiendra comme le premier juge :

- Que la SA Franfinance a procédé à la libération des fonds sur la base d'un contrat ne respectant pas les dispositions légales en matière d'information du consommateur sur les délais de livraison et d'installation des produits.

- Que la SA Franfinance a procédé à la libération des fonds sur la base d'une attestation de livraison en date du 13 novembre 2020 qui masque le rappel des règles relatives à l'exercice par le consommateur de son délai de rétractation.

Enfin, contrairement à ce qui est soutenu par la SA Franfinance, il ne saurait être soutenu que les époux [M]-[F] aient eu connaissance du vice de forme affectant le contrat, notamment en ce qui concerne l'absence d'information sur le délai de fourniture des biens et prestations et aient tout de même manifesté une volonté de couvrir le contrat puisque les appelants ont justement souhaité exercer leur droit de rétractation.

En conséquence les dispositions de la décision déférée ayant relevé l'existence d'une faute de la SA Franfinance dans la libération des fonds sera confirmée.

B/ Sur l'existence d'un préjudice subi par les époux [M]-[F]

Pour rejeter en première instance la demande des époux [M]-[F] d'être dispensés de tout remboursement du seul capital emprunté à la banque le premier juge a retenu que ces derniers ne souffraient d'aucun préjudice en ce que :

' ... Cette affaire présente ceci de particulier d'une part que l'installation fonctionne parfaitement depuis son installation sans aucune doléance dans ce sens et d'autre part que la demande de rétractation n'a été effectuée qu'en mai 2021, date de début du contentieux...

Les seuls éléments propres à caractériser un préjudice de la part des demandeurs se traduisent en réalité par des comportements fautifs de la banque mais aucunement par un début de commencement de preuve concernant une consommation électrique plus importante ou équivalente, un dysfonctionnement des mécanismes installés ou encore un investissement ruineux.

En conséquence, si la banque a bien commis une faute en s'abstenant de vérifier que le délai de rétractation était encore en cours au moment du déblocage des fonds, les emprunteurs n'établissent pas avoir subi de préjudice consécutif à cette faute de sorte qu'ils demeurent tenus de restituer uniquement le capital emprunté.'

Dans leurs conclusions d'appel les époux [M]-[F] exposent que leur matériel n'est pas efficient en terme d'économie de consommation d'énergie et soutiennent, au visa des articles L. 242-1, L. 221-9 et L. 221-5 du code de la consommation et 15 .2 et .3 de la Directive UE 2008/48 du 23 avril 2008, que les annulations des contrats de vente et de crédit les obligent en l'état à rembourser la banque pour un matériel qui n'est juridiquement plus leur propriété.

Ils exposent également que la radiation de la SARL Rénovation Energy Habitat leur enlève tout recours effectif en garantie à l'encontre de cette société.

Sur ce :

Il est constant comme le relève le premier juge que les époux [M]-[F] ne versent aux débats aucune pièce susceptible de justifier d'un dysfonctionnement technique des pompes à chaleur ou du ballon thermodynamique. Ils ne produisent également aucun élément d'analyse de rentabilité des matériels susceptible de justifier que les équipements litigieux n'atteignent pas les seuils de rentabilité espérés.

Toutefois l'annulation des deux contrats constituant une opération globale, impose de droit, une répétition respective de l'ensemble des prestations réciproques. Ainsi l'emprunteur/acheteur se doit de rembourser à la banque prêteuse le montant du seul capital emprunté en contrepartie du remboursement, par le vendeur à l'acquéreur, du prix de vente des matériels.

Dès lors que, par l'effet d'une liquidation judiciaire ou amiable, le vendeur n'est plus en capacité juridique ou financière de satisfaire à cette obligation de rembourser le prix de vente par suite de l'annulation du contrat principal, l'acquéreur/emprunteur subit nécessairement un préjudice s'il est tenu quant à lui de restituer à la banque le montant du capital emprunté.

Tel est le cas en l'espèce puisque la liquidation de la SARL Rénovation Energy Habitat et sa radiation du registre du commerce et des sociétés compromet de fait toute possibilité pour les époux [M]-[F] d'être remboursés du prix de vente.

En conséquence la faute de la banque dans la libération des fonds ci-dessus retenue, entraîne au cas d'espèce un préjudice réel et certain aux époux [M]-[F] en lien direct avec la libération des fonds par la SA Franfinance.

Ce préjudice sera évalué à l'aune du capital emprunté.

Il s'ensuit que par l'effet de la faute de la banque et du préjudice consécutif subi par les époux [M]-[F], par infirmation de la décision déférée sur ce point, la SA Franfinance sera privée du droit au remboursement du capital emprunté.

C/ Sur le sort des matériels

Les époux [M]-[F] sollicitent la condamnation à titre principal et in solidum de la SA Franfinance et de la SARL Rénovation Energy Habitat à prendre en charge le coût des travaux de dépose des matériaux et de remise en état.

Toutefois, ce poste de préjudice ne peut être mis à la charge de la SA Franfinance faute d'un lien suffisamment direct entre la faute relevée à l'encontre de la banque et l'obligation d'enlèvement des matériels.

Par ailleurs la perte de la personnalité morale de la SARL Rénovation Energy Habitat consécutive à sa radiation au RCS empêche de facto toute reprise des matériels et toute prise en charge d'une créance d'enlèvement qui n'est pas chiffrée dans les prétentions des appelants.

En conséquence les époux [M]-[F] seront déboutés de cette demande.

4/ Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Il ressort des articles 696 et 700 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens et que, sauf considération d'équité, la partie tenue aux dépens doit supporter les frais irrépétibles de procédure exposés par l'autre partie.

La SA Franfinance et la SARL Rénovation Energy Habitat succombantes à l'appel seront tenues des dépens d'appel et devront payer aux époux [M]-[F] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de procédure de l'appel.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement par décision de défaut :

Confirme le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières le 26 mai 2023 en ses dispositions ayant prononcé l'annulation du contrat principal souscrit entre les époux [M]-[F] et la SARL Rénovation Energy Habitat le 28 octobre 2023 et ayant prononcé l'annulation du contrat de crédit affecté souscrit entre les époux [M]-[F] et la SA Franfinance.

Confirme le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières le 26 mai 2023 en ses dispositions ayant condamné la SA Franfinance aux dépens et frais irrépétibles de procédure de la première instance.

Infirme le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières le 26 mai 2023 en ses dispositions ayant condamné les époux [M]-[F] à verser à la SA Franfinance la somme de 27.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision et ayant débouté les époux [M]-[F] du surplus de leurs demandes.

Statuant de nouveau sur les seules dispositions infirmées

Constate la faute de la SA Franfinance dans la libération des fonds à la SARL Rénovation Energy Habitat et le préjudice corrélatif des époux [M]-[F].

Dit qu'en indemnisation de cette faute la banque SA Franfinance sera privée du droit à remboursement par les époux [M]-[F] du capital emprunté (27.500 €) et des frais et accessoires inhérents au crédit.

Y ajoutant :

Déboute les époux [V] [M] et [P] [F]-[M] de leur demande tenant à la prise en charge par la SA Franfinance et la SARL Rénovation Energy Habitat du coût de la dépose et de l'enlèvement des matériels (pompes à chaleur air/air et air/eau et du ballon thermodynamique).

Condamne in solidum entre eux la SA Franfinance et la SARL Rénovation Energy Habitat aux dépens de l'appel.

Condamne in solidum entre eux la SA Franfinance et la SARL Rénovation Energy Habitat à payer aux époux [V] [M] et [P] [F]-[M] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de procédure de l'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 23/01308
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;23.01308 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award