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18/06/2024 | FRANCE | N°23/00756

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 18 juin 2024, 23/00756


ARRET N°

du 18 juin 2024



N° RG 23/00756 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FKQD





[F]





c/



Compagnie d'assurance ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD

Caisse CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MA RNE

Mutuelle HARMONIE MUTUELLE



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP MANIL



la SCP LIEGEOIS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 18 JUIN 2024

>
APPELANT :

d'un jugement rendu le 17 février 2023 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE- MEZIERES



Monsieur [A] [F]

Né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 9]



Représenté par Me Patrick MANIL de la SCP MANIL...

ARRET N°

du 18 juin 2024

N° RG 23/00756 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FKQD

[F]

c/

Compagnie d'assurance ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD

Caisse CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE MA RNE

Mutuelle HARMONIE MUTUELLE

Formule exécutoire le :

à :

la SCP MANIL

la SCP LIEGEOIS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 18 JUIN 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 17 février 2023 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE- MEZIERES

Monsieur [A] [F]

Né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté par Me Patrick MANIL de la SCP MANIL, avocat au barreau des ARDENNES, avocat postulant, et Me Frédéric LE BONNOIS de la

SELARL Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEES :

ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD

Société immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le n° 352 406 758 dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Catherine LIEGEOIS de la SCP LIEGEOIS, avocat au barreau des ARDENNES

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Marne, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est [Adresse 3]

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

Mutuelle Harmonie Mutuelle,prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est [Adresse 1]

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 13 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024,

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier , auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er janvier 2012, alors qu'il était au volant de son véhicule, M. [A] [F] a été victime d'un accident de la circulation entre les communes de [Localité 8] et [Localité 7].

Après avoir été pris en charge par les secours et transporté au centre hospitalier de [Localité 6], celui-ci s'est vu diagnostiquer une fracture bifocale du tibia gauche, une luxation de la hanche gauche, ainsi que de multiples lésions superficielles des membres inférieurs.

Saisi par M. [A] [F], et par décision du 23 août 2016, le président du tribunal de grande instance de CHARLEVILLE-MEZIERES statuant en référé a ordonné une mesure d'expertise judiciaire destinée à évaluer les préjudices de l'intéressé.

Le docteur [Y] a déposé son rapport le 30 novembre 2016.

Par actes d'huissier en date des 30 novembre et 09 décembre 2021, M. [A] [F] a fait assigner la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD, ci-après désignée la SA ACM IARD, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Marne et la société Harmonie Mutuelle devant le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE-MEZIERES aux fins principalement d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement rendu le 17 février 2023, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

-déclaré M. [A] [F] recevable en son action,

- fixé le préjudice subi par M. [A] [F] en suite de l'accident survenu le 1er janvier 2012 à la somme totale de 146.575,36 euros, décomposée comme suit:

* préjudices patrimoniaux :

- 2.945,60 euros au titre des frais divers

- 5.838 euros au titre de l'assistance par tierce-personne

- 13.728,21 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels

- 51 .861,05 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs

- 35.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

* préjudices extra-patrimoniaux :

- 10.702,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 17.000 euros au titre des souffrances endurées

- 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

-3.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

- 6.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- condamné la SA ACM IARD, après déduction des provisions déjà versées, à payer à M. [A] [F] la somme totale de 124.575,36 euros à titre d'indemnisation en exécution de la garantie "Dommages Corporels du Conducteur" souscrite par ce dernier,

- débouté M. [A] [F] de sa demande tendant à voir doubler les intérêts au taux légal ayant couru depuis le 17 mai 2017 jusqu'à la date à laquelle la décision deviendra définitive,

- condamné la SA ACM IARD aux dépens ;

Par un acte en date du 4 mai 2023, M. [A] [F] a interjeté appel de ce jugement aux fins de voir réformer les dispositions relatives à l'allocation des sommes suivantes :

- 13.728,21 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,

- 51 .861,05 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

- 35.000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 25 janvier 2024, M. [A] [F] conclut à l'infirmation partielle du jugement déféré sur les chefs de préjudice de pertes de gains professionnels futurs et sur l'incidence professionnelle et demande à la cour de condamner la SA ACM IARD à lui payer les sommes de :

- 301.463,97 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs,

- 80.000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Il sollicite en outre la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Il conclut à la confirmation des sommes allouées par le premier juge sur les autres postes de préjudice.

Il explique qu'au titre de son activité d'électromécanicien dans une fonderie, il bénéficiait l'année précédent l'accident d'un salaire mensuel net moyen de1.598,43 euros, et que ses arrêts de travail se sont poursuivis à compter du 1er janvier 2012 jusqu'au 30 juin 2014. ll ajoute que, ne pouvant occuper le même poste et ne pouvant bénéficier d'un reclassement, il a été licencié pour inaptitude le 31 août 2016, avant d'ouvrir son propre commerce d'épicerie portugaise le 10 novembre 2018.

ll soutient en outre que sa micro-entreprise d'animation de soirée a été impactée par cet accident, avant de fermer le 31 décembre 2016.

Il affirme que les allocations chômage qu'il a perçues durant cette période ne peuvent venir en réduction de l'indemnisation versée par son assureur.

Il estime qu'il subit une incidence professionnelle caractérisée par un abandon de sa profession, une dévalorisation sur le marché du travail compte tenu de son âge et des séquelles de l'accident, ainsi qu'une fatigabilité et une pénibilité accrues probables dans l'exercice de sa future profession, outre une incidence sur ses droits à la retraite.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux, il se réfère aux conclusions de l'expert judiciaire pour retenir un préjudice esthétique temporaire à 2/7 et un préjudice esthétique permanent à 2/7. Il fait valoir qu'il pratiquait la danse folklorique en club depuis 1994 en tant qu'animateur et danseur, activité qu'il ne peut plus pratiquer depuis son accident.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 31 octobre 2023, la SA ACM IARD conclut à l'infirmation partielle du jugement déféré en ce qui concerne la perte de gains professionnels futurs, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice d'agrément et l'indemnité pour frais irrépétibles et demande à la cour d'allouer à M. [A] [F] les sommes de 50.671,95 euros au titre des gains professionnels futurs et 5.500 euros au titre du préjudice d'agrément.

Elle sollicite en outre le paiement de la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

S'agissant de la perte de gains professionnels futurs, elle soutient qu'en application de l'article 16.3 de la police d'assurance, les allocations chômage perçues par l'assuré doivent venir en déduction de son indemnité. Elle précise que le chiffrage du capital qu'il aurait dû percevoir au titre de sa micro-entreprise jusqu'à l'âge de sa retraite doit être calculé en fonction des revenus annuels réellement dégagés par cette activité, multipliés par le nombre d'années restant à courir avant l'âge légal de départ à la retraite. Elle affirme que le tribunal a omis de déduire la somme de 1.050 euros perçue sur cette période.

Elle estime que M. [A] [F] qui exerce désormais la profession de commerçant tente de lui faire supporter les prétendues mauvais résultats de son activité actuelle, ce qui n'est pas possible dans la mesure où ce dernier ne peut obtenir une double indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle.

Elle ajoute que le chiffrage de l'incidence professionnelle réalisé par M. [A] [F] est surévalué et sollicite la confirmation de la somme allouée par le tribunal.

Elle fait valoir que le préjudice esthétique temporaire n'a pas été retenu par l'expert et que s'agissant du préjudice d'agrément la somme de 5.500 euros doit être déclarée satisfactoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il y a lieu de relever que la SA ACM IARD ne conteste pas le principe de sa garantie, seul le montant de certains postes de préjudices étant discuté.

Monsieur [A] [F] a été victime d'un accident de la circulation le 1er janvier 2012 en qualité de conducteur seul, sans implication d'un autre véhicule.

ll est constant que, du fait de cet accident, M. [A] [F] a souffert d'une fracture bifocale du tibia gauche, d'une luxation de la hanche gauche, ainsi que de multiples lésions superficielles des membres inférieurs, ces circonstances étant au surplus établies par les divers éléments médicaux versés aux débats, et notamment par les comptes-rendus opératoires émanant du centre hospitalier de [Localité 6].

ll ressort de la synthèse commémorative figurant au rapport d'expertise rédigé le 30 novembre 2016 par le docteur [D] [Y], expert judiciaire, que M. [A] [F]:

- a été hospitalisé du 1er au 13 janvier 2012, avec une opération le 1er janvier 2012 pour réduction de la luxation de la hanche gauche et ostéosynthèse de la fracture bifocale du tibia par fixateur externe,

- a été hospitalisé du 02 au 03 avril 2012, avec une opération le 02 avril 2012 pour ablation du fixateur externe, le membre inférieur gauche étant immobilisé dans un plâtre cruro pédieux,

- a séjourné alité à son domicile du 14 janvier au 1er avril 2012,

- a été hospitalisé du 22 avril au 02 mai 2012, avec une opération le 24 avril 2012 pour enclouage centro-médullaire à verrouillage supérieur et inférieur du tibia gauche, et reprise chirurgicale le 30 avril suivant,

- s'est déplacé en fauteuil roulant jusqu'au 13 juin 2012, avant d'utiliser deux cannes anglaises jusqu'en novembre 2012, puis une seule canne jusqu'au 21 janvier 2013,

- a été hospitalisé du 17 au 18 avril 2013 pour ablation des vis de verrouillage,

- a bénéficié de séances de kinésithérapie, à raison de 3 séances par semaine, à compter du 16 janvier 2012 jusqu'au 16 juillet 2013, puis à compter de septembre 2013 jusqu'en juillet 2014 selon un rythme moins soutenu, pour un total cumulé de 250 séances,

- a été hospitalisé du 11 au 12 octobre 2013 avec ablation le 11 octobre du clou centro-médullaire et neurolyse d'un névrome du nerf saphène interne en regard de l'incision de la maléole interne,

- a bénéficie de traitements antalgiques, antithrombotiques, et de semelles orthopédiques,

- a bénéficié de l'assistance de son épouse jusqu'au 12 juin 2012 pour tous les actes du quotidien, à l'exception de l'alimentation, et jusqu'au 21 octobre 2012 pour la toilette, outre l'assistance de son entourage pour se rendre au cabinet de kinésithérapie,

- a conservé des douleurs et séquelles consistant en une algoneurodystrophie atteignant l'ensemble des structures osseuses de la jambe, des angles de torsion tibiales altérés, ainsi qu'un cal vicieux en valgus de 7°.

L'expert a fixé la date de consolidation de l'état de M. [A] [F] au 1er juillet 2014.

ll a conclu à la persistance, à titre séquellaire :

-d'importantes traces cicatricielles du membre inférieur gauche,

-d'une amyotrophie de la cuisse gauche,

-d'une limitation de 10° de la flexion du genou gauche,

-d'une limitation de la mobilité,

-d'une boiterie,

- d'une déviation axiale du membre inférieur gauche,

et a notamment évalué les préjudices suivants :

-DFP :10% intégrant les douleurs séquellaires,

-préjudice esthétique :2/7 à titre temporaire et définitif,

-préjudice d'agrément : arrêt des activités concernant la danse folklorique,

-incidence professionnelle : inaptitude aux activités professionnelles antérieures comme électromécanicien en fonderie, nécessité d'un reclassement, licenciement survenu le 29 septembre 2016 pour inaptitude.

ll convient ainsi, compte tenu de la réalité des dommages subis par M. [A] [F] et de son droit non contesté à bénéficier de la garantie contractuelle "Dommages Corporels du Conducteur" souscrite auprès de la SA ACM IARD, d'examiner les postes de préjudices querellés par les parties devant la cour :

*Sur la perte de gains professionnels futurs :

Il est établi par les pièces produites que M. [A] [F], avant son accident, exerçait deux activités professionnelles : une salariée à la fonderie de Béroudiaux et une activité d'auto-entrepreneur. Il a été licencié pour inaptitude professionnelle le 29 septembre 2016 et a cessé son activité d'auto-entrepreneur le 31 décembre 2016.

Il ressort des pièces produites qu'au titre de son activité salariée, et sur la base d'un revenu antérieur moyen de 1.598,43 euros nets, M. [A] [F] aurait dû percevoir une somme totale de 41.559,18 euros entre la fin de son arrêt de travail et son licenciement, et qu'il n'a réellement perçu de son employeur que la somme de 15.507,69 euros, à l'exclusion de toute indemnité journalière sur cette période. Il est ainsi justifié, au titre de son activité salariée, pour M. [A] [F] une perte d'un montant de 26.051,49 euros sur la période du 1er juillet 2014 au 31 août 2016.

Les parties s'accordent également sur le montant de 44.756,04 euros que M. [A] [F] aurait, au titre de son activité salariée, dû percevoir entre la date de son licenciement et la fin du premier mois d'activité de son commerce d'épicerie, soit entre le 1 er septembre 2016 et le 31 décembre 2018.

Il résulte de l'attestation Pôle Emploi, datée du 24 mars 2021 que M. [A] [F] a perçu des indemnités chômage entre le 18 septembre 2016 et le 31 août 2019, pour une somme totale de 40.251,15 euros, ce qui caractérise une perte de revenus d'un montant de 4.504,89 euros.

Il y a lieu de rappeler qu'en vertu de l'article 1134 ancien du code civil, applicable au contrat, la convention étant la loi des parties, il convient de se reporter à l'article 16.3 de la police d'assurance souscrite par M. [A] [F] auprès de la SA ACM IARD, lequel stipule que :

"Le montant de l'indemnité est déterminé selon les règles du droit commun français ( montants habituellement alloués aux victimes d'accidents de la circulation), quel que soit le pays de survenance de l'accident.

Le règlement intervient, sous forme de capital, après déduction des indemnités ou prestations perçues par le conducteur à quelque titre que ce soit, en particulier de la part des organismes sociaux, de prévoyance ou de retraite, de l'employeur ou de tiers fautifs ".

C'est donc à bon droit, conformément au contrat conclu entre les parties, que le tribunal a déduit les allocations d'aide au retour à l'emploi perçues par M. [A] [F] de l'indemnité qu'il doit recevoir de la SA ACM IARD, celles-ci devant être regardées comme " des indemnités ou prestations perçues par le conducteur à quelque titre que ce soit " au sens de l'article susvisé. En effet, ne pas soustraire ces sommes conduirait à un enrichissement sans cause de l'appelant et contreviendrait au principe de réparation intégrale invoqué par ce dernier.

De plus, il convient de souligner que M. [A] [F] exploite depuis novembre 2018 un commerce d'épicerie, perçoit à ce titre des revenus commerciaux qu'il ne communique pas, de sorte qu'il n'est pas fondé à obtenir la capitalisation des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à sa retraite.

S'agissant de l'activité d'auto-entrepreneur, au vu des relevés de situation URSSAF, il est justifié d'un ralentissement de l'activité de M. [A] [F] en raison de l'accident à hauteur de la somme de 2.166,65 euros sur la période avant consolidation reconnue par la SA ACM IARD. Il ressort des éléments produits que sur la base d'un revenu annuel net moyen de 1.566,66 euros (soit, 130,55 euros par mois) M. [A] [F], qui aurait dû percevoir sur la période du 1er juillet 2014 au 31 mai 2024 la somme totale de (120 x 130,55) 15.666 euros, n'a perçu que la somme de 1.050 euros entre le 1er juillet 2014 et le 31 décembre 2016, ce qui porte à 14.616 euros la perte de gains subie sur cette période.

Les parties s'accordent ensuite sur le principe d'une capitalisation du revenu que M. [A] [F] aurait pu percevoir au titre de son activité de micro-entreprise jusqu'à l'âge de la retraite. L'intéressé étant âgé de 57 ans au jour de la décision et indiquant un départ en retraite à 63 ans, il convient sur la base d'un euro de rente de 5,828 au 1er janvier 2024, de retenir la somme de 9.130,14 euros.

ll en résulte pour M. [A] [F], au titre de son activité de micro-entreprise, une perte de gains professionnels futurs d'un montant de 23.746,14 euros (14.616 + 9.130,14 euros).

Dans ces conditions, au vu de ces éléments, il convient de fixer le préjudice de M. [A] [F] à la somme de ( 26.051,49+4.504,89+23.746,14 ) 54.302,52 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et d'infirmer partiellement le jugement entrepris du chef du montant alloué au titre du préjudice de perte de gains professionnels futurs.

*Sur l'incidence professionnelle :

Il est acquis, au regard du rapport d'expertise judiciaire que M. [A] [F] a conservé des séquelles de son accident, et notamment des douleurs, une amyotrophie de la cuisse gauche, une limitation de 10° de la flexion du genou gauche, une diminution de sa mobilité, outre une déviation axiale du membre inférieur gauche.

L'expert a également relevé lors de son examen clinique que la marche s'effectuait avec une légère esquive à l'appui gauche occasionnant une boiterie, et n'était possible que sur les talons, et non sur les pointes, étant précisé que l'agenouillement et l'accroupissement n'étaient pas réalisables.

Il y a lieu de rappeler qu'à la suite de son accident et des arrêts de travail subséquents, M. [A] [F] a été licencié pour inaptitude le 31 août 2016 de son poste d'électromécanicien en fonderie qu'il occupait depuis 2001. Il ressort de la lettre de licenciement à l'entête de la fonderie Béroudiaux en date du 29 août 2016 que l'état de M. [A] [F] était médicalement incompatible avec plusieurs postes pour lesquels un reclassement lui était proposé, en particulier les postes de mouleur, ébarbeur, opérateur fusion et technicien de maintenance.

Il est également justifié de ce que le souhait émis par M. [A] [F] en décembre 2014 d'intégrer une prestation spécifique d'orientation professionnelle (PSOP) à mi-temps n'a pu aboutir en raison notamment des restrictions médicales émises par le médecin du travail.

Il en résulte pour M. [A] [F], compte tenu de son âge et de la nature du poste occupé, une incidence professionnelle caractérisée par des restrictions médicales, une limitation de sa mobilité, ainsi qu'une fatigabilité et une pénibilité accrues au travail.

ll est par ailleurs constant que ce dernier a pu créer une activité de commerce d'épicerie portugaise qu'il maintient depuis le 10 novembre 2018, qu'il est président de l'association des commerçants de [Localité 9]. L'intimée produit également un article de presse du 15 décembre 2017 faisant état de l'exercice par M. [A] [F] d'une activité de location de pédalo dans un chalet d'accueil situé en bord de Meuse (photographie à l'appui).

ll ressort de l'analyse des éléments versés aux débats, et en particulier du relevé de carrière de l'Assurance Retraite édité le 24 mars 2021, que M. [A] [F] subit, depuis l'ouverture de son commerce, et par comparaison avec sa situation antérieure à l'accident, une diminution des revenus d'activité soumis à cotisation vieillesse, ainsi qu'un ralentissement sur les années 2018 à 2020 des trimestres validés. Ainsi, l'incidence professionnelle est également caractérisée par une diminution de ses droits à la retraite.

Dans ces conditions, au vu de ces éléments, c'est par une appréciation pertinente que le tribunal a fixé le préjudice subi par M. [A] [F] au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 35.000 euros. Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef.

*Sur le préjudice esthétique

Contrairement à l'argumentaire invoqué par la SA ACM IARD, dans ses conclusions, l'expert judiciaire a retenu un préjudice esthétique tant définitif que temporaire et a évalué chacun à 2/7.

Aussi, c'est à bon droit que le tribunal, compte tenu de l'altération physique inhérente à une fracture ouverte bifocale du tibia, aux multiples interventions chirurgicales et aux périodes d'immobilisation et de cicatrisation rendues nécessaires par ces soins, a alloué à M. [A] [F] une somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

Par conséquent, il convient de confirmer la décision entreprise de ce chef.

*Sur le préjudice d'agrément

ll est établi au regard des attestations établies par Mme [T] [J], M. [B] [S] et Mme [O] [L], que M. [A] [F] a fait partie du groupe de danse folklorique de l'Amicale Franco Portugaise de [Localité 9] en tant que danseur et entraîneur, avant de devoir quitter le groupe en janvier 2012 à la suite de son accident.

Au vu des séquelles fonctionnelles ci-dessus décrites, il est indéniable que M. [A] [F], ne peut plus pratiquer cette activité à laquelle il consacrait une partie importante de sa vie sociale.

Aussi, la cour estime comme les premiers juges que le préjudice d'agrément subi par l'intéressé doit être indemnisé à hauteur de 6.000 euros.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

*Sur les autres demandes

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SA ACM IARD succombant, elle sera tenue aux dépens d'appel.

La nature de l'affaire et les circonstances de l'espèce commandent de condamner la SA ACM IARD à payer à M. [A] [F] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de le débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant, par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 17 février 2023 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, en ce qu'il a :

- fixé le préjudice subi par M. [A] [F] en suite de l'accident survenu le 1er janvier 2012 au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 51.861,05 euros,

- condamné la SA ACM IARD, après déduction des provisions déjà versées, à payer à M. [A] [F] la somme totale de 124.575,36 euros à titre d'indemnisation en exécution de la garantie "Dommages Corporels du Conducteur" souscrite par ce dernier,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

- Fixe le préjudice subi par M. [A] [F] en suite de l'accident survenu le 1er janvier 2012 au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 54.302,52 euros,

- Condamne la SA ACM IARD, après déduction des provisions déjà versées, à payer à M. [A] [F] la somme totale de 127.016,83 euros à titre d'indemnisation en exécution de la garantie "Dommages Corporels du Conducteur" souscrite par ce dernier,

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SA ACM IARD sera à payer à M. [A] [F] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

La déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement,

Condamne la SA ACM IARD aux dépens d'appel.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 23/00756
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;23.00756 ?
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