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18/06/2024 | FRANCE | N°23/00161

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 18 juin 2024, 23/00161


ARRET N°

du 18 juin 2024



N° RG 23/00161 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJDD





[Y]

Association UDAF DE L'AUBE





c/



[O]

S.E.L.A.R.L. FHB

S.E.L.A.R.L. AJRS

S.C.P. BTSG

S.E.L.A.R.L. [I][B]

S.A. ORPEA



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES



Me Marie Agnès ROBLOT



Me Florence SIX

COUR D'APPE

L DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 18 JUIN 2024



APPELANTES :

d'un jugement rendu le 14 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de TROYES



Madame [V] [Y] veuve [O]

Née le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 14] - Sous tutelle de L'UDAF

EHPAD ...

ARRET N°

du 18 juin 2024

N° RG 23/00161 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJDD

[Y]

Association UDAF DE L'AUBE

c/

[O]

S.E.L.A.R.L. FHB

S.E.L.A.R.L. AJRS

S.C.P. BTSG

S.E.L.A.R.L. [I][B]

S.A. ORPEA

Formule exécutoire le :

à :

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

Me Marie Agnès ROBLOT

Me Florence SIX

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 18 JUIN 2024

APPELANTES :

d'un jugement rendu le 14 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de TROYES

Madame [V] [Y] veuve [O]

Née le [Date naissance 1] 1937 à [Localité 14] - Sous tutelle de L'UDAF

EHPAD [15]

[Adresse 12]

[Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022-1667 du 27/12/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Association UDAF DE L'AUBE en sa qualité de tuteur de de Mme [V] [Y] veuve [O] selon décision du juge des tutelles de TROYES du 8 octobre 2020

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 2]

Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES :

Madame [T] [O]

Née le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 14]

[Adresse 11]

[Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023-001869 du 25 mai 2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Marie-Agnès ROBLOT, avocat au barreau de L'AUBE

S.A. ORPEA, société anonyme immatriculée au RCS de NANTERRE sous le N° 401 251 566 dont le siège social est [Adresse 4]), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social

Représentée par Me Florence SIX de LA SCP INTER-BARREAUX HERMINE AVOCATS ASSOCIES , avocat au barreau de REIMS

PARTIES INTERVENANTES :

S.E.L.A.R.L. FHB, SELARL d'administrateurs judiciaires prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège, ayant son siège [Adresse 8], prise en la personne de Maître [N] [C], es qualité d'administrateur de la SOCIETE ORPEA suite à la procédure de sauvegarde accélérée prononcée le 24 mars 2023 par le Tribunal de commerce de NANTERRE

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

S.E.L.A.R.L. AJRS, SELARL d'administrateurs judiciaires, prises en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège, ayant son siège [Adresse 9], prise en la personne de Maître [J] [W], es qualité d'administrateur de la SOCIETE ORPEA suite à la procédure de sauvegarde accélérée prononcée le 24 mars 2023 par le Tribunal de commerce de NANTERRE

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

S.C.P. BTSG, Société Civile Professionnelle de mandataires judiciaires, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège, ayant son siège [Adresse 5], prise en la personne de Maître [U] [X], es qualité de mandataire judiciaire de la SOCIETE ORPEA suite à la procédure de sauvegarde accélérée prononcée le 24 mars 2023 par le Tribunal de commerce de NANTERRE

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

S.E.L.A.R.L. [I][B], SELARL de mandataires judiciaires, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège, ayant son siège [Adresse 7], prise en la personne de Maître [I] [B], es qualité de mandataire judiciaire de la SOCIETE ORPEA suite à la procédure de sauvegarde accélérée prononcée le 24 mars 2023 par le Tribunal de commerce de NANTERRE

Non comparante, ni représentée, bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 13 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Mme [V] [Y] veuve [O] a été accueillie au sein de la résidence "[13]" appartenant à la SA Orpea. Un contrat de séjour a été signé le 22 mars 2018 et par acte du même jour, Mme [T] [O] s'est portée caution solidaire pour le paiement de toutes les sommes qui seraient dues à la société Orpea par sa mère au titre du contrat de séjour.

Le 8 octobre 2020, Mme [V] [O] a été placée sous tutelle confiée à l'UDAF de l'Aube.

Par courrier du 2 février 2021, la société AGIR Recouvrement, mandatée par la société Orpea, a mis en demeure Mme [V] [O] d'avoir à régler la somme de 29 753,84 euros au titre des frais d'hébergement.

Le 30 avril 2021 Mme [V] [O] a quitté la résidence "[13]".

Suivant exploits délivrés les 17, 19 et 20 mai 2022 la société Orpea a fait assigner Mme [V] [O] représentée par l'UDAF de l'Aube et sa fille Mme [T] [O] en paiement des frais d'hébergement au sein de la dite résidence.

Par jugement du 14 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Troyes a :

- déclaré valable le contrat de séjour et l'acte de cautionnement signé par Mme [T] [O],

- condamné solidairement Mme [V] [O] représentée par l'UDAF de l'Aube et Mme [T] [O], en sa qualité de caution solidaire, à payer la somme de 29 654,06 euros outre les intérêts contractuels au taux légal X 1,5 du 12 février 2021 jusqu'au 30 avril 2021 ainsi que les intérêts légaux du 12 février 2021 jusqu'à parfait paiement,

- débouté Mme [V] [O] représentée par son tuteur de sa demande de délais de paiement,

- condamné solidairement Mme [V] [O] représentée par l'UDAF de l'Aube et Mme [T] [O], en sa qualité de caution solidaire, à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- rappelé l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 30 janvier 2023, Mme [V] [O], représentée par l'UDAF de l'Aube, a interjeté appel de cette décision.

Une procédure de sauvegarde accélérée a été prononcée à l'encontre de la société Orpea par jugement du tribunal de commerce de Nanterre daté du 24 mars 2023. Le 24 juillet 2023 un plan de sauvegarde a été homologué.

Par acte du 6 juin 2023, Mme [V] [O], représentée par l'UDAF de l'Aube, a assigné en intervention forcée la SELARL FHB prise en la personne de Me [C], la SELARL AJRS prise en la personne de Me [W], ès qualités d'administrateur de la société Orpea ainsi que les SCP BTSG prise en la personne de Me [X] et la SELARL [I] [B] prise en la personne de Me [B] ès qualités de mandataires judiciaires de la société Orpea

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 avril 2024 Mme [V] [O] représentée par l'UDAF de l'Aube demande à la cour de :

- la déclarer bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- déclarer nul le contrat de séjour conclu le 22 mars 2018,

- débouter la société Orpea de toutes ses demandes,

- subsidiairement,

- condamner la société Orpea à des dommages et intérêts se compensant avec les sommes aujourd'hui réclamées à Mme [V] [O] soit la somme de 29 654,06 euros outre les intérêts contractuels au taux légal X 1,5, du 12 février 2021 au 30 avril 2021 ainsi que les intérêts légaux du 12 février 2021 jusqu'à parfait paiement,

- ordonner toute compensation utile,

- à titre infiniment subsidiaire,

- prendre acte de la procédure de surendettement initiée par Mme [V] [O],

- fixer la créance de la société Orpea à ladite procédure,

- lui accorder les plus larges délais de paiement,

- en tout état de cause,

- condamner Mme [T] [O] à garantir totalement Mme [V] [O] au titre de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Orpea,

- la condamner en conséquence à lui verser des dommages et intérêts d'un montant égal aux sommes réclamées à Mme [V] [O],

- condamner in solidum la société Orpea et Mme [T] [O] aux dépens comprenant les frais d'exécution forcée et dire qu'en tout état de cause ils seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle,

- débouter la société Orpea et Mme [T] [O] de toute demande contraire.

Elle fait valoir que le contrat de séjour est nul puisqu'elle ne l'a pas signé, celui-ci ne comportant que la signature de sa fille qui n'était pas sa représentante légale.

Elle indique qu'il ne peut lui être opposé une confirmation du contrat par son exécution volontaire puisqu'elle se trouvait hors d'état de manifester sa volonté et d'avoir connaissance de la cause de nullité de l'acte ; que la faute grave commise par la société Orpea qui avait conscience de son impossibilité de régler les frais d'hébergement compte tenu de ses faibles ressources justifie qu'aucune somme au titre du séjour ne soit mise à sa charge.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 25 mai 2023, Mme [T] [O] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- déclarer nul le contrat de séjour conclu le 22 mars 2018 et l'acte de cautionnement,

- rejeter la demande de l'UDAF et de Mme [V] [O] de garantir le règlement de la somme de 30 025,72 euros en raison de son impécuniosité lors de la signature du contrat d'admission et des annexes,

- constater la situation de surendettement de Mme [T] [O],

- déclarer nul son engagement de caution à titre principal pour inexistence du contrat principal de résident et à titre subsidiaire eu égard au manque d'information et de conseil de la société Orpea lors de la signature de l'acte de cautionnement,

- condamner l'UDAF de l'Aube à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que dès lors que le contrat principal de résident est nul, faute d'avoir été signé par sa mère, le contrat de cautionnement accessoire est lui aussi nul ; qu'elle a été trompée par la société Orpea sur sa capacité à représenter sa mère et sur le fait qu'elle devrait payer à sa place en cas de non paiement des frais de séjour ; qu'elle ne dispose d'aucun patrimoine personnel et était bénéficiaire du RSA lorsqu'elle a signé le contrat de cautionnement totalement disproportionné.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 26 mars 2024, la société Orpea demande à la cour de :

- confirmer le jugement, la société Orpea s'en rapportant à prudence de justice quant au mérite de l'appel incident relevé par Mme [T] [O] dès lors qu'elle renonce à toute demande en paiement à son égard,

- rejeter la demande de dommages et intérêts de Mme [V] [O] et de son tuteur et dans l'hypothèse où par impossible elle serait accueillie, la réduire dans les plus amples proportions s'agissant d'une simple perte de chance,

- subsidiairement dans l'hypothèse où le jugement serait infirmé et le contrat de séjour jugé nul,

- condamner Mme [V] [O] représentée par son tuteur à lui verser la somme de 29 654,06 euros au titre d'une restitution en valeur de son hébergement de mars 2018 à avril 2021 représentant au total 37 207,66 euros après compensation avec ce que la société Orpea serait tenue de lui rétrocéder en la matière ( 7 553,60 euros),

- pour le cas où le principe de rétroactivité serait jugé comme ne pouvant jouer, rendant les restitutions réciproques impossibles, condamner Mme [V] [O] représentée par son tuteur à lui verser la somme de 29 654,06 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et à défaut en application des règles relatives à l'enrichissement sans cause,

- en toute hypothèse,

- rejeter toute demande contraire,

- condamner Mme [V] [O] représentée par l'UDAF de l'Aube aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle invoque la théorie du mandat apparent pour s'opposer à la nullité du contrat, expliquant que les circonstances de fait laissaient penser que Mme [T] [O] agissait en représentation de sa mère et que Mme [V] [O] a effectivement séjourné dans son établissement de sorte qu'elle a confirmé le contrat signé par sa fille.

Elle ajoute que l'UDAF a renoncé à se prévaloir du prétendu vice affectant le contrat lorsqu'elle lui a écrit pour l'informer que la majeure protégée ne pouvait régler les frais d'hébergement ; qu'en tout état de cause si le contrat devait être annulé, l'appelante n'a subi qu'une perte de chance de ne pas contracter.

Enfin, elle indique que Mme [O] a obtenu un effacement de sa dette contractée à l'égard de la société Orpea au moyen d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de sorte qu'elle renonce à toute demande en paiement à son égard.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La SELARL FHB prise en la personne de Me [C], la SELARL AJRS prise en la personne de Me [W], ès qualités d'administrateur de la société Orpea ainsi que les SCP BTSG prise en la personne de Me [X] et la SELARL [I] [B] prise en la personne de Me [B] ès qualités de mandataires judiciaires de la société Orpea n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mai 2024 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 13 mai suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 -Sur la validité du contrat de séjour

En application des articles 1103 et 1128 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le consentement des parties est nécessaire à la validité d'un contrat.

L'article 1203 du même code précise que l'on ne peut s'engager en son nom propre que pour soi-même.

En l'espèce, il est constant que Mme [V] [O] n'a pas signé de contrat de séjour avec la société Orpea lorsqu'elle est entrée dans son établissement "[13]", les parties reconnaissant que le contrat d'hébergement daté du 22 mars 2018 a été signé par sa fille Mme [T] [O].

Le contrat de séjour, versé aux débats, stipule qu'il est conclu entre la société Orpea et Mme [V] [O] dénommée "le résident" accompagnée de sa fille aînée Mme [T] [O]. Les mentions relatives à l'existence d'un mandat de protection futur ou d'une décision de protection judiciaire au titre de la personne dénommée "le représentant légal" figurent dans l'acte mais ne sont pas remplies de sorte que la société Orpea savait que la résidente n'avait pas de représentant légal. Pourtant, le contrat a été signépar Mme [T] [O], non pas en sa qualité d'accompagnante mais en qualité de représentante légale alors même que le contrat prévoit dans l'emplacement réservé aux signatures de l'acte 3 cas de figures : le résident ou le représentant légal, la résidence et l'accompagnant.

Dès lors, Mme [V] [O] n'a pas consenti au contrat de séjour et notamment pas à ses conditions financières alors qu'elle était en capacité de donner son consentement à une telle convention n'étant alors pas sous mesure de protection civile.

La société Orpea ne peut valablement invoquer les dispositions de l'article 1182 du code civil relatives à la confirmation du contrat pour s'opposer à la nullité du contrat dès lors qu'elle ne peut justifier que la résidente a exécuté volontairement le contrat en connaissance de la cause de nullité alors qu'elle a été placée sous protection judiciaire dès le 28 novembre 2019.

Le courrier de l'UDAF adressé à la société Orpea l'informant que la majeure protégée ne pouvait régler les frais d'hébergement ne peut pas non plus être considéré comme valant renonciation à se prévaloir de la nullité puisque l'exception de nullité peut faire échec à la demande d'exécution d'un acte jusqu'à l'expiration du délai de prescription de l'action.

Elle ne peut pas plus invoquer l'existence d'un mandat apparent confiée par Mme [V] [O] à sa fille dès lors que cette dernière est bien mentionnée comme étant l'accompagnante de la résidente et non sa représentante légale et que les mentions relatives à la représentation légale du résident ne sont pas remplies, ne pouvant sérieusement ignorer les cas d'une telle représentation compte tenu de son objet social.

Il apparaît ainsi que le contrat de séjour de Mme [V] [O] n'a pas été consenti par cette dernière. Il n'est pas démontré que son signataire pour la société Orpea, professionnel, a fait le nécessaire afin d'informer correctement la résidente admise et obtenir sa signature éclairée du contrat ni que celle-ci a reçu toutes les informations notamment financières relatives à ce séjour, à la protection de ses droits et à son bien-être.

Dès lors, le contrat doit être annulé, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions.

2 - Sur les conséquences de la nullité du contrat de séjour

La nullité du contrat a pour conséquence son anéantissement. Les parties doivent être placées dans la situation juridique qui existait avant celui-ci de sorte que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé et que les prestations exécutées doivent donner lieu à des restitutions de l'ensemble des parties.

- Les conséquences pour la société Orpea

Par suite de la nullité du contrat de séjour, la société Orpea doit restituer les sommes perçues de Mme [V] [O] soit la somme de 83 668,86 euros ainsi qu'il ressort de l'extrait du compte résident produit par la société Orpea en pièce 6.

- Les conséquences pour Mme [V] [O]

Mme [V] [O] doit restituer à la société Orpea la valeur des prestations reçues de cette dernière s'agissant de prestations impossibles à restituer en nature.

La société Orpea demande, dans l'hypothèse de la nullité du contrat, la condamnation de Mme [V] [O] représentée par son tuteur à lui verser la somme de 29 654,06 euros au titre d'une restitution en valeur de son hébergement de mars 2018 à avril 2021 représentant au total 37 207,66 euros après compensation avec ce que la société Orpea serait tenue de lui rétrocéder en la matière (7 553,60 euros).

Elle indique en page 6 de ses conclusions que "partant du principe que la remise dans l'état antérieur à l'exécution se révèle impossible, la partie ayant bénéficié de la prestation non restituable doit s'acquitter d'une indemnité correspondant à cette prestation, de sorte qu'en définitive, Madame [V] veuve [O] serait redevable du montant correspondant à l'ensemble des factures liées à son hébergement de mars 2018 à avril 2021 soit 37 207,66 euros".

Il convient d'observer que ce montant de 37 207,66 euros mentionné dans le dispositif des conclusions résulte d'une erreur matérielle puisqu'il ne correspond pas à la facturation des frais de séjour durant la période concernée. L'extrait de compte produit aux débats par la société Orpea démontre qu'elle a facturé à la résidente la somme totale de 118 185,03 euros tandis que Mme [V] [O] lui a versé la somme totale de 83 668,86 euros.

La société Orpea ne produit cependant aucun élément permettant de prouver que le coût des prestations effectivement reçues par Mme [V] [O] justifient une telle facturation.

Dès lors, il doit être déduit que les sommes versées par Mme [V] [O] à hauteur d'un total de 83 668,86 euros soit une moyenne mensuelle d'environ 2 261 euros pour les 37 mois et 9 jours de séjour dans la résidence "[13]" correspondent au coût des prestations qui lui ont été effectivement fournies par la société Orpea sans qu'il en soit résulté pour la résidente un quelconque enrichissement sans cause.

Par suite de la nullité du contrat de séjour, Mme [O] est donc tenue de restituer la somme de 83 668,86 euros correspondant à la valeur des prestations perçues.

- Sur les comptes entre les parties

Au total, les sommes dues par chacune des parties au titre des restitutions après annulation du contrat étant égales et Mme [V] [O] ayant déjà, par le paiement des factures d'hébergement, réglé en valeur les prestations dont elle a bénéficié, la société Orpea doit être déboutée de sa demande en paiement.

Les demandes subsidiaires de Mme [V] [O] deviennent donc sans objet de même que sa demande de condamnation de Mme [T] [O] à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société Orpea.

3 - Sur la validité de l'acte de cautionnement

L'article 1186 du code civil dispose :

"Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.

Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement."

En l'espèce, le contrat de cautionnement signé par Mme [T] [O] trouve sa cause dans le contrat de séjour annulé.

Mme [T] [O] est donc fondée à voir prononcer la caducité de son engagement de caution qui est interdépendant du contrat de séjour relatif à l'hébergement de sa mère Mme [V] [O].

4 - sur les frais de procédure et les dépens

La société Orpea qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés selon les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile. Les parties sont donc déboutées de leurs demandes faites à ce titre.

PAR CES MOTIFS ,

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

Prononce la nullité du contrat de séjour daté du 22 mars 2018 ;

Déboute la société Orpea de sa demande en paiement ;

Prononce la caducité du contrat accessoire de cautionnement conclu entre Mme [T] [O] et la société Orpea ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne la société Orpea aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés selon les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 23/00161
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;23.00161 ?
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