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18/06/2024 | FRANCE | N°23/00145

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 18 juin 2024, 23/00145


ARRET N°

du 18 juin 2024



N° RG 23/00145 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJB7





[R]





c/



S.A.R.L. DL EXPERTS



















Formule exécutoire le :

à :



la SCP RCL & ASSOCIES



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 18 JUIN 2024



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 30 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de REIMS



Madame [K] [R]

Née le 11 avri

l 1992 à [Localité 5] (29)

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Gauthier LEFEVRE de la SCP RCL & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS





INTIMEE :



S.A.R.L. DL EXPERTS

Société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de REIMS sous le n° ...

ARRET N°

du 18 juin 2024

N° RG 23/00145 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJB7

[R]

c/

S.A.R.L. DL EXPERTS

Formule exécutoire le :

à :

la SCP RCL & ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 18 JUIN 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 30 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de REIMS

Madame [K] [R]

Née le 11 avril 1992 à [Localité 5] (29)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Gauthier LEFEVRE de la SCP RCL & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A.R.L. DL EXPERTS

Société à responsabilité limitée immatriculée au RCS de REIMS sous le n° 444 924 526 dont le siège social est [Adresse 2] [Localité 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Isabelle CASTELLO de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Jean-Marc PEREZ de la SELARL AVOX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 13 mai 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024 et signé par Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Suivant acte notarié du 31 décembre 2018, Mme [K] [R] a acheté des locaux d'habitation dans un ensemble immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 4].

Le dossier de diagnostics techniques, dont l'état constatant la présence ou l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante, a été établi pour cette vente par la société DL Experts.

Un nouveau rapport de mission de repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante a été établi le 5 mars 2019 à la demande de Mme [R], par la société Diagamter, qui a révélé la présence de tels matériaux et produits dans les murs et cloisons de deux chambres de l'habitation acquise par Mme [R].

Par acte d'huissier du 13 mars 2020, Mme [R] a fait assigner la SARL DL Experts devant le tribunal judiciaire de Reims afin qu'il soit dit et jugé que celle-ci a commis une faute délictuelle en ne détectant pas la présence d'amiante et qu'elle soit condamnée à l'indemniser de ses préjudices.

La SARL DL Experts a sollicité et obtenu du juge de la mise en état l'organisation d'une expertise, confiée à M [O] [W] par ordonnance du 12 janvier 2021. L'expert a déposé son rapport le 29 janvier 2022.

Par jugement du 30 décembre 2022, le tribunal a :

- Condamné la SARL DL Experts à verser à Mme [R] les sommes suivantes:

o 3 520 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

o 611 euros en réparation de son préjudice financier,

o 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné la SARL DL Experts aux entiers dépens de l'instance, comprenant les frais de l'expertise judiciaire, avec autorisation de recouvrement direct accordée à Me [H] [U].

Il a relevé que selon l'expertise judiciaire, des matériaux amiantés étaient présents dans le logement à la date de l'acquisition par Mme [R] et se trouvaient localisés dans des plaques en amiante-ciment apposées sur le mur de séparation entre un séjour et une chambre et que ces plaques de revêtement de mur font partie de la liste B (annexe 13.9 du code de la santé publique) qui définit les matériaux dans lesquels l'amiante doit être recherchée dans le cadre d'un repérage avant-vente.

Le tribunal a estimé que si ces murs étaient recouverts de papier-peint à l'époque du diagnostic et que le repérage doit être réalisé sans travaux destructifs, le retrait d'une superficie minime de papier peint dans un endroit peu visible ne constitue pas un acte destructif au sens de l'article R1334-21 du code de la santé publique, sauf à limiter de manière excessive l'intérêt du diagnostic légal de repérage de l'amiante.

Il en a conclu que la société DL Experts avait manqué à sa mission dans le cadre du repérage antérieur à la vente du 31 décembre 2018.

Mme [R] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 26 janvier 2023.

Par conclusions transmises par voie électronique le 18 avril 2023, Mme [R] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il reconnaît la responsabilité délictuelle de la SARL DL Experts et condamne celle-ci à lui verser une somme de 611 euros en réparation de son préjudice financier,

- L'infirmer en ce qu'il condamne la SARL DL Experts à lui verser une somme de 3 520 euros en réparation de son préjudice de jouissance et déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Statuant à nouveau,

- Condamner la société DL Experts à lui payer les sommes suivantes :

o 23 000 euros au titre de la perte de chance,

o 15 960 euros au titre du préjudice de jouissance,

o 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- Condamner la société DL Experts à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société DL Experts aux frais d'expertise judiciaire ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction requise au profit de Me Gauthier Lefèvre, membre de la SCP Rahola Creusat Lefèvre, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [R] fait valoir que selon l'expert judiciaire, les plaques de revêtement de mur font partie de la liste B qui définit les matériaux dans lesquels l'amiante doit être recherchée dans le cadre d'un repérage avant-vente et qu'un sondage non destructif aurait permis de découvrir la présence de plaques en amiante-ciment.

Elle invoque une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente ou de renoncer à l'achat, ainsi qu'un préjudice de jouissance en expliquant qu'elle souhaitait donner l'immeuble en location et qu'il est resté inoccupé du 31 décembre 2018 au mois de janvier 2020, puis qu'elle a habité les lieux, mais que ceux-ci n'étaient exploitables, selon l'expert judiciaire, qu'à 80%.

Elle se prévaut en outre d'un préjudice moral en indiquant qu'elle était particulièrement inquiète d'avoir été exposée à l'amiante et d'un préjudice matériel consistant dans le coût d'établissement de nouveaux diagnostics.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2023, la SARL DL Experts sollicite :

- L'infirmation du jugement en ce qu'il retient sa responsabilité et la condamne au profit de Mme [R], ainsi qu'aux dépens et frais d'expertise,

- Le rejet de toutes les demandes, fins et conclusions de Mme [R],

- La condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, en réparation de son préjudice par application de l'article 1240 du code civil,

- Sa condamnation à lui payer une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Subsidiairement,

- La confirmation du jugement en ce qu'il limite le préjudice de Mme [R] à 3 520 euros en réparation de son préjudice de jouissance outre 611 euros au titre de son préjudice financier,

- Le rejet du surplus des demandes de Mme [R],

Très subsidiairement,

- La confirmation du jugement en ce qu'il retient une indemnisation de 19 euros pendant 24 mois soit 4 560 euros,

- Le rejet du surplus des demandes de Mme [R].

Elle expose qu'il existe des repérages amiante avant-vente et des diagnostics avant-travaux ou démolition et que les modalités d'exécution de ces deux contrôles diffèrent : le premier s'effectuant à partir d'une inspection visuelle, sans sondages destructifs et sur les seuls éléments visibles et accessibles figurant sur les listes A et B de l'annexe 13-9 , le second imposant des recherches exhaustives de tous les matériaux visibles ou non, accessibles ou non, prévus par la liste C de l'annexe 13-9.

Elle en conclut qu'il n'est pas rare de trouver des matériaux amiantés lors d'un repérage avant-travaux ou démolition là où un repérage avant-vente concluait à l'absence d'amiante.

Elle affirme que si la société Diagamter a réalisé un repérage de type avant-vente, les conditions de son intervention sont totalement différentes des siennes, dès lors qu'elle s'est faite après travaux destructifs, puisque les plaques litigieuses ont été mises au jour à l'occasion de travaux réalisés par Mme [R] pour la rénovation du bien. Elle assure que les matériaux en cause n'étaient ni visibles, ni accessibles lors de sa propre intervention, plus d'un an auparavant.

Elle estime que l'expert judiciaire ne pouvait strictement rien constater parce que les travaux étaient très avancés et conteste que le retrait d'un morceau du papier peint qui recouvrait les plaques puisse être considéré comme une investigation non destructrice. Elle ajoute que les plaques n'étaient pas recouvertes directement de ce papier peint, mais de plâtre, puis de tapisserie, ce qui n'était plus visible lors de l'expertise compte tenu des travaux réalisés.

Elle en conclut que la preuve d'une faute de sa part n'est pas rapportée.

Elle rappelle que selon Mme [R], les plaques ont été retirées au mois de juillet 2020 et soutient que les avis de valeurs produits ne font état au titre d'éléments dévalorisants que de la procédure en cours et des aménagements à terminer, lesquels ne sont pas liés à la présence d'amiante, qui n'est plus d'actualité. Elle ajoute, quant au préjudice de jouissance invoqué, que les intentions de Mme [R] sur la destination du bien ne sont pas claires.

Par message électronique du 13 mai 2024, la cour a invité les parties à présenter leurs observations éventuelles sur le périmètre de la saisine de la cour au regard des chefs de jugement expressément visés dans la déclaration d'appel (le chef déboutant les parties du surplus de leurs demandes n'étant pas expressément mentionné).

En réponse à cette demande d'observations, Mme [R] a soutenu que l'infirmation du jugement étant sollicitée en ce qu'il a seulement fait droit à ses demandes au titre du préjudice de jouissance, du préjudice financier et de l'article 700 du code de procédure civile, il s'en déduit que la cour est bien saisie des autres demandes.

La SARL DL Experts n'a pas fait parvenir d'observations.

MOTIFS

Sur l'objet de l'appel

Mme [R] demandait au tribunal une indemnité au titre d'une perte de chance, d'un préjudice de jouissance, d'un préjudice moral, d'un préjudice matériel et financier et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le dispositif de son jugement, le tribunal a condamné la SARL DL Expert au titre du préjudice de jouissance et du préjudice financier de Mme [R], ainsi que des frais irrépétibles et il a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Dès lors, en mentionnant dans sa déclaration que l'appel était limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce que le jugement lui a alloué " uniquement les sommes suivantes : 3 520 euros en réparation de son préjudice de jouissance, 611 euros en réparation de son préjudice financier, 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ", Mme [R] a nécessairement visé aussi les chefs la déboutant de ses demandes au titre d'une perte de chance et d'un préjudice moral.

***

L'article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Sur la responsabilité de la SARL DL Experts

L'article L1334-13 du code de la santé publique dispose : " Un état mentionnant la présence ou, le cas échéant, l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante est produit, lors de la vente d'un immeuble bâti, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L. 271-6 du code de la construction et de l'habitation. "

Il résulte de l'article L271-4 du code de la construction et de l'habitation que I.-en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente. En cas de vente publique, le dossier de diagnostic technique est annexé au cahier des charges.

Le dossier de diagnostic technique comprend, dans les conditions définies par les dispositions qui les régissent, les documents suivants :

(') 2° L'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits contenant de l'amiante prévu à l'article L. 1334-13 du même code ;

Il résulte de l'article R1334-21 que l'on entend par " repérage des matériaux et produits de la liste B contenant de l'amiante " la mission qui consiste à :

1° Rechercher la présence des matériaux et produits de la liste B accessibles sans travaux destructifs ;

2° Identifier et localiser les matériaux et produits qui contiennent de l'amiante ;

3° Evaluer l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante et leur risque de dégradation lié à leur environnement.

Lorsque la recherche révèle la présence de matériaux ou produits de la liste B et si un doute persiste sur la présence d'amiante dans ces matériaux ou produits, un ou plusieurs prélèvements de matériaux ou produits sont effectués par la personne réalisant la recherche. Ces prélèvements font l'objet d'analyses selon les modalités définies à l'article R. 1334-24.

La liste B figure à l'annexe 13-9 du code de la santé publique et comprend, notamment, les parois verticales intérieures, les murs et cloisons "en dur" et les cloisons (légères et préfabriquées), gaines et coffres.

Le contrôle auquel doit procéder le diagnostiqueur n'est pas purement visuel et il lui appartient d'effectuer les vérifications n'impliquant pas de travaux destructifs (Civ.3, 21.05.2014, n°13-14891).

La SARL DL Exerts indique, dans un rapport du 24 janvier 2018, qu'il n'a pas été repéré de matériaux ou produits contenant de l'amiante.

Le rapport de la société Diagamter, daté du 5 mars 2019, mentionne, aux termes d'un " jugement personnel " de l'opérateur, la présence d'amiante dans les murs et cloisons en dur dans deux chambres. Des prélèvements ont été effectués pour analyse, qui ont permis de confirmer la présence d'amiante dans les murs et cloisons séparant les deux chambres. Ces prélèvements et analyse sont ceux-là mêmes qui sont prévus par l'article R R1334-21 précité et la SARL DL Experts n'invoque aucun élément précis qui soit de nature à faire douter de leur sincérité.

S'il est incontestable que des travaux ont été réalisés dans les lieux avant les opérations de l'expert judiciaire, en particulier le retrait des plaques mises en cause, il n'en demeure pas moins que celui-ci a retrouvé des débris de ces plaques dans un angle et autour de quelques clous laissés en place.

Il ne fait donc pas de doute, au regard de ces éléments, que de l'amiante était présente dans le revêtement dur d'une cloison de l'immeuble acquis par Mme [R].

La SARL DL Experts a effectué son contrôle 11 mois avant la vente. S'il ressort du rapport d'expertise et des photographies figurant dans le rapport de la société Diagamter que des travaux de décollage du papier peint avaient débuté dans les pièces en cause lorsque cette dernière est intervenue, ce qui pouvait faciliter la découverte des plaques en amiante, il est également établi qu'il n'existait pas de couche de plâtre entre les plaques contenant de l'amiante et ce papier. L'expert judiciaire conclu en effet en ce sens au vu de constats qu'il a réalisés sur site et de photographies transmises par Mme [R], étant précisé que les autres murs des deux pièces concernées, qui ne contiennent pas d'amiante, étaient bien constitués d'une couche de plâtre sous le papier-peint, comme la société DL Experts l'indique dans son rapport de diagnostic, sans avoir détecté qu'un mur était d'une constitution différente et contenait de l'amiante.

Dès lors, il suffisait à la société DL Experts de soulever une petite partie de ce papier peint pour découvrir les plaques, un tel procédé ne pouvant pas être qualifié de destructif.

Et la circonstance que ces plaques étaient visibles derrière la plaque transparente d'un interrupteur ou encore en un point du mur où ce papier avait été enlevé par le frottement du pêne d'une porte, comme le montrent les photographies figurant au rapport d'expertise judiciaire (page 13), aurait dû l'inciter à procéder à une telle vérification, le contrôle auquel doit procéder le diagnostiqueur n'étant pas seulement visuel.

La SARL DL Experts a donc commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle envers Mme [R].

Sur les préjudices de Mme [R]

Mme [R] produit à hauteur d'appel une estimation de son appartement par un agent immobilier, dont il résulte que le prix estimé sans présence d'amiante dans les deux chambres est de 160 000 à 165 000 euros, tandis qu'il est de 120 000 à 130 000 euros en tenant compte de l'existence d'amiante.

Elle est donc fondée à faire valoir qu'elle a perdu une chance de négocier une réduction du prix de vente ou de renoncer à l'achat. Cette perte de chance sera entièrement réparée, compte tenu du prix qu'elle a payé pour l'achat de l'immeuble (153 000 euros), par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Du fait de la carence de la société DL Expert, Mme [R], qui suspectait la présence d'amiante, a dû supporter le coût du diagnostic réalisé par la société Diagamter et celui des analyses destinées à confirmer la présence d'amiante, à hauteur de 611 euros. Elle est donc fondée à obtenir le remboursement de cette somme.

Il résulte du rapport de la société Diagamter que le risque de dégradation des plaques d'amiante est faible ou à terme et celle-ci ne conclut pas à la nécessité d'une action de protection immédiate sur le matériau, mais d'une simple évaluation périodique de son état de dégradation. Ces conclusions, établies le 5 mars 2019, étaient de nature à rassurer Mme [R] sur les risques encourus par les occupants des lieux et celle-ci ne justifie pas du préjudice moral qu'elle invoque du fait d'avoir été exposée à de l'amiante. Sa demande sera donc rejetée de ce chef.

Mme [R] distingue, pour sa demande au titre d'un préjudice de jouissance, deux périodes, avant et après le mois de janvier 2020, en expliquant avoir occupé les lieux à compter de cette date, tandis que le logement était vide jusque-là. Il résulte néanmoins du rapport d'expertise judiciaire que Mme [R] avait prévu de réaliser des travaux de rénovation avant de louer le bien et que ces travaux n'ont été réalisés qu'en 2020 pour différentes raisons qui sont en particulier un litige avec l'entrepreneur retenu pour les réaliser et la présente procédure. Les panneaux d'amiante ayant été retirés (ce qui n'était pas utile selon le technicien), Mme [R] a précisé à l'expert avoir laissé les deux pièces concernées en l'état en attendant les opérations d'expertise.

Ainsi, l'existence d'un préjudice de jouissance imputable au manquement de la société DL Experts n'est pas démontré pour la période antérieure au mois de janvier 2020, ni celle postérieure aux opérations d'expertise judiciaire (novembre 2021). Entre ces deux périodes, la découverte d'amiante dans deux pièces, représentant 20% du logement selon l'expert, a nécessairement perturbé la jouissance que Mme [R] avait dudit logement, faute notamment de pouvoir achever son aménagement dans l'attente des suites qu'il convenait de donner à cette découverte. Mme [R] produit un avis notarié fixant la valeur locative du logement entre 750 et 850 euros. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il lui sera alloué une somme de 3 520 euros (800 euros x 20% x 22 mois).

Le jugement sera donc confirmé sur tous les chefs de préjudice, à l'exception de la perte de chance, la demande de Mme [R] à ce titre devant être accueillie.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sort des dépens et frais irrépétibles de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

La SAR DL Experts, qui succombe, est tenue aux dépens d'appel, que Me Gauthier Lefèvre, membre de la SCP Rahola Creusat Lefèvre, sera autorisé à recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il est équitable d'allouer à Mme [R] la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 30 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Reims en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il déboute Mme [K] [R] de sa demande au titre d'une perte de chance,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne la SARL DL Expert à payer à Mme [K] [R] la somme de 10 000 euros au titre de sa perte de chance de négocier une réduction du prix de vente de l'immeuble ou de renoncer à son achat,

Y ajoutant,

Condamne la SARL DL Experts à payer à Mme [K] [R] la somme de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel,

Condamne la SARL DL Experts aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Gauthier Lefèvre, membre de la SCP Rahola Creusat Lefèvre.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 23/00145
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;23.00145 ?
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