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22/05/2024 | FRANCE | N°24/00002

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre premier président, 22 mai 2024, 24/00002


ORDONNANCE N°



DOSSIER N° : N° RG 24/00002 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FN2Z-16







S.A. ESTAC SA à conseil d'administration au capital de 22 431 200 euros, inscrite au RCS de TROYES sous le n° 419 388 996 prise en la personne de son Directeur Général domicilié de droit audit siège



c/



[E] [R]





















Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire

délivrée le

à

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD

- CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

la SELARL D. LEGRAS































L'AN DEUX MIL VINGT QUATRE,



Et le 22 mai,





A l'audience des référés de la cour d'appel de REIMS, où était présent et siég...

ORDONNANCE N°

DOSSIER N° : N° RG 24/00002 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FN2Z-16

S.A. ESTAC SA à conseil d'administration au capital de 22 431 200 euros, inscrite au RCS de TROYES sous le n° 419 388 996 prise en la personne de son Directeur Général domicilié de droit audit siège

c/

[E] [R]

Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire

délivrée le

à

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

la SELARL D. LEGRAS

L'AN DEUX MIL VINGT QUATRE,

Et le 22 mai,

A l'audience des référés de la cour d'appel de REIMS, où était présent et siégeait M. Christophe REGNARD, Premier Président, assisté de Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier,

Vu l'assignation délivrée par Maître [B] commissaire de justice à TROYES en date du 26 décembre 2023,

A la requête de :

S.A. ESTAC SA à conseil d'administration au capital de 22 431 200 euros, inscrite au RCS de TROYES sous le n° 419 388 996 prise en la personne de son Directeur Général domicilié de droit audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

DEMANDEUR

à

Monsieur [E] [R]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Delphine LEGRAS de la SELARL D. LEGRAS, avocat au barreau de REIMS

DÉFENDEUR

d'avoir à comparaître le 24 janvier 2024, devant le premier président statuant en matière de référé, l'affaire ayant été renvoyée au 28 février 2024 puis au 27 mars 2024.

A ladite audience, le premier président a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, assisté de Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, puis l'affaire a été mise en délibéré au 24 avril 2024 qui a été prorogé à ce jour,

Et ce jour, 22 mai 2024, a été rendue l'ordonnance suivante par mise à disposition au greffe du service des référés, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile :

EXPOSE DES FAITS, DES MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 30 novembre 2023, le conseil de prud'hommes de Troyes a :

- déclaré M. [E] [R] recevable et partiellement fondé en ses réclamations,

- dit la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de M. [E] [R] abusive,

- annulé la sanction constituée par la suppression de la prime d'éthique sur le mois de décembre 2021,

- condamné la société ESTAC à payer à M. [E] [R] les sommes suivantes :

" 360 000,00 euros nets à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée

" 67 667,00 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire du 16 février au 7 mars 2022,

" 6 766,77 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

" 60 000,00 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

" 20 000,00 bruts à titre de restitution de la prime d'éthique,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté M. [E] [R] du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société ESTAC aux dépens, incluant expressément les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée.

La société ESTAC a interjeté appel de cette décision le 15 décembre 2023.

Par requête en retranchement en date du 14 décembre 2023, la société ESTAC a sollicité du conseil de prud'hommes de Troyes de remplacer une mention du dispositif concernant la somme attribuée au titre de l'indemnité de rupture anticipée du contrat de travail de 360 000 euros nets par 360 000 euros bruts, à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée.

Par jugement sur requête en retranchement en date du 19 février 2024, le conseil de prud'hommes de Troyes a :

- reçu la requête en retranchement de la société ESTAC, l'a déclarée bien fondée et y fait droit,

- ordonné la rectification en retranchement du jugement du 30 novembre 2023 dont la minute porte le numéro 23/00277 comme suit:

" en fin de page 8, il est porté la modification suivante :

les mots " 360 000,00 euros bruts à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée " remplacent les mots " 360 000,00 euros nets à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée "

dans le dispositif, il est porté la rectification suivante :

les mots " 360 000,00 euros bruts à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée " remplacent les mots " 360 000,00 euros nets à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée ".

Par exploit de commissaire de justice en date du 26 décembre 2023, la société ESTAC demande au premier président, à titre principal, la consignation de la somme à laquelle elle a été condamnée en première instance et, à titre subsidiaire, d'ordonner le maintien de l'exécution provisoire du jugement dont appel sera subordonné à la fourniture par M. [R] dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'ordonnance d'un cautionnement bancaire. Elle demande en outre la condamnation de M. [R] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions et à l'audience, la société ESTAC expose que le jugement en date du 19 février 2024 modifie le montant net de l'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail puisqu'à ce montant brut de 360 000 euros, il convient de retrancher la valeur des cotisations et contributions sociales à la charge du salarié ainsi que la valeur du prélèvement à la source dont le salarié doit s'acquitter au titre de l'impôt sur le revenu sur cette indemnité. La société ESTAC indique que le montant net après cotisations et contributions sociales et prélèvement à la source de cette indemnité pour rupture abusive est de 179 985,60 euros nets.

La société ESTAC indique que certaines sommes des condamnations prononcées à son encontre correspondent à des créances salariales dont la consignation, en application de l'article 521 du code de procédure civile, n'est pas possible. Ainsi, la société ESTAC soutient vouloir distinguer :

- la somme de 179 985,60 euros nets après précompte des cotisations et contributions sociales et prélèvement à la source. La société ESTAC indique que cette somme peut être consignée dès lors qu'elle a le caractère de dommages et intérêts et n'est donc pas de nature alimentaire.

- la somme de 76 768,06 euros nets qui n'est pas consignable en raison de sa nature alimentaire. et pour laquelle elle requiert la constitution d'une garantie de la part de M. [R].

La société ESTAC indique solliciter la consignation de la somme de 179 985,60 euros en raison des difficultés évidentes auxquelles elle ferait face pour obtenir le remboursement des sommes de la part de M. [R] en cas d'infirmation du jugement de première instance. Elle souligne que M. [R] est un footballeur professionnel de nationalité étrangère qui multiplie les clubs et les pays dans lesquels il réside. Dès lors, la société ESTAC expose qu'elle aurait les plus grandes difficultés à contraindre judiciairement M. [R] de procéder au remboursement des sommes versées en application du jugement de première instance.

La société ESTAC expose également que la fourniture d'un cautionnement bancaire, sur la partie des condamnations dites "alimentaires ", serait pertinente compte tenu du fait qu'en cas d'infirmation du jugement, M. [R] ne présente aucune garantie permettant d'être assuré que la société ESTAC puisse obtenir le remboursement des fonds.

Par conclusions et à l'audience, M. [R] demande au premier président de se déclarer incompétent pour statuer sur des demandes d'aménagement de l'exécution provisoires de sommes ne figurant pas dans le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes, d'accueillir la fin de non-recevoir tirée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, de débouter la société ESTAC de sa demande de consignation et de la débouter de sa demande de caution. Il demande en outre la condamnation de la société ESTAC à lui payer la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que le premier président est incompétent pour statuer sur les demandes de la société ESTAC qui modifient le dispositif du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Troyes dès lors que le conseil de prud'hommes de Troyes a statué ultra petita en remplaçant par la mention " bruts " au lieu de retrancher la mention " nets " et qu'il a également violé l'effet dévolutif de l'appel s'agissant d'une demande dont était saisie la cour d'appel qui ne sera pas liée par cette nouvelle mention sur laquelle M. [R] fera appel incident.

M. [R] expose également qu'il existe une fin de non-recevoir tirée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui en ce qui concerne l'indemnité de rupture anticipée au contrat de travail à durée déterminée fixée à 360 000 euros nets par le conseil de prud'hommes de Troyes en ce que la société ESTAC a, dans un premier temps, considéré que cette somme était une somme brute avant de changer d'avis et de considérer désormais que cette somme a la nature de dommages et intérêts et non de salaires.

M. [R] soutient que la demande de caution bancaire de la société ESTAC n'a aucune chance d'aboutir pour un simple particulier quel que soit ses revenus. Il indique que son activité de footballeur professionnel ne lui permet pas d'obtenir une telle caution car son employeur change régulièrement. En revanche, il expose que la poursuite de son activité de joueur professionnel est suffisante pour lui permettre de restituer les fonds en cas de réformation de la décision rendue par le conseil de prud'hommes.

L'affaire a été mise en délibéré au 24 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'incompétence alléguée du premier président,

Il est soutenu par M. [R] que le premier président serait incompétent pour statuer sur des demandes d'aménagement de l'exécution provisoire de sommes ne figurant pas dans le dispositif du jugement du conseil de prud'hommes.

Il souligne que la société ESTAC a modifié unilatéralement, et à son avantage, le dispositif qui prévoyait initialement une somme " nette " qu'elle a fait modifier en une somme " brute " et qu'elle déduit aujourd'hui des sommes dues, dont elle demande la consignation des charges et impôts dont il n'est pas certain qu'elles soient à verser.

En ce qui concerne la modification du qualificatif " net " en " brut ", il convient de rappeler que le conseil des prud'hommes a été saisi d'une action en retranchement, en application des dispositions de l'article 464 du code de procédure civile.

Une décision, faisant droit à la requête en retranchement, a été rendue par le conseil de prud'hommes le 19 février 2024. Si M. [R] indique qu'il a interjeté appel de cette décision, il n'en rapporte pas la preuve.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les dispositions issues d'une requête en omission de statuer, ou en retranchement, à laquelle il a été fait droit n'ont d'autre vocation que de s'adjoindre à celle figurant dans le jugement précédent, pour aboutir, après correction du vice qui l'affectait, à une décision unique dont les deux décisions la composant sont soumises à un régime identique de voies de recours.

En l'occurrence, même si la requête en aménagement de l'exécution provisoire a été déposée avant que le conseil de prud'hommes n'ait pu statuer sur la requête en retranchement, celle-ci a été rendue au cours de la procédure de mise en état et a ainsi été soumise au contradictoire, de sorte que le premier président est parfaitement compétent pour statuer sur la requête initiale et sur l'aménagement des condamnations issues des deux décisions du premier juge.

Par ailleurs, il ressort des dernières conclusions de la société ESTAC, contrairement à l'assignation initiale, qu'est finalement demandé l'aménagement d'une partie des condamnations mises à sa charge par les décisions de première instance, la société ESTAC retranchant ce qu'elle estime être les cotisations et contributions sociales et impôt sur le revenu, qu'elle envisage de verser directement aux organismes concernés.

Il convient de constater que le juge est tenu par les demandes des parties et rien n'impose à une partie de solliciter l'aménagement de l'exécution provisoire pour l'ensemble des dispositions d'un jugement.

En l'occurrence, il est demandé des mesures d'aménagement pour une partie des sommes contenues dans le jugement de première instance.

Le premier président a parfaitement compétence pour statuer sur ces seules sommes, les conséquences du non versement du reliquat par la société ESTAC, ou son versement direct aux organisés sociaux et fiscaux, étant sans conséquence pour le présent litige et pouvant être traité dans un deuxième temps par le conseiller de la mise en état à l'occasion d'une demande de radiation pour défaut d'exécution.

Au vu de ces éléments, il convient de se déclarer compétent pour statuer sur la présente requête.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui,

M. [R] invoque une fin de non-recevoir, tirée de la violation du principe de l'estoppel qui interdit toute attitude procédurale consistant pour une partie au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.

Il estime constituée cette violation par le fait que dans son assignation, la société ESTAC a considéré que les sommes étaient des sommes brutes, en ayant pris soin au préalable de déposer une requête en retranchement, avant de modifier ses demandes pour considérer désormais que ces sommes ont la nature de dommages et intérêts et non de salaires.

Selon la jurisprudence de la cour de cassation, l'estoppel sanctionne le défaut de loyauté d'une partie et n'est pas destiné à sanctionner une simple erreur.

Conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à chaque partie de rapporter conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, M. [R] se contente de constater l'évolution des demandes de la société ESTAC en cours de procédure, qui l'ont conduite au vu d'éléments nouveaux, dont la décision de retranchement du premier juge, à modifier le montant des sommes dont elle demande l'aménagement de l'exécution provisoire.

Cette évolution des demandes ne peut en elle seule constituer une déloyauté qu'il conviendrait de sanctionner.

Aussi la fin de non-recevoir sera-t-elle rejetée.

Sur la demande de consignation des sommes,

Aux termes de l'article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

De jurisprudence constante, l'autorisation de consignation des sommes dues, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée ou qu'elle est de plein droit, est un pouvoir discrétionnaire du premier président. Les parties qui demandent la consignation n'ont pas à démontrer l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, ni un risque de conséquences manifestement excessives.

Sur le montant et la nature des indemnités,

Dans son assignation, la société ESTAC demandait à titre principal la consignation de la somme de 487 963,82 euros et à titre subsidiaire la constitution d'un cautionnement bancaire à hauteur de la même somme.

Dans ses dernières écritures, et au visa de l'article 521 du code de procédure civile, qui ne permet pas de consigner les créances dites alimentaires, elle limite sa demande de consignation à la somme de 179 985,60 euros, estimant que la différence entre cette somme et la somme de 360 000 euros bruts à laquelle elle a été condamnée s'explique par le paiement obligatoire aux différentes administrations des cotisations et contributions sociales et PAS.

M. [R] conteste le fait que la somme de 360 000 euros puisse être considérée comme n'étant pas une créance alimentaire au sens de l'article 521 du code de procédure civile.

En l'espèce, dans sa première décision du 30 novembre 2023, le CPH de Troyes a ordonné le paiement de sommes nettes. Dans son jugement, suite à une demande de retranchement, en date du 19 février 2024, le CPH de Troyes indique que les sommes auxquelles l'ESTAC a été condamnée à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée est une somme brute.

L'article 1243-4 du code du travail dispose que : " La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L.1243-8".

Ainsi, l'indemnité de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée n'est pas qualifiée de salaire mais de dommages et intérêts dont le montant doit au moins être équivalent au salaire qui aurait dû être perçu jusqu'à la rupture.

N'étant pas considérée comme un salaire, la condamnation au versement d'une indemnité pour rupture abusive du contrat à durée déterminée est donc éligible à la consignation telle que prévue par par l'article 521 du code de procédure civile.

Au regard de ce qui précède, la consignation de ces sommes est juridiquement possible.

Sur l'opportunité d'une consignation,

Comme rappelé précédemment, l'autorisation de consignation des sommes dues, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée ou qu'elle est de plein droit, est un pouvoir discrétionnaire du premier président. Les parties qui demandent la consignation n'ont pas à démontrer l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, ni un risque de conséquences manifestement excessives.

Il lui appartient juste de déterminer s'il existe un risque majeur en cas d'exécution de la décision de première instance, suivi d'une infirmation de cette décision, d'impossibilité de remboursement des sommes dès lors indûment versées.

Conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à chaque partie de prouver conformément à la Loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

En l'espèce, la société ESTAC produit des éléments, non démentis par le conseil de M. [R], qui attestent que ce dernier ne dispose pas de garantie suffisante de remboursement des sommes en cas d'infirmation du jugement de première instance.

Il ressort en effet des pièces du dossier que M. [R] est un footballeur professionnel de nationalité luxembourgeoise qui multiplie les clubs et les pays dans lesquels il joue et réside.

Ses ressources paraissent, dans ces conditions aléatoires, et alors même qu'il est sans lien d'attache avec la France, il serait difficile de contraindre judiciairement l'intéressé à restituer les sommes dues en cas d'infirmation, comme en attestent les documents produits par la société ESTAC relatifs à l'absence de réclamation d'une lettre recommandée adressée à son adresse luxembourgeoise ou la procédure de saisie sur salaire diligentée par la justice luxembourgeoise dans les suites de l'achat d'un véhicule.

M. [R] invoque le fait qu'il dispose d'un contrat avec un club turc jusqu'en juin 2024 sans produire aucune pièce en attestant, alors même que la société ESTAC produit une coupure de presse montrant que l'intéressé a quitté au printemps la Turquie, pour rejoindre éventuellement l'Ukraine.

Au vu de ces éléments, il est patent que la non-domiciliation de M. [R] en France et ses changements fréquents de clubs de football rendraient difficile le remboursement des sommes en cas d'infirmation de la décision de première instance.

Il convient dès lors d'autoriser la société ESTAC à consigner les sommes dues au titre de la décision rendue en première instance sur un compte CARPA.

Sur la demande de cautionnement bancaire des sommes non susceptibles d'être consignées,

Comme indiqué précédemment, dans ses dernières écritures, la société ESTAC sollicite la constitution par M. [R] d'un cautionnement bancaire de nature à garantir le remboursement des créances alimentaires dont le versement ne peut être différé, et pour lesquels aucune consignation n'est possible, dans l'hypothèse d'une infirmation par la Cour.

La société ESTAC demande ainsi un cautionnement bancaire sur la somme de 76 768, 06 euros net. Elle expose que la condamnation concerne une somme brute de 154 433,77 euros, dont elle entend soustraire les cotisations et contributions sociales et salariales et PAS.

M. [R] s'oppose à cette demande arguant de ce qu'une caution bancaire d'un tel montant est impossible à trouver, qu'il s'agit de créances alimentaires et que travaillant, il est en situation de rembourser les sommes en cas d'infirmation.

Les articles 514-5 et 517 du code de procédure civile permettent au premier président de subordonner l'exécution provisoire à la constitution par son bénéficiaire d'une garantie réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.

Ces garanties s'apprécient en fonction des éléments apportés par les parties quant à la solvabilité de la partie à qui les sommes doivent être versées, tout comme de la nature des sommes concernées.

En l'occurrence, il est patent que les sommes auxquelles l'ESTAC a été condamnée constituent des créances d'aliments. Il parait dans ces conditions, alors même que la situation financière de la société ESTAC ne serait pas compromise en cas d'impossibilité pour M. [R] de rembourser ces sommes en cas d'infirmation totale de la décision, peu opportun de demander, avant versement de ces sommes qui constituent des créances alimentaires, un cautionnement bancaire que l'intéressé aurait probablement des difficultés à souscrire.

Dans ces conditions la demande de cautionnement bancaire pour la somme de 76 768, 06 euros net sera rejetée

Sur l'article 700 et les dépens,

L'équité ne commande pas que quiconque soit condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

REJETONS l'exception d'incompétence soulevée par M. [R] ;

REJETONS la fin de non-recevoir soulevée par M. [R] ;

AUTORISONS l'aménagement de l'exécution provisoire assortissant le jugement rendu le 30 novembre 2023 par le conseil de prud'hommes de Troyes, complété par celui du 19 février 2024 pour la somme de 179 985,60 euros ;

DISONS que le versement de la somme de 179 985,60 euros devra être effectué par la société ESTAC sur un compte ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations dans le délai d'un mois suivant le prononcé de la présente décision,

DEBOUTONS la société ESTAC de sa demande cautionnement bancaire de la somme de 76 768,06 euros,

DISONS n'y avoir lieu à condamnation contre quiconque sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DISONS que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Le greffier Le premier président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 24/00002
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-22;24.00002 ?
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