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16/05/2024 | FRANCE | N°23/00102

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre premier président, 16 mai 2024, 23/00102


DECISION N°



DOSSIER N° : N° RG 23/00102 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMUJ-16







[I] [X]





c/



MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ( AJE )

MADAME LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS





















Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire

délivrée le

à

Me Nicolas BRAZY

Me Edouard COLSON

























DECISION PREVUE PAR L'ARTICLE 149-1

DU CODE DE PROCEDURE PENALE



L'AN DEUX MIL VINGT QUATRE,



Et le 16 mai,



Nous, Christophe REGNARD, premier président de la cour d'appel de REIMS, en présence de Madame Dominique LAURENS, procureure générale près la cour d'appel de...

DECISION N°

DOSSIER N° : N° RG 23/00102 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FMUJ-16

[I] [X]

c/

MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ( AJE )

MADAME LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS

Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire

délivrée le

à

Me Nicolas BRAZY

Me Edouard COLSON

DECISION PREVUE PAR L'ARTICLE 149-1

DU CODE DE PROCEDURE PENALE

L'AN DEUX MIL VINGT QUATRE,

Et le 16 mai,

Nous, Christophe REGNARD, premier président de la cour d'appel de REIMS, en présence de Madame Dominique LAURENS, procureure générale près la cour d'appel de REIMS, assisté de Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, qui a signé la minute avec le premier président

A la requête de :

Monsieur [I] [X]

né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me AMMOURA, avocat au barreau de REIMS

DEMANDEUR

et

MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ( AJE )

Direction des Affaires Juridiques

Sous-direction du Dt privé [Adresse 7]

[Localité 6]

représenté par Me Edouard COLSON, avocat au barreau de REIMS

MADAME LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL DE REIMS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Monsieur FAYARD substitut général

DÉFENDEURS

A l'audience publique du 14 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024, statuant sur requête de [I] [X], représenté par Me AMMOURA a été entendu en ses demandes,

Me Edouard COLSON avocat de l'Agent judiciaire de l'état a été entendu en sa plaidoirie,

Le parquet général a été entendue en ses observations ;

Me AMMOURA a eu la parole en dernier

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par requête déposée le 27 septembre 2023, M. [I] [X] a sollicité l'indemnisation de préjudices résultant d'une détention provisoire.

Il expose que, dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate diligentée à son encontre des chefs de violences aggravées et menaces de mort réitérées, il a été placé en détention provisoire le 19 juin 2015.

Il ajoute que lorsque le dossier est revenu au fond devant le tribunal correctionnel le 28 juillet 2015, le tribunal a décidé d'un renvoi à l'instruction. Il précise qu'il a alors été mis en liberté, puis mis en examen le 22 juillet 2017, renvoyé devant le tribunal correctionnel pour y être jugé et condamné le 31 janvier 2023. Il souligne qu'ayant interjeté appel de cette condamnation, il a été relaxé par arrêt, aujourd'hui définitif faute de pourvoi, le 22 juin 2023.

Il estime que la durée de la détention provisoire indemnisable est de 40 jours.

Il indique avoir subi un préjudice moral, estimé à 10 000 euros, résultant :

-Du choc carcéral lié à une première incarcération ;

-Du fait d'avoir été privé de contact avec ses enfants en bas âge ;

-De sa situation personnelle ;

-Des conditions de détention.

Il ajoute qu'il a également subi un préjudice matériel, qu'il estime à 1963,04 euros résultant d'un manque à gagner dans son activité professionnelle. Il expose avoir été embauché en mars 2015 et n'avoir pas perçu la totalité de sa rémunération en juin et juillet 2015.

Il demande en outre le remboursement de ses frais d'avocat, en lien avec la détention provisoire, pour la somme de 1350 euros, outre une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'agent judiciaire de l'Etat, après avoir souligné la recevabilité en la forme et au fond, demande de réduire la somme due au titre du préjudice moral à la somme de 6 000 euros pour une détention de 40 jours, et de réduire les montants des demandes au titre des préjudices matériel et de l'article 700.

Concernant le préjudice moral,

Il estime que la demande est excessive au regard de des préjudices invoqués et de la jurisprudence habituelle en la matière. Il signale une condamnation antérieure de M. [X], même s'il reconnait que l'intéressé n'avait jamais été incarcéré. Il estime que la situation personnelle de M [X] telle qu'elle résulte de l'enquête sociale versée au dossier met en évidence les conditions de vie de M. [X] (en caravane et en attente d'une décision du JAF concernant ses deux enfants), de sorte que celle-ci ne peut être prise en compte comme un facteur pour majorer le préjudice subi.

Il ajoute qu'aucun document n'est produit relativement aux conditions de détention.

Concernant le préjudice matériel,

Il relève que la demande vise des sommes brutes, alors même que s'il n'avait pas été incarcéré il aurait perçu des sommes nettes. Il estime donc que le manque à gagner s'élève en réalité à 1824,40 euros. En ce qui concerne les frais d'avocats, il propose de ne retenir que la somme de 1050 euros, estimant qu'il n'est aps démontré que la facturation d'une visite à la maison d'arrêt de son avocat le 21 juillet 2015 soit en lien certain avec la détention.

Il demande enfin de réduire les demandes de M. [X] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Procureure générale, relevant que la demande est recevable en la forme et au fond, conclut dans le même sens que l'agent judiciaire de l'Etat en ce qui concerne le préjudice moral, la prise en compte des revenus nets et la réduction des sommes demandées au titre de l'article 700. Elle estime en revanche que concernant les frais d'avocats, toutes les sommes sont justifiées et en lien exclusif avec la détention.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Présentée dans les formes et délais requis et accompagnée des pièces nécessaires, la requête est recevable en la forme et au fond.

Sur l'indemnisation

En ce qui concerne le préjudice moral,

De jurisprudence constante, seul le préjudice subi par le demandeur, en lien direct et exclusif avec la détention, doit être réparé.

En l'espèce, sont invoqués :

- le choc carcéral lié à une première incarcération ;

- le fait d'avoir été privé de contact avec ses enfants en bas âge

- sa situation personnelle ;

- ses conditions de détention.

Il n'est pas contestable que M. [X] n'avait jamais été incarcéré, comme en atteste la fiche pénale produite aux débats. Il est évident que la séparation, même si M. [X] était domicilié en caravane, et en attente d'une décision du JAF, a été réelle, est en lien avec la détention et a constitué un dommage psychologique qu'il convient de réparer. Il doit aussi être tenu compte de l'inquiétude de M. [X] en détention, en lien avec sa situation professionnelle.

En ce qui concerne les conditions de détention, il convient de relever qu'aucun document n'est produit qui permettrait de considérer que celles-ci étaient dégradées et que M. [X] en a personnellement souffert.

Au vu de ces éléments, l'indemnisation du préjudice moral, pour 40 jours de détention, s'évalue à la somme 7 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice matériel,

Sur la perte de revenus,

De jurisprudence constante, la perte de chance de percevoir des revenus ne peut être indemnisée que si elle présente un caractère sérieux qui s'apprécie en tenant compte d'un faisceau d'indices, notamment la qualification, le passé professionnel de l'intéressé et sa capacité à retrouver un emploi après la détention. Lorsque la perte est hypothétique, elle ne peut donner lieu à indemnisation.

En l'espèce, il est rapporté que M. [X] avait été embauché en mars 2015 et qu'il n'a pas été intégralement réglé de ses salaires de juin et juillet 2015.

L'indemnisation de la perte de revenus n'est dès lors pas contestable. En revanche de jurisprudence constante, l'indemnisation se fonde sur le salaire net qui aurait dû être perçu, soit en l'occurrence, selon les propres calculs de l'intéressé la somme totale de 1824,40 euros.

Sur les frais d'avocat,

Le remboursement des frais engagés au titre de la défense, notamment les honoraires versés à un avocat est possible, à condition que ceux-ci concernent des prestations directement liées à la privation de liberté et sur la base de factures précises permettant de détailler et individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté.

En l'espèce, M. [X] sollicite 50 euros pour un acte d'appel du 25 juin 2015, 1000 euros pour une audience devant la cour d'appel de Reims et 300 euros pour une visite de son avocat à la maison d'arrêt le 21 juillet 2015.

Les deux premières sommes ne font l'objet d'aucune contestation par l'AJE et par Mme la procureure générale. Elles sont au demeurant justifiées dans leur principe et leur montant et en lien exclusif avec la détention, de sorte que l'indemnisation ne peut être discutée.

En ce qui concerne la somme de 300 euros, il convient de constater que la visite à la maison d'arrêt est du 21 juillet 2015 et que par arrêt du 22 juillet 2015, statuant sur la seule détention, la cour d'appel a confirmé la décision du tribunal correctionnel.

Il est donc aisé de penser que l'entretien à la maison d'arrêt du 21 juillet 2015 avait pour but de préparer l'audience fixée au lendemain, de sorte qu'il convient de considérer que cette dépense est en lien exclusif avec la détention. Les sommes engagées seront dès lors indemnisées.

Sur la demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable d'allouer à M. [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Allouons à M. [I] [X] une indemnité de 7 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Allouons à M. [I] [X] une indemnité de 1824,40 euros au titre du préjudice matériel, lié à la perte de revenus,

Allouons à M. [I] [X] une indemnité de 1350 euros au titre du préjudice matériel, lié aux frais d'avocat,

Allouons à M. [I] [X] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Ainsi fait, jugé et prononcé par M. Christophe REGNARD, premier président de la cour d'appel de Reims, le 16 mai 2024, en présence de Madame la Procureure générale et du greffier.

Le greffier Le premier président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00102
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;23.00102 ?
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