Arrêt n°
du 15/05/2024
N° RG 23/01487
MLS/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 15 mai 2024
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 21 juillet 2023 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de SEDAN (n° 51-22-000008)
Madame [Y] [E] veuve [T]
[Adresse 5]
[Localité 1]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2024-001383 du 02/04/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)
représentée par Me Quentin MAYOLET de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES
INTIMÉE :
Madame [H] [R] [T] épouse [I]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Emmanuel ROBERT, avocat au barreau de REIMS
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 mai 2024, Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés d'instruire l'affaire, ont entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur François MÉLIN, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Exposé des faits :
Par requête du 25 juillet 2022, Mme [H] [T] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Charleville Mézières de demandes tendant à obtenir la résiliation du bail consenti à Mme [Y] [E] portant sur la parcelle située sur la commune de [Localité 6] cadastrée section ZB n°[Cadastre 4], l'expulsion des occupants sous astreinte, la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 397,84 euros au titre du fermage 2022, outre remboursement des impôts et taxes et 2 000,00 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile.
En défense, Mme [Y] [E] a conclu au rejet des demandes et à titre reconventionnel, a sollicité paiement des exonérations de taxes foncières depuis 2018 et condamnation de la bailleresse à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 juillet 2023, notifié le 8 août 2023 à Mme [E], le tribunal paritaire des baux ruraux de Sedan, à qui l'affaire a été renvoyée sur décision d'incompétence territoriale, a fait droit aux demandes de la bailleresse, débouté la locataire de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée à payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le 8 septembre 2023, Mme [Y] [E] a régulièrement interjeté appel du jugement.
Prétentions et moyens :
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par l'appelante le 20 mars 2024, et soutenues à l'audience.
L'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter l'intimée, de la condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle affirme que les fermages 2020 et 2021 ont été payés tardivement après mise en demeure en raison de circonstances indépendantes de sa volonté liée à la liquidation judiciaire de la personne morale qui exploitait les terres et au décès accidentel de son époux co-preneur. Elle fait de plus valoir que le motif de résiliation pour défaut d'exploitation personnelle, en raison de son imprécision, ne peut aboutir d'autant qu'il n'est justifié d'aucune sous-location ni de l'absence d'exploitation personnelle. Elle conclut au rejet de la demande en paiement du fermage 2022 faute d'avoir reçu un décompte d'autant qu'il n'est pas justifié des taxes foncières, étant précisé que la bailleresse ne lui a jamais restitué les sommes qu'elle a reçues au titre des exonérations de taxes foncières depuis 2018 contrairement aux dispositions de l'article L415-3 du code rural et de la pêche maritime.
Au terme de ses conclusions du 12 février 2024, soutenues à l'audience, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner l'appelante à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle rappelle les dispositions de l'article L411-31 du code rural et de la pêche maritime selon lesquelles, sauf force majeure ou raison sérieuse ou légitime, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de deux défauts de paiement du fermage ou de la part revenant au bailleur, ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance, ou d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Elle fait observer que les motifs de la résiliation doivent être appréciés à la date de la demande en justice, le preneur conservant la possibilité de régulariser sa situation jusqu'à la saisine du tribunal par le propriétaire, et que les difficultés économiques invoquées, pour faire obstacle à la demande de résiliation du contrat de bail pour absence de règlement des fermages, doivent résulter de faits indépendants de la volonté du preneur. Elle affirme qu'en l'espèce, il n'est pas démontré que les difficultés économiques alléguées soient indépendantes de la volonté du preneur et ne peuvent en tout état de cause caractériser la force majeure ou une raison sérieuse et légitime de non-paiement. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que le décès du co-preneur soit à l'origine des difficultés ayant fait obstacle au règlement des fermages, dès lors qu'il est intervenu postérieurement au premier incident. Au surplus, elle argue de ce que les fermages de l'année 2022 n'ont pas été payés et fait également valoir que l'appelante n'exploite plus personnellement le bien loué et ne possède plus de matériel d'exploitation, l'ensemble des travaux étant réalisés par un tiers.
Motifs de la décision :
Au préalable, il sera fait observé que l'appelante ne réitère pas en cause d'appel sa demande liée au remboursement de l'exonération de taxes foncières depuis 2018, dont elle a été déboutée. Sur ce point, le jugement sera donc confirmé.
Pour le reste, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte que le tribunal paritaire des baux ruraux, après rappel des dispositions de l'article L411-31 du code rural et de la pêche maritime, et des principes qui gouvernent la résiliation pour défaut de paiement des fermages, a fait droit aux demandes de résiliation de la bailleresse, après avoir constaté que la régularisation est intervenue après l'introduction de l'instance, que les difficultés financières n'étaient pas liées au décès du co-preneur survenu après les premiers incidents de paiement, lequel décès ne pouvait donc constituer une raison sérieuse ou légitime du défaut de paiement des fermages, que la liquidation judiciaire de la personne morale qui exploitait les terres ne relevait pas de la force majeure, que la preuve n'était pas rapportée que ces difficultés étaient indépendantes de la volonté des preneurs, étant ajouté que la cour ignore à hauteur d'appel, les causes qui ont conduit la personne morale à la liquidation judiciaire.
Par conséquent, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a résilié le bail, ordonné l'expulsion de la preneuse et de tous occupants de son chef, et condamné la preneuse à payer une indemnité d'occupation égale au montant du fermage.
S'agissant du paiement du fermage 2022 c'est à raison que la preneuse conteste la demande qui lui est faite faute de décompte qui n'est d'ailleurs pas produit en cause d'appel. Le bail prévoyait, pour l'ensemble des terres louées dont fait partie la parcelle litigieuse, un fermage annuel égal à la valeur en espèces de 8752,05 kg de blé pour les terres et 335,475 kg de viande de boeuf R et vache O, cotation 'EUROPA' poids net et 3409 l de lait à 38 g de matières grasses et 32 g de matière protéïque. Le fermage était payable de 11 novembre de chaque année et devait être déterminé pour le blé par le cours de blé fermage en vigueur aux époques de paiement, et pour les autres denrées, selon le cours moyen fixé en application de l'article R 411-5 du code rural par arrêté de monsieur le préfet du département des Ardennes pour l'année précédant l'échéance.
Si la preneuse ne prétend pas avoir réglé le fermage et en reste débitrice, la bailleresse créancière des fermages et qui supporte la charge de la preuve du bien fondé de sa créance, ne produit aucun élément de nature à justifier le montant réclamé ni de nature à en permettre le calcul.
Aussi, par infirmation du jugement, il faut débouter l'intimée de sa demande à ce titre tout en rappelant dans le dispositif que la preneuse reste débitrice du fermage 2022, dont le montant reste à justifier.
Succombant partiellement, l'appelante supportera les dépens et frais irrépétibles de première instance par confirmation du jugement. En appel, elle sera condamnée à payer à l'intimée la somme de 200 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.
Par ces motifs :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 21 juillet 2023 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Sedan en ce qu'il a condamné Mme [Y] [E] à payer à Mme [H] [T] la somme de 397,84 euros au titre de l'arriéré de fermage de l'année 2022 sauf à déduire les éventuels dégrèvements d'impôts pour cause de sécheresse ;
Statuant à nouveau, dans la limite de ce chef d'infirmation ;
Déboute Mme [H] [T] de sa demande en paiement de la somme de 397,84 euros au titre de l'arriéré de fermage de l'année 2022 ;
Juge que Mme [Y] [E] reste débitrice du fermage 2022, dont le montant reste à déterminer ;
Confirme le surplus du jugement y compris les dépens et les frais irrépétibles ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [Y] [E] à payer à Mme [H] [T] la somme de 200 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel ;
Condamne Mme [Y] [E] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT