ARRET N°
du 14 mai 2024
N° RG 22/02197 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FIUD
S.A.S. DORAS
c/
[V]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 14 MAI 2024
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 15 novembre 2022 par le tribunal de commerce de TROYES
S.A.S. DORAS
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Angelique BAILLEUL de la SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS, avocat au barreau de L'AUBE, avocat postulant, et Me Fabien KOVAC, membre de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant
INTIME :
Monsieur [Y] [V]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Florence SIX de la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors des débats et de la mise à disposition
DEBATS :
A l'audience publique du 02 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 mai 2024
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024 et signé par Madame Florence MATHIEU, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Il n'est pas contesté que la SAS Murelli et Royer s'approvisionnait en matériaux auprès de la SAS Doras, ni qu'elle s'est trouvée débitrice d'une somme totale de 267 078.76 euros.
Le 1er octobre 2020, la SAS Murelli et Royer a établi 12 lettres de change pour le paiement de cette somme.
Par jugement du 17 novembre 2020 du tribunal de commerce de Troyes, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de cette société, convertie en liquidation judiciaire selon jugement du 23 mars 2021.
Par acte du 13 septembre 2021, la SAS Doras a fait assigner M [V] devant le tribunal de commerce de Troyes afin de l'entendre condamner, en qualité d'avaliste, à lui régler les sommes dues au titre de 12 lettres de change.
Par jugement du 15 novembre 2022, le tribunal de commerce de Troyes a :
- Reçu la SA Doras en ses demandes mais les a déclarées mal fondées et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné la SA Doras à payer à M [V] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Laissé les entiers dépens à la charge de la SA Doras,
- Liquidé les dépens réservés au greffe à la somme de 69.59 euros.
Le tribunal a considéré que les engagements de M [V], pour la société Murelli et Royer et en son nom sont assimilables à un contrat, qu'en proposant à M [V] de signer les lettres de change, la SA Doras a usé de violence, dès lors qu'elle était devenue le seul fournisseur de la société Murelli et Royer, que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de cette dernière a fixé la date de cessation des paiements au 30 octobre 2019, que cette date coïncide avec l'arrêt des règlements au profit de la SA Doras et que seule cette signature permettait d'obtenir les approvisionnements nécessaires à la poursuite de l'activité de la société Murelli et Royer.
Il a également retenu que M [V] a avalisé les 12 lettres de change par erreur, considérant qu'il n'engageait que la société Murelli et Royer, et que cette erreur était, au vu des pièces du dossier, tout à fait excusable.
La SAS Doras a relevé appel de ce jugement par déclaration du 29 décembre 2022.
Par conclusions notifiées le 19 juillet 2023, la SAS Doras demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant de nouveau de :
- Condamner M [V] à lui payer les sommes suivantes :
o 257 056.70 euros au titre du principal, outre intérêts au taux légal de droit,
o 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance,
- Débouter M [V] de l'intégralité de ses demandes,
Et y ajoutant,
- Condamner M [V] à lui payer 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.
Elle s'oppose aux moyens de procédure développés par M [V] en faisant valoir que la déclaration d'appel précise expressément les chefs de jugement critiqués et qu'aucune disposition n'exige qu'elle mentionne, s'agissant de ces chefs, qu'il est demandé l'infirmation. Elle fait valoir que le dispositif de ses conclusions précise solliciter l'infirmation du jugement et affirme qu'aucune disposition n'impose à l'appelant d'énumérer les chefs de jugement critiqués dans ce dispositif.
Elle soutient que la mention apposée sur les lettres de change est conforme aux dispositions de l'article L511-21 du code de commerce.
Elle affirme n'avoir exercé aucune pression ou contrainte sur M [V] et qu'elle ne connaissait pas la situation de la société Murelli et Royer. Elle estime qu'elle ne tire aucun avantage manifestement excessif de l'aval consenti, mais souhaite seulement recouvrer sa créance.
Elle considère que la lettre de change et l'aval ne constituent pas un contrat dans la mesure où il s'agit d'un acte unilatéral régi par le droit cambiaire et en conclut que les développements de M [V] concernant la nullité pour erreur sont manifestement inopérants.
Elle conteste en outre toute erreur au motif qu'il n'est pas démontré que M [V] aurait donné son aval au nom de la société Murelli et Royer et, subsidiairement, elle estime qu'une telle erreur est inexcusable, alors que M [V] est rompu aux affaires et qu'il a été dirigeant de 4 sociétés.
Elle affirme que les lettres de change sont régulières en ce qu'elles sont bien, toutes, signées par le tireur.
Elle demande à la cour d'écarter la demande de M [V] fondée sur l'article 1104 du code civil en rappelant qu'elle estime que la lettre de change et l'aval ne sont pas des contrats et demande le rejet de cette même demande fondée sur l'article 1240 du code civil, en estimant qu'il n'est pas démontré l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.
Par conclusions transmises le 26 mai 2023, M [V] demande à la cour :
- A titre principal de juger que l'effet dévolutif ne peut opérer en l'absence d'objet dans la déclaration d'appel et juger qu'en conséquence, la cour n'est pas saisie,
- Subsidiairement, de confirmer le jugement au visa des articles 562 et 954 du code de procédure civile, sauf la faculté qui est reconnue à la cour, à l'article 914 du même code, de relever d'office la caducité de l'appel,
- Très subsidiairement, sur le fond, de :
o Juger nul son engagement par application à l'aval des vices du consentement ou des conséquences de l'irrégularité des lettres de change, que la cour jugera nulles,
o Juger en conséquence mal fondé l'appel relevé par la SAS Doras et confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, puis condamnées au paiement d'une indemnité de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
- A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où son engagement serait jugé valable, de condamner la SAS Doras à lui verser la somme de 257 056.70 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi et d'ordonner la compensation entre les sommes dues de part et d'autre,
- En toute hypothèse, de condamner la société Doras à lui verser une indemnité complémentaire de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
Il invoque l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel sur le fondement des articles 901, 54 et 562 du code de procédure civile en faisant valoir que celle-ci ne précise pas si elle tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, de sorte que l'objet de la demande n'est pas précisé.
M [V] soutient en outre que la cour ne peut que confirmer le jugement ou déclarer l'appel caduc, dès lors que la société Doras ne précise pas, dans ses premières conclusions, les chefs du jugement dont elle demande l'infirmation.
Sur le fond, il rappelle les termes de l'article 1100-1 du code civil pour soutenir que les dispositions de l'article 1130 qui visent l'erreur, le dol et la violence s'appliquent à tout acte de nature juridique, quel qu'il soit.
Il affirme que son consentement a été vicié par la violence en soulignant le fait que les 12 lettres de change ont été établies le même jour, 1er octobre 2020, pour le paiement de factures s'échelonnant entre le 31 mars 2019 et le 9 octobre 2020 et d'un montant total de 269 516.40 euros, qu'à cette date, la société Murellli et Royer se trouvait en cessation des paiements ainsi que le tribunal de commerce l'a dit plus tard et que la SAS Doras était son seul fournisseur, de sorte que le souci de pouvoir présenter un plan de continuation imposait de maintenir à tout prix ses relations commerciales avec cette dernière et qu'il n'avait aucun intérêt à avaliser ces lettres de changes dans la mesure où il ne détient que 0.03% du capital de la société Murelli et Royer. Il considère qu'il existait donc une situation de dépendance au sens de l'article 1143 du code civil et que la société Doras en a abusé en obtenant de lui un engagement personnel qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence de la contrainte économique précitée, dont cette société tire un avantage manifestement excessif dès lors qu'elle contourne le principe d'ordre public d'égalité de traitement des créanciers chirographaires antérieurs à l'ouverture de la procédure collective.
Il invoque en outre une erreur dans la mesure où il dit avoir pensé qu'il engageait la société Murelli et Royer et non lui personnellement en apposant sur les lettres de changes la mention " bon pour aval du tiré ". Il précise que bien que dirigeant de société, il ignorait totalement le mécanisme de la lettre de change et qu'il n'était pas d'usage, au sein de la société, d'apurer les dettes entres les fournisseurs par ce moyen. Il ajoute que la forme même du document pouvait prêter à confusion.
Subsidiairement, il invoque la nullité des lettres de change en l'absence de signature du tireur et, par voir de conséquence, la nullité de l'aval en raison de son caractère accessoire. Il ajoute que l'aval ne pourrait alors être requalifié en cautionnement en l'absence des mentions manuscrites des anciens articles L331-1, L331-2, L343-1 et L343-2 du code de la consommation.
A titre infiniment subsidiaire, il invoque la responsabilité de la SAS Doras pour manquement à son obligation de contracter loyalement et de bonne foi, en affirmant que celle-ci connaissait la situation financière obérée de la société Murelli et Royer lorsqu'elle a obtenu son engagement d'avaliste. Elle estime que son préjudice résulte de son engagement personnel, à hauteur de la somme qu'il s'est engagé à payer.
MOTIFS
Sur l'effet dévolutif de l'appel
Ni l'article 901,4° du code de procédure civile, ni l'article 562, ni aucune autre disposition n'exige que la déclaration d'appel mentionne, s'agissant des chefs de jugement expressément critiqués, qu'il en est demandé l'infirmation ; (2e Civ., 25 mai 2023, pourvoi n° 21-15.842 / Civ. 2ème 14 septembre 2023 pourvoi n°20-18.169).
Si l'appelant, qui poursuit la réformation du jugement dont appel, doit, dans le dispositif de ses conclusions, d'une part, mentionner qu'il demande l'infirmation du jugement et, d'autre part, formuler une ou des prétentions, il n'est pas exigé qu'il précise, dans le dispositif, les chefs de dispositif du jugement dont il est demandé l'infirmation (2e Civ., 3 mars 2022, pourvoi n° 20-20.017).
En l'espèce, la déclaration d'appel précise les chefs de jugement critiqués par la SAS Doras ; le dispositif des conclusions de celle-ci contient une demande d'infirmation du jugement.
Ainsi, la finalité de l'appel interjeté par cette société, qui tend à la réformation du jugement, est déterminée par les conclusions de l'appelant, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.
En conséquence, M [V] n'est pas fondé à contester l'effet dévolutif de l'appel interjeté par la société Doras aux motifs que sa déclaration d'appel ne précise pas si l'appel tend à la réformation ou à l'annulation du jugement et que le dispositif de ses conclusions ne précise pas les chefs du jugement dont l'infirmation est réclamée.
Sur l'existence d'un vice du consentement
L'article 1130 du code civil prévoit que l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Il résulte de l'article 1140 qu'il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable.
Selon l'article 1143, il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.
L'article 1132 du code civil dispose que l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
Il ressort des pièces de la procédure que la SAS Doras vend des matériaux de construction. En l'absence de plus de précision quant à ces matériaux, il n'est pas établi que ceux-ci soient spécifiques ou rares.
Dès lors, les seules relations commerciales existant entre les parties depuis près de 7 ans selon M [V], ne suffisent pas à établir que la société Murelli et Royer était captive de la société Doras et qu'elle n'aurait pu se fournir auprès d'autres sociétés.
En outre, la SAS Doras affirme, sans qu'il soit justifié du contraire par M [V], qu'elle ignorait la mauvaise situation financière de la société Murelli et Royer, de sorte qu'il n'est pas établi qu'elle se serait livrée à une exploitation abusive de ladite situation, à considérer même que la perspective de l'ouverture d'une procédure collective la plaçait dans une situation de dépendance économique à son égard, ni qu'elle aurait tenté en demandant l'aval de M [V], de contourner le principe d'égalité de traitement des créanciers.
En effet, le seul fait que les lettres de change aient été établies pour le paiement d'une somme totale de 267 078.76 euros, correspondant à plusieurs factures dont les plus anciennes datent du 31 mars 2019 est équivoque et ne suffit pas à justifier d'une connaissance par la SAS Doras de la mauvaise situation financière de la société Murelli & Royer, alors que M [V] indique lui-même que la société Doras avait pour habitude de consentir à cette dernière des autorisations de découvert.
Les courriers électroniques échangés entre M [V] et la société Doras au cours du mois de novembre 2020 interviennent alors que la première lettre de change n'a pas été honorée par la société Murelli et Royer à son échéance et ne témoignent que du souci du représentant de cette dernière d'exécuter son obligation de paiement et de respecter l'échéancier consenti, sans qu'il puisse être tiré aucune conclusion quant à une contrainte exercée sur lui.
La situation décrite ne menaçait par ailleurs pas directement M [V], qui souligne le fait qu'il n'était pas actionnaire majoritaire de la société pour ne détenir que 0.03% de son capital et qu'il n'avait aucun intérêt financier à s'engager pour garantir la société Murelli et Royer.
Outre que M [V] n'établit donc pas la preuve d'une situation de contrainte ou d'abus de dépendance économique, il n'est pas démontré que celle-ci, à supposer même qu'elle le soit, ait pu concerner M [V] à titre personnel, alors que la violence invoquée doit avoir été dirigée contre lui pour justifier l'annulation de son engagement d'avaliste.
Aucune annulation de l'aval donné par M [V] ne peut donc intervenir pour violence.
Il résulte des articles L511-15 et L511-17 du code de commerce que la lettre de change peut être, jusqu'à l'échéance, présentée à l'acceptation du tiré et que l'acceptation est écrite sur la lettre de change, qu'elle est exprimée par le mot " accepté " ou tout autre mot équivalent et signée du tiré.
Selon l'article L511-21 du code de commerce, l'aval peut être donné sur la lettre de change et il est exprimé par les mots " bon pour aval " ou par toute autre formule équivalente ; il est signé par le donneur d'aval.
M [V] a signé les lettres de change deux fois, la première après la mention " bon pour aval du tiré " et la seconde après la mention " bon pour acceptation ".
La société Murelli et Royer étant désignée dans les lettres de change comme le tiré, M [V] a nécessairement apposé sa signature sous la formule " bon pour acceptation " en qualité de dirigeant de cette société, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas.
Il affirme avoir signé la formule " bon pour aval du tiré " en la même qualité.
Outre qu'un aval donné par le tiré lui-même n'aurait pas de sens, puisqu'il n'aurait pas pour effet d'accroître la garantie de paiement de la lettre de change, cette formule est dénuée d'ambiguïté en ce qu'elle signifie clairement que l'aval porte sur les engagements du tiré, de sorte qu'en apposant sa signature, M [V] s'est engagé à titre personnel comme avaliste, quand bien même il n'a pas indiqué son nom et son adresse, puisqu'il ne conteste pas sa signature.
Il apparaît en outre quelque peu contradictoire pour M [V] de soutenir qu'il a cru engager la société Murelli et Royer et elle seule, alors qu'il affirme également avoir signé l'engagement d'aval sous l'effet de la violence.
En tout état de cause, M [V], âgé de 55 ans lors de la souscription de son engagement, est ou a été dirigeant de 4 entreprises ; quelle que soit sa qualification en matière cambiaire et bancaire et quand bien même les lettres de change litigieuses auraient été les premières dont il ait eu à connaître, l'inutilité d'une garantie souscrite par le tiré lui-même aurait dû, à tout le moins, le faire s'interroger sur le sens et la portée de ses deux signatures, la mention pré-imprimée " acceptation ou aval " figurant au-dessus des formules et signatures litigieuses n'étant pas de nature à le conforter dans son erreur, pas plus que l'ordre des formules (" bon pour aval du tiré " avant " bon pour acceptation ", ordre qui est d'ailleurs inverse sur trois des lettres de change). Il en résulte que l'erreur que M [V] dit avoir commise apparaît comme inexcusable à défaut de l'avoir fait.
L'engagement d'avaliste de M [V] ne saurait donc être annulé et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la régularité des lettres de change
Il résulte de l'article L511-1 du code de commerce que la lettre de change contient, notamment, la signature de celui qui émet la lettre dénommé tireur, cette signature étant apposée, soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit et qu'à défaut, le titre ne vaut pas comme lettre de change.
Contrairement à ce que soutient M [V], les 12 lettres de change portent la signature, outre le cachet de la société Doras, tireur.
Aucune nullité des lettres de change ne saurait donc être prononcée, ni donc celle de l'aval donné par M [V], qui l'invoque en raison du caractère accessoire de la garantie.
Sur la demande en paiement de la SAS Doras
Il résulte de l'article L511-19 du code de commerce que, par l'acceptation, le tiré s'oblige à payer la lettre de change à l'échéance.
Selon l'article L511-21, le donneur d'aval est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant.
M [V] a avalisé les 12 lettres de change, d'un montant de 22 459.70 euros chacune, soit une somme totale de 269 516.40 euros.
La SAS Doras indique que la première traite à échéance du 31 octobre 2020 a été partiellement payée, à hauteur de 12 459.70 euros, ramenant le total de la dette de la société Murelli & Royer à 257 056.70 euros.
M [V] ne justifie pas d'autres paiements. Il doit donc être condamné à payer à la SAS Doras la somme de 257 056.70 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 janvier 2021, ainsi que l'article 1231-6 du code civil le prévoit. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il déboute la SAS Doras de sa demande en paiement.
Sur la responsabilité de la SAS Doras
M [V] estime que la société Doras a manqué à son obligation de contracter loyalement et de bonne foi parce qu'elle connaissait la situation financière obérée de la société Murelli &Royer lorsqu'elle a obtenu de lui son engagement à titre d'avaliste et qu'elle savait qu'il ne pourrait pas se retourner contre le débiteur garanti puisque celui-ci serait insolvable.
Il a été précédemment dit que M [V] ne démontrait pas que la société Doras connaissait la mauvaise situation financière de la société Murelli & Royer.
En outre, M [V], dirigeant de cette dernière ne pouvait lui-même ignorer ladite situation et donc les conditions de son engagement comme avaliste, étant rappelé qu'il n'est pas établi que son consentement a été vicié par la violence ou l'erreur.
Il n'est donc pas justifié de ce que la société Doras aurait manqué à son devoir de loyauté et de bonne foi envers son co-contractant en usant d'une situation dont il n'est pas même prouvé qu'elle en avait connaissance et qui, en tout état de cause, était connue de M [V] lui-même.
En conséquence, la demande de M [V] fondée sur la responsabilité de la société Doras doit être rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement étant infirmé du chef rejetant la demande en paiement de la SAS Doras, il convient d'infirmer également le chef mettant les dépens de la première instance à sa charge et la condamnant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces dépens, comme ceux d'appel, devront être supportés par M [V], partie condamnée, dont la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile doit donc être rejetée.
L'équité n'impose pas de faire droit à la demande de la SAS Doras au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute M [Y] [V] de son moyen pris d'une absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par la SAS Doras,
Infirme en toutes ses dispositions contestées le jugement rendu le 15 novembre 2022 par le tribunal de commerce de Troyes,
Statuant à nouveau,
Déboute M [Y] [V] de ses demandes tendant à la nullité des lettres de change et de son engagement d'avaliste,
Condamne M [Y] [V] à payer à la SAS Doras la somme de 257 056.70 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2021,
Déboute M [Y] [V] de sa demande en paiement de dommages intérêts,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M [Y] [V] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La conseillère pour la présidente de chambre régulièrement empêchée