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14/05/2024 | FRANCE | N°22/01837

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 14 mai 2024, 22/01837


ARRET N°

du 14 mai 2024



N° RG 22/01837 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FHWR





[H]





c/



[J]



















Formule exécutoire le :

à :



Me Vincent NICOLAS



la SCP RCL & ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 14 MAI 2024



APPELANT :

d'un jugement rendu le 30 septembre 2022 par le tribunal de commerce de REIMS



Monsieur [O] [H]

[Adr

esse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Vincent NICOLAS, avocat au barreau de REIMS





INTIME :



Monsieur [E] [J]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Gauthier LEFEVRE de la SCP RCL & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS





COMPOSITION DE LA C...

ARRET N°

du 14 mai 2024

N° RG 22/01837 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FHWR

[H]

c/

[J]

Formule exécutoire le :

à :

Me Vincent NICOLAS

la SCP RCL & ASSOCIES

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 14 MAI 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 30 septembre 2022 par le tribunal de commerce de REIMS

Monsieur [O] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Vincent NICOLAS, avocat au barreau de REIMS

INTIME :

Monsieur [E] [J]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Gauthier LEFEVRE de la SCP RCL & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors des débats et de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 02 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 mai 2024

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024 et signé par Madame Florence MATHIEU, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [E] [J] est gérant et associé unique de la société J2L ayant pour objet social la pose de carrelages, tous revêtements de sols et muraux, installation, salles de bains et cloisons.

Par acte du 4 septembre 2020, Monsieur [O] [H] a signé avec Monsieur [E] [J] un compromis de cession de parts sociales portant sur l'intégralité du capital de la société J2L (500 parts sociales), moyennant le prix de 600.000 euros.

Ce compromis était notamment assorti d'une condition suspensive d'un prêt à obtenir au plus tard le 30 septembre 2020 pour un montant de 639.500 euros pour une durée maximale de 15 ans au taux maximal de 4,5 %.

Le 21 octobre 2020, Monsieur [O] [H] a signé un avenant aux termes duquel il a renoncé à la condition suspensive de financement.

Malgré de nombreuses relances et mises en demeure, Monsieur [H] n'a pas réitéré la vente par signature d'un acte authentique.

Par acte d'huissier en date du 23 mars 2020, Monsieur [E] [J] a fait assigner Monsieur [O] [H] devant le tribunal de commerce de Reims aux fins d'obtenir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire la condamnation de ce dernier à :

-régulariser l'acquisition des 500 parts sociales de la société J2L pour un montant de 600.000 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

-lui payer les sommes de 30.000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation et de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 30 septembre 2022, le tribunal de commerce de Reims a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné Monsieur [O] [H] à :

-régulariser l'acquisition des 500 parts sociales de la société J2L pour un montant de 600.000 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir,

-à payer à Monsieur [E] [J] les sommes de 30.000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation et de 500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Par un acte en date du 25 octobre 2022, Monsieur [O] [H] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 24 janvier 2023, Monsieur [O] [H] conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de déclarer Monsieur [E] [J] irrecevable et non fondé en ses prétentions.

Il demande à la cour de juger :

-le compromis nul pour absence de pouvoir et de capacité pour conclure un tel acte,

-le compromis caduc en raison du défaut de réalisation des conditions suspensives à la date butoir du 30 septembre 2020,

-nul le courrier du 20 octobre 2020 pour vice du consentement,

Il sollicite en outre le paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Il soutient que la procédure d'agrément prévue par les dispositions de l'article L223-14 du code de commerce est d'ordre public et n'a pas été respectée, la simple mention dans le compromis étant insuffisante.

Il fait valoir qu'au 30 septembre 2020, n'ayant pas de retour d'accord de prêt, le compromis est devenu caduc à défaut de réalisation de la condition suspensive à la date butoir prévue.

Il affirme que le document qu'il a signé le 20 octobre 2020, sur la demande insistante du notaire est nul, son consentement ayant été vicié.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 17 mars 2023, Monsieur [E] [J] conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner Monsieur [O] [H] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Il expose que c'est en sa qualité de personne physique qu'il a cédé ses parts à Monsieur [H] et qu'il n'avait pas besoin de justifier d'un quelconque agrément.

Il fait valoir que Monsieur [H] ne justifie d'aucune demande de prêt, de sorte que la condition suspensive est réputée acquise dès le 30 septembre 2020.

Il affirme que la cour de cassation admet désormais l'exécution forcée d'une promesse unilatérale de vente de droits sociaux, rétractée avant la levée de l'option.

Il soutient que Monsieur [H] a renoncé à l'obtention du prêt par l'avenant signé le 20 octobre 2020 et insiste sur le fait que si celui-ci déclare avoir été contraint par le notaire de signer un courrier, il n'est cependant justifié d'aucune mise en cause de cet auxiliaire de justice.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1104 du même code, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public.

En l'espèce, dans le corps du compromis de cession de parts sociales daté du 4 septembre 2020 à l'entête de l'office notarial des Cordeliers Laurent Quinart & [D] [L], et signé par Monsieur [E] [J] (cédant), Madame [T] [R] [F] (conjointe du cédant intervenant à l'acte) et Monsieur [O] [H] (cessionnaire), il est stipulé que :

" (') cession des parts : l'agrément des cessions des parts sociales est requis. Cependant, l'unique associé étant ici présent, il agrée ladite cession ".

" Cession sous condition suspensive (')

Transfert de propriété et de jouissance

Le cessionnaire sera propriétaire des parts à compter du jour de la réalisation de l'acte de cession et il en aura la jouissance et seul droit aux dividendes à partir du 1er janvier 2021 (').

Prix

La présente cession est consentie et acceptée moyennant le prix net vendeur de 1.200 euros par part, soit 600.000 euros pour les parts cédés (')

Conditions générales suspensives

Les présentes ont lieu sous les conditions générales suspensives ci-après énoncées, sans lesquelles le cédant et le cessionnaire n'auraient pas contracté.

Ainsi, dans l'hypothèse où toutes les conditions suspensives énoncées ci-après ne seraient pas réalisées avant le 30 septembre 2020, les présentes seraient considérées comme sans effet, par simple notification par lettre recommandée avec accusé de réception du cédant ou du cessionnaire à l'autre partie de la non-réalisation de l'une ou plusieurs de ces conditions suspensives, savoir :

Obtention d'un ou plusieurs prêts

Le cessionnaire déclare vouloir souscrire à un ou plusieurs emprunts à l'effet de financer une partie du prix d'acquisition du fonds de commerce ci-dessus désigné.

En conséquence, le cédant accepte que la présente cession se trouve soumise à la condition suspensive de l'octroi du prêt ci-après que le cessionnaire se propose de contracter dans les conditions suivantes :

Organisme : CRCA et autres

Montant :639.500 euros

Durée Maximum 15 ans

Taux d'intérêt fixe maximum :4,5%

Le cessionnaire s'oblige à effectuer les démarches nécessaires à l'obtention du prêt

En outre, ce dernier devra adresser au cédant, par lettre recommandée avec accusé de réception adressé à Me [D] [L], notaire instrumentaire au plus tard le 15/10/2020, une attestation de l'établissement prêteur justifiant de l'obtention du prêt.

A défaut, la présente cession sera considérée comme nulle et non avenue et chacune des parties reprendra sa pleine et entière liberté sans indemnité de part ni d'autre (').

Régularisation de l'acte de cesssion

Les présentes seront régularisées par acte authentique reçu par Me [D] [L] notaire rédacteur des présentes, choisi d'un commun accord entre les parties (').

Cet acte devra être régularisé au plus tard le 30 octobre 2020.

Il est précisé que les conditions suspensives devront être réalisées dans le délai de validité des présentes, sauf à tenir compte des délais et procédures spécifiques convenus.

Toutefois, ce délai sera automatiquement prorogé jusqu'à réception des pièces administratives nécessaires à la perfection de l'acte authentique (').

Indemnité d'immobilisation

La présente cession sous conditions suspensives est consentie et acceptée moyennant le versement d'une indemnité d'immobilisation au cas où le cessionnaire ne voudrait pas procéder à la régularisation des présentes en dépit de la réalisation des conditions suspensives (') ".

Il résulte de la lecture du compromis que l'agrément à la cession des parts sociales a été réalisé, Monsieur [J] étant au demeurant l'associé unique et ayant expressément agréé à ladite cession, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue de ce chef.

Les effets du compromis sont soumis à la levée des réserves et à l'accomplissement des conditions suspensives, dont notamment les conditions suspensives particulières tenant à l'obtention de prêts par le bénéficiaire (cessionnaire). Il est établi que les parties ont ainsi expressément convenu des caractéristiques financières du prêt devant être obtenues : 639.500 euros au titre du montant emprunté au taux d'intérêt fixe maximum de 4,50% et d'une durée de remboursement maximum de 15 ans.

Conformément aux dispositions contractuelles, Monsieur [H] s'est obligé à déposer le ou les dossiers de demande de prêts et à en justifier au plus tard le 15 octobre 2020 auprès du notaire.

En premier lieu, force est de constater que Monsieur [H] n'a justifié ni d'un refus de prêt, ni même avoir accompli des démarches pour obtenir le prêt conformément aux conditions stipulées dans le compromis de vente. Dès lors, la cour estime que la non réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt étant imputable à Monsieur [H], ladite condition est réputée réalisée au 30 septembre 2020, de sorte qu'aucune caducité du compromis n'est encourue.

En second lieu et de façon surabondante, le courrier du notaire daté du 20 octobre 2020, dans lequel est incorporé un avenant au compromis de cession de parts du 04/09/2020 signé par Messieurs [O] et [J] (leur signature étant précédée de la mention manuscrite Bon pour accord) démontre que les parties ont souhaité maintenir les effets du compromis au-delà du 15 octobre en renonçant à la condition suspensive du prêt dans le délai du 15 octobre. En effet, il est mentionné dans ce document " Vous m'avez fait part d'un accord de la banque mais non formalisé à ce jour.

Pour autant, vous demeurez l'un et l'autre vendeur et acquéreur, et demandez expressément la réalisation de la cession des parts projetées en faisant abstraction de la date indiquée et de la nullité en résultant (') ".

Dans ces conditions, en application de l'article 1304-4 du code civil qui dispose qu'une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie " ou n'a pas défailli ", relevant que Monsieur [H] n'a justifié d'aucune diligence pour accomplir la condition suspensive d'obtention du prêt, la cour constate que ladite condition est réputée acquise et que le compromis doit produire ses effets.

Monsieur [J] souhaitant l'exécution forcée du compromis de vente, il est fondé à obtenir la condamnation de Monsieur [H] à régulariser l'acquisition des 500 parts sociales de la société J2L pour un montant de 600.000 euros.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef et de l'assortir d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à venir, et ce, pendant un délai de trois mois.

En revanche s'agissant de la demande en paiement de l'indemnité d'immobilisation, il y a lieu de relever que cette somme a été fixée conventionnellement dans l'hypothèse où la vente ne serait pas réalisée afin de réparer forfaitairement l'immobilisation des parts sociales proposées à la vente. Or, Monsieur [J] ayant fait le choix de l'exécution forcée de la vente, il ne peut parallèlement obtenir le paiement de la somme de 30.000 euros, les deux options étant exclusives l'une de l'autre.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [H] à payer à Monsieur [J] la somme de 30.000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation.

L'appel étant un droit, en l'absence de caractérisation d'une faute particulière imputable à Monsieur [H] dans l'exercice de ce droit, Monsieur [J] sera débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [H] succombant, il sera tenu aux dépens d'appel.

La nature de l'affaire et les circonstances de l'espèce commandent de condamner Monsieur [H] à payer à Monsieur [J] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de le débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 30 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Reims, en ce qu'il a condamné Monsieur [O] [H] à payer à Monsieur [E] [J] la somme de 30.000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation.

Et statuant à nouveau de ce seul chef,

Déboute Monsieur [E] [J] de sa demande en paiement de ce chef.

Y ajoutant,

Assortit la condamnation de Monsieur [H] à régulariser l'acquisition des 500 parts sociales de la société J2L pour un montant de 600.000 euros à une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à venir, et ce, pendant un délai de trois mois.

Déboute Monsieur [E] [J] de sa demande en paiement à titre de dommages et intérêts.

Condamne Monsieur [O] [H] à payer à Monsieur [E] [J] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Le déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.

Condamne Monsieur [O] [H] aux dépens d'appel.

Le greffier La conseillère pour la présidente de chambre régulièrement empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 22/01837
Date de la décision : 14/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-14;22.01837 ?
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