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17/04/2024 | FRANCE | N°23/00801

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 17 avril 2024, 23/00801


Arrêt n°

du 17/04/2024





N° RG 23/00801





MLB/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024





APPELANT :

d'un jugement rendu le 11 avril 2023 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Commerce (n° F 22/00046)



Monsieur [F] [D]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par la SCP X.COLOMES S.COLOMES MATHIEU ZANCHI THIBAUL

T, avocats au barreau de l'AUBE





INTIMÉE :



SARL [M] TRANSPORTS

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par la SELARL GUYOT - DE CAMPOS, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :



En audience publique, en application des disposition...

Arrêt n°

du 17/04/2024

N° RG 23/00801

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 11 avril 2023 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Commerce (n° F 22/00046)

Monsieur [F] [D]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par la SCP X.COLOMES S.COLOMES MATHIEU ZANCHI THIBAULT, avocats au barreau de l'AUBE

INTIMÉE :

SARL [M] TRANSPORTS

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par la SELARL GUYOT - DE CAMPOS, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 avril 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Suivant contrat de travail en date du 12 juin 2020, la SARL [M] Transports a embauché Monsieur [F] [D] en qualité de conducteur routier.

Aux termes d'un courrier en date du 13 février 2021, la SARL [M] Transports a convoqué Monsieur [F] [D] à un entretien préalable à licenciement prévu le 23 février 2021 et l'a mis à pied à titre conservatoire.

Le 26 février 2021, la SARL [M] Transports a notifié à Monsieur [F] [D] son licenciement pour faute grave.

Par courrier du 15 mars 2021, Monsieur [F] [D] a demandé à la SARL [M] Transports des précisions sur les motifs de son licenciement et cette dernière lui a répondu le 29 mars 2021.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, le 25 février 2022, Monsieur [F] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes de demandes en paiement à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement en date du 11 avril 2023, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré Monsieur [F] [D] recevable mais mal fondé en ses demandes,

- dit que le licenciement de Monsieur [F] [D] repose sur une faute grave,

- débouté Monsieur [F] [D] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SARL [M] Transports de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [F] [D] aux dépens.

Le 11 mai 2023, Monsieur [F] [D] a formé une déclaration d'appel.

Dans ses écritures en date du 2 août 2023, il demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il :

- l'a déclaré mal fondé en ses demandes,

- a dit que son licenciement repose sur une faute grave,

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamné aux dépens,

et, y substituant, de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel et en ses demandes,

- condamner la SARL [M] Transports à lui payer les sommes de :

. 1159 euros à titre de rappel de salaire (mise à pied),

. 2559,60 euros au titre de l'indemnité de préavis,

. 255,96 euros au titre des congés payés y afférents,

. 426,60 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

. 2559,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

. 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

- condamner la SARL [M] Transports à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL [M] Transports aux dépens.

Dans ses écritures en date du 30 octobre 2023, la SARL [M] Transports demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

subsidiairement,

- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter Monsieur [F] [D] de ses demandes à titre de dommages-intérêts non justifiées,

- condamner Monsieur [F] [D] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [F] [D] aux dépens.

Motifs :

- Sur le licenciement verbal :

Monsieur [F] [D] reproche en premier lieu aux premiers juges de ne pas avoir retenu qu'il avait fait l'objet d'un licenciement verbal et comme tel abusif.

Il soutient que la décision de le licencier était prise avant le début de la procédure et en toute hypothèse avant l'entretien préalable, dès lors qu'un salarié embauché le 12 février 2021 reprenait ses fonctions le lundi 15 février 2021, que l'employeur l'a informé oralement le 13 février 2021 de sa décision de le licencier sans motif et sans respect de la procédure de licenciement, qu'il a alors informé l'un de ses collègues de son licenciement qui lui a donné une boîte pour retirer ses affaires personnelles qui se trouvaient dans le véhicule qu'il conduisait.

La SARL [M] Transports conteste avoir notifié à Monsieur [F] [D] le 13 février 2021 son licenciement, mais lui avoir à cette date fait signer sa convocation en vue de l'entretien préalable à licenciement et notifié sa mise à pied à titre conservatoire, qu'il adressait au salarié ensuite en copie à sa demande. Il ajoute que ce dernier a vidé le véhicule de ses effets personnels, alors que celui-ci devait faire l'objet de réparations le 15 février 2021 et qu'il a remis de colère les clés.

La SARL [M] Transports produit aux débats la convocation à entretien préalable prévu le 23 février 2021, assortie d'une mise à pied à titre conservatoire, que Monsieur [F] [D] a signée en apposant la date du 13 février 2021. Aucune copie n'était toutefois remise à Monsieur [F] [D].

C'est dans ces conditions que le jour même, celui-ci s'adressait en ces termes, par SMS, à son employeur : 'suite à notre discussion de ce matin merci de m'envoyer une convocation écrite vu que tu m'as demandé de vider mon camion et de ne pas partir lundi ....merci d'avance, lequel lui répondait qu'il lui enverrait 'le document de ce matin', échange que Monsieur [F] [D] concluait en écrivant : 'OK très bien'.

Si Monsieur [F] [D] a par ailleurs vidé son camion de ses effets personnels, c'est en raison de son immobilisation prévue chez le concessionnaire à compter du 15 février 2021, dont il est justifié.

Il ressort donc de ces éléments que la SARL [M] Transports n'a pas notifié à Monsieur [F] [D] son licenciement verbal le 23 février 2021, mais qu'elle a entamé à cette date une procédure de licenciement.

La seule concomitance du recrutement d'un salarié et de la procédure de licenciement ne suffit pas à établir que la décision de licencier Monsieur [F] [D] était déjà prise alors que la SARL [M] Transports fait valoir qu'elle emploie plus de 11 salariés.

Dans ces conditions, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [D] de sa demande tendant à voir retenir le caractère oral de son licenciement.

- Sur la faute grave :

Monsieur [F] [D] reproche aux premiers juges d'avoir retenu que la faute grave était établie alors que les motifs évoqués dans la lettre de licenciement sont erronés et insusceptibles de justifier un licenciement, qui plus est pour faute grave.

La SARL [M] Transports demande à la cour de confirmer le jugement soutenant que les 4 griefs reprochés à Monsieur [F] [D] sont établis et constitutifs d'une faute grave.

Il appartient à la SARL [M] Transports de rapporter la preuve d'une telle faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis.

La SARL [M] Transports reproche en premier lieu à Monsieur [F] [D] une négligence professionnelle sur le respect des distances de sécurité entre véhicules, à l'occasion d'un accident de la circulation le 8 février 2021, lors de la conduite de son véhicule sur l'autoroute.

Or, c'est à raison que les premiers juges ont retenu qu'un tel grief n'était pas constitué. En effet, il ne ressort nullement du constat amiable d'accident automobile que Monsieur [F] [D] n'a pas respecté les distances de sécurité, alors que c'est l'autre véhicule impliqué dans l'accident qui a tapé le muret de droite, ce qui l'a renvoyé devant le véhicule conduit par Monsieur [F] [D].

Il est ensuite reproché à Monsieur [F] [D] d'avoir eu une attitude menaçante à l'égard de son supérieur hiérarchique le 22 janvier 2021 en haussant le ton, en lui disant 'tu me connais pas, tu verras qui je suis', en le montrant du doigt de façon menaçante.

La SARL [M] Transports établit la réalité de ce grief au vu des attestations produites qui relatent une telle attitude de Monsieur [F] [D] : celle du supérieur hiérarchique, frère du gérant (pièce n°12), celle de salariés présents (pièces n°13 et 14) et celle de l'épouse du gérant. Ces attestations ne sont pas privées de force probante au seul motif qu'elles émanent de salariés de la SARL [M] Transports ou de proches.

Une telle attitude n'est pas justifiée par la prétendue crainte de Monsieur [F] [D] de se trouver dans un local exigu 'en face des trois frères [M] qui pratiquent en parallèle la boxe'. En effet, le local n'était pas exigu (environ 15 m²) et la présence des trois frères n'est pas établie. Cette attitude ne relève pas non plus de la liberté d'expression, comme le soutient à tort Monsieur [F] [D].

Aux termes de la lettre de licenciement, la SARL [M] Transports reproche encore à Monsieur [F] [D] d'avoir dénigré la société et ses responsables en déclarant qu'il n'était pas possible de travailler avec les arabes car ils ont une autre façon de travailler. Il importe peu que la SARL [M] Transports ne soit pas revenue sur ce grief, dans sa lettre en réponse à la demande de précision par le salarié des motifs du licenciement, qui ne portait pas sur ce point.

Un tel grief est établi au vu du contenu des attestations de 3 salariés (pièces n°13, 14 et 17). Peu importe à cet effet que Monsieur [F] [D] produise l'attestation d'un ami d'origine étrangère qui atteste qu'il n'a jamais eu de propos racistes envers qui que ce soit.

La SARL [M] Transports reproche enfin à Monsieur [F] [D] d'avoir aussi déclaré avoir l'intention de prendre des éléments clientèle et le savoir-faire de la société pour aller travailler et donner la liste de clientèle à la société TBI.

Ce grief est établi par la production de l'attestation d'un collègue de Monsieur [F] [D] (pièce n°17), dans laquelle celui-ci relate que ce dernier lui avait déclaré : 'de ttes façons, j'ai déjà pris contact avec TBI et avec mon copain [X] ont va leur prendre des clients de [M] Transports et sa va leur faire mal'. C'est donc vainement dans ces conditions que Monsieur [F] [D] soutient que seul le dénommé [X] serait en cause. Il importe peu par ailleurs, contrairement à ce que soutient Monsieur [F] [D], qu'il ne connaissait pas le fichier client alors que la SARL [M] Transports lui objecte à raison qu'il 'savait très bien où il chargeait et où il déchargeait'.

Un tel comportement de la part de Monsieur [F] [D], de menace envers un supérieur hiérarchique et de dénigrement de la société par la tenue de propos à connotation raciste, et l'intention affichée de se soustraire à son obligation de loyauté envers son employeur, et ce en l'espace de quelques jours, constituent une faute grave.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [F] [D] repose sur une faute grave et en ce qu'il l'a par voie de conséquence débouté de ses demandes de rappel de salaire de mise à pied conservatoire, dès lors que celle-ci était fondée, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés y afférents et de dommages-intérêts pour licenciement abusif. Il doit encore être confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral en lien avec un licenciement infondé.

**********

Le jugement doit être confirmé du chef des dépens et en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [D] de sa demande d'indemnité de procédure.

Partie succombante, Monsieur [F] [D] doit être condamné aux dépens d'appel, débouté de sa demande d'indemnité de procédure et condamné en équité à payer à la SARL [M] Transports la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant :

Condamne Monsieur [F] [D] à payer à la SARL [M] Transports la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Déboute Monsieur [F] [D] de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur d'appel ;

Condamne Monsieur [F] [D] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00801
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;23.00801 ?
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