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17/04/2024 | FRANCE | N°22/02061

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 17 avril 2024, 22/02061


Arrêt n°

du 17/04/2024





N° RG 22/02061





MLS/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024





APPELANT :

d'un jugement rendu le 2 décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Encadrement (n° F 21/00122)



Monsieur [Y] [V]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Morgane SOZZA, avocat au barreau de l'AU

BE





INTIMÉE :



S.A.S. PETIT BATEAU

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par la SELARL CAPSTAN LMS, avocats au barreau de PARIS

DÉBATS :



En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code d...

Arrêt n°

du 17/04/2024

N° RG 22/02061

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 2 décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Encadrement (n° F 21/00122)

Monsieur [Y] [V]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Morgane SOZZA, avocat au barreau de l'AUBE

INTIMÉE :

S.A.S. PETIT BATEAU

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL CAPSTAN LMS, avocats au barreau de PARIS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 avril 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé des faits et de la procédure :

M. [Y] [V], embauché depuis le 25 mars 2019 en qualité de directeur strategic supply chain, puis de directeur planning et approvisionnements a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 20 janvier 2021 par la société Petit bateau.

Le 27 mai 2021, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes de demandes tendant à :

à titre principal,

- faire annuler la convention de forfait, et la dire à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- faire fixer son salaire moyen à 15 803,40 euros,

- faire dire son licenciement nul, et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,

- faire condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

. 9 487 euros au titre de la part variable de sa rémunération pour 2019 et 2020,

. 948,70 euros de congés payés afférents,

. 132 301,75 euros d'heures supplémentaires de mars 2019 à décembre 2020,

. 13 230,17 euros de congés payés afférents,

. 74 422,25 euros en paiement des heures de travail dépassant le contingent d'heures supplémentaires,

. 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du non-respect des amplitudes,

. 3 392,87 euros de reliquat d'indemnité de licenciement,

. 94 820,40 euros d'indemnité de travail dissimulé,

. 142 830,60 euros et à tout le moins 55 311,90 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice économique,

. 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la demande de paiement de la part variable 2020 était rejetée et que la demande d'heures supplémentaires était accueillie,

- faire dire nul et à tout le moins sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

- faire fixer le salaire moyen à 15 053,40 euros,

- faire condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

. 132 301,75 euros d'heures supplémentaires de mars 2019 à décembre 2020,

. 13 230,17 euros de congés payés afférents,

. 74 422,25 euros en paiement des heures de travail dépassant le contingent,

. 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du dépassement des amplitudes,

. 3 017,87 euros de reliquat d'indemnité de licenciement,

. 94 320,40 euros d'indemnité de travail dissimulé,

. 142 830,60 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice économique, et à tout le moins 52 686,90 euros,

. 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral,

à titre infiniment subsidiaire, en cas de rejet des demandes de paiement de la part variable de la rémunération et des heures supplémentaires,

- faire fixer le salaire moyen à 9 000 euros,

- faire condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

. 54 000 euros d'indemnité de travail dissimulé,

. 81 000 euros et à tout le moins 31 500 euros de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice économique,

. 20 000 euros en réparation d'un préjudice moral ;

en tout état de cause,

- faire condamner l'employeur à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- faire condamner l'employeur aux dépens de l'instance.

En réplique, l'employeur a conclu à l'irrecevabilité de la demande d'indemnité de travail dissimulé, et au rejet du surplus des demandes. A titre subsidiaire, il a sollicité la condamnation du salarié à lui payer 6 873,75 euros outre 687,37 euros au titre de jours RTT indûment perçus et en tout état de cause la condamnation du salarié à lui payer la somme de 2 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire rendu le 2 décembre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit les demandes recevables et partiellement fondées,

- dit que le licenciement était pourvu d'une cause réelle et sérieuse en raison de l'insuffisance professionnelle,

- dit que la convention de forfait était privée d'effet,

- condamné la société employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

. 23 859,62 euros au titre des heures supplémentaires,

. 2 385,96 euros de congés payés afférents,

. 7 714,20 euros de dépassement du contingent annuel,

. 771,42 euros de congés payés afférents,

. 1 315,58 euros d'indemnité légale de licenciement,

- débouté le salarié du surplus de ses demandes,

- condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné l'employeur aux dépens.

Le 6 décembre 2022, le salarié a interjeté appel du jugement sauf en ce qu'il a dit les demandes recevables et partiellement fondées et en ce qu'il a condamné l'employeur aux frais irrépétibles et aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 février 2024.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2023, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement, de faire droit à ses demandes initiales et de condamner l'employeur à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en sa partie ayant débouté le salarié, d'infirmer les condamnations et le rejet de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles en réparant l'omission de statuer sur sa demande de remboursement des jours RTT qu'elle réitère. A titre subsidiaire, si la cour considérait nulle ou inopposable la convention de forfait, elle demande remboursement par le salarié de la différence de rémunération à hauteur de 100 255 euros bruts. Elle sollicite 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Motivation :

1- l'exécution du contrat de travail

- la rémunération variable

Le salarié expose que son contrat prévoyait une rémunération variable en fonction de ses objectifs personnels et des résultats de l'entreprise fixés chaque année pour son périmètre de responsabilité ; que pour l'année 2019, sur la base d'un objectif atteint à 75 % il n'a pas perçu toute la rémunération variable qui lui était due de sorte qu'un reliquat de 1 905,45 euros lui reste dû ; que l'employeur ne lui a pas communiqué les éléments objectifs justifiant du versement de la somme de 3 150 euros à ce titre et qu'il ne peut, sans en justifier, prétendre que les objectifs n'ont pas été atteints. Il prétend que les évaluations sont faites arbitrairement par l'employeur qui ne justifie pas sa méthode d'évaluation des taux de réalisation des objectifs. Il critique le jugement qui aurait dénaturé son moyen en insistant sur le fait qu'il ne prétend pas ne pas avoir été informé des objectifs à atteindre mais ne pas avoir été informé des éléments permettant le calcul de la part variable de sa rémunération, notamment la méthode d'évaluation de la réalisation des objectifs.

A titre subsidiaire, il prétend que les objectifs étaient irréalisables.

L'employeur soutient que le salarié connaissait les objectifs à atteindre qui lui ont été notifiés ainsi que les résultats obtenus et le mode de calcul de la prime ; que la totalité de la rémunération variable ne pouvait être versée en l'état d'un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Le contrat de travail prévoyait une rémunération variable stipulée de la manière suivante : « à cette rémunération fixe s'ajoutera une part variable d'un montant cible représentant 10 % du salaire brut de base annuelle, sous réserve de l'atteinte des objectifs personnels du salarié et des résultats économiques fixés chaque année pour son périmètre de responsabilité. En cas d'année incomplète, cette part variable sera versée prorata Temporis selon les modalités d'attribution définie chaque année par la direction de l'entreprise. »

Pour l'année 2019 le salarié ne conteste pas le pourcentage de réalisation de ses objectifs individuels, mais calcule sa rémunération variable en omettant d'inclure dans son calcul la variable relative aux résultats économiques, et pour ce qui concerne l'année 2020, réclame l'intégralité de la rémunération variable en faisant valoir pour les deux années que l'employeur ne justifie pas les éléments objectifs et matériellement vérifiables qui ont servi de base au calcul de la part variable de sa rémunération.

C'est vainement que l'employeur soutient avoir communiqué les objectifs fixés et les résultats constatés, dès lors que le salarié ne conteste pas avoir eu connaissance de ses objectifs, mais conteste avoir eu connaissance des éléments objectifs et vérifiables retenus par l'employeur pour déterminer les variables servant de base au calcul de la rémunération.

En effet, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément au contrat. Toutefois, il incombe à l'employeur de justifier les éléments permettant ce calcul en les communiquant en vue de la discussion contradictoire.

En l'espèce, l'employeur produit en pièce 29 et 30 de son dossier un document relatif à la réalisation des objectifs 2019 et à la fixation des objectifs pour 2020. En revanche, aucune pièce ne permet de justifier les éléments permettant le calcul de la rémunération, dans la mesure où les constats faits par l'employeur ne sont corroborés par aucun élément vérifiable. L'employeur ne peut écarter la rémunération variable en se référant à de prétendues graves erreurs et anomalies commises par le salarié sans justifier en quoi les objectifs qui lui ont été assignés n'ont pas été atteints, et sans justifier le pourcentage de réalisation de ces objectifs.

Par conséquent, il faut faire droit à la demande du salarié, soit l'allocation d'une somme de 9 487 euros outre congés payés afférents, par infirmation du jugement.

- le forfait jour

Le salarié expose que la convention de forfait est nulle dès lors que la convention collective sur laquelle elle repose ne contient pas les mesures suffisantes pour permettre un suivi de la charge de travail. Il affirme que le contrat de travail renvoie à un contrat d'entreprise qui ne prévoit pas davantage de mesure de suivi du respect des temps de repos. Il critique le jugement qui n'a pas répondu à ce moyen.

A titre subsidiaire, il prétend que la convention est privée d'effet, dans la mesure où les mesures de suivi prévues aux accords collectifs et par l'article L3121-65 du code du travail n'ont pas été respectées notamment la tenue d'un entretien annuel et le respect des repos quotidiens et hebdomadaires.

L'employeur soutient au contraire que le forfait jour est valable car prévu par la convention collective de l'industrie textile, par l'accord d'entreprise du 18 janvier 2012, et par un avenant au contrat de travail accepté par le salarié. Il fait observer que le système de forfait jour mis en place dans l'entreprise a déjà été validé par le conseil de prud'hommes de Troyes. Il ajoute que les garanties étaient appliquées. Si la cour estimait que les garanties n'ont pas été respectées il rappelle que la sanction n'est pas la nullité et que dans ce cas la convention serait privée d'effet.

Le contrat de travail soumettait le salarié au régime du forfait jours prévu dans l'accord sur l'aménagement du temps de travail en vigueur dans l'entreprise. Il était précisé par ailleurs, que « le salarié veillera dans l'organisation de son rythme de travail à tenir compte de l'organisation de la société, et fera part à sa hiérarchie de toute difficulté qu'il rencontrerait, d'une part à demeurer dans le cadre du forfait jours et d'autre part pour organiser son activité, afin de faire face à sa charge de travail et de respecter notamment dans tous les cas un temps de repos quotidien minimal de 11 heures ainsi que le repos hebdomadaire de 24 heures. À cet effet, il devra veiller à faire un usage raisonnable des moyens de communication technologies mise à sa disposition et s'en déconnectera pendant ses temps de repos obligatoire. »

L'accord du 18 janvier 2012 sur les salaires la durée effective et l'organisation du travail, organise le régime du forfait jours en rappelant les repos quotidiens et hebdomadaires, et en prévoyant un contrôle du nombre de jours travaillés, en prévoyant de faire figurer sur les bulletins de paie le nombre, la date des jours travaillés ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels, jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé. Il était prévu un contrôle régulier par la société du nombre de jours travaillés. L'accord instaurait également un suivi de l'organisation et de la charge de travail en prévoyant que le supérieur hiérarchique du salarié devait assurer le suivi régulier de l'organisation du travail du salarié de sa charge de travail. S'y ajoute un entretien annuel au cours duquel l'organisation et la charge de travail du salarié sont évoquées ainsi que l'amplitude des journées de travail.

Cet accord d'entreprise met en 'uvre les dispositions de l'accord national du 16 octobre 1998 relatif à la durée du travail, lequel ne prévoit aucune des garanties exigées par les articles L 3121-64 et L 3121-65 du code du travail.

Comme le fait remarquer le salarié, l'accord d'entreprise ne remplit pas les exigences du 1° II de l'article L3121-64 mentionné ci-dessus en ce sens qu'il ne prévoit pas les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié. En effet affirmer, comme c'est le cas dans l'accord d'entreprise, que le supérieur hiérarchique doit assurer le suivi régulier de l'organisation de travail du salarié et de sa charge de travail n'équivaut pas à préciser les modalités d'évaluation de la charge de travail, ni du suivi régulier de la charge de travail. L'entretien annuel prévu à l'accord d'entreprise remplit les conditions du 2° II de l'article L3121-64 précité et non pas celles du 1° II de ce texte.

L'article L3121-65 du même code permet de pallier le défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° du II de l'article L 3121-65 sous réserve que l'employeur établisse un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, et que l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié soit compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire, qu'en outre il organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération.

Or, l'employeur ne justifie pas avoir levé les réserves précitées de sorte que la convention de forfait doit, par infirmation du jugement, être déclarée nulle.

- les heures supplémentaires

Le salarié appelant soutient que l'annulation du forfait jour lui ouvre droit au paiement des heures supplémentaires et prétend apporter des éléments précis sur son temps de travail journalier et quotidien alors que l'employeur, qui critique ces éléments, ne justifie pas de la réalité des heures effectuées. Il affirme que sur la période de mars à août 2020, le conseil de prud'hommes a inversé la charge de la preuve en retenant que son planning n'était pas probant et en ne tirant pas les conséquences de l'absence d'éléments de preuve de l'employeur, pourtant sommé de produire les pièces justificatives de la réalité de l'activité salariée. Sur la période d'août 2020 à décembre 2020, c'est à tort que le conseil de prud'hommes a déduit les temps de pause en raison de l'autonomie dont il disposait dans l'organisation de son temps de travail, alors qu'il appartient à l'employeur de justifier le respect des temps de travail et des amplitudes. Il soutient par ailleurs que les premiers juges ont statué ultra petita.

L'employeur soutient que le salarié ne démontre pas avoir réalisé les heures supplémentaires qu'il allègue puisqu'il s'appuie sur un décompte établi sur un prétendu emploi du temps et que les tableaux sont insuffisants à rapporter la preuve des heures supplémentaires. Il soutient que ces relevés n'ont pas été établis au jour le jour mais ont été reconstitués postérieurement à la rupture et qu'ils ne sont étayés par aucun document permettant de vérifier la véracité des heures de prise de poste et de fin de poste. Il critique le décompte sur différents points en déduisant son manque de fiabilité. Il conteste également la force probante des mails et notes. Il ajoute que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'accord de l'employeur pour effectuer les heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées. Si la cour devait être convaincue de l'existence d'heures supplémentaires, il demande la réduction du quantum pour tenir compte des heures non adossées à des mails.

L'annulation de la convention de forfait a pour conséquence de soumettre le salarié au régime du temps de travail légal de 35 heures hebdomadaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié produit des décomptes de son temps de travail au fil des semaines et des mois, ce qui est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de justifier de la réalité du temps de travail réalisé par le salarié. Il importe peu que le décompte ne soit pas réalisé au jour le jour, pourvu qu'il soit suffisamment précis comme c'est le cas en l'espèce. Sauf à faire peser la charge de la preuve exclusivement sur le salarié, l'employeur ne peut soutenir une absence d'étayement ou de fiabilité de ce décompte pour écarter les heures supplémentaires. En effet en présence d'un décompte suffisamment précis, il lui appartient d'apporter la preuve de la réalité des heures effectuées par le salarié, ce qu'il ne fait pas. En outre, il est vain de venir soutenir une absence de preuve que les heures supplémentaires ont été effectuées à la demande de l'employeur, dès lors que l'employeur, en plaçant le salarié, par ailleurs cadre de l'entreprise, sous un régime de forfait jours, avec un salaire brut mensuel de 7500 euros incluant les heures supplémentaires, auquel s'ajoute une rémunération variable et une prime conséquente, a nécessairement confié au salarié une charge de travail dépassant 35 heures hebdomadaires.

C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes a retenu l'existence d'heures supplémentaires.

Selon le décompte du salarié, non contredit pas les pièces du dossier de l'employeur, ce sont 1 885,50 heures qui ont été effectuées sur la période litigieuse, soit :

- 658 heures effectuées en 2019 (2,75 à 25 % et 574,25 à 50 %),

- 1037,50 heures effectuées en 2020 (336,75 à 25 % et 700,75 heures à 50 %).

Toutefois le salarié a réduit sa demande à 1 885 heures.

Cependant c'est à tort que les premiers juges ont fait droit partiellement à la demande. En effet, le salarié ne peut évaluer son salaire horaire à partir de son salaire de base lequel est forfaitaire et comprend déjà des heures supplémentaires comme l'indique l'article 6 de l'annexe IV de la convention collective des industries textiles, relative aux ingénieurs et cadres. Aussi, sur la base d'un salaire minimal conventionnel mensuel brut de 3 474 euros, comme stipulé dans l'accord du 29 mars 2018, que l'employeur admet être en réalité de 3 479 euros, le salarié aurait du percevoir, sur la période litigieuse, un total de 135 206,02 euros y compris les heures supplémentaires (73 861,84 euros de salaire de base + 61 344,18 d'heures supplémentaires). Or, il a perçu au total la somme de 159 286 euros au titre des salaires forfaitaire de base incluant les heures supplémentaires. Il n'est pas démontré qu'un salaire supérieur aurait été servi au salarié, qui avait un an d'ancienneté dans la fonction, en cas de rémunération sur une base de 35 heures hebdomadaires, Aussi, la demande de paiement d'heures supplémentaires n'est pas fondée et sera rejetée par infirmation du jugement sur ce point et sur les congés payés afférents.

- le dépassement du contingent

Le salarié appelant soutient qu'il a réalisé des heures supplémentaires au-delà du contingent d'heures supplémentaires sans bénéficier des repos correspondants et que l'employeur ne peut prétendre écarter certaines heures sans produire les justificatifs des heures travaillées. Il prétend obtenir en cause d'appel la somme de 74 422,25 euros au titre du paiement des heures dépassant le contingent. L'employeur conteste les heures supplémentaires par des moyens rappelés plus haut et par conséquent l'existence d'heures en dépassement du contingent. A titre subsidiaire, il sollicite leur réduction.

Compte tenu des heures supplémentaires retenues plus haut, en dépassement du contingent de 190 heures, pour un total de 1505 heures, compte tenu de l'effectif de l'entreprise, et sur la base d'un salaire horaire brut de 22,93 euros c'est une somme 37 960,61 euros qui est due incluant les congés payés. Le jugement sera infirmé sur ce point.

- le respect des amplitudes

Le salarié appelant soutient que ses amplitudes hebdomadaires étaient souvent de 51 heures ou 63 heures, comme le montrent les échanges de mails tardifs. Il fait observer que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur ce point et sollicite des dommages et intérêts à ce titre.

L'employeur, qui supporte la charge de la preuve, ne justifie pas du respect des amplitudes, alors que le salarié verse aux débats un relevé d'heures mettant en évidence le dépassement fréquent des amplitudes maximales. Aussi, le préjudice nécessaire qui en découle sur une durée contractuelle d'un peu plus de deux années, sera réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euros.

- le travail dissimulé

Le salarié a formé une demande au titre du travail dissimulé à laquelle l'employeur a opposé une fin de non recevoir fondée sur les dispositions de l'article R 1452-2 du code du travail.

. la recevabilité

L'employeur soutient que la demande est nouvelle car non comprise dans la requête initiale et formulée en cours de procédure en première instance.

Le salarié prétend, à raison, que les demandes incidentes sont recevables conformément aux dispositions de l'article 63 et 70 du code de procédure civile et que la demande au titre du travail dissimulé a un lien suffisant avec les demandes salariales au titre des heures supplémentaires.

Le moyen sera donc rejeté par confirmation du jugement sur la recevabilité.

. le fond

Le salarié soutient qu'il a travaillé au-delà des amplitudes légales, selon une convention de forfait illicite, sans que les heures travaillées en dépassement ne figurent sur les bulletins de paie. Il reproche aux premiers juges d'avoir renversé la charge de la preuve en le déboutant au motif qu'il ne démontrait pas avoir travaillé au-delà des limites fixées par le contrat de travail alors qu'il appartient à l'employeur de justifier le respect des amplitudes et des doits au repos.

L'employeur prétend que le forfait jours était valide et respecté, et que la demande d'heures supplémentaires est mal fondée de sorte que la demande d'indemnité de travail dissimulé est également mal fondée. En tout état de cause il prétend non établie la preuve que les manquements allégués auraient été intentionnels en rappelant que l'intention ne découle pas de la seule reconnaissance d'heures supplémentaires. Il fait observer que le salarié a toujours été déclaré, a perçu mensuellement ses bulletins de paie, et une rémunération largement supérieure aux minima conventionnels.

L'annulation de la convention de forfait ne peut à elle seule caractériser le travail dissimulé. A partir du moment où le salarié était au forfait, l'employeur était fondé à ne pas faire apparaître sur les bulletins de paie, les heures effectivement réalisées. De plus, en considérant que les salaires forfaitaires payés dépassent le minimum conventionnel, l'élément moral manque pour caractériser le travail dissimulé de sorte que le jugement, qui a rejeté la demande sera confirmé.

2 - la rupture du contrat de travail

- le bien fondé du licenciement

Le salarié soutient que le licenciement est nul faute de qualité du signataire de la lettre de licenciement et fait grief aux premiers juges d'avoir été convaincu de l'existence de cette qualité sans justification d'une délégation de pouvoir. A titre subsidiaire il soutient que l'insuffisance professionnelle n'est pas établie, en rappelant que l'insuffisance professionnelle ne peut résulter que d'éléments objectifs, précis, vérifiables, qu'elle doit être durable et être imputable au salarié et non aux conditions de travail ou à la conjoncture économique. Il affirme que l'employeur ne justifie pas d'éléments objectifs, précis et vérifiables ; qu'il se contente d'invoquer une insuffisance de résultat sans justifier de sa méthode d'évaluation de la réalisation des objectifs ; qu'au contraire il démontre avoir rempli partiellement ses objectifs ; qu'il n'a pas fait l'objet de reproche ou de rappel à l'ordre pendant l'exécution contractuelle ; qu'il a même fait l'objet d'une promotion en avril 2020 ; que bon nombre de dysfonctionnements qui lui sont imputés relevaient de la responsabilité de collaborateurs qui l'ont informé tardivement de certaines difficultés qu'il a traitées sans délai ; que de plus, il a toujours enregistré de bonnes performances malgré des difficultés externes liées à la pandémie de COVID, à des difficultés de passation de poste avec son prédécesseur, à une absence de formation aux spécificités du secteur textile, au départ de son N+1 sans remplacement, à une équipe mal structurée qu'il a du remanier pour la rendre opérationnelle, à des changements organisationnels fréquents, à une absence d'accompagnement. Il reproche aux premiers juges d'avoir adopté la version de l'employeur sans égard pour les moyens qu'il a développés. L'employeur intimé soutient que le salarié a été licencié par le directeur des exploitations, lequel appartient au comité directeur et rapporte au président de sorte qu'il avait tout pouvoir de licencier en affirmant qu'aucune disposition ne crée d'obligation d'émettre un pouvoir pour permettre à un directeur de société de procéder à un licenciement et en rappelant que la haute juridiction admet que le président peut ratifier explicitement ou implicitement la décision de licencier notamment en soutenant la validité du licenciement comme c'est le cas en l'espèce. Il affirme que le salarié était défaillant dans l'exécution de sa mission tant sur les aspects opérationnels que managériaux à savoir qu'il était dans l'incapacité d'assurer la fonction logistique, de planifier les besoins de production adéquats, d'assurer la livraison des matières premières en temps et en heure, d'assurer le suivi de la production par le biais du logiciel OSCAR et qu'il avait un mode de management inadapté alors qu'il a fait l'objet d'un accompagnement rapproché.

La lettre de licenciement a été signée par le directeur des opérations à qui le président de la société a délégué son pouvoir comme il en atteste dans un courrier du 4 avril 2022. Aussi, et peu importe l'absence d'écrit préalable, le moyen tiré du défaut de pouvoir, dans une société commerciale, ne peut prospérer.

Il est reproché au salarié des défaillances techniques, ainsi que des défaillances de management.

Au titre des défaillances techniques trois exemples sont cités à titre d'illustration, à savoir :

- l'augmentation de la capacité de production de l'usine sous-traitante sans vérifier ses besoins,

- l'incapacité à assurer la livraison d'échantillons,

- l'absence de traitement des anomalies liées au paramétrage du logiciel Oscar.

Ces défaillances sont attestées par les pièces produites par l'employeur (11,13, 14,16, 17, 18, 19, 34). Ces pièces montrent en effet que le salarié ne repère pas les anomalies, qu'il réagit tardivement en donnant des ordres à ses subordonnés, sans élaborer précisément des plans d'action. Ainsi, sur les erreurs de paramétrage son interlocuteur lui fait remarquer que le mode de révélation de l'anomalie est lui-même anormal et qu'il y a lieu d'être inquiet sur les contrôles des données en planification, ce à quoi le salarié répond : « je ne peux juger finement de savoir si [E] fait des erreurs qui ne devraient pas exister suite à la formation ou si c'est sa nouveauté qui fait que tout n'est pas parfait et que de temps en temps passe à côté. » Il ajoute que son équipe ne semble pas avoir assimilé les modes de gestion de certains paramètres, ce à quoi son interlocuteur lui répond que ces paramètres n'ont rien à voir avec le problème.

Les pièces versées aux débats par le salarié ne permettent pas de combattre efficacement ces éléments de preuve.

Au titre des défaillances de management, trois exemples sont cités à titre d'illustration, à savoir :

- une application réduite sur le projet New shape lors de l'intervention du cabinet Roland Berger,

- une absence d'information aux équipes,

- des pratiques managériales déstabilisantes dont se plaignent les collaborateurs.

En pièce 19, 26 et 27 de son dossier l'employeur produit des attestations de salariés qui se plaignent effectivement d'un management nuisible à l'efficacité.

Hormis l'absence d'implication, les griefs sont donc réels. Toutefois, c'est à raison que le salarié invoque un manque de formation aux spécificités des métiers du textile. En effet, l'accompagnement dont fait état l'employeur dans la lettre de licenciement est en réalité un programme d'intégration du 25 mars 2019 au 16 avril 2019 lors de sa prise de fonction au poste de directeur strategic supply planning. Cette intégration consistant en une visite de divers services à raison d'une à deux heures par service n'équivaut pas à une formation sérieuse pour s'assurer de l'adéquation du salarié à son poste de travail.

Par conséquent, le licenciement doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé y compris concernant le rejet de la demande.

Le salarié peut donc prétendre à des dommages intérêts en fonction du barème légal de l'article L 1235-3 du code du travail. Sur la base d'un salaire brut mensuel de 7 032,54 euros incluant le salaire de base, la rémunération variable et les heures supplémentaires, cette indemnisation, comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire, doit être comprise entre 21 097,62 euros et 24 613,89 euros.

Compte tenu de l'ancienneté, du niveau de salaire, de l'indemnisation après la rupture et des charges de famille, la somme de 24 600 euros réparera entièrement le préjudice économique invoqué.

- le préjudice moral

Le salarié prétend avoir subi un préjudice moral en ce qu'il a été licencié dans des circonstances brutales et vexatoires et qu'il a du quitter son poste sans délai devant son équipe alors qu'il lui est reproché une insuffisance professionnelle qui n'est pas justifiée. Il affirme que les conditions de la rupture ont nui à son image auprès de ses collègues et ont déclenché un syndrome anxio dépressif médicalement constaté par son médecin traitant qui le connaît et le suit depuis plusieurs années et par un médecin spécialisé en psychologie du travail.

L'employeur soutient que le caractère vexatoire du licenciement n'est pas démontré et que le traumatisme allégué est inhérent à la rupture du contrat de travail dont le bien fondé est justifié. Il critique le certificat médical qui serait selon lui contraire à l'article 8 du code de déontologie médicale qui interdit la délivrance de certificat de complaisance. Il critique le certificat du psychologue qui ne fait que reprendre les dires du salarié et fait observer qu'aucun décès professionnels ne connaît l'entreprise.

Le salarié justifie, au moyen de certificats médicaux, avoir subi un traumatisme postérieurement à la période de licenciement, Toutefois pour en obtenir indemnisation, il doit pouvoir l'imputer à la faute de l'employeur, dans la mesure où, en matière de responsabilité contractuelle, la condamnation au paiement de dommages-intérêts suppose l'existence d'une faute, d'un préjudice, et un lien de causalité entre eux.

Or, aucune faute ne peut être reprochée à l'employeur qui a procédé régulièrement au licenciement après avoir dispensé le salarié d'activité, étant ajouté qu'aucune pièce du dossier ne permet de caractériser l'aspect vexatoire de la rupture ou sa brutalité autre que celle inhérente à toute procédure de licenciement, dont le mal fondé a été indemnisé.

C'est donc à raison que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande dans son jugement qui sera confirmé sur ce point.

3 - les autres demandes

- le remboursement RTT

L'employeur sollicite, dans l'hypothèse où il serait fait droit aux heures supplémentaires, la restitution des sommes versées au titre des RTT.

Le salarié, intimé sur cette question, soutient que la répétition de l'indû peut être réduite à néant en raison de la faute du créancier qui, en mettant en place un forfait illicite, à l'origine de l'indû, le tout en application des dispositions de l'article 1302-3 du code civil.

Selon ce texte, la restitution peut être réduite si le paiement procède d'une faute.

Certes, les jours de repos RTT étant la conséquence d'un forfait jour illicite, ils procèdent nécessairement d'une faute.

Toutefois, le salarié, qui ne conteste pas dans cette hypothèse l'indû, mais uniquement sa restitution, ne justifie pas le préjudice subi, ni la proportion dans laquelle la réduction doit se faire.

Aussi, il sera condamné à rembourser à l'employeur la somme de 6 873,75 euros outre 687,37 euros de congés payés afférents soit au total la somme de 7 561,12 euros.

- le remboursement des salaires

L'employeur prétend que le salaire accordé au salarié dépendait de son niveau de responsabilité et du forfait jour et que ce salaire aurait été inférieur en l'absence d'un tel régime. Dans l'hypothèse où le forfait jours serait déclaré nul ou privé d'effet il demande remboursement des salaires trop perçus et correspondant à la différence entre les salaires perçus et le salaire minimal conventionnel de sa catégorie. Le salarié, intimé sur cette question, soutient que la répétition de l'indû peut être réduite à néant en raison de la faute du créancier qui, en mettant en place un forfait illicite est à l'origine de l'indû, le tout en application des dispositions de l'article 1302-3 du code civil. Il fait également observer que cette demande ne repose sur aucun fondement juridique légal ou jurisprudentiel. La demande fondée sur la répétition de l'indû est bien fondée dès lors que l'employeur a payé des salaires forfaitaires et non des salaires basés sur 35 heures hebdomadaires outre heures supplémentaires. Toutefois, le salarié a perçu sur la période litigieuse un total de salaires de 159 286 euros alors que les minima conventionnels lui ouvraient droit à un total de 135 206,02 euros incluant les heures supplémentaires, soit un différentiel de 24 079,98 euros. Pour les mêmes raisons que précédemment, le moyen tiré de l'article 1302-3 du Code civil sera rejeté.

- le salaire moyen

Le salarié demande à la cour de recalculer le salaire moyen devant servir de base au calcul de l'indemnité de licenciement en y intégrant la part variable de sa rémunération et les heures supplémentaires. Compte tenu de la condamnation de l'employeur au paiement de la part variable, au rejet de la demande d'heures supplémentaires, aux restitutions et aux salaires effectivement versés in fine, c'est un salaire brut mensuel de 7 032,54 euros qu'il faut retenir au titre du salaire moyen servant de calcul à l'indemnité de licenciement en application des dispositions des articles L 1234-9 et R 1234-1 à R1234-4 du code du travail, l'indemnité se monte à 3 516,27 euros. Ayant perçu une somme de 4 508,83 euros à ce titre, le salarié n'est pas fondé à solliciter une indemnité complémentaire de sorte que, par infirmation du jugement, il sera débouté sur ce point.

- l'article L 1235-4 du code du travail.

Les conditions sont réunies pour l'application de ce texte, dont le détail sera précisé au dispositif.

- les frais irrépétibles et les dépens

Aucune des deux parties n'obtient totalement gain de cause de sorte que chacune d'elles supportera ses propres frais irrépétibles et dépens de première instance et d'appel. Le jugement doit être infirmé sur ces points.

Par ces motifs :

La cour statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 2 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Troyes en ce qu'il a déclaré les demandes recevables et en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes :

- au titre du travail dissimulé,

- au titre de la nullité du licenciement,

- au titre d'un préjudice moral ;

Infirme le surplus du jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau, dans les limites des chefs d'infirmation,

Juge nulle la convention de forfait ;

Juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement ;

Fixe à 7 032,54 euros le salaire brut mensuel moyen ;

Déboute M. [Y] [V] de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et congés payés afférents, au reliquat d'indemnité de licenciement et au remboursement de ses frais irrépétibles de première instance ;

Condamne la société Petit bateau à payer à M. [Y] [V] les sommes suivantes :

- 9 487 euros au titre de la rémunération variable pour 2019 et 2020,

- 948,70 euros de congés payés afférents,

- 37 960,61 euros au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires pour 2019 et 2020,

- 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du non-respect des amplitudes ;

- 24 600 euros de dommages et intérêts en remboursement des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne M. [Y] [V] à rembourser à la société Petit bateau :

- la somme de 7 561,12 euros au titre des jours RTT indûment rémunérés ;

- la somme de 24 079,98 euros au titre des salaires indûment payés ;

Condamne chacune des parties à supporter ses propres dépens et frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant,

Dit que les condamnations prononcées à l'encontre de l'intimée comme de l'appelant le sont sous réserve le cas échéant des charges sociales ;

Ordonne le remboursement, par la société Petit bateau à Pôle Emploi devenu France travail, des indemnités de chômage servies au salarié, du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités ;

Condamne chacune des parties à supporter ses propres dépens et frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02061
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;22.02061 ?
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