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17/04/2024 | FRANCE | N°22/01856

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 17 avril 2024, 22/01856


Arrêt n°

du 17/04/2024





N° RG 22/01856





FM/ML









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024





APPELANT :

d'un jugement rendu le 30 septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Activités Diverses (n° F21/00054)



Monsieur [O] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1] / FRANCE



Représenté par la SCP LEDOUX F

ERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES



INTIMÉE :



S.A. CONTINENTALE PROTECTIONS SERVICES

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par la SCP EVODROIT, avocats au barreau de PARIS

DÉBATS :



En audience...

Arrêt n°

du 17/04/2024

N° RG 22/01856

FM/ML

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 30 septembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de CHARLEVILLE-MEZIERES, section Activités Diverses (n° F21/00054)

Monsieur [O] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1] / FRANCE

Représenté par la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocats au barreau des ARDENNES

INTIMÉE :

S.A. CONTINENTALE PROTECTIONS SERVICES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SCP EVODROIT, avocats au barreau de PARIS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 mars 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 avril 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président de chambre

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Maureen LANGLET, greffier placé

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [O] [W] a été embauché par la société Continentale Protections Services CPS le 24 avril 2020 par un contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité d'agent de sécurité.

Le contrat de travail prévoit une période d'essai de deux mois, renouvelable pour un mois.

Par un courrier du 6 juillet 2020, il a demandé à son employeur de mettre un terme au contrat à l'issue de la période d'essai.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Charleville-Mézières le 23 mars 2021, en demandant, notamment, la condamnation de l'employeur à lui payer un rappel d'heures supplémentaires, le solde de congés payés, des dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour préjudice moral et une indemnité de préavis.

Par un jugement du 30 septembre 2022, le conseil a :

Débouté M. [O] [W] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamné M. [O] [W] aux entiers dépens ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Débouté la société Continentale Protections Services CPS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir pas lieu à l'exécution provisoire, sauf pour ce qui est de droit.

M. [O] [W] a formé appel.

Par des conclusions remises au greffe le 5 juillet 2023, M. [O] [W] demande à la cour de :

Réformer en toutes ses dispositions le jugement,

Statuant à nouveau :

Condamner la société Continentale Protections Services CPS à verser les sommes suivantes :

Heures supplémentaires : 1.437,60 €

Solde congés payés : 246,30 €

Dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité : 5.000,00 €

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5.000,00 €

Dommages et intérêts pour préjudice moral : 5.000,00 €

Indemnité de préavis : 2.302,54 €

Indemnité de congés payés sur préavis : 230,25 €

Rectification des bulletins de salaire et de l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document

3.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civilepour les frais engagés devant le conseil de prud'hommes,

Y ajoutant,

Dire et juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes,

Condamner la société Continentale Protections Services CPS à verser la somme de 586,68 € au titre des repos compensateurs outre une indemnité de congés payés selon la règle du 10ème soit 58,67 €.

Condamner la société Continentale Protections Services CPS à payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés à hauteur d'appel ;

Condamner la société Continentale Protections Services CPS aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Ledoux Ferri Riou Jacques Touchon Mayolet, avocats aux offres de droit.

Par des conclusions remises au greffe le 19 avril 2023, la société Continentale Protections Services CPS demande à la cour de :

constater que M. [O] [W] ne formule aux termes du dispositif de ses conclusions aucune demande de contestation de la rupture de son contrat de travail,

juger ainsi irrecevables les demandes indemnitaires fondées sur le caractère prétendument dénué de cause réelle et sérieuse du licenciement,

dire et juger recevable et bien-fondée la société Continentale Protections Services CPS en son appel incident,

En conséquence,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Continentale Protections Services CPS de sa demande reconventionnelle au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] [W] de l'intégralité de ses demandes,

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [O] [W] aux entiers dépens de l'instance,

dire et juger irrecevables et en toute hypothèse infondées les demandes de M. [O] [W] dirigées contre la société Continentale Protections Services CPS,

En conséquence,

débouter purement et simplement M. [O] [W] de l'intégralité de ses prétentions,

condamner M. [O] [W] à payer à la société Continentale Protections Services CPS la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance,

condamner M. [O] [W] à payer à la société Continentale Protections Services CPS la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens outre les entiers dépens qui comprendront les frais de constat d'huissier en cause d'appel.

MOTIFS

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires

Moyens des parties

M. [O] [W] demande la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 1437,60 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, en indiquant qu'il n'a pas été payé de l'ensemble des heures réalisées telles qu'elles figurent sur le planning établi par l'employeur lui-même et qu'il produit aux débats (pièce 12). Il précise qu'il ne pouvait pas toujours prendre ses pauses car dans le supermarché où il était affecté, il y avait deux entrées et un poste de sécurité et seulement trois agents.

L'employeur répond que le salarié n'étaye pas sa demande au sens de l'article L 3171-4 du code du travail et qu'en tout état de cause, un accord collectif relatif à la réduction du temps de travail a été conclu le 21 décembre 2000, cet accord prévoyant une modulation du temps de travail des salariés sur l'année civile. Il ajoute que si M. [O] [W] a bien travaillé de 9 heures à 20 heures 45 en avril 2020 puis de 9 heures à 19 heures en mai, juin et juillet 2020, le salarié comptabilise en réalité, à tort, ses temps de pause comme du temps de travail effectif.

Règles applicables

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail :

« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant. » (Soc., 27 janvier 2021, n°17-31046).

Réponse de la cour

M. [O] [W] produit des plannings établis par l'employeur lui-même, qui constituent des éléments suffisamment précis permettant à l'employeur d'y répondre utilement.

La société Continentale Protections Services CPS indique qu'il s'agit des plannings initiaux qui n'ont pas de force probante et précise qu'elle produit quant à elles les plannings « prépaie » du salarié ainsi que ses bulletins de salaire, en ajoutant que M. [O] [W] bénéficiait d'un temps de pause de 60 minutes lors de ses vacations.

Dans ce cadre, la cour relève toutefois que les éléments produits par la société Continentale Protections Services CPS (pièces 11 et 12) ne permettent pas de justifier des heures effectivement travaillées et des horaires des pauses pour chaque jour de la période considérée, alors qu'il appartient l'employeur, de manière générale d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées et notamment d'indiquer avec précision les heures de prises de poste, des pauses, et de la fin de service. En conséquence, la société Continentale Protections Services CPS ne peut pas utilement se prévaloir de l'accord de modulation du temps de travail, faute de justifier du temps de travail du salarié.

Au regard de ces éléments, la cour retient, comme le salarié l'allègue, que 90, 5 heures supplémentaires n'ont pas été payées au cours de la période allant d'avril à juillet 2020. La société Continentale Protections Services CPS est condamnée à lui payer la somme de 1 027, 35 euros bruts, et non pas la somme de 1 437, 60 euros comme le demande le salarié, compte tenu du taux de majoration de 10 % prévu par l'article 2 de l'accord de modulation du temps de travail.

Sur la demande de repos compensateur

M. [O] [W] demande la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 586, 68 € au titre des repos compensateurs outre une indemnité de congés payés selon la règle du dixième soit 58,67 €, en précisant dans les motifs de ses conclusions (p. 13) que sa demande concerne le mois de mai 2020. Il soutient que l'employeur reconnait qu'il a travaillé 262, 50 heures au cours du mois de mai 2020, alors que l'article 3.3 de l'accord collectif relatif à la réduction du temps de travail prévoit une durée mensuelle maximale de 195 heures, de sorte qu'il est éligible à des repos compensateurs à hauteur de 55, 4 heures.

L'employeur répond que sa demande est sans objet dans la mesure où les durées de travail prévues par l'accord collectif relatif à la réduction du temps de travail ont été respectées.

Dans ce cadre, la cour relève que M. [O] [W] soutient que l'employeur reconnait qu'il a travaillé 262, 50 heures en mai 2020 (conclusions du salarié p. 13), alors que l'employeur ne fournit pas ce volume horaire dans ses conclusions et répond même que ce décompte est fantaisiste (conclusions de l'employeur p. 16).

La cour relève également que M. [O] [W] ne fournit aucun autre élément d'appréciation de sa demande, qui ne concerne que le mois de mai 2020.

La demande de M. [O] [W] se fonde donc uniquement sur l'indication d'un volume horaire supposément fourni par l'employeur alors que ce n'est pas le cas.

Elle est donc rejetée, faute pour le salarié de fournir des éléments conduisant à retenir que le volume conventionnel de 195 heures aurait été dépassé au cours du mois de mai 2020.

Le jugement est dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de solde congés payés

M. [O] [W] demande à la cour de condamner la société Continentale Protections Services CPS à lui payer la somme de 246, 30 euros à titre de solde de congés payés.

Il indique que lors de la rupture du contrat de travail, il a perçu une indemnité de congés payés de 641,18 euros, alors qu'il aurait dû percevoir une somme de 887,48 euros correspondant à 10 % du montant qui lui a été versé au titre des salaires, à savoir 7437,22 euros, et du montant dû au titre des heures supplémentaires, à savoir 1437,60 euros.

La société Continentale Protections Services CPS répond que le salarié n'a travaillé que quatre mois, et qu'il n'a donc acquis que 10 jours de congés payés et que son calcul ne serait valable que s'il avait travaillé sur l'ensemble de la période de référence et pris aucun congé, ce qui n'est pas le cas. Elle ajoute que le salarié ne peut donc pas prétendre à une somme supérieure à celle déjà perçue de 641,18 euros.

Dans ce cadre, la cour relève qu'il est constant que M. [O] [W] a perçu la somme de 7437,22 euros au titre des salaires. Par ailleurs, il a été indiqué précédemment que le salarié peut prétendre à la somme de 1 027, 35 euros au titre des heures supplémentaires.

En conséquence, la société Continentale Protections Services CPS est condamnée à payer à M. [O] [W] la somme de 204, 27 euros (7 437, 22 + 1 027, 35 = 8 464, 57 euros ; 8464, 57 x 10 % = 846, 45 euros ; 845, 45 ' 641, 18 = 204, 27 euros) à titre de solde de congés payés.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [O] [W] de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

M. [O] [W] demande la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité. Il indique que l'employeur a manqué à ses obligations en ce qui concerne les durées maximales de travail et temps de repos puisqu'il était amené à travailler sans coupure au-delà des 11 heures quotidiennes maximales et au-delà des 48 heures hebdomadaires. Il ajoute que l'employeur n'a en outre pas pris de mesures particulières en raison de la situation sanitaire due à la covid et qu'il a bénéficié d'aucun équipement de protection (masques, gants, visières).

La société Continentale Protections Services CPS répond que l'accord collectif relatif à la réduction du temps de travail prévoit que la durée quotidienne maximale de travail et de 12 heures, que la durée hebdomadaire ne doit pas dépasser 48 heures au cours d'une semaine considérée ou 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives, et que dans le cas où le salarié travaillerait six jours par semaine, plusieurs durées maximales de travail sont prévues, à savoir 195 heures sur le mois ou 48 heures sur la semaine ou 44 heures en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives. Or, selon l'employeur, M. [O] [W] n'a travaillé que 14 semaines en tout et sur la période de 12 semaines consécutives, il a travaillé 45,43 heures par semaine en moyenne, soit moins que le plafond conventionnel de 46 heures. L'employeur indique enfin qu'il ressort de la lecture des plannings « prépaie » que ces différentes limites ont été respectées.

Dans ce cadre, la cour relève que l'employeur se réfère aux horaires de travail de M. [O] [W] tels qu'ils apparaissent, selon lui, dans les plannings « prépaie ». Or, comme il l'a déjà été indiqué à l'occasion de l'examen de la demande de rappel d'heures supplémentaires, ces plannings ne permettent pas d'établir les horaires de travail et les heures de pause de M. [O] [W], faute pour l'employeur, qui a la charge du contrôle du temps de travail, de justifier avec précision des heures de prises de poste, des pauses, et de la fin de service du salarié. En conséquence, l'employeur ne justifie pas non plus du respect des durées maximales de travail, alors que M. [O] [W] fournit des éléments précis tirés des plannings prévisionnels établis par l'employeur lui-même, ainsi qu'il a déjà été indiqué à propos de l'examen de la demande de rappel d'heures supplémentaires, et que ces éléments conduisent effectivement à retenir que les durées maximales de travail n'ont pas été respectées.

Par ailleurs, l'employeur ne fournit aucun élément justifiant qu'il aurait mis à disposition de M. [O] [W] des équipements de protection au cours de la période de crise sanitaire.

Ainsi, la cour retient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité prévue par l'article L41121-1 du code du travail selon lequel l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, étant précisé que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation » (soc., 26 janvier 2022, n° 20-21636).

En conséquence, la société Continentale Protections Services CPS est condamnée à payer à M. [O] [W] la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi, de sorte que le jugement est infirmé en ce qu'il a rejeté sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. [O] [W] demande, dans le dispositif de ses conclusions, la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Il se borne toutefois à procéder par une simple allégation, sans indiquer en relation avec quelle faute alléguée de l'employeur il formule cette demande et sans justifier ni de la nature ni du quantum du préjudice qu'il allègue.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] [W] de sa demande.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [O] [W] a adressé à l'employeur le 6 juillet 2020 un courrier dont l'objet est le suivant : « rupture de contrat à l'issue de la période d'essai ». Par ce courrier il demande à l'employeur de mettre un terme à son contrat et de procéder au remboursement des montants de la complémentaire santé prélevés au titre des mois d'avril et de mai 2020, de rectifier les horaires des plannings, de payer le solde de tout compte, de payer les heures supplémentaires à hauteur de 7, 1 heures supplémentaires au mois d'avril 2020 et 102 heures au titre du mois de mai 2020.

Par une seconde lettre du 6 juillet 2020 également, M. [O] [W] ajoute qu'il demande également le paiement de 12 heures supplémentaires au titre du mois de juillet.

Devant la cour, M. [O] [W] indique que la démission ne se présume pas, qu'il n'était pas payé pour les heures de travail réalisées, que les amplitudes de travail dépassaient les limites légales, qu'il a en conséquence souhaité rompre le contrat de travail au cours de la période d'essai en vue de prétendre au chômage, qu'il n'a cependant jamais souhaité démissionner, qu'il ne pouvait pas prendre le risque de se trouver sans revenus, qu'il a donc pris acte de ce qu'il ne pouvait plus rompre son contrat au cours de la période d'essai qui était expirée, qu'il a donc continué à travailler chez son employeur, que l'employeur lui a indiqué par un courrier du 27 juillet 2020 qu'il prenait acte de sa démission et que le contrat de travail se terminera le 28 juillet 2020 au soir, qu'il a pourtant continué à travailler pour l'employeur le 30 juillet 2020. M. [O] [W] en déduit que le contrat de travail a été dès lors rompu par l'employeur, qu'il s'agisse du contrat initial ou qu'il s'agisse du second contrat intervenu après l'expiration du délai de préavis le 16 juillet 2020 puisque c'est l'employeur qui a maintenu le contrat au-delà de cette date.

L'employeur répond en premier lieu que le dispositif des conclusions de M. [O] [W] ne formule aucune demande de contestation de la rupture du contrat de travail mais uniquement des demandes indemnitaires, et que ses demandes sont donc irrecevables en application de l'article 70 du code de procédure civile. En second lieu, sur le fond, l'employeur indique que la volonté de M. [O] [W] de rompre le contrat n'est pas équivoque qu'il a fait état de cette même volonté dans son second courrier du 6 juillet 2020, qu'il n'a émis aucune contestation devant le courrier de la société Continentale Protections Services CPS du 13 juillet 2020 lui indiquant accuser réception de sa démission, qu'il n'a saisi le conseil des prud'hommes que huit mois plus tard, et que M. [O] [W] a d'ailleurs créé une entreprise de nettoyage le 25 janvier 2021. L'employeur ajoute qu'en réalité, il y a eu un accord sur la prolongation de la période de préavis afin que M. [O] [W] effectue l'intégralité du planning du mois de juillet 2020, sans volonté de conclure un nouveau contrat.

En ce qui concerne la recevabilité, la cour relève que le dispositif des conclusions de M. [O] [W] contient une demande de condamnation de la société Continentale Protections Services CPS à verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui implique nécessairement que le salarié demande que la rupture produise les effets d'un tel licenciement. Contrairement à ce que soutient l'employeur, cette demande, déjà formulée en première instance, est recevable, de même que les demandes formées au titre du préavis et des congés payés afférents.

En ce qui concerne le fond, la cour rappelle que :

la démission exprime la volonté du salarié de rompre unilatéralement le contrat de travail à durée indéterminée qui l'unissait à son employeur ;

la démission d'un salarié en raison de faits qu'il reproche son employeur s'analyse en une prise d'acte qui produit des effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit dans le cas contraire d'une démission.

En l'espèce, M. [O] [W] ne fait pas état d'une démission dans ses deux courriers du 6 juillet 2020 mais évoque une rupture du contrat, sans indiquer qu'il en prend lui-même l'initiative mais en demandant même à l'employeur « de mettre un terme » au contrat.

Ces courriers n'expriment donc pas la volonté du salarié de rompre unilatéralement le contrat de travail.

Au contraire, il résulte de leurs termes que le salarié a demandé à l'employeur de procéder au paiement d'heures supplémentaires et au remboursement de sommes versées au titre de la complémentaire santé, ce dont il faut déduire que le salarié a adressé à l'employeur des griefs.

Les deux courriers du 6 juillet 2020 s'analysent donc en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur.

Ces griefs portent notamment sur l'absence de paiement d'heures supplémentaires, au paiement desquelles l'employeur est condamné ainsi que cela résulte des motifs précédents, et qui est un grief suffisamment grave pour justifier la prise d'acte aux torts de l'employeur.

Il est donc fait droit aux demandes de M. [O] [W] tendant à la condamnation de la société Continentale Protections Services CPS à payer les sommes suivantes, au regard d'un salaire de référence de 2617 euros :

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 300 euros, compte tenu de l'ancienneté et la situation du salarié ;

- Indemnité de préavis : 2.302,54 euros ;

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.

Sur la demande de rectification

Il est fait droit à la demande formée par M. [O] [W] de condamnation de l'employeur à lui transmettre des bulletins de salaire rectifiés ainsi que l'attestation Pôle Emploi, devenu France Travail, rectifiée, sous réserve de la demande d'astreinte qui est rejetée.

Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société Continentale Protections Services CPS de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et infirmé en ce qu'il a débouté M. [O] [W] de sa demande à ce titre.

La société Continentale Protections Services CPS, qui succombe, est condamnée à payer à M. [O] [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de ce même article 700 au titre de la première instance et la somme de 2 000 euros à hauteur d'appel.

La société Continentale Protections Services CPS est, en conséquence, déboutée de sa demande à hauteur d'appel.

Sur les dépens

Le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné M. [O] [W] aux dépens.

La société Continentale Protections Services CPS, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Juge recevable les demandes de M. [O] [W] tendant à la condamnation de l'employeur à payer une somme de 5000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme de 2302,54 euros d'indemnité de préavis et une somme de 230,25 euros d'indemnité de congés payés sur préavis ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :

débouté M. [O] [W] de sa demande au titre des repos compensateurs et de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

débouté la société Continentale Protections Services CPS de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Continentale Protections Services CPS à payer à M. [O] [W] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2021 :

- 1 027, 35 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- 204, 27 euros à titre de solde de congés payés ;

- 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité ;

- 1 300 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 2.302,54 euros d'indemnité de préavis ;

- 230,25 euros d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile au titre de la première instance ;

Condamne la société Continentale Protections Services CPS à transmettre à M. [O] [W] des bulletins de salaire rectifiés ainsi que l'attestation Pôle Emploi, devenu France Travail, rectifiée ;

Précise que toutes les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables ;

Y ajoutant,

Condamne la société Continentale Protections Services CPS à payer à M. [O] [W] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la société Continentale Protections Services CPS aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Ledoux Ferri Riou Jacques Touchon Mayolet ;

Rejette le surplus des demandes formées par les parties.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01856
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;22.01856 ?
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