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17/04/2024 | FRANCE | N°22/01526

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 17 avril 2024, 22/01526


Arrêt n°

du 17/04/2024





N° RG 22/01526





MLB/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024





APPELANT :

d'un jugement rendu le 25 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Commerce (n° F 22/00152)



Monsieur [T] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par la SELARL MCMB, avocats au barreau de REIMS
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INTIMÉE :



SARL DISPRO REIMS

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocats au barreau de REIMS et par Me Laure MARQUES de l'AARPI AN'KA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS :



En audi...

Arrêt n°

du 17/04/2024

N° RG 22/01526

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 17 avril 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 25 juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Commerce (n° F 22/00152)

Monsieur [T] [L]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL MCMB, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉE :

SARL DISPRO REIMS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocats au barreau de REIMS et par Me Laure MARQUES de l'AARPI AN'KA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 17 avril 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 31 mars 2014, la SARL Dis-Pro France a embauché Monsieur [T] [L] en qualité de chauffeur livreur à compter du 1er avril 2014.

Le contrat de travail de Monsieur [T] [L] était transféré au profit de la SARL Dis-Pro à compter du 1er novembre 2016.

Le 5 novembre 2019, Monsieur [T] [L] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la SARL Dis-Pro.

Le 30 octobre 2020, Monsieur [T] [L] saisissait le conseil de prud'hommes de Reims d'une demande tendant à voir requalifier sa prise d'acte en une rupture présentant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de demandes en paiement à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement en date du 25 juillet 2022, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la SARL Dis-Pro à payer à Monsieur [T] [L] les sommes de :

. 1140,07 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires à 25 % de janvier à septembre 2019 ;

. 114 euros au titre des congés payés afférents ;

. 1328,88 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires à 50 % de janvier à septembre 2019 ;

. 132,88 euros au titre des congés payés afférents ;

- dit que la prise d'acte de Monsieur [T] [L] a l'effet d'une démission ;

- dit que la SARL Dis-Pro devra remettre à Monsieur [T] [L] les documents de fin de contrat modifiés dans un délai d'un mois après la notification du jugement, faute de quoi une astreinte de 10 euros par jour et pour l'ensemble des documents commencerait à courir ; astreinte que le conseil s'est réservé la faculté de liquider ;

- condamné Monsieur [T] [L] à payer à la SARL Dis-Pro la somme de 1868,66 euros bruts d'indemnité de préavis ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application de l'article R. 1454-28 du code du travail ;

- partagé les dépens par moitié entre les parties.

Le 4 août 2022, Monsieur [T] [L] a formé une déclaration d'appel.

Dans ses écritures en date du 7 avril 2023, Monsieur [T] [L] demande à la cour :

- d'infirmer la décision en toutes ses mesures utiles ;

statuant à nouveau ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Dis-Pro à lui payer les sommes de :

. 1140,07 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires à 25 % de janvier à septembre 2019 ;

. 114 euros au titre des congés payés afférents ;

. 1328,88 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires à 50 % de janvier à septembre 2019 ;

. 132,88 euros au titre des congés payés afférents ;

- de l'infirmer pour le surplus ;

- de condamner la SARL Dis-Pro à lui payer les sommes de :

. 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des amplitudes hebdomadaires et journalières ;

. 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

. 6,33 euros au titre des rappels de majorations d'heures de nuit pour l'année 2019 ;

- de dire et juger encore que la SARL Dis-Pro a porté atteinte à sa liberté d'expression et a adopté à son endroit un comportement discriminatoire ;

- de dire et juger que sont caractérisés les manquements graves dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, à la charge de la SARL Dis-Pro ;

en conséquence ;

- de requalifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en une rupture présentant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence ;

- de condamner la SARL Dis-Pro à lui payer les sommes de :

* à titre principal :

. 16400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de l'inconventionnalité du barème ;

* à titre subsidiaire :

. 10971,84 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application du barème ;

* en tout état de cause :

. 3657,32 euros à titre d'indemnité de préavis ;

. 365,73 euros au titre des congés payés sur préavis ;

. 2635,01 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- d'ordonner la remise par la SARL Dis-Pro des documents de fin de contrat rectifiés, conformes au jugement à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, passé le 15e jour de la notification du jugement, le conseil se réservant la faculté de liquider l'astreinte ;

- de condamner la SARL Dis-Pro à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures en date du 11 janvier 2023, la SARL Dis-Pro demande à la cour, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes tendant à obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes en découlant au titre du préavis, des congés payés sur préavis, de l'indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le versement de dommages-intérêts pour non-respect des amplitudes hebdomadaires et journalières, le versement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et un rappel de salaire pour majorations des heures de nuit en 2019 ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le salarié à lui payer la somme de 1868,66 euros à titre d'indemnité pour non-respect du préavis ;

- réformer le jugement pour le surplus et débouter le salarié de ses demandes formulées au titre de prétendues heures supplémentaires et subsidiairement limiter les condamnations aux sommes suivantes : 365,10 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 10% de CP y afférents, subsidiairement, 1414,65 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 10% de CP y afférents ;

- de débouter Monsieur [T] [L] de ses autres demandes, plus amples ou contraires ;

- de le condamner à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs :

1. Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail :

. Sur les heures supplémentaires :

La SARL Dis-Pro demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit aux demandes de Monsieur [T] [L] au titre des heures supplémentaires dès lors qu'aucune des pièces qu'il a produites ne permet de démontrer la réalisation d'heures supplémentaires :

- d'une part, sa feuille manuscrite n'est corroborée par aucune autre pièce et constitue une preuve que le salarié a tenté de se ménager, elle est de surcroît traduite de manière erronée dans le chiffrage opéré au titre des heures supplémentaires ;

- d'autre part, le salarié entend faire la démonstration des heures supplémentaires par la production d'une pièce constituée de documents de route tels que les factures de péages et de frais de carburant.

Elle ajoute que Monsieur [T] [L] n'a jamais réclamé auprès d'elle des heures supplémentaires impayées le temps de la relation salariée. A titre subsidiaire, elle indique que le chiffrage des heures supplémentaires ne saurait être supérieur au contre-chiffrage qu'elle propose, établi à partir des données du salarié desquelles elle retranche un temps de pause journalier de 20 minutes (1414,65 euros outre les congés payés) ou d'une heure de façon plus réaliste selon elle (365,10 euros outre les congés payés).

Monsieur [T] [L] conclut à la confirmation du jugement, soutenant qu'il satisfait, au vu des pièces qu'il produit, à la preuve qui pèse sur lui.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Monsieur [T] [L] produit aux débats :

- un relevé manuscrit de janvier à septembre 2019, reprenant pour chaque semaine les jours travaillés avec le nombre d'heures travaillés, le récapitulatif hebdomadaire et mensuel des heures de travail,

- un tableau récapitulant les heures supplémentaires à 25% et à 50% de janvier à septembre 2019,

- les feuillets de route sur ladite période.

De tels éléments sont suffisamment précis pour permettre à la SARL Dis-Pro d'y répondre. Il importe peu par ailleurs que Monsieur [T] [L] n'ait adressé aucune réclamation le temps de la relation salariée à son employeur.

La SARL Dis-Pro ne répond pas utilement à de telles pièces puisqu'elle ne produit aucun élément de contrôle des horaires de travail du salarié, seul de nature à justifier les horaires effectivement réalisés.

L'existence des heures supplémentaires est donc établie.

Elle ne l'est toutefois pas dans la proportion réclamée par le salarié. Si l'employeur n'est pas fondé à voir déduire du décompte de Monsieur [T] [L] un temps de pause quotidien de 20 minutes ou d'une heure, alors qu'il n'établit pas que celui-ci en a bénéficié, il fait en revanche exactement observer que deux erreurs affectent le décompte en page 11 de ses écritures. Monsieur [T] [L] n'a pas réalisé 22 heures supplémentaires en mars 2019 mais 16 heures supplémentaires et il n'a pas réalisé 27 heures supplémentaires en août 2019 mais 22 heures supplémentaires.

Dans ces conditions, la SARL Dis-Pro sera condamnée à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 1093,94 euros au titre des heures supplémentaires à 25%, outre les congés payés y afférents et celle de 1191,24 euros au titre des heures supplémentaires à 50%, outre les congés payés y afférents, pour la période de janvier à septembre 2019.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

- Sur les dommages-intérêts pour violation de la durée quotidienne maximale de travail et de la durée hebdomadaire maximale :

Monsieur [T] [L] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour violation de la durée quotidienne maximale de travail et de la durée hebdomadaire maximale. Il soutient que les différentes durées n'ont pas été respectées à plusieurs reprises, et que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il rapporte la preuve d'un préjudice.

La SARL Dis-Pro fait tout au plus valoir que les demandes au titre des durées maximales de travail quotidienne et hebdomadaire ne sont ni justifiées ni démontrées.

Il convient en premier lieu de rappeler que la preuve du respect des seuils et plafonds en matière de durée du travail incombe à l'employeur, ce qu'il ne fait pas en l'espèce.

Il ressort au demeurant du décompte produit par le salarié et aux dates énoncées dans ses écritures, qu'à plusieurs reprises, la durée quotidienne et hebdomadaire maximale de travail a été dépassée.

Monsieur [T] [L] établit -même si le seul constat du dépassement des durées maximales de travail ouvre droit à la réparation- qu'il a subi un préjudice en terme de plus grande fatigabilité.

En réparation d'un tel préjudice, la SARL Dis-Pro sera condamnée à lui payer la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts et le jugement doit être infirmé en ce sens.

- Sur les heures de nuit :

Monsieur [T] [L] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre des heures de nuit alors qu'il soutient qu'il a effectué 12 heures de nuit au mois de mai 2019 et qu'il doit percevoir la majoration desdites heures, soit la somme de 6,33 euros.

La SARL Dis-Pro s'oppose à une telle demande au motif que Monsieur [T] [L] ne justifie pas qu'il pourrait revendiquer la qualité de travailleur de nuit.

Monsieur [T] [L] ne revendique pas une telle qualité dans les conditions de l'article 5.11.2 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire mais la majoration des salaires pour les heures accomplies de nuit au mois de mai 2019.

L'article 5.11.4 de ladite convention collective, relatif aux majorations de salaire est ainsi rédigé :

'Toute heure accomplie entre 22 heures et 5 heures donne lieu à une majoration de 20 % du salaire horaire de base.

Toute heure, accomplie entre 21 heures et 22 heures donne lieu à une majoration de 5 % du salaire horaire de base.

Les majorations éventuelles pour heures supplémentaires restent dues et sont calculées sur le taux horaire de base, avant majoration pour travail de nuit.

Ces majorations s'appliquent, que le salarié soit travailleur de nuit ou non'.

Il ressort du décompte produit par Monsieur [T] [L] que celui-ci a effectué 10 heures devant donner lieu à majoration puisqu'à 2 reprises, il a travaillé entre minuit et 8 heures du matin.

Dans la limite de la somme réclamée, la SARL Dis-Pro sera donc condamnée à lui payer la somme de 6,33 euros.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

- Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :

Monsieur [T] [L] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité. Il soutient qu'il était contraint de procéder à des livraisons moyennant un tonnage dépassant largement celui autorisé, qui nécessitaient des opérations de manutention particulièrement éprouvantes et renouvelées et qui impactaient son état de santé. Il produit à ce titre diverses photographies, un arrêt de travail et une ordonnance médicale.

La SARL Dis-Pro réplique que les pièces produites par Monsieur [T] [L] ne caractérisent aucun manquement de sa part à son obligation de sécurité.

Il appartient à l'employeur d'établir qu'il a satisfait à l'obligation de sécurité qui pèse sur lui envers le salarié en application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

Or, il n'établit pas que le tonnage confié à Monsieur [T] [L] correspondait au tonnage autorisé, puisqu'il ne produit notamment aucun bon de livraison permettant de s'assurer du volume des livraisons en cause.

Le manquement de la SARL Dis-Pro à son obligation de sécurité est donc caractérisé.

Monsieur [T] [L] établit que le 31 octobre 2019 il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 6 novembre 2019 et qu'à cette occasion des séances de kinésithérapie lui ont été prescrites pour une lombalgie aigue.

Le manquement de la SARL Dis-Pro à son obligation de sécurité a donc conduit Monsieur [T] [L] à faire d'éprouvantes manutentions comme il l'indique, qui ont impacté son état de santé.

En réparation du préjudice subi à ce titre, la SARL Dis-Pro sera condamnée à lui payer la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

2. Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail :

- Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

Les premiers juges ont débouté Monsieur [T] [L] de sa demande tendant à faire produire à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce que celui-ci demande à la cour d'infirmer au regard des manquements graves de la SARL Dis-Pro à ses obligations contractuelles.

La SARL Dis-Pro demande à la cour de confirmer le jugement de ce chef dès lors que la prise d'acte ne prend appui sur aucun manquement grave.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits sont réels et suffisamment graves, soit d'une démission dans le cas contraire.

Il vient d'être retenu que la SARL Dis-Pro ne s'est pas acquittée de l'intégralité des heures supplémentaires envers Monsieur [T] [L] pour un montant de l'ordre de 2500 euros sur 9 mois, étant précisé que la rémunération brute mensuelle de ce dernier est d'environ 1800 euros, qu'elle n'a pas respecté les durées quotidiennes et hebdomadaires de travail et qu'elle a manqué à son obligation de sécurité.

De tels manquements sont suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de se prononcer sur l'atteinte imputée par Monsieur [T] [L] à la SARL Dis-Pro à sa liberté d'expression et sur un comportement discriminatoire.

La prise d'acte produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement doit être infirmé en ce sens.

- Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Monsieur [T] [L] demande à tort à la cour d'écarter le barème prévu à l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, en ce que le plafonnement viole les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, dès lors que celui-ci n'a pas d'effet direct dans un litige entre particuliers.

Monsieur [T] [L] avait une ancienneté de 5 ans à la date de sa prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il peut prétendre à une indemnité comprise entre 1,5 mois -la SARL Dis-Pro compte moins de 11 salariés- et 6 mois de salaire, sur la base d'un salaire de 1828,66 euros.

Monsieur [T] [L] ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieure à sa prise d'acte.

Au vu de ces éléments, la SARL Dis-Pro sera condamnée à lui payer la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle doit en outre être condamnée à lui payer la somme de 3657,32 euros au titre de l'indemnité de préavis, correspondant à deux mois de salaire, outre les congés payés y afférents et celle de 2628,67 euros au titre de l'indemnité de licenciement sur la base d'une ancienneté de 5 ans et 9 mois.

Il y a lieu par voie de conséquence de débouter la SARL Dis-Pro de sa demande en paiement d'une somme de 1868,66 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

*********

Il y lieu d'enjoindre à la SARL Dis-Pro de remettre à Monsieur [T] [L] les documents de fin de contrats conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

Partie succombante, la SARL Dis-Pro doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SARL Dis-Pro de sa demande d'indemnité de procédure ;

Le confirme de ce chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Condamne la SARL Dis-Pro à payer à Monsieur [T] [L] les sommes de :

- 1093,94 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires à 25% de janvier à septembre 2019 ;

- 109,39 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 1191,24 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires à 50% de janvier à septembre 2019 ;

- 119,12 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 750 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des amplitudes hebdomadaires et journalières ;

- 6,33 euros au titre de la majoration pour heures de nuit ;

- 750 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Dis-Pro à payer à Monsieur [T] [L] les sommes de :

- 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3657,32 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

- 365,73 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 2628,67 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

Déboute la SARL Dis-Pro de sa demande en paiement au titre de l'indemnité de préavis ;

Enjoint à la SARL Dis-Pro de remettre à Monsieur [T] [L] les documents de fin de contrats conformes à la présente décision ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte de ce chef ;

Condamne la SARL Dis-Pro à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute la SARL Dis-Pro de sa demande d'indemnité de procédure ;

Condamne la SARL Dis-Pro aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01526
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;22.01526 ?
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