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16/04/2024 | FRANCE | N°23/01291

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 16 avril 2024, 23/01291


R.G. : N° RG 23/01291 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FL5L

ARRÊT N°

du : 16 avril 2024





CM

























Formule exécutoire le :

à :



Me Karoline DIALLO



Me Arnaud GERVAIS





COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE



ARRÊT DU 16 AVRIL 2024





APPELANT :

d'un jugement rendu le 07 juillet 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Chalons-e

n-Champagne (RG 23/00685)



Monsieur [X] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-003151 du 10/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)



Représenté par Me Karoline DIALLO, avo...

R.G. : N° RG 23/01291 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FL5L

ARRÊT N°

du : 16 avril 2024

CM

Formule exécutoire le :

à :

Me Karoline DIALLO

Me Arnaud GERVAIS

COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 16 AVRIL 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 07 juillet 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Chalons-en-Champagne (RG 23/00685)

Monsieur [X] [O]

[Adresse 3]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-003151 du 10/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Karoline DIALLO, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE :

S.C.I. MONT HERY agissant poursuites et diligences de sa gérante en exercice domiciliée de droit audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Arnaud GERVAIS, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 805 du code de procédure civile, M. Bertrand DUEZ, président de chambre, et Mme Christel MAGNARD, conseiller, ont entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis les magistrats en ont rendu compte à la cour dans son délibéré

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Bertrand DUEZ, président de chambre

Madame Christel MAGNARD, conseiller

Madame Claire HERLET, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débat et Madame Lucie NICLOT, greffier, lors du délibéré,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. DUEZ, Président de chambre, et par Madame NICLOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par acte sous seing privé en date du 25 mai 2020, la SCI du Mont Héry a consenti à M. [O] un bail d'habitation pour un bien sis [Adresse 3], moyennant un loyer mensuel initialement fixé à la somme de 395,36 euros.

A la suite de la carence du locataire dans le réglement des loyers, un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré à M. [O] le 1er décembre 2022.

Puis, sur assignation du bailleur en date du 17 février 2023, par jugement réputé contradictoire faute pour M. [O] d'avoir comparu ou de s'être fait représenter, le juge des contentieux et de la protection de Châlons-en-Champagne a, notamment :

-déclaré la SCI du Mont Héry recevable en sa demande de résiliation du bail,

-constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 25 mai 2020 sont réunies à la date du 1er février 2023 et que le bail est résilié de plein droit à cette date,

-ordonné à M. [O] de quitter les lieux dans le mois de la signification de la décision,

-dit qu'à défaut par M. [O] d'avoir libéré les lieux au plus tard deux mois après la notification au préfet du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier, et au transport des meubles laissés dans les lieux à ses frais dans tel garde-meuble désigné par l'expulsé ou à défaut par le bailleur,

-fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [O] à compter de la résiliation au montant équivalent du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail,

-condamné M. [O] à payer à la SCI du Mont Héry la somme de 6 856,44 euros représentant les loyers et charges au 1er février 2023, loyer du mois de janvier inclus, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,

-condamné M. [O] à payer à la SCI du Mont Héry une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de résiliation du bail, à compter du 1er février 2023, ce jusqu'à libération effective des lieux, avec intérêts légaux à compter de la date d'exigibilité pour les indemnités d'occupation à échoir,

-débouté la SCI du Mont Héry de ses demandes plus amples ou contraires,

-condamné M. [O] aux entiers dépens de l'instance, comprenant notamment le coût du commandement de payer et de l'assignation,

-condamné M. [O] à payer à la SCI du Mont Héry la somme de 350 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-rappelé que la décision est exécutoire de plein droit par provision.

M. [O] a interjeté appel de cette décision le 4 août 2023, recours portant sur l'entier dispositif.

La SCI du Mont Héry a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation de l'appel sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, demande dont elle a été déboutée par ordonnance du 24 octobre 2023, aux motifs que l'exécution de la décision dont appel serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité de l'exécuter.

Aux termes de ses écritures du 28 février 2024, M. [O] demande à la cour de le dire recevable et bien fondé en son appel, par conséquent, d'infirmer le jugement et de :

-constater qu'il a quitté les lieux,

-constater que le logement est insalubre,

-constater que la SCI du Mont Héry n'a pas respecté ses obligations de délivrer un logement décent,

-condamner la SCI du Mont Héry à verser à M. [O] la somme de 15 023,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.

A titre subsidiaire, il demande de lui accorder les plus larges délais de paiement afin de lui permettre d'apurer sa dette.

Il demande de débouter la SCI du Mont Héry de ses demandes plus amples ou contraires et de la condamner aux entiers dépens.

Suivant écritures du 3 février 2024, la SCI du Mont Héry demande à la cour de déclarer M. [O] tant irrecevable que mal fondé en son appel et l'en débouter purement et simplement.

Elle demande à être reçue en son appel incident et en ses demandes reconventionnelles et de :

-confirmer le jugement dont appel en l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qui concerne les modalités de calcul des intérêts à valoir sur la condamnation principale prononcée à l'encontre de M. [O] à hauteur de la somme de 6 856,44 euros et sur le montant de l'indemnité allouée à la société concluante au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-statuant à nouveau sur ces points,

-juger que la somme de 6 856,44 euros sera majorée des intérêts au taux légal à valoir sur la somme de 6 751,12 euros à compter du 1er décembre 2022, date du commandement de payer, et à compter du jugement dont appel pour le surplus, le tout jusqu'à parfait paiement,

-condamner M. [O] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de 1ère instance.

Pour le surplus, la SCI demande à la cour de :

-juger que M. [O] ne conteste pas à hauteur d'appel la résiliation du contrat de bail le liant à elle et les conséquences juridiques devant en découler en termes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation,

-juger que M. [O] ne conteste pas non plus le montant des loyers et charges impayés fixés au terme du jugement de première instance,

-débouter M. [O] de toute demande de délais de paiement.

Subsidiairement si de tels délais de paiement devaient être accordés, elle demande de dire que ces délais seront réputés caduques en cas d'un seul paiement non régularisé à bonne date.

Elle demande encore de :

-juger que le logement concerné n'était pas insalubre,

-débouter M. [O] de sa demande en versement d'une indemnité en réparation de son prétendu trouble de jouissance faute de tout manquement commis par la SCI du Mont Héry à son obligation de jouissance telle que prévue par l'article 1715 du code civil et/ou de la nature et de l'étendue des troubles allégués,

-à tout le moins juger que les indemnités qui pourraient être allouées à M. Héry ne sauraient excéder la somme totale de 200 euros pour toute la période d'occupation des lieux,

-juger que cette indemnité sera compensée avec les sommes par ailleurs dues par M. [O] à la SCI du Mont Héry à titre de loyers et indemnités d'occupation impayés dans la limite de la somme la plus faible,

-condamner M. [O] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel dont distraction est requise au profit de son conseil sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile,

-débouter M. [O] de toutes demandes.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

Sur ce, la cour,

Il sera constaté, à titre préalable, que l'appelant, qui a quitté les lieux depuis le jugement dont appel, n'émet aucune critique des dispositions du jugement et ne conteste ni le constat de la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, ni le quantum de la dette locative arrêté, ni la mise à sa charge d'une indemnité d'occupation pour la période postérieure à la résiliation.

Ses demandes sont toutes nouvelles par hypothèse puisqu'il n'a pas comparu en première instance. Leur recevabilité n'est pas contestée par la partie adverse. Ces demandes sont recevables par application de l'article 564 du code civil, comme tendant à faire écarter les demandes adverses, et consistent, d'une part, à titre principal, en une demande indemnitaire visant par voie de compensation à anéantir sa dette de loyer, et d'autre part, le cas échéant, en une demande de délais de paiement.

Le jugement est par conséquent confirmé en l'ensemble de ses dispositions, sauf à examiner, en premier lieu et avant d'examiner les demandes de l'appelant, l'appel incident qui porte uniquement sur le cours des intérêts relatifs à la dette de loyer arrêtée et non contestée.

I- Sur le cours des intérêt afférents à la dette de loyer

Le premier juge a fixé la dette locative à la somme de 6 856,44 représentant les loyers et charges dus au 1er février 2023, loyer du mois de janvier inclus, assortis des intérêts au taux légal à compter du jugement.

La SCI du Mont Héry demande, par appel incident, de dire que cette somme de 6856,44 euros sera majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 6 751,12 euros à compter du 1er décembre 2022, date du commandement, et à compter du jugement pour le surplus.

M. [O] ne fait aucune observation sur cette demande.

S'il est constant que le commandement de payer a été délivré le 1er décembre 2022 pour un montant total de 7 012,04 euros, il a été signifié en l'étude, de sorte qu'il ne peut être établi que M. [O] en ait eu connaissance dès cette date.

Dans ces conditions il n'est pas fait droit à l'appel incident et la décision est confirmée en ce qu'elle fixe le point de départ du cours des intérêts à la date du jugement.

II- Sur la demande en dommage et intérêt pour préjudice de jouissance

Il n'y a pas lieu d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties relative aux mécanismes prévus par le code de la construction et de l'habitation et notamment l'article L 521-2, ou de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 qui prévoient un mécanisme pouvant dispenser du paiement d'une partie du loyer, ou en suspendre ou réduire le montant dans l'attente de travaux, puisque M. [O] n'a pas usé de cette faculté légale.

M. [O] a aujourd'hui quitté les lieux et n'axe sa demande que sur le fondement du manquement de son bailleur à son obligation de permettre une jouissance paisible du logement tirée de l'article 1719 du code civil. Il réclame une indemnisation à hauteur de 15 023,68 euros, ce qui correspond, peu ou prou, à l'ensemble des loyers dus depuis son entrée dans les lieux.

L'appelant soutient avoir subi, dès son entrée dans les lieux, de nombreux désordres liés à des infiltrations d'eau, des jours au niveau des plinthes, l'absence de chauffage, des fenêtres qui ne fermaient pas. Il insiste sur le fait que les lieux étaient totalement insalubres dès son arrivée mais qu'au regard de sa situation extrêmement précaire, il a accepté ce logement car, enfin, un propriétaire acceptait de le loger.

A l'appui de sa demande, il fait valoir l'arrêté de mise en sécurité pris par le maire de la commune de [Localité 2] le 13 juillet 2023 et le rapport d'expertise du 21 août 2023 qui seront détaillés ci-dessous.

De son côté, le bailleur fait valoir, en substance, qu'à aucun moment au cours du bail M. [O] n'a évoqué l'existence d'un logement insalubre ou de troubles de jouissance pour expliquer pourquoi il ne payait pas son loyer, qu'il ne lui a jamais adressé un courrier en ce sens, ni n'a jamais mis son bailleur en mesure d'appréhender les difficultés qu'il allègue aujourd'hui. Il soutient que l'effondrement d'une partie de l'immeuble survenu courant juin 2023, soit 3 années après la prise à bail est sans lien, et que M. [O] est d'ailleurs resté dans l'immeuble jusque fin 2023.

La SCI ajoute encore que M. [O] avait accepté de prendre les lieux en l'état, moyennant un loyer qui tenait compte de l'état des lieux loués.

Elle ajoute enfin qu'elle a fait toutes diligences pour proposer d'autres logements à M. [O] lorsque l'arrêté d'interdiction a été pris par la commune, mais qu'il les a refusés.

Il sera rappelé, à titre préalable, que, par application de l'article 1731 du code civil "s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives".

En l'espèce, il n'a pas été fait d'état des lieux, mais les griefs allégués vont bien au délà de la simple question des réparations locatives.

Il résulte d'une lecture attentive de la correspondance, notamment fin 2021, entre la compagne de M. [O] et la SCI que diverses dégradations importantes sont évoquées, outre une absence totale de chauffage de sorte qu'il pouvait faire 6 degrés dans l'appartement, un état très dégradé dès la prise à bail (canalisations bouchées, non-étanchéité des fenêtres, trou béant sur le palier de l'étage notamment), points qui n'ont pas été véritablement contestés par le bailleur, qui apparaît en partie découvrir l'état de l'appartement loué, même si l'état de santé très dégradé de M. [O], notamment au plan psychique, évoqué dans ces échanges, peut aussi expliquer un certain laisser-aller dans l'entretien.

M. [O] a également adressé à la préfecture de la Marne un mail le 25 juillet 2022 dans lequel il indique "je suis actuellement locataire d'un appartement qui pose plusieurs problèmes :

-fuite de la toiture qui laisse pénétrer l'eau par endroits

-pression très importante de rats

-un mur extérieur qui semble endommagé, il penche et on voit le placo depuis l'extérieur

-chauffage qui ne fonctionne pas correctement, le propriétaire n'a pas voulu le remettre en fonction l'hiver dernier.

J'ai pris cet appartement dans une situation d'urgence et n'ai jamais osé embêter le propriétaire car j'ai des retards de loyer".

Suite à l'effondrement d'une partie de l'extension de la façade arrière du bâtiment survenu en juin 2023 le bailleur a reconnu dans un SMS "nous avons connaissance de l'état déplorable du bâtiment mais je prends seulement connaissance des dégâts survenus récemment". Il résulte d'autres échanges que le bailleur n'entendait d'ailleurs pas garder cet immeuble compte tenu de son état de dégradation, et qu'un congé pour vente avait été adressé à M. [O] le 7 octobre 2022.

S'agissant de l'effondrement de l'extension de la façade arrière de l'immeuble survenu en juin 2023, il ressort du rapport d'expertise du 21 août 2023 que :

« Les propriétaires actuels n'ont pas entrepris de travaux d'envergure depuis plus de 20 ans.

L'examen approfondi de la façade sur rue permet de constater la vétusté extrême de la toiture y compris ses zingueries, gouttières et descente d'eaux pluviales.

La charpente n'est plus capable de supporter la couverture.

Le manque de pente est favorable à la stagnation de l'humidité puis à l'apparition et au développement de mousses.

Le conduit d'évacuation des gaz brûlés de la chaudière de l'appartement de l'étage ne possède plus de protection contre les intempéries.

La connexion de la gouttière au tuyau est rompue, les eaux pluviales inondent et tâchent la façade.

Nous pouvons constater :

- L'effondrement complet de la façade arrière de cette extension.

- Une couverture non réalisée dans les règles de l'art.

Les bois sont exposés aux intempéries : la poutre en partie haute du mur'présente des signes de faiblesse inquiétants

Les aménagements contemporains de locaux'ne semblent pas respecter les règles de l'art : la pose de l'isolant'est bien aléatoire, favorise des déperditions thermiques

La poutre support du plancher de l'étage ' peut chuter à tout instant.

Le mur en maçonnerie ' est en train de s'ouvrir ; la face extérieure se détache de la face intérieure mettant en péril d'effondrement le corps du bâtiment.

L'effondrement du plancher à court terme est inexorable.

En conclusion l'expert indique que :

- L'immeuble est dans un état présentant un risque de péril imminent.

- Le locataire de l'appartement en duplex et le propriétaire occupant le local commercial ne peuvent rester dans de locaux présentant un risque d'effondrement. »

L'ampleur de ces constats corrobore les indications selon lesquelles l'appartement était très dégradé dès la prise à bail, de sorte que la présomption posée à l'article 1731 du code civil est renversée. L'appartement loué à M. [O] n'a en effet pas pu se dégrader à ce point sous la seule action ou inaction de M. [O].

Toutefois, cet état très dégradé était en grande partie connu de M. [O] lors de la prise à bail, comme il l'admet lui-même, et il a reconnu n'avoir pas voulu "embêter son bailleur" durant le cours du bail à raison du fait qu'il ne payait pas son loyer. Il s'évince aussi des échanges de mails susvisés entre la compagne de M. [O] et le bailleur que le locataire en titre n'était manifestement pas en mesure, eu égard à son état psychiatrique, de gérer ses affaires locatives. Dans un SMS consécutif à l'effondrement du mur, M. [O] indique à son bailleur "j'ai de très gros soucis de dépression, je vais en hôpital de jour depuis un an à cause de cela (je vous dis cela pour expliquer mon mutisme, par pour l'excuser). Je vis clairement dans un taudis mais au vu de ma situation financière je ne me suis jamais permis de réclamer quoi que ce soit".

Les constats alarmants de l'expert n'ont pas non plus empêché M. [O] de demeurer dans les lieux jusque fin 2023, ce qui relativise aussi le préjudice allégué.

Dans ces conditions, la cour estime que si M. [O] a certes subi un préjudice de jouissance, le quantum d'indemnisation réclamé à hauteur de plus de 15 000 euros (somme qui représente la totalité de loyers dus depuis l'entrée dans les lieux), doit être largement minoré en raison du contexte sus-évoqué et notamment de la connaissance qu'a eu M. [O], d'emblée, de l'état de l'immeuble, au moins en partie, pour être arbitré à la somme de 3 000 euros.

Le jugement est amendé en ce sens.

Il y aura lieu d'ordonner compensation entre les dettes respectives des parties.

III- Sur la demande en délais de paiement

M. [O] indique être désormais hébergé avec son fils de 16 ans à l'Armée du Salut. Il explique avoir été le gérant d'une entreprise de terrassement qui a été placée en liquidation judiciaire le 21 septembre 2021, qu'il a connu de grosses difficultés financières à compter de sa séparation d'avec son ex-compagne, qu'il n'a pu trouver que ledit logement, qu'il est suivi au plan psychiatrique pour une importante dépression, et est constamment aidé dans ses démarches par une assistante sociale.

Il fait état de nombreuses dettes et indique avoir été condamné, en référé, à payer à la SELARL Amandine Riquelmes les sommes de 55 331,52 euros et 30 762,98 euros (les deux ordonnances de référé des 23 avril 2019 et 17 février 2022 sont produites aux débats).

Il perçoit l'AAH pour un montant de 956,65 euros et bénéficie de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente procédure.

Il est constant que M. [O] avait cessé de très longue date le règlement des loyers lorsque la SCI du Mont Héry a entrepris la démarche judiciaire. L'assignation date du 17 février 2023, mais il s'évince des écritures qu'il a été défaillant dès l'été 2020, le bail ayant été signé en mai 2020. Depuis ces trois années, il n'a jamais réglé, même partiellement, le loyer.

Surtout, M. [O] ne fait pas de proposition concrète et chiffrée d'apurement.

Dans ces conditions, eu égard au montant de sa dette envers la SCI, même après compensation, et vu les nombreuses autres dettes dont il se reconnaît débiteur, il est illusoire d'espérer qu'il puisse apurer sa dette locative dans un délai compatible avec les intérêts du bailleur.

La demande en délais de paiement est rejetée.

IV- Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [O] obtient un gain partiel aux termes de son recours, de sorte que :

-la décision est confirmée s'agissant des frais irrépétibles alloués en première instance à hauteur de 350 euros,

-chacun conservera la charge de ses dépens d'appel, la demande en frais irrépétibles formée par la SCI du Mont Héry au titre des frais d'appel étant rejetée.

Par ces motifs,

Confirme l'ordonnance rendue le 7 juillet 2023 par le juge des contentieux et de la protection de Châlons-en-Champagne en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SCI du Mont Héry à payer à M. [X] [O] la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,

Ordonne la compensation entre les dettes respectives des parties.

Rejette la demande en délai de paiement,

Rejette la demande formée par la SCI du Mont Héry au titre des frais irrépétibles d'appel,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

Le Greffier le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 23/01291
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;23.01291 ?
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