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16/04/2024 | FRANCE | N°22/01694

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 16 avril 2024, 22/01694


ARRET N°

du 16 avril 2024



N° RG 22/01694 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FHKU





[L]

[M]

[I]

[J]





c/



S.A. MAISONS COOPERATIVE CHAMPAGNE ARDENNE MCCA MCCA















Formule exécutoire le :

à :



Me Pascal GUILLAUME



la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES



la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 16 AVRIL 2024





APPELANTS ET INTIMES:



d'un jugement rendu le 29 août 2022 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE-MEZIERES





Madame [C] [M] épouse [J]

[Adresse 4]

[Localité 7]/FRANCE



Représentée par Me Pascal GUILLAUME, ...

ARRET N°

du 16 avril 2024

N° RG 22/01694 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FHKU

[L]

[M]

[I]

[J]

c/

S.A. MAISONS COOPERATIVE CHAMPAGNE ARDENNE MCCA MCCA

Formule exécutoire le :

à :

Me Pascal GUILLAUME

la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES

la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 16 AVRIL 2024

APPELANTS ET INTIMES:

d'un jugement rendu le 29 août 2022 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE-MEZIERES

Madame [C] [M] épouse [J]

[Adresse 4]

[Localité 7]/FRANCE

Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Thierry BARBOUZE, avocat au barreau des ARDENNES, avocat plaidant

Monsieur [Y] [J]

[Adresse 4]

[Localité 7]/FRANCE

Représenté par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Thierry BARBOUZE, avocat au barreau des ARDENNES, avocat plaidant

Monsieur [N] [L]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Ahmed HARIR de la SELARL Ahmed HARIR, avocat au barreau des ARDENNES, avocat plaidant

Madame [U] [I]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Ahmed HARIR de la SELARL Ahmed HARIR, avocat au barreau des ARDENNES, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A. MAISONS COOPERATIVE CHAMPAGNE ARDENNE MCCA,

Société anonyme d'HLM à conseil d'administration au capital de 6.000.000,00 €, immatriculée au RCS de REIMS sous le numéro 335 680 252, venant aux droits de la Société CHAMPALOR HABITAT, ayant son siège [Adresse 2], agissant poursuite et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Quentin MAYOLET de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des ARDENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame MATHIEU, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors des débats et de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 19 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 avril 2024

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] [M] et M. [Y] [J], son époux, sont propriétaires d'un immeuble d'habitation sis [Adresse 4] à [Localité 7] (Ardennes).

Mme [U] [I] et M. [N] [L], propriétaires de l'immeuble contigu, ont fait procéder au remblaiement de leur terrain.

Par acte d'huissier en date du 19 septembre 2018, Mme [C] [M] et M. [Y] [J] ont fait assigner Mme [U] [I] et M. [N] [L] devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, devenu tribunal judiciaire, aux fins de les voir condamner à remettre en état le terrain ainsi remblayé, sur le fondement de l'article 640 du code civil.

Par acte d'huissier en date du 16 mai 2019, Mme [U] [I] et M. [N] [L] ont fait assigner en intervention forcée la SA HLM Maison Coopérative Champagne Ardenne, ci-après désignée la SA MCCA aux fins de la voir condamner à les garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées contre eux.

Par jugement rendu le 29 août 2022, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a:

-déclaré recevables Mme [C] [M] et M. [Y] [J] en leur action dirigée contre Mme [U] [I] et M. [N] [L],

-déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Mme [U] [I] et M. [N] [L] dirigée contre la SA HLM Maison Coopérative Champagne Ardenne, venant aux droits de la société Champalor Habitat 2,

-dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande devenue sans objet formée par la SA HLM Maison Coopérative Champagne Ardenne tendant à ce qu'il soit enjoint à Mme [U] [I], Nl. [N] [L], Mme [C] [M] et M. [Y] [J] d'avoir à lui dénoncer la pièce versée aux débats par les époux [J] sous le n°7 en version intégrale,

-débouté Mme [C] [M] et M. [Y] [J] de leur demande tendant à voir ordonner sous astreinte la remise en état du terrain de Mme [U] [I] et M. [N] [L] ,

-débouté Mme [U] [I] et M. [N] [L] de leur demande tendant à voir condamner Mme [C] [M] et M. [Y] [J] à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

-condamné Mme [C] [M] et M. [Y] [J] à payer à Mme [U] [I] et M. [N] [L] une somme de 1.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

-condamné Mme [U] [I] et M. [N] [L] à payer à la SA HLM Maison Coopérative Champagne Ardenne, venant aux droits

de la société Champalor Habitat, une somme de 1.000 euros sur ce même fondement,

-condamné Mme [C] [M] et M. [Y] [J] aux dépens,

-dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Par un acte en date du 26 septembre 2022, les époux [J] ont interjeté appel de ce jugement et intimé les consorts [I]-[L].

Par un acte en date du 29 septembre 2022, les consorts [I]-[L] ont interjeté appel de ce jugement et intimé la SA MCCA.

Par ordonnance du 11 juillet 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 14 juin 2023, les époux [J] demandent à la cour de constater que leur action n'est pas prescrite et de :

- dire que le remblaiement opéré par leurs voisins a sensiblement aggravé la servitude des eaux pluviales due par les concluants en violation du permis de construire délivré et de la réglementation applicable

- juger que Mme [U] [I] et M. [N] [L] seront solidairement tenus de remettre ou de faire remettre en état le terrain leur appartenant en conformité avec les dispositions administratives et réglementaires applicables dans le délai de trois mois de la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- condamner solidairement Mme [U] [I] et M. [N] [L] à verser aux époux [J] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Ils expliquent avoir saisi au préalable le conciliateur de justice,que le délai de prescription a été suspendu jusqu'à la fin de la conciliation et qu'ils ont ensuite assigner les consorts [I]-[L] dans le délai de 6 mois suivant la fin de la conciliation prévu par l'article 2238 du code civil.

Au fond, ils exposent que la parcelle AK [Cadastre 3] appartenant aux consorts [I]-[L] présentait à l'origine une pente de 2% dans sa profondeur et indiquent que le plan local d'urbanisme, en son article 11.2, prévoit que les nouveaux propriétaires ne pouvaient opérer des mouvements de terre créant un relief artificiel en surélévation apparente par rapport au sol naturel.

lls soutiennent que consorts [I]-[L] ont fait appel à un autre locateur d'ouvrage que la SA MCCA pour procéder à des travaux de surélévation de leur propriété, et ce en violation de leur permis de construire, du plan local d'urbanisme et du règlement du lotissement.

Ils font valoir que cette surélévation a eu pour effet de former une cuvette dont la pente a amplifié le déversement des eaux pluviales sur leur fonds, avec un risque de saturation en eau de leur terrain et d'inondation du vide sanitaire de leur immeuble.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 26 février 2024, les consorts [I]-[L] concluent à l'infirmation partielle du jugement déféré et demandent à la cour, sur le fondement des articles 2224 et 640 du code civil, de :

-à titre principal, déclarer prescrite l'action des époux [J] formée à leur encontre,

-à titre subsidiaire :

- débouter les époux [J] de toutes leurs demandes Mme [C] [M] et M. [Y] [J] de l'ensemble

de leurs demandes,

-à titre infiniment subsidiaire, au visa des articles 1147 et 1792-4-3 du code civil, de

- juger que la société Champalor Habitat, aux droits de laquelle vient la SA MCCA, a commis des erreurs de construction qui leur ont occasionné un préjudice

- condamner la SA MCCA à les garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre, moins de dix ans s'étant écoulés entre la date de la réception et l'action engagée, et notamment à réaliser les travaux que la cour estimerait nécessaire.

Ils sollicitent en outre la condamnation des époux [J] à leur payer la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice moral ainsi que le paiement par ces derniers ainsi que par la SA MCCA à leur payer, chacun de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

lls exposent que les travaux de construction de leur maison se sont achevés le 12 octobre 2012, et que la société Floralies Givetoise, qui a procédé à la réalisation d'une pelouse sans aucune modification de la configuration des lieux, a marqué la fin de son intervention en établissant sa facture le 19 juin 2013.

lls soutiennent ne plus avoir entrepris de travaux à l'extérieur de l'habitation après cette date, de sorte que la demande adverse a été introduite plus de 5 ans après la réalisation des travaux que les époux [J] estiment être à l'origine d'une amplification de l'écoulement des eaux pluviales.

Selon eux, les époux [J] ne peuvent se prévaloir d'une suspension du délai de prescription dans la mesure où ils n'ont pas marqué leur accord pour entrer en conciliation, ceux-ci ne s'étant pas présentés à la convocation qui leur a été adressée par le conciliateur le 4 février 2018.

A titre subsidiaire, ils relèvent qu'aucun élément technique de nature à établir une aggravation de la servitude n'est produit par les époux [J].

Ils précisent que le terrassement a été réalisé par l'entreprise Chopineaux, sous-traitant de la société Champalor Habitat, aux droits de laquelle vient la SA MCCA, étant rappelé sur ce point que l'entreprise principale est responsable de ses sous-traitants.

Ils précisent avoir ensuite mandaté la société Floralies Givetoise aux fins de réaliser une pelouse sur l'arrière et le côté de leur habitation, ces travaux ayant consisté à apporter de la terre végétale de 10 cm d'épaisseur, sans aucune modification de la configuration des lieux.

A titre infiniment subsidiaire, ils exposent avoir confié la réalisation de leur maison à la société Champalor Habitat, aux droits de laquelle vient la SA MCCA, les travaux ayant été réceptionnés le 12 octobre 2012. Ils précisent n'avoir eux-mêmes entrepris aucun travaux de sorte que seul le constructeur serait responsable au titre du remblaiement litigieux.

Ils soutiennent que le délai de prescription de l'action qu'ils détiennent contre ce dernier est de 10 années à compter de la réception des travaux conformément à l'article 1792-4-3 du code civil.

Ils estiment par ailleurs que la responsabilité du constructeur pour dommages intermédiaires demeure en tout état de cause engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil, cette responsabilité étant également soumise au délai de prescription décennal.

Au soutien de leur demande reconventionnelle, ils indiquent qu'ils ne peuvent entreprendre aucun travaux à l'extérieur de leur habitation depuis plus de sept ans du fait de l'action engagée par les époux [J].

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 27 mars 2023, la SA MCCA conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour de condamner les consorts [I]-[L] à lui payer la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Elle soutient que le délai de prescription applicable à l'action des consorts [I]-[L] fondée sur la responsabilité contractuelle est de 5 ans à compter de la réception sans réserve du chantier, soit à compter du 12 octobre 2012, pour expirer le 12 octobre 2017, de sorte qu'ils sont prescrits. Elle estime que les dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil ne lui sont pas applicables dans la mesure où elle n'était pas sous-traitante.

Elle souligne que sa responsabilité n'est pas recherchée sur le fondement de la responsabilité décennale, étant indiqué que les conditions d'application de celle-ci ne seraient en tout état de cause pas réunies. Elle ajoute que, l'action initiale étant engagée sur le fondement de l'article 640 du code civil, les consorts [I]-[L] ne peuvent exercer leur recours contre elle que sur le même fondement, lequel n'est applicable qu'aux propriétaires de fonds contigus.

Elle fait valoir que l'action principale des consorts [I]-[L] est elle-même prescrite pour avoir été introduite plus de 5 années après l'achèvement des travaux.

Elle précise que l'apport de terre végétale est étranger aux prestations qu'elle a réalisées, de sorte qu'il ne peut servir de point de départ du délai de prescription à son égard.

A titre subsidiaire, elle soutient qu'il n'est justifié d'aucun manquement qui lui serait imputable dans le cadre des travaux qu'elle a réalisés. Elle précise qu'aucune difficulté n'a été relevée suite à la réception du lot terrassement, de sorte que les travaux exécutés doivent être considérés comme conformes au dossier de permis de construire, lequel était lui-même conforme aux règles d'urbanisme en vigueur. Elle relève en outre que le permis de construire prévoit que le remblai devait être limité au cube de terrassement effectué, et que l'apport de terre éventuel pour obtenir le profil des façades devait rester à la charge du client. Elle souligne à ce titre qu'il n'est pas établi qu'elle serait à l'origine de la création de la bute de terre litigieuse.

Enfin, elle relève qu'il n'est pas établi ni que la servitude d'écoulement des eaux pluviales se serait aggravée, ni que la mise en conformité du terrain serait de nature à rétablir l'ampleur initiale de la servitude.

L' ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il y a lieu de relever que les époux [J] n'ont pas formé d'appel provoqué à l'encontre de la SA MCCA.

*Sur la recevabilité de l'action des époux [J] à l'encontre des consorts [I]-[L]

Aux termes de l'article 2227 du code civil, le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, dans le cadre d'une servitude naturelle d'écoulement des eaux, l'action fondée sur les articles 640 et 641 du code civil qui tend, pour le propriétaire du fonds inférieur, à obtenir le retrait d'un remblaiement réalisé sur le fonds supérieur au motif qu'il causerait une aggravation de la servitude, constitue une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire.

S'agissant des travaux critiqués imputés aux consorts [I]-[L] par les époux [J], leur date d'achèvement pouvant être fixée entre 2012 et 2014, il en résulte que l'action des époux [J] exercée à l'encontre des consorts [I]-[L], suivant assignation délivrée le 19 septembre 2018 n'est pas prescrite.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les époux [J] recevables en leur action formée à l'encontre des consorts [I]-[L].

*Sur la demande de remise en état du terrain appartenant aux consorts [I]-[L] formée par les époux [J]

Aux termes de l'article 640 du code civil, les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.

Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.

Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

Aux termes de l'article 641, alinéa 1 et 2, tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds.

Si l'usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d'écoulement établie par l'article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur.

Pour bénéficier de la servitude légale de l'article 640, le demandeur doit prouver, que selon la pente naturelle du terrain, les eaux ruissellent de sa propriété sur celle du propriété du fonds servant.

En l'espèce, les époux [J] au soutien de leur action produisent la copie en noir et blanc d'un procès-verbal de constat dressé le 13 septembre 2018 par Maître [K] [D], huissier de justice à [Localité 6], lequel fait apparaître que la construction des consorts [I]-[L] est située sur une "butte" en dénivelé par rapport à la construction des époux [J]. Il est annexé à cette pièce un document intitulé PCMi4 qui indique que la parcelle cadastrée section AK n°[Cadastre 3] lot n3 (appartenant aux époux [J]) a un relief régulier et possède une pente de 2% dans la profondeur.

ll ressort également de ce constat que cette surélévation apparente de terre, en façade arrière et au niveau du pignon gauche de la maison des consorts [I]-[L] génère une pente venant s'achever en limite de propriété, au niveau d'une tranchée creusée sur la parcelle des époux [J] le long de la limite séparative des deux fonds.

La cour, comme le premier juge, au vu de ces éléments estime qu'au regard de la configuration des lieux, il existe une servitude légale d'écoulement des eaux, les eaux pluviales ne pouvant se déverser que sur le fonds des époux [J].

Toutefois, pour réclamer l'enlèvement du remblai , il appartient aux époux [J] de prouver l'aggravation de ladite servitude. Or, contrairement à ce qu'ils affirment, le procès-verbal de constat d'huissier étant taisant sur ce point, ces derniers ne produisent pas plus, à hauteur de cour, d'élément technique concret permettant de calculer la surélévation critiquée, notamment par sa hauteur et son inclinaison, en comparaison avec le niveau initial du terrain, postérieurement à la mise en pelouse du terrain réalisée pour les consorts [I]-[L] par la société Les Floralies givetoises, suivant facture datée du 19 juin 2023.

Au surplus, les époux [J] ne communiquent pas de pièce probante de nature à établir, en terme de débit ou de saturation en eaux de leur fonds, que le ruissellement de ces dernières sur leur fonds aurait été aggravé au regard de la servitude initiale. La cour estime comme le tribunal que les photographies et constats opérés par l'huissier au niveau du vide sanitaire des époux [J] n'établissent pas cette preuve.

Dans ces conditions, force est de constater la défaillance des époux [J] dans l'administration de la preuve qui leur incombe.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [J] de leur demande tendant à voir ordonner la remise en état du terrain appartenant aux consorts [I]-[L].

*Sur la demande reconventionnelle en paiement des consorts [I]-[L] formée à l'encontre des époux [J]

Les consorts [I]-[L] sollicitent l'indemnisation d'un préjudice moral résultant selon eux de l'impossibilité d'entreprendre tous travaux d'extérieur du fait de la présente procédure initiée par les époux [J].

La cour comme le tribunal souligne que les consorts [I]-[L] ne produisent ni devis, ni justificatif de dépôt d'une déclaration ou demande d'autorisation d'urbanisme, et n'établissent ni la teneur ni l'impossibilité de procéder aux travaux allégués en lien avec la procédure initiée par les époux [J]. De plus, il y a lieu de relever qu'ils produisent une photographie qui démontre qu'ils profitent de leur jardin en juillet 2014 à l'occasion d'une fête de famille.

Dès lors, constatant la carence des consorts [I]-[L] dans l'administration de la preuve, il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il les a déboutés de leur demande en réparation d'un préjudice moral.

*Sur les autres demandes

L'action principale des époux [J] n'ayant pas abouti, l'appel en garantie formé subsidiairement par les consorts [I]-[L] devient sans objet.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande des consorts [I]-[L] dirigée contre la SA HLM MCCA, venant aux droits de la société Champalor Habitat.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les époux [J] succombant, ils seront tenus in solidum aux dépens d'appel.

Les circonstances de l'espèce commandent de condamner in solidum les époux [J] à payer aux consorts [I]-[L] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de débouter les autres parties de leurs demandes en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 29 août 2022 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Mme [U] [I] et M. [N] [L] dirigée contre la SA HLM Maison Coopérative Champagne Ardenne, venant aux droits de la société Champalor Habitat 2.

Et statuant à nouveau de ce seul chef,

Déclare l'appel en garantie formé subsidiairement par Mme [U] [I] et M. [N] [L] contre la SA HLM Maison Coopérative Champagne Ardenne, venant aux droits de la société Champalor Habitat 2, sans objet.

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [C] [M] épouse [J] et M. [Y] [J] à payer à Mme [U] [I] et à M. [N] [L] la somme globale de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Déboute les autres parties de leurs demandes en paiement formées sur ce même fondement.

Condamne in solidum Mme [C] [M] épouse [J] et M. [Y] [J] aux dépens d'appel et autorise la Scp Delvincourt Caulier-Richard Castello ainsi que la Scp Ledoux Ferri Riou-Jacques Touchon Mayolet, avocats, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 22/01694
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;22.01694 ?
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