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27/03/2024 | FRANCE | N°23/01577

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre sociale, 27 mars 2024, 23/01577


Arrêt n°

du 27/03/2024





N° RG 23/01577





FM/FJ









Formule exécutoire le :







à :



COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 27 mars 2024





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 14 septembre 2023 par le Conseil de Prud'hommes d'EPERNAY, section procédure accélérée au fond (n° R 22/00001)



SAS AC2M DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par la SARL OREN AVOC

ATS, avocats au barreau de LYON





INTIMÉE :



Madame [O] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par la SCP ROYAUX, avocat au barreau des ARDENNES

DÉBATS :



En audience publique, en application des dispositions des articles 805 e...

Arrêt n°

du 27/03/2024

N° RG 23/01577

FM/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 27 mars 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 14 septembre 2023 par le Conseil de Prud'hommes d'EPERNAY, section procédure accélérée au fond (n° R 22/00001)

SAS AC2M DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SARL OREN AVOCATS, avocats au barreau de LYON

INTIMÉE :

Madame [O] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SCP ROYAUX, avocat au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 février 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 27 mars 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Mme [O] [K] a été embauchée en 1992 par la société Carrefour Hypermarché, pour occuper un poste d'assistante de vente dans un magasin situé à [Localité 3].

Son contrat de travail a été transféré au bénéfice de la société AC2M Distribution en 2020.

Mme [O] [K] a été victime d'un accident du travail le 13 octobre 2015, qui a été déclaré consolidée à la date du 21 octobre 2018.

La qualité de travailleur handicapé a été reconnue à Mme [O] [K] à compter du 1er novembre 2016.

Mme [O] [K] a été déclarée apte par un avis du médecin du travail du 9 février 2017, avec les réserves suivantes : éviter le port de charges répétées de plus de 10 kilogrammes, éviter l'élévation répétée du membre supérieur D au-dessus de l'horizontale des épaules, et utiliser Mercurette et une plateforme de travail.

Mme [O] [K] a été victime d'un accident du travail le 19 juin 2021.

Le médecin du travail a établi le 15 octobre 2021 une « attestation de suivi » et une « proposition de mesures individuelles d'aménagement d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou de mesures d'aménagement du temps de travail ». Cette proposition mentionne les préconisations suivantes : « pas de port de charges $gt; 10 kg, pas de travaux bras en élévation, utilisation tir palette électrique, éviter au maximum l'affectation au rayon frais et surgelés, pas d'affectation en caisse ».

Le médecin du travail a établi le 28 décembre 2021 un avis d'aptitude dans les termes suivants : « apte à son poste aménagé (cf étude de poste SAMETH 2017/2018) : pas de port de charges $gt; 10 kg, pas de travaux bras en élévation, utilisation obligatoire du tir palette électrique, escabeau 4 marches

Eviter l'affectation au rayon frais et surgelé (maximum 1 heure par jour), éviter l'affectation en caisse (maximum 1 heure par jour) ».

La société AC2M Distribution a saisi le conseil de prud'hommes d'Epernay le 11 janvier 2022, selon la procédure accélérée au fond.

Par un jugement du 31 mars 2022, le conseil a ordonné une mesure d'instruction.

Mme [O] [K] a été licenciée pour faute grave le 15 novembre 2022.

Le rapport de l'expert a été déposé le 3 mai 2023.

Par un jugement du 14 septembre 2023, le conseil a :

- déclaré recevable la saisine de la société AC2M Distribution ;

- dit que la saisine est justifiée ;

- prononcé la nullité du rapport du docteur [M] concernant Mme [O] [K] ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à une nouvelle expertise de Mme [O] [K] ;

- confirmé l'avis d'aptitude établi par le docteur [H] le 28 décembre 2021 ;

- condamné la société AC2M Distribution à payer à Mme [O] [K] la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis la totalité des éventuels dépens à la charge de la société AC2M Distribution.

La société AC2M Distribution a formé appel.

Par des conclusions remises au greffe le 12 janvier 2024, la société AC2M Distribution demande à la cour de :

- INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Epernay le 14 septembre 2023 en ce qu'il a : prononcé la nullité du rapport du Docteur [M] concernant Mme [O] [K] ; dit qu'il n'y a pas lieu à une nouvelle expertise de Mme [O] [K] [O] [K] ; confirmé l'avis d'aptitude de Mme [O] [K] établi par le Docteur [H] du 28 décembre 2021 ; condamné la société AC2M Distribution à payer à Mme [O] [K] la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; MIS la totalité des éventuels dépens à la charge de la société AC2M Distribution ;

Statuant à nouveau sur ces points,

- JUGER recevable le rapport définitif transmis par le Docteur [M] désigné à cet effet par le Conseil ;

Et en conséquence, suivant les conclusions du rapport :

- ANNULER l'avis d'aptitude émis le 28 décembre 2021 par le médecin du travail,

- REMPLACER l'avis d'aptitude par un avis d'inaptitude de Mme [K] à son poste d'Assistante de Vente ;

- DÉBOUTER Mme [K] de l'entièreté de ses demandes,

- CONFIRMER ledit jugement en ce qu'il a : déclaré recevable la saisine de la société AC2M Distribution ; dit que la saisine est justifiée,

- JUGER qu'en l'absence de demande de réformation ou d'infirmation du jugement au sein des conclusions d'intimée notifiées le 24 novembre 2023, la Cour n'est pas saisie d'un appel incident,

Par conséquent,

- JUGER irrecevables les demandes adverses suivantes « JUGER irrecevables car prescrites et mal fondées les demandes de la société AC2M Distribution relatives à l'inaptitude et à l'impossibilité de reclassement »,

- CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes d'Epernay en date du 14 septembre 2023 en ce qu'il a « Déclaré recevable la saisine de la société AC2M Distribution», « Dit que la saisine est justifiée »

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- condamner Mme [K] aux entiers dépens et à verser à la société AC2M Distribution la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions remises au greffe le 24 novembre 2023, Mme [O] [K] demande à la cour de :

- juger irrecevables car prescrites et mal fondées les demandes de la Société AC2M Distribution relatives à l'inaptitude et à l'impossibilité de reclassement.

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions.

- confirmer le jugement du 14 septembre 2023 en ce qu'il a annulé le rapport du Docteur [M] concernant Mme [K] et condamner AC2M DISTRIBUTION à lui verser la somme de 1.700,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Y ajoutant

- condamner AC2M DISTRIBUTION à verser à Mme [K] la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 1240 Code civil au regard du caractère abusif de la procédure, et à une même somme sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Motifs :

Sur les irrecevabilités alléguées

Mme [O] [K] demande à la cour de juger irrecevables car prescrites et mal fondées les demandes de la Société AC2M Distribution relatives à l'inaptitude et à l'impossibilité de reclassement.

La société AC2M Distribution répond que le jugement a retenu que sa saisine est recevable, que la cour n'est pas saisie d'un appel incident faute pour Mme [O] [K] d'avoir demandé l'infirmation ou la réformation du jugement et que, dès lors, la cour doit juger qu'est irrecevable la demande d'irrecevabilité formée par Mme [O] [K].

La cour relève que Mme [O] [K] ne demandant pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé la saisine recevable, le jugement doit être confirmé de ce chef.

Sur l'aptitude de Mme [O] [K]

Ainsi qu'il l'a été indiqué précédemment, le médecin du travail est intervenu à différentes reprises :

- Mme [O] [K] a été déclarée apte par un avis du médecin du travail du 9 février 2017, avec les réserves suivantes : éviter le port de charges répétées de plus de 10 kilogrammes, éviter l'élévation répétée du membre supérieur D au-dessus de l'horizontale des épaules, et utiliser Mercurette et une plateforme de travail ;

- le médecin du travail a établi le 15 octobre 2021 une « attestation de suivi » et une « proposition de mesures individuelles d'aménagement d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou de mesures d'aménagement du temps de travail ». Cette proposition mentionne les préconisations suivantes : « pas de port de charges $gt; 10 kg, pas de travaux bras en élévation, utilisation tir palette électrique, éviter au maximum l'affectation au rayon frais et surgelés, pas d'affectation en caisse » ;

- Le médecin du travail a établi le 28 décembre 2021 un avis d'aptitude dans les termes suivants : « apte à son poste aménagé (cf étude de poste SAMETH 2017/2018) : pas de port de charges $gt; 10 kg, pas de travaux bras en élévation, utilisation obligatoire du tir palette électrique, escabeau 4 marches, Eviter l'affectation au rayon frais et surgelé (maximum 1 heure par jour), éviter l'affectation en caisse (maximum 1 heure par jour) ».

Par ailleurs, le conseil a ordonné une expertise confiée à un médecin inspecteur régional.

Le rapport d'expertise du 24 avril 2023 a conclu que « Mme [O] [K] est inapte au poste d'assistante de vente tel qu'existant dans la SAS AC2M DISTRIBUTION ».

Le jugement du 14 septembre 2023 a prononcé la nullité de ce rapport aux motifs que la société AC2M Distribution a transmis à l'expert des pièces qui avaient pourtant été écartées des débats par le jugement du 31 mars 2022 et qu'elle a donc violé le principe du contradictoire.

Devant la cour, la société AC2M Distribution demande l'infirmation du jugement de ce chef et que ce rapport soit jugé recevable.

Mme [O] [K] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a annulé ce rapport.

Dans ce cadre, la cour rappelle, de manière générale, que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l'article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure (Civ. 1ère, 30 avril 2014, n° 13-13.579) et que la violation du principe de la contradiction n'entraine la nullité du rapport que dans la mesure où la partie qui l'invoque prouve le grief que lui cause l'irrégularité (même arrêt).

Or, en l'espèce, si Mme [O] [K] demande la confirmation du jugement de ce chef, elle n'établit pas l'existence d'un grief, alors qu'elle indique avoir adressé un courrier et un dire à l'expert à ce sujet, peu important que le rapport ne les mentionne pas.

La cour relève que Mme [O] [K] invoque également la nullité du rapport en faisant valoir que l'employeur a modifié unilatéralement l'intitulé de son poste pour retenir l'intitulé d'employé commercial à la place d'assistante de vente. Toutefois, Mme [O] [K] indique avoir soulevé cette difficulté dans son courrier et son dire, de sorte que l'expert en a été informé, étant précisé que le rapport fait état des contraintes et risques du poste d'assistante de vente et déclare Mme [O] [K] inapte à un tel poste.

Mme [O] [K] invoque enfin la nullité du rapport au motif que la société AC2M Distribution a transmis à l'expert des pièces (fiche de poste, date des arrêts maladie et des accidents du travail, déclarations d'accident du travail, notifications de reconnaissance RQTH et d'IP, éléments relatifs au licenciement pour faute, évaluation des RPS, fiche d'entreprise) sans les lui transmettre et qu'il y a donc eu à nouveau violation du principe du contradictoire. Toutefois, elle ne fait pas état d'un grief à cet égard, alors qu'elle avait nécessairement eu une connaissance préalable de la plupart de ces pièces.

Au regard de ces éléments, le jugement est infirmé en ce qu'il a annulé le rapport d'expertise.

La cour relève que ce rapport est motivé, procède à une analyse précise de la situation de Mme [O] [K], que ce soit notamment au regard du poste de travail, des accidents du travail subis, de son suivi par la médecine du travail, et procède à une appréciation très circonstanciée de cette situation pour en conclure à l'inaptitude.

Au regard de ce rapport, la cour retient que Mme [O] [K] est inapte à son poste d'assistante de vente.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a confirmé l'avis d'aptitude du 28 décembre 2021.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société AC2M Distribution au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d'appel, l'équité impose de rejeter les demandes des parties au titre de ce même article.

Sur les dépens

Le jugement est confirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de la société AC2M Distribution.

A hauteur d'appel, chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du rapport du docteur [M] concernant Mme [O] [K] ;

- confirmé l'avis d'aptitude de Mme [O] [K] établi par le docteur [H] du 28 décembre 2021 ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Juge Mme [O] [K] inapte au poste d'assistante de vente ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes formées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/01577
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;23.01577 ?
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