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26/03/2024 | FRANCE | N°23/01080

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 26 mars 2024, 23/01080


ARRET N°

du 26 mars 2024



R.G : N° RG 23/01080 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FLKG





[Z]





c/



S.A. PLURIAL NOVILIA











CH







Formule exécutoire le :

à :



Me Claire LUDOT



Me Christophe BARTHELEMY

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 26 MARS 2024



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 16 juin 2023 par le Juge des contentieux de la protectio

n de Reims



Madame [R] [Z],

[Adresse 2]

[Localité 5]



Agissant tant en son nom personnel, et ès qualités de représentant légal de ses 9 enfants :

' [A] [Z], née le 08/10/2007 à [Localité 5] (51),

' [X] [T] [Z], né le 24/01/2014 à [Localité 5]...

ARRET N°

du 26 mars 2024

R.G : N° RG 23/01080 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FLKG

[Z]

c/

S.A. PLURIAL NOVILIA

CH

Formule exécutoire le :

à :

Me Claire LUDOT

Me Christophe BARTHELEMY

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 26 MARS 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 16 juin 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Reims

Madame [R] [Z],

[Adresse 2]

[Localité 5]

Agissant tant en son nom personnel, et ès qualités de représentant légal de ses 9 enfants :

' [A] [Z], née le 08/10/2007 à [Localité 5] (51),

' [X] [T] [Z], né le 24/01/2014 à [Localité 5] (51),

' [J] [T] [Z], née le 10/03/2015 à [Localité 5] (51),

' [W] [Z], née le 18/05/2012 à [Localité 5] (51),

' [M] [Z], née le 27/05/2016 à [Localité 5] (51),

' [B] [Z], née le 17/04/2017 à [Localité 5] (51),

' [K] [Z], né le 07/06/2019 à [Localité 5] (51),

' [D] [Z], née le 14/12/2020 à [Localité 4] (51),

' [N] [Z], née le 10/03/2022 à [Localité 4] (51).

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-002791 du 09/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Claire LUDOT, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A. PLURIAL NOVILIA société anonyme d'HLM inscrite au RCS de REIMS sous le numéro 335 480 679, agissant poursuites et diligences de son Directeur général domicilié de droit audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe BARTHELEMY, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Bertrand DUEZ, président de chambre

Madame Christel MAGNARD, conseiller

Madame Claire HERLET, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 12 décembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 janvier 2024, et prorogé au 13 février 2024, puis au 26 mars 2024.

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024 et signé par M. Bertrand DUEZ, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Mme [R] [Z] est locataire auprès de la société Plurial Novilia, d'un appartement sis [Adresse 2] à [Localité 5] depuis le 13 novembre 2019.

Le loyer mensuel est de 390,76 euros et le dépôt de garantie du même montant.

Mme [Z] bénéficie d'une aide au logement d'environ 370 euros par mois.

Considérant que son logement est trop exigu depuis février 2021 puisqu'elle a 9 enfants, tandis qu'il est infesté de cafards et de punaises de lit depuis janvier 2022, Mme [Z] a donc alerté la société Plurial Novilia à de multiples reprises afin qu'il soit remédié au problème ou afin d'être relogée.

Estimant que seules des propositions de relogement inadaptées à l'hébergement de sa famille ont été formulées, alors qu'un traitement nauséabond et toxique avait été mis en 'uvre en vain avec un hébergement d'urgence sis [Adresse 3] à [Localité 5], les cafards étant toujours présents dans le logement, Mme [Z] a assigné son bailleur, en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants par acte d'huissier en date du 22 février 2023 pour voir :

-ordonner son relogement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

-condamner la SA Plurial Novilia à lui payer :

-9 769 euros en réparation de son trouble de jouissance de février 2021 à février 2023,

-10 000 euros en réparation du préjudice moral subi par elle et par ses enfants,

-5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi par elle et ses enfants,

-10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter la SA plurial Novilia de ses demandes, fins et conclusions contraires.

En défense, la SA Plurial Novilia a conclu au rejet des demandes de Mme [Z]. A titre reconventionnel, elle a sollicité l'expulsion sous astreinte de 100 euros par jour passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement au motif qu'elle se maintient sans droit ni titre dans l'appartement où elle a été hébergée en urgence pendant les opérations de désinsectisation et sa condamnation à une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux.

Enfin, elle a demandé sa condamnation à lui payer 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 16 juin 2023, le juge des contentieux de la protection de Reims a :

-débouté Mme [Z] de ses demandes,

-constaté l'occupation sans droit ni titre par Mme [Z] et des occupants de son chef du logement sis [Adresse 3] à [Localité 5] appartenant à la SA d'HLM Plurial Novilia,

-ordonné l'expulsion immédiate de Mme [Z] et de celle de tous occupants de son chef y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique sous astreinte de 10 euros par jour passé un délai de 8 jours après la signification du présent jugement,

-débouté la SA d'HLM Plurial Novilia de ses demandes plus amples ou contraires,

-condamné Mme [Z] aux dépens,

-rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Mme [Z] a interjeté appel de l'ensemble des dispositions de cette décision par déclaration en date du 29 juin 2023.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2023, Mme [Z] tant en son nom personnel, qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, demande de voir :

-infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

-ordonner son relogement urgent au sein d'un logement adapté aux besoins de sa famille et décent, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

-condamner la société Plurial Novilia au paiement de la somme de 12 895,08 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice de jouissance subi par elle, en sa double qualité, de février 2021 à octobre 2023 inclus (soit 33 mois), laquelle devra faire l'objet d'une réactualisation au jour de l'arrêt à intervenir,

-condamner la société Plurial Novilia au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral subi par elle, en sa double qualité, soit 1 000 euros pour chacun des membres de la famille,

-condamner la société Plurial Novilia au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais de l'instance, par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner la société Plurial Novilia au paiement des entiers dépens de 1ère instance et d'appel, dont distraction est requise au profit de Me Claire LUDOT, Avocat aux offres de droit,

-juger que les sommes que la société Plurial Novilia sera condamnée à lui verser produiront intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

-débouter la société Plurial Novilia de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2023, la société Plurial Novilia demande de voir :

-confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Reims du 16 juin 2023,

-débouter Mme [Z] de toutes ses demandes, fins et prétentions.

-condamner Mme [Z] au versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [Z] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023.

MOTIFS

-Sur la demande de relogement

L'article 1719 du code civil dispose que :

« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations ».

L'article 1720 du même code ajoute que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.

Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

L'article 1724 du code civil dispose enfin que si, durant le bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes et qui ne puissent être différées jusqu'à sa fin, le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu'elles lui causent, et quoiqu'il soit privé, pendant qu'elles se font, d'une partie de la chose louée.

Mais, si ces réparations durent plus de quarante jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé.

Si les réparations sont de telle nature qu'elles rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du preneur et de sa famille, celui-ci pourra faire résilier le bail.

Il résulte par ailleurs de l'article 2 du Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 que « Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

[']

4. La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

[']

6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.

['] ».

L'article 6 alinéa 1 er de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 indique par ailleurs que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites.

L'article L. 1331-22 du code de la santé publique précise que tout local, installation, bien immeuble ou groupe de locaux, d'installations ou de biens immeubles, vacant ou non, qui constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé, exploité ou utilisé, un danger ou risque pour la santé ou la sécurité physique des personnes est insalubre.

La présence de revêtements dégradés contenant du plomb à des concentrations supérieures aux seuils et aux conditions mentionnés à l'article L. 1334-2 rend un local insalubre.

Les décrets pris en application de l'article L. 1311-1 et, le cas échéant, les arrêtés pris en application de l'article L. 1311-2 précisent la définition des situations d'insalubrité.

L'article L. 1331-23 du code de la santé publique dispose ensuite que ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux, les locaux insalubres dont la définition est précisée conformément aux dispositions de l'article L. 1331-22, que constituent les caves, sous-sols, combles, pièces dont la hauteur sous plafond est insuffisante, pièces de vie dépourvues d'ouverture sur l'extérieur ou dépourvues d'éclairement naturel suffisant ou de configuration exiguë, et autres locaux par nature impropres à l'habitation, ni des locaux utilisés dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation.

Mme [Z] expose que le logement qu'elle loue est aussi indécent qu'insalubre depuis plus de deux ans, qu'elle a multiplié les appels au secours, notamment auprès de la société Plurial Novilia en vain si bien que la responsabilité de la société est engagée.

Elle indique qu'un relogement urgent doit intervenir au sein d'un logement adapté aux besoins de sa famille et demande qu'il y soit procédé sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

La société Plurial Novilia conteste l'indécence et l'insalubrité du logement exposant avoir fait preuve de réactivité lorsque Mme [Z] s'est plainte et expliquant qu'une campagne préventive de désinsectisation avait été réalisée en mars 2022 et qu'après vérification du logement de Mme [Z], aucune anomalie n'avait été recensée. A cette date, il n'y avait donc pas de blattes.

En juillet et août 2022, le logement avait dû être traité non pas contre les blattes, mais contre les punaises de lit et à l'issue de son intervention du 10 août 2022, le technicien de la société Champagne Energie avait fait état de la mention suivante : « Revoir entretien et ménage dans le logement ».

Un pré-état des lieux de sortie effectué le 13 avril 2021 en vue d'une éventuelle mutation de la locataire avait déjà révélé un défaut de propreté général du logement, étant précisé que le 26 août 2022, Mme [Z] avait informé le technicien « qu'une amie à elle est infestée de punaises de lit et vient régulièrement chez elle, ce qui explique que des punaises soient toujours présentes dans son propre logement ».

La présence de blattes n'avait été signalée qu'à partir du mois de décembre 2022 et il avait été demandé à Mme [Z] de nettoyer son logement avant l'intervention de la société de désinsectisation, cette dernière constatant en février 2023 une infestation importante de blattes dans tout le logement.

La société Plurial Novilia expose qu'après 6 fumigations du logement, un constat d'huissier a été dressé le 24 mars 2023, en présence de Mme [Z] afin de vérifier l'éradication des blattes avant sa réintégration dans les lieux. Ce constat relate l'absence d'insectes hormis deux blattes mortes tombées d'un pied de lit parapluie après avoir été secoué.

Lors de ce constat, Mme [Z] a été priée de garder les lieux propres, tout particulièrement dans la cuisine, et de contrôler méthodiquement ses affaires, laver ses vêtements et vérifier toutes les denrées alimentaires lors de son retour dans les lieux.

Malgré l'éradication des insectes et le nettoyage complet de l'appartement, Mme [Z] a décliné à plusieurs reprises les rendez-vous pris pour réintégrer les lieux.

La société Plurial Novilia considère qu'elle n'a commis aucune faute alors que l'apparition de blattes postérieurement à la prise de possession des lieux ne peut être imputée au bailleur qui a remis un logement en bon état et qui n'est pas responsable de son nettoyage en cours de bail, à plus forte raison si leur prolifération persiste après le passage du désinsectiseur.

Elle ajoute que la demande de relogement n'est pas fondée en ce que le logement actuel n'est pas en situation de suroccupation au regard de la loi dans la mesure où sa surface est supérieure à 70 m² (article R. 822-25 du CCH).

Il résulte du rapport établi par la société Champagne Energie qui est intervenue dans le logement de Mme [Z] pour la désinsectisation de son logement que le 29 mars 2022 son logement avait été vérifié et qu'il n'y avait aucune anomalie. Cependant du gel avait été posé dans la cuisine, la salle de bain, les toilettes et le couloir.

Suite à cette première intervention dans le cadre d'une campagne de désinsectisation, il a été procédé à une vérification le 4 juillet 2022 et des punaises de lit ont été détectées justifiant ainsi deux traitements le 20 juillet 2022 et le 27 juillet 2022 vérifiés et poursuivis le 10 août 2022 puis le 26 août 2022, les punaises étant toujours présentes, le technicien précisant que Mme [Z] lui avait dit recevoir régulièrement une amie dont le logement était infesté de ces insectes.

S'agissant des blattes, des traitements par fumigation ont été entrepris à compter du 8 décembre 2022, puis le 9 février 2023 le rapport préconisant de procéder à plusieurs traitements, à la pose de silicone sur le passage des blattes et à la pulvérisation d'un insecticide liquide pour leur éradication du fait de l'infestation du logement.

Ces traitements ont été entrepris le 14 février 2023, le 16 février 2023, le 21 février 2023 et le 23 février 2023.

Malgré ces traitements la présence de blattes était toujours constatée les 24, 27 février, le 1er mars, le 6 mars, le 9 mars ainsi que le 13 mars 2023, cette présence étant qualifiée de légère lors des dernières interventions.

Selon le constat d'état des lieux établi par Me [U] [P], huissier de justice, le 24 mars 2023, plus aucune blatte n'était présente dans le logement, à l'exception de deux blattes mortes ou mourantes tombées du lit parapluie secoué par Mme [Z]. Il était constaté que les orifices dans les murs notamment au passage des canalisations avaient été obstrués avec du silicone, tout comme les interstices derrières les bandes de chant plat en haut des cloisons. En outre plusieurs points de gel insecticides avaient été placés en plusieurs endroits dans les angles des murs.

Les photographies produites par la société Plurial Novilia montrant un logement parfaitement propre après ces interventions.

S'il est incontestable que le logement de Mme [Z] a été infesté d'abord de punaises de lit puis de cafards pendant plusieurs mois, il ressort cependant des pièces versées aux débats que lorsqu'elle l'a pris à bail, ces nuisances n'existaient pas, pas plus qu'elles étaient présentes dans l'appartement lors de la campagne de désinsectisation engagée par le bailleur en mars 2022.

Sans qu'aucune pièce versée aux débats ne puisse déterminer l'origine de cette infestation, il ressort cependant des photographies prises avant les interventions par la société Plurial Novilia ainsi que du premier rapport d'intervention que le logement de Mme [Z] n'était pas correctement entretenu et qu'elle stockait sur son balcon de très nombreux effets personnels entreposés dans des sacs poubelles occupant l'intégralité de l'espace et que sa cuisine était encombrée de la même manière, bien que les attestations versées par Mme [Z] toutes datées de février 2023 fassent toutes état d'un logement propre et bien rangé.

Mme [Z] ne produisant aucune pièce antérieure à février 2023 permettant d'établir que son logement était indécent au moment où il a été pris à bail, il y a lieu de constater que son bailleur est intervenu avec diligence pour éradiquer les blattes et les punaises de lit qui avaient infesté son logement, celui-ci étant devenu de nouveau habitable sans risque pour les occupants à compter du 24 mars 2023.

S'agissant de la nécessité pour elle d'être relogée compte-tenu du nombre d'occupants, il convient de rappeler qu'elle était déjà mère de sept enfants lorsqu'elle a pris à bail le logement litigieux d'une surface de 73,11 m2 en novembre 2019 et que deux enfants sont nés par la suite en 2020 et 2022.

Or, si l'on se réfère aux normes fixées pour la construction des nouveaux immeubles par l'article R 111-4 du code de la construction et de l'habitation applicable au jour de la signature du contrat de bail mais désormais abrogé par le décret n°2021-872 du 30 juin 2021, qui disposait que la surface et le volume habitables d'un logement doivent être de 14 mètres carrés et de 33 mètres cubes au moins par habitant prévu lors de l'établissement du programme de construction pour les quatre premiers habitants et de 10 mètres carrés et 23 mètres cubes au moins par habitant supplémentaire au-delà du quatrième, la surface minimale pour 7 personnes s'établissait à 78 m2.

Le logement loué n'étant pas un logement neuf, sa surface habitable de 73,11 m2 et corrigée de 123,49 m2 était adapté à la famille de Mme [Z].

Si le logement litigieux est désormais inadapté depuis la naissance de ses deux derniers enfants, il n'en demeure pas moins que la société Plurial Novilia n'en est pas responsable, d'autant plus que des propositions de relogement lui ont été faites et qu'elle les a refusées si bien que par décision du 13 septembre 2022 confirmée par décision du 15 novembre 2022, la commission de médiation de la Marne, rattachée à la préfecture de la Marne, a considéré qu'elle n'était pas prioritaire pour être relogée en urgence faute d'avoir accepté les propositions jugées adaptées à ses besoins et capacités.

Le jugement qui a débouté Mme [Z] de sa demande de relogement sous astreinte sera donc confirmé.

-Sur la demande en réparation des préjudices subis

En application de l'article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

L'article 1231-3 du code civil précise que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.

En l'espèce, Mme [Z] sollicite un préjudice de jouissance au motif que le logement est aussi indécent qu'insalubre depuis plus de deux ans.

Au regard de l'état d'insalubrité et d'indécence de l'appartement, elle estime qu'elle subit un préjudice de jouissance incontestable et ce, depuis le mois de février 2021, date à laquelle elle a commencé à se plaindre auprès de la société Plurial Novilia du caractère bien trop exigu du logement, avant l'apparition des cafards au mois de janvier 2022, raison pour laquelle elle chiffre son préjudice au montant des loyers acquittés depuis le mois de février 2021, outre un préjudice moral pour elle et ses enfants.

La cour, comme le premier juge, n'ayant constaté aucun manquement de la société Plurial Novilia à ses obligations de délivrance d'un logement décent et sain alors que cette dernière a fait procéder à la désinsectisation du logement ainsi qu'au relogement temporaire de la famille, Mme [Z] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

Sur la demande reconventionnelle en expulsion du logement occupé provisoirement pendant les travaux de désinsectisation

La société Plurial Novilia expose que Mme [Z] s'est maintenue sans droit ni titre dans l'appartement situé [Adresse 3] à [Localité 5], qu'il s'agit d'un appartement meublé destiné à l'hébergement provisoire de personnes en situation d'urgence et que Mme [Z] n'a pas honoré les rendez-vous fixés pour organiser la restitution de son appartement après sa désinsectisation et son nettoyage complet.

Elle estime que ce maintien dans les lieux n'était pas justifié et que c'est à bon droit que le premier juge a ordonné l'expulsion de Mme [Z] du logement occupé provisoirement sis [Adresse 3] à [Localité 5].

Pour contester la décision d'expulsion, Mme [Z] affirme qu'elle a quitté le logement depuis longtemps et que sa fille ayant été hospitalisée, elle n'a pas pas pu remettre les clés du logement immédiatement mais qu'elle les a remises à la société Plurial Novilia par lettre recommandée avec accusé de réception le 3 juin 2023.

Elle produit d'ailleurs aux débats une photographie d'un courrier recommandé adressé à la société Plurial Novilia à coté duquel un trousseau de clés et la preuve de la réception de ce courrier par Plurial Novilia le 6 juin 2023.

Dans ces conditions, alors que la société bailleresse ne conteste pas avoir reçu le courrier recommandé postérieurement au courrier de son conseil daté du 22 mai 2023 réclamant la restitution des clés, il y a lieu de considérer que Mme [Z] fait la preuve de la restitution du logement sis [Adresse 3] à [Localité 5].

Le jugement qui a ordonné son expulsion sera donc infirmé.

Sur les dépens

Mme [Z] ayant succombé sur l'ensemble de ses demandes en première instance, et son appel n'ayant prospéré que sur une demande reconventionnelle accessoire de son adversaire, il y a lieu de confirmer le jugement qui l'a condamné aux dépens de première instance, et de la condamner à payer les dépens engagés en cause d'appel.

Sur les frais irrépétibles

Mme [Z] ayant succombé à la procédure et l'équité commande de la condamner à payer à la société Plurial Novilia la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur d'appel.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, dans la limite de l'appel,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-constaté l'occupation sans droit ni titre par Mme [Z] et des occupants de son chef du logement sis [Adresse 3] à [Localité 5] appartenant à la SA d'HLM Plurial Novilia,

-ordonné l'expulsion immédiate de Mme [Z] et de celle de tous occupants de son chef y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique sous astreinte de 10 euros par jour passé un délai de 8 jours après la signification du présent jugement,

Statuant à nouveau,

Déboute la société Plurial Novilia de sa demande d'expulsion sous astreinte de Mme [Z] et de tous les occupants de son chef du logement sis [Adresse 3] à [Localité 5],

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions,

Condamne Mme [Z] à payer les dépens de l'instance d'appel,

Condamne Mme [Z] à payer à la société Plurial Novilia la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 23/01080
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;23.01080 ?
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