ARRET N°
du 26 mars 2024
N° RG 23/00286 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJMH
S.A.R.L. L'ETERNITE
c/
S.E.L.A.R.L. [D] [H]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 26 MARS 2024
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 10 janvier 2023 par le tribunal de commerce de SEDAN
S.A.R.L. L'ETERNITE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Adeline SEGAUD, avocat au barreau des ARDENNES, avocat postulant, et Me Mounir BEGHIDJA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [D] [H],
Prise en la personne de Maître [D] [H], mandataire judiciaire de la SAS STEFATEXT, immatriculée au RCS de SEDAN sous le numéro 348 973 603, dont le siège est [Adresse 5], désigné à cette fonction suivant jugement rendu par le tribunal de commerce de SEDAN en date du 14 novembre 2019
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Gauthier LEFEVRE de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats et de la mise à disposition
DEBATS :
A l'audience publique du 19 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Suivant jugement en date du 14 novembre 2019, le tribunal de commerce de Sedan a prononcé la liquidation judiciaire de la société Stefatext et désigné la SELARL [D] [H], prise en la personne de Maître [D] [H], en qualité de liquidateur judiciaire.
Considérant qu'après vérification du passif, la société l'Eternité était débitrice envers la société Stefatext de la somme de 73 686,09 euros TTC, Maître [D] [H], ès qualités de liquidateur de la société Stefatext, a sollicité au près de la société l'Eternité le paiement de cette somme par courriers du 6 janvier et du 25 février 2020, puis par un courrier de mise en demeure du 23 novembre 2020.
Faute de paiement, il a saisi le tribunal de commerce de Sedan.
Par jugement du 10 janvier 2023, le tribunal a déclaré recevable la SELARL [D] [H], prise en la personne de Me [D] [H], ès qualités de liquidateur de la société Stefatext et a condamné la société l'Eternité à lui payer à ce titre la somme de 73 686,09 euros TTC ainsi que celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il a estimé que la demanderesse fondait ses demandes sur différentes factures impayées qui n'avaient jamais été contestées ; qu'au vu des écritures comptables de la société Stefatext, la société l'Eternité avait effectué des paiements partiels valant reconnaissance de dette ; et que par conséquent la demanderesse justifiait d'une créance certaine, liquide et exigible.
La société l'Eternité a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 6 février 2023.
Par conclusions du 5 mai 2023, elle demande à la cour, au visa notamment des articles 1353 et 1363 du code civil, d'infirmer le jugement du 10 janvier 2023 et de condamner la SELARL [D] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société Stefatext, à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle conteste avoir reçu les marchandises mentionnées sur les factures, lesquelles ne sont appuyées par aucun bon de livraison ou bon de commande ni échanges d'emails relatifs aux factures, ni aucune relance depuis 2017.
Elle estime que la production par la société Stefatext de ses propres écritures comptables comme preuve revient à se constituer une preuve à soi-même et n'est par conséquent pas conforme au droit en vigueur.
La SELARL [D] [H], ès qualités, demande à la cour de confirmer en toutes des dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Sedan le 10 janvier 2023 et de condamner la société l'Eternité au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre les frais irrépétibles pour 3 000 euros et les entiers dépens.
Elle fait valoir que la preuve est libre entre commerçants et que la production de bons de commande n'est pas obligatoire ; que la société Stefatext était l'unique fournisseur de la société l'Eternité ; que les factures n'ont jamais été contestées ; que l'extrait du grand livre ouvert dans la comptabilité de Stefatext montre plusieurs règlements de la société l'Eternité, postérieurs aux factures, impliquant reconnaissance des factures ainsi partiellement réglées.
Il rappelle que compte tenu des relations de confiance entre les deux sociétés, et de l'emplacement des locaux de la société l'Eternité dans le centre de [Localité 4], les livraisons se faisaient sans régularisation contradictoire des bons de livraison.
Il précise que la société l'Eternité est la seule débitrice de la société Stefatext à contester les créances et que sa résistance contraignant le mandataire judiciaire à initier des procédures est abusive.
MOTIFS
Aux termes de l'article L. 110-3 du code de commerce :
" A l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi ".
Il s'agit d'un " principe qui se justifie par les exigences de rapidité et de simplicité qu'impose la vie des affaires ".
L'article L. 110-3 du code de commerce admet la liberté probatoire non seulement pour prouver l'existence d'un droit ou d'une obligation, mais également pour établir contre ou outre le contenu aux actes ou se passer de l'exigence d'une mention du montant de l'engagement en chiffres et en lettres écrite par le débiteur lui-même tel que prévu à l'article 1376 du code civil (ancien article 1326 du même code) ou encore pour déroger aux modalités requises par l'article 1328 du code civil (dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016) puis, depuis l'ordonnance du 10 février 2016, par l'article 1377 du code civil pour donner date certaine à un acte sous signature privée à l'égard des tiers .
Des dérogations précitées à l'exigence de l'écrit se déduit l'absence de formalisme pour la validité du contrat et la possibilité d'apporter la preuve d'un engagement par un ensemble d'éléments qui mis ensemble permettent d'établir le bien fondé d'une créance.
En l'espèce, le liquidateur de la Sarl L'Eternité produit au dossier 6 factures dont il réclame le paiement émises entre le 1er novembre 2017 et le 1er mai 2018.
Il justifie qu'il était le seul fournisseur de la société l'Eternité par le silence opposé par celle-ci à sa sommation de communiquer des factures d'autres fournisseurs de matériel sur la période de 2007 à 2018 qu'il lui a adressée.
Par ailleurs, si la société l'Eternité ne produit aucun bon de livraison ni de commande, elle justifie en revanche d'un usage lié à l'absence de signature d'un bon de livraison lors de la délivrance des marchandises.
En effet, elle produit un extrait de son grand livre sur lequel apparaissent régulièrement des factures portées au débit du compte client et des virements en paiement de celui-ci montrant l'ancienneté des relations commerciales unissant les parties et de la grande confiance dans celles-ci puisque le dossier ne porte trace d'aucun bon de livraison alors que le solde client de la société Stefatext est resté fortement débiteur, de plus de 100 000 euros depuis l'année 2016.
Par ailleurs, n'apparaît au dossier aucune contestation de l'exigibilité d'une des factures au cours de toute la relation contractuelle par celle-ci.
En outre, le grand livre montre encore que si les factures sont nommément indiquées dans celui-ci avec numéro, date et montant, en revanche la société l'Eternité ne reliait ses paiements à aucune facture particulière puisque leur montant ne correspond pas à celui figurant sur des factures indiquées au grand livre.
De fait, les paiements viennent au crédit d'un compte client pour diminuer son solde.
Au moment de la dernière facture émise le 31 mai 2018 et donc de la dernière livraison, ce solde était débiteur de 157 703 euros.
Pourtant postérieurement, à compter de août 2018, sans que n'apparaissent de mise en demeure ou de rappel pas plus que de contestation, la société l'Eternité, l'intimée, s'est applique à réduire ce débit par des virements importants dont en janvier , avril et septembre 2019 de 10 000 ou 15 000 euros, virements qui n'ont cessé qu'avec le prononcé de l'ouverture de la liquidation judiciaire de son fournisseur par jugement du 14 novembre 2019.
En conséquence, la cour en déduit que les éléments dont la matérialité est démontrée suffisent à corroborer l'exigibilité du solde du compte du client ouvert dans les comptes de la société l'Eternité et confirme le jugement en toutes ses dispositions.
Le tribunal n'a pas statué sur la demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 3 000 euros pour résistance abusive au paiement qui lui était présentée.
Ajoutant en conséquence à ce jugement, la cour observe que cette demande, qui apparaît au dispositif, n'est aucunement motivée dont notamment quant à l'existence d'un préjudice en ayant résulté.
En conséquence, la SELARL [D] [H], prise en la personne de Me [D] [H], ès qualités, sera déboutée de ses prétentions à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Sedan du 10 janvier 2023 en toutes ses dispositions.
Ajoutant,
Déboute la SELARL [D] [H], prise en la personne de liquidateur de la SAS Stefatext de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamne la Sarl L'Eternité à payer à la SELARL [D] [H], prise en la personne de Me [D] [H], ès qualités de liquidateur la somme de 1 500 euros pour la procédure d'appel.
Condamne la Sarl L'Eternité aux dépens.
Le greffier, La présidente,