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26/03/2024 | FRANCE | N°23/00168

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 26 mars 2024, 23/00168


ARRET N°

du 26 mars 2024



N° RG 23/00168 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJDQ





[Y]





c/



[F]

Etablissement Public CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 4]



















Formule exécutoire le :

à :





la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 26 MARS 2024



APPELANT :

d'un jugement rendu le 20 décembre

2022 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE MEZIERES



Monsieur [E], [M] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023-655 du 28/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)



Re...

ARRET N°

du 26 mars 2024

N° RG 23/00168 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJDQ

[Y]

c/

[F]

Etablissement Public CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 4]

Formule exécutoire le :

à :

la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 26 MARS 2024

APPELANT :

d'un jugement rendu le 20 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de CHARLEVILLE MEZIERES

Monsieur [E], [M] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023-655 du 28/02/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Patrick MANIL de la SCP MANIL, avocat au barreau des [Localité 4]

INTIMES :

Monsieur [B] [S] [F]

[Adresse 2]

[Localité 5] / FRANCE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2023-001775 du 20/06/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Sylvie RIOU-JACQUES de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocat au barreau des [Localité 4]

Etablissement Public CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 4], pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non comparant, ni représenté, bien que régulièrement assigné

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats et de la mise à disposition

DEBATS :

A l'audience publique du 20 février 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Jocelyne DRAPIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

A la suite d'une altercation le 9 juillet 2016 sur le parking d'un supermarché LIDL à [Localité 5], M. [E] [Y], alors âgé de 60 ans, a souffert d'une fracture du péroné nécessitant une opération chirurgicale avec pose de vis.

Considérant que [D] [F], âgé de 16 ans au moment des faits, était responsable du préjudice ainsi subi pour lui avoir fait une " balayette " à l'origine de la chute, M. [Y] a déposé plainte contre ce dernier le 5 août 2016.

Par acte du 15 octobre 2019, il a assigné M. [B] [F], ès qualités de représentant légal de son fils [D] [F], en référé-expertise devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières.

Une expertise médicale a été ordonnée le 3 décembre 2019, et le Docteur [U] [W] a été désigné en qualité d'expert.

Il a déposé son rapport le 29 janvier 2020.

Par exploit d'huissier en date du 17 mai 2021, M. [Y] a assigné M. [B] [F] devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, en réparation de son préjudice pour un montant total de 23 843,08 euros.

M. [F] a demandé à titre reconventionnel la somme de 1000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.

La CPAM, citée par acte d'huissier remis à personne morale, n'a pas constitué avocat.

Par jugement du 20 décembre 2022, le tribunal a débouté les parties de leurs demandes en considérant que si l'imputabilité du fait dommageable ne pouvait être remise en cause, il ressortait du jugement du tribunal pour enfant intervenu dans cette affaire que [D] [F] avait fait usage de la légitime défense en réaction à l'agression de M. [Y], la légitime défense excluant toute faute.

M. [E] [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 30 janvier 2023.

Il a formé une demande d'aide juridictionnelle le 10 février 2023, à laquelle il a été admis par décision du 28 février 2023, à la suite de quoi il a fait signifier sa déclaration d'appel à M. [F] et à la CPAM des [Localité 4] par acte du 20 avril 2023.

Par conclusions du 22 mai 2023, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement du 20 décembre 2022 et de condamner Monsieur [B] [F], es-qualités de son fils mineur [D] [F] au moment des blessures perpétrées, à verser à Monsieur [E] [Y] les sommes suivantes :

* Perte de gains professionnels, du 9 juillet 2016 au 11 décembre 2016 : 5 621,08€

* Déficit fonctionnel temporaire total du 9 au 11 juillet 2016 et le 8 septembre 2016 : 120,00€

* Déficit fonctionnel temporaire partiel : 2 362,00€

* Déficit fonctionnel permanent : 4 800,00 €.

* Tierce personne : 1 940,00 €.

* Souffrances endurées : 6 000,00 €.

* Préjudice esthétique : 1 000,00 €.

* Préjudice d'agrément : 2 000,00 €.

Soit un total de 23 843,08 €.

Il demande par ailleurs la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Il fait valoir que [D] [F] avait reconnu les faits, donnant lieu à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité qui n'a pu avoir lieu en raison de la minorité de [D] [F] ; que la disproportion de la riposte de ce dernier exclut toute légitime défense et caractérise la faute ; que par ailleurs le tribunal pour reconnaître une faute de M. [Y], se fonde sur des notes d'audience non contradictoires.

Il se prévaut du rapport d'expertise pour demander réparation des préjudices subis du fait de ses blessures.

* * *

M. [B] [F] a formé une demande d'aide juridictionnelle le 11 mai 2023, qui lui a été accordée par décision du 20 juin 2023 puis a fait signifier ses conclusions à la CPAM le 7 août 2023 par remise à personne morale.

Par conclusions du 21 juillet 2023, il demande à la cour de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, et, par voie d'appel incident, de condamner celui-ci à lui payer les sommes de 1 000 euros pour procédure abusive et injustifiée en première instance et 2 000 euros pour procédure d'appel abusive et injustifiée, ainsi que les sommes de 1 500 euros et 2 000 euros au titre de l'article 700 en première instance et en appel.

Il rappelle que son fils était majeur lors de l'assignation en référé-expertise du 15 octobre 2019, et a fortiori lors de l'assignation du 17 mai 2021. Il estime ne pas savoir en quelle qualité il est poursuivi (titre personnel, en qualité de représentant légal de [D] [F] mineur au moment des faits mais désormais majeur ou de civilement responsable de son fils mineur).

Il considère d'une part, que M. [Y] ne justifie pas de la prétendue convocation en CRPC, que d'autre part une telle convocation ne vaudrait pas reconnaissance de culpabilité, et surtout, que M. [Y] se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal pour enfants du 8 octobre 2020 ayant reconnu la légitime défense et relaxé [D] et devant lequel M. [Y] a bien comparu sans se constituer partie civile.

Il estime, en conséquence, que l'instance a été introduite avec une légèreté blâmable, et a fortiori l'appel, et sollicite à ce titre l'octroi de dommages et intérêts.

* * *

La CPAM n' a pas constitué avocat.

MOTIFS

Sur l'obligation au paiement de M. [B] [S] [F]

Sur le fondement de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Par conclusions du 22 mai 2023, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement du 20 décembre 2022 et de condamner Monsieur [B] [F], es-qualités de son fils mineur [D] [F] au moment des blessures perpétrées, à lui verser la somme de 23 843,08 euros correspondant à la somme des préjudices développés mais également de condamner M. [B] [S] [F] à lui verser la somme de 23 843,08 euros.

Il en résulte que M.[E] [Y] présente des demandes indemnitaires tout à la fois contre M. [B] [S] [F] ès qualités de représentant de son fils mais également à titre personnel et dans ce cadre, développe dans le corps de ses conclusions le bien fondé de poursuites exercées contre M. [B] [S] [F] en qualité de responsable légale de son fils mineur.

Ainsi M. [B] [S] [F] soutient à tort que seule sa condamnation ès qualités de représentant de son fils est réclamée par M.[E] [Y].

Sur la demande dirigée contre M. [B] [S] [F] ès qualités.

La condamnation d'une personne ès qualités de représentant d'une autre suppose qu'elle dispose du pouvoir de représenter l'autre.

S'agissant d'un enfant mineur, ce pouvoir de représentation des parents est prévu par les articles 382 et suivants du code civil et revient à celui qui exerce l'autorité parentale.

Mais il résulte des articles 371-1 , 382 et 488 que l'administration légale cesse de plein droit à la majorité de l'enfant et qu'en conséquence à compter de cette date, un parent n'a aucun pouvoir pour le représenter auprès d'un tiers ou dans une instance en justice.

Toute condamnation prononcée contre M. [B] [S] [F] ès qualités après la majorité de [D] ne serait dès lors pas opposable à celui-ci et serait inexécutable contre M. [D] [F] à titre personnel.

Dans la mesure où il ne fait pas débat que [D] [F] est majeur et ne peut donc plus être représenté par son père, il s'en déduit que M.[E] [Y] est irrecevable dans ses demandes dirigées contre M. [B] [S] [F] ès qualités de représentant de son fils même si celui-ci était mineur au moment du fait générateur.

Sur la demande dirigée contre M. [B] [S] [F] en tant que responsable légal de son fils

Le principe de l'unité des fautes civile et pénale implique qu'en l'absence de faute pénale, la faute civile fait également défaut. Ainsi, la relaxe du prévenu due à l'absence de faute pénale exclut sa condamnation civile fondée sur la faute personnelle si ce n'est s'agissant des infractions pénales non-intentionnelles.

Ainsi l'article 4-1 du Code de procédure pénale prévoit que l'absence de faute pénale non-intentionnelle ne fait pas nécessairement obstacle à la reconnaissance d'une faute civile quasi-délictuelle et d'ailleurs aux termes de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, le tribunal correctionnel saisi d'une infraction non-intentionnelle par le ministère public ou par une juridiction d'instruction et qui relaxe le prévenu, demeure compétent pour accorder, sur la demande de la partie civile ou de son assureur, une indemnisation en application des règles du droit civil.

Ainsi, la relaxe de [D] [F] des fins de la poursuite pour les faits de violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours n'exclut pas de plein droit la possibilité pour celui-ci d'avoir à répondre de ses actes et d'indemniser les chefs de dommage résultant des faits qui ont fondé les poursuites si sa responsabilité civile sans faute peut être engagée.

Par ailleurs, sur le fondement de l'article 1242 al 4 du code civil, le père et la mère en tantqu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables des conséquences d'un acte dommageable même non fautif commis par leur enfant mineur habitant chez eux.

Ainsi pour que soit présumée sur le fondement de l'article 1242al4 précité la responsabilité civile de M. [B] [S] [F], père de [D] [F] habitant avec, lui il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par M.[E] [Y] puisque cette responsabilité de plein droit n'est pas subordonnée à l'existence d'une faute de l'enfant.

Mais les civilements responsables de l'auteur du dommage échappent à leur responsabilité s'ils peuvent se prévaloir d'un fait justificatif de celui-ci dans lequel s'inscrit notamment la légitime défense.

En effet, la légitime défense reconnue par le juge pénal ne peut donner lieu, devant la juridiction civile, à une action en dommages-intérêts de la part de celui qui l'a rendue nécessaire.

Son existence démontre l'existence d'un fait justificatif, démontre le fait que le dommage subi résulte d'une cause étrangère à l'action de l'auteur et elle rend ainsi irrecevables mêmes les actions fondées sur des responsabilités sans faute.

Elle exonère l'auteur des faits de tout lien de causalité entre son acte et le dommage subi par un tiers (voir par ex. Cass. 2e civ., 22 avr. 1992, no 90-14.586, Bull. civ. II no 127).

En l'espèce, [D] [F] prévenu d'avoir le 9 juillet 2016 volontairement exercé des violences en poussant et en faisant chuter M. [Y] au sol en lui occasionnant un traumatisme de la cheville gauche et une fracture du péroné a été relaxé des fins de la poursuite par le tribunal pour enfants de Charleville Mézières par jugement du 8 octobre 2020 au motif qu'il avait agi en légitime défense.

Ce fait justificatif coupe donc tout lien de causalité entre les actes de [D] [F] et le préjudice de M. [Y].

Celui-ci ne peut dès lors qu'être débouté de sa demande dirigée contre M. [B] [S] [F], en tant que civilement responsable de son fils pour les conséquences dommageables des actes commis par celui-ci.

Le caractère abusif de l'appel qui constitue un droit offert par la loi n'apparaît pas dans la mesure où l'existence ou non de la responsabilité de l'auteur des faits dans le préjudice subi a été discuté en première instance et qu'en conséquence, M.[E] [Y] pouvait légitimement ignorer les conséquences sur le plan de la responsabilité civile de la légitime défense reconnue par le juge pénal.

En conséquence, M. [B] [S] [F] sera débouté de ses prétentions à réparation pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières du 20 décembre 2022 en toutes ses dispositions.

Ajoutant,

Déclare M.[E] [Y] irrecevable à agir contre M. [B] [S] [F] ès qualités de représentant de son fils [D][F].

Déboute M. [B] [S] [F] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure d'appel abusive.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M.[E] [Y] aux dépens.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 23/00168
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;23.00168 ?
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