ARRET N°
du 04 juillet 2023
N° RG 23/00173 - N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJD2
[K]
c/
[K]
[Z] [L] EPOUSE [K]
Formule exécutoire le :
à :
la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES
la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 04 JUILLET 2023
APPELANT :
d'une ordonnance rendue le 09 janvier 2023 par le juge des référés du Tribunal judiciaire de CHARLEVILLE MEZIERES
Monsieur [F] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Mélanie CAULIER-RICHARD de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
INTIMES :
Monsieur [G] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS
Madame [D] [Z] [L] EPOUSE [K] épouse [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Stanislas CREUSAT de la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MATHIEU, conseillère, et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre
Madame Florence MATHIEU, conseillère
Madame Sandrine PILON, conseillère
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 30 mai 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2023
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [G] [K] et son épouse Madame [D] [Z]-[L] sont propriétaires d'une maison à usage d'habitation sise [Adresse 1] à [Localité 3], jouxtant la propriété de Monsieur [F] [K] située au [Adresse 2] du même lotissement.
Par acte d'huissier en date du 12 janvier 2022, les époux [G] [K] ont fait assigner Monsieur [F] [K] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, aux fins de voir':
- ordonner à ce dernier d'avoir à leur laisser un libre passage dans sa propriété, ainsi qu'à toute entreprise de leur choix, pour réaliser ou faire réaliser les travaux d'enduisage de leur abri de jardin, moyennant un délai de prévenance de quinze jours,
- ordonner à ce dernier de démonter son abri de jardin en bois au cours de ladite période, afin de permettre la réalisation desdits travaux,
- condamner ce dernier à leur payer la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Par ordonnance rendue le 9 janvier 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a':
- enjoint à Monsieur [F] [K] de démonter à ses frais, dans le mois de la notification de l'ordonnance , l'abri de jardin à ossature bois édifié sur sa propriété sis [Adresse 2] à [Localité 3] en limite séparative du fonds voisin situé au [Adresse 1] du lotissement,
- dit qu'il lui appartiendra de faire dresser constat d'huissier, à ses frais, et au contradictoire de l'ensemble des parties, du retrait dudit abri une fois celui-ci démonté,
-autorisé, pour une durée maximale de six semaines à compter dudit constat, toute entreprise qualifiée désignée par Monsieur [G] [K] et son épouse Madame [D] [Z]-[L] à accéder au terrain appartenant à Monsieur [F] [K], sis [Adresse 2] à [Localité 3], aux fins et seules fins d'y exécuter les travaux d'enduisage de l'abri édifié en limite séparative sur leur propriété située au [Adresse 1] du lotissement,
- enjoint, pour ce faire, à Monsieur [F] [K] d'en permettre et assurer à ces fins le libre accès pendant toute la durée mentionnée ci-dessus,
-dit qu'il appartiendra à Monsieur [G] [K] et son épouse Madame [D] [Z]-[L] :
- de faire dresser constat, à leurs frais, et au contradictoire de l'ensemble des parties, de l'état des lieux à l'ouverture et à la réception des travaux ;
- de communiquer à Monsieur [F] [K] les dates d'intervention de l'entreprise en charge des travaux au moins trois jours avant le début des travaux ;
- de diligenter auprès de ladite entreprise une intervention sur dix jours maximum en continu';
- dit n'y avoir lieu à astreinte ;
- rejeté les demandes les plus amples et contraires ;
- condamné Monsieur [F] [K] aux dépens, ainsi qu'à payer à Monsieur [G] [K] et son épouse Madame [D] [Z]-[L] la somme de 500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Par un acte en date du 30 janvier 2023, Monsieur [F] [K] a interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 9 mai 2023, Monsieur [F] [K] conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise et demande à la cour de':
-dire n'y avoir lieu à référé,
- à titre subsidiaire :
- ordonner aux époux [K] de remettre un devis récent, précis et détaillé des travaux d'enduisage prévus, de préciser la durée des travaux et les horaires d'intervention prévus par l'entreprise';
- dire que les époux [K] devront établir un constat d'huissier, à leurs frais, à l'ouverture des travaux ainsi qu'à la fin, et qu'une copie des constats d'huissier lui sera remise ;
- dire que les travaux devront être réalisés exclusivement aux conditions suivantes: - communication à Monsieur [F] [K] des dates d'intervention de l'entreprise en charge des travaux au moins 15 jours avant les dates choisies - interdiction aux époux [K] ou leur famille de pénétrer sur le terrain de Monsieur [F] [K] pendant la durée des travaux ;
- autorisation de pénétrer sur le terrain de Monsieur [F] [K] limitée à 3 membres du personnel de la société en charge des travaux qui transmettra copie de leurs pièces d'identité par courrier à Monsieur [F] [K] au moins 8 jours avant le début des travaux ;
- interdiction d'accés à toute autre personne ;
- établissement aux frais de Monsieur et Madame [K] par huissier de justice et en présence de Monsieur [F] [K] d'un état des lieux de début de chantier le premier jour à 10h et d'un procès-verbal de fin de chantier ;
-dire que le non-respect de l'une seule de ces conditions rendra l'autorisation de passage et de travaux caduque ;
-dire que les époux [K] seront tenus à rembourser à Monsieur [F] [K] les frais occasionnés parla démolition et reconstruction de son abri';
-condamner les époux [K] à entreprendre tous les travaux de remise en état qui s'avéreraient nécessaires suites aux dommages qui auraient été causés à la propriété de Monsieur [F] [K], et ce, dans un délai de 15 jours à compter de la fin des travaux sous astreinte ferme et définitive de 50 euros par jour de retard ;
-à titre infiniment subsidiaire, condamner les époux [G] [K] à lui payer la somme de 6.465 euros à titre d'indemnisation pour la démolition de son abri de jardin.
Il sollicite en outre le versement de la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Il soutient que les époux [K] ne justifient d'aucune urgence et que la construction de ce dernier ne respecte pas les règles du PLU du lotissement en vigueur.
Il fait valoir qu'il existe une contestation sérieuse relevant de la compétence du juge du fond dans la mesure où l'abri de jardin des époux [K] se trouve en limite de sa propriété et que le bornage qu'il a fait réaliser en février 2021 démontre un empiètement de la construction des intimés.
Il ajoute que les conditions du bénéfice d'une servitude de tour d'échelle ne sont pas réunies, les travaux sollicités n'étant pas indispensables et présentent un caractère disproportionné par rapport à la gêne occasionnée.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 27 avril 2023, les époux [G] [K] concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise et demandent à la cour de condamner Monsieur [F] [K] à leur payer la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Ils soutiennent que les travaux sont urgents s'agissant d'imperméabiliser leur construction qui a reçue l'aval de l'architecte des bâtiments de France ainsi que du maire de [Localité 3].
Ils réfutent toute contestation sérieuse, rappelant que Monsieur [F] [K] a décidé d'installer son propre abri de jardin avant que leur construction ne soit terminée, créant de lui-même la gêne dont il excipe désormais.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, dans les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article 835 du même code énonce que le président, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans tous les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l' obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
En vertu des obligations normales de voisinage, le propriétaire d'un immeuble peut être autorisé, en cas de nécessité, à accéder temporairement à un fonds contigu pour effectuer des réparations indispensables à la conservation d'une construction lui appartenant. Il est constant que dégénère en abus, l'usage du droit de propriété s'y opposant ou y faisant obstacle alors que ces travaux indispensables ne peuvent être réalisés autrement et que leur utilité demeure proportionnée à la gêne occasionnée.
Les époux [G] [K] établissent':
-avoir fait édifier un abri de jardin en parpaings en limite de la propriété de Monsieur [F] [K] au cours de l'année 2019, ayant bénéficié d'un d'arrêté de non-opposition avec prescriptions à une déclaration préalable prononcé par le maire de la commune de [Localité 3] le 22 novembre 2019,
-avoir informé dès juin 2021 Monsieur [F] [K] de leur volonté de faire effectuer des travaux d'enduisage de leur abri de jardin, et lui avoir demandé une autorisation afin de pouvoir accéder à sa propriété.
Ils justifient avoir reçu l'autorisation du maire de la commune de [Localité 3] par courrier du 18 octobre 2021 de procéder à l'enduit de leur abri de jardin, étant précisé que l'architecte des bâtiments de France, dans un avis daté du 5 août 2019, avait notifié comme prescriptions obligatoires s'agissant du projet des époux [G] [K], notamment les consignes suivantes':
«'Implantation en limite de propriété,
«'Les façades peuvent être enduites à l'image de l'habitation ou en bardage bois naturel, posé de façon traditionnelle, à l'horizontale avec chevauchement des planches et recouvrement (...)'».
Il ressort de l'avis technique du façadier daté du 5 septembre 2022 intitulé «'attestation suivant DTU des travaux du bâtiment'» que l'enduit mono couche commandé par les époux [G] [K] assure directement l'imperméabilisation, avec nécessité d'avoir un coefficient d'absorption d'eau par capillarité réduit W1, ou faible W2 pour les surfaces exposées à la pluie.
Au vu de ces éléments, la cour souligne qu'il est indiscutable que l'enduisage de l'abri de jardin est conforme aux prescriptions de l'architecte des bâtiments de France, a reçu l'agrément du maire de la commune et a pour fonction première d'imperméabiliser la construction.
Aussi, eu égard à la configuration des lieux, s'agissant d'un ouvrage édifié en limite de propriété, les travaux d'enduisage impliquent, ainsi que souligné par l'avis technique, de pénétrer dans le fonds voisin appartenant à Monsieur [F] [K].
La cour, comme le premier juge, relève que si l'accès aux conditions d'enduisage du bâtiment édifié par les époux [G] [K] rend nécessaire pour Monsieur [F] [K] de démonter l'abri de jardin en bois installé sur son propre terrain, il ressort des pièces versées aux débats que ledit abri, installé après la demande formée par les époux [G] [K], a été édifié en pleine connaissance de cette volonté exprimée des époux [G] [K] et que dès lors, Monsieur [F] [K] ne peut sérieusement se prévaloir de sa propre turpitude en excipant d'une gêne disproportionnée causée par le démontage de sa propre construction, dans la mesure où c'est lui-même qui a créé les conditions de ladite gêne, en s'empressant de faire construire son propre abri de jardin en limite de propriété avant que la construction des intimées ne soit terminée.
Ainsi, il résulte des éléments de la cause que les époux [G] [K] démontrent que'l'enduisage de leur bâtiment répond, d'une part, à une prescription de l'architecte des bâtiments de France et de la commune de [Localité 3], et d'autre part, à une fonction indéniable d'imperméabilisation dudit ouvrage. Aussi, il sont légitimes à obtenir l'accès au terrain de Monsieur [F] [K] pour faire réaliser lesdits travaux, l'intérêt de ces derniers ayant été suffisamment caractérisé et ne constituant pas une sujétion disproportionnée au démontage de l'ouvrage de Monsieur [F] [K], celui-ci ayant à ses risques et périls, fait le choix d'édifier son abri de jardin avant la réalisation de l'enduit pour lequel il avait été préalablement informé.
Eu égard au circonstances de la cause, pour prévenir au mieux tout litige, il sera à prescrit Monsieur [F] [K] de faire dresser un constat à ses frais de l'enlèvement de son abri, et aux époux [G] [K], de faire établir par huissier, à leurs frais, des procès-verbaux d'état des lieux de début et de fin de chantier.
Par conséquent, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [F] [K] succombant, il sera tenu aux dépens d'appel.
Les circonstances de l'espèce commandent de condamner Monsieur [F] [K] à payer aux époux [G] [K] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de le débouter de sa demande en paiement sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l'ordonnance rendue le 9 janvier 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [F] [K] à payer à Monsieur [G] [K] et à son épouse Madame [D] [Z]-[L] la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.
Le déboute de sa demande en paiement sur ce même fondement.
Condamne Monsieur [F] [K] aux dépens d'appel et autorise la Scp Rahola-Creusat-Lefevre, avocats, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier La conseillère faisant fonction de présidente de chambre