Arrêt n°
du 28/06/2023
N° RG 22/01108
MLS/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 28 juin 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 27 avril 2022 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, section Encadrement (n° F 21/00182)
SARL INVEST HOTEL REIMS MURIGNY
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS et par la SELARL XY AVOCATS, avocats au barreau de COMPIEGNE
INTIMÉE :
Madame [S] [M]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Aurore ARTAUD, avocat au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 28 juin 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Mme [S] [M] a été embauchée par la S.A.R.L. Invest Hôtel Reims Murigny à compter du 11 octobre 2012, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'adjointe de direction.
Le 1er avril 2015, elle a été promue directrice de l'hôtel première classe de Murigny et a bénéficié d'une délégation de pouvoirs et de responsabilités.
Elle a été licenciée pour faute grave le 5 novembre 2020, après mise à pied conservatoire à compter du 16 octobre 2020.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [S] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Reims le 14 avril 2021 en vue d'obtenir condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement abusif, d'indemnités de rupture, de remboursement de salaire retenu pendant la mise à pied conservatoire, d'indemnité de nourriture, de rappel RSU, et de remise de documents de fin de contrat.
Par jugement du 27 avril 2022, le conseil a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné la SARL Invest Hôtel Reims Murigny au paiement des sommes suivantes :
7 675,98 euros à titre d'indemnités de préavis,
767,59 euros à titre de congés payés afférents,
5 117,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,
511,73 euros à titre de congés payés afférents,
1 364,61 euros à titre de rappel de salaires retenus pendant la mise à pied conservatoire,
136,46 euros à titre de congés payés afférents,
424,47 euros de rappel de salaire sur le 218ème jour,
42,45 euros de congés payés afférents
1 570,74 euros à titre de rappel de l'indemnité de nourriture,
5 817,90 euros à titre de rappel sur RSU,
581,79 euros à titre de congés payés afférents,
1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- condamné la S.A.R.L. Invest Hôtel Reims Murigny à remettre, sous astreinte, à Mme [S] [M] un bulletin de salaire rectificatif global,
- a dit n'y avoir lieu à production d'intérêts au taux légal,
- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le 25 mai 2022, la S.A.R.L. Invest Hôtel Reims Murigny a interjeté appel du jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à production d'intérêts au taux légal pour l'ensemble des condamnations, et sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 avril 2023.
Exposé des prétentions et moyens des parties
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 424,47 euros de rappel de salaire sur le 218ème jour et de 42,45 euros de congés payés afférents
et :
A titre principal,
- d'ordonner la cancellation des pièces obtenues de façon déloyale et ou par violation du secret de la correspondance ainsi que toute mention qui y est rapportée dans le cadre du corps même des conclusions produites par Mme [S] [M] ;
- de juger que le licenciement repose sur une faute grave et en conséquence débouter Mme [S] [M] de l'intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- de juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
A titre infiniment subsidiaire,
- de limiter le quantum du préjudice au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'équivalent de deux mois de salaires bruts,
- de débouter Mme [S] [M] ses demandes à caractère salarial,
- d'accueillir sa fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes salariales antérieures au 14 avril 2018,
- condamner Mme [S] [M] à lui payer la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle affirme que le comportement de Mme [S] [M] caractérise des manquements graves à ses obligations professionnelles et contractuelles, et ne procède pas d'une exécution loyale et de bonne foi de son contrat de travail et prétend rapporter la preuve des faits imputés, consistant pour cette dernière à héberger gratuitement pendant cinq mois un couple sans s'assurer au préalable de leur prise en charge effective par les services sociaux, à laisser leurs chats occuper une chambre, et à les laisser utiliser la machine à laver de l'hôtel qu'elle dirigeait.
Elle soutient que les pièces postérieures au 16 octobre 2020 produites par Mme [S] [M] ont été obtenues de manière illégale dès lors qu'à compter de cette date, elle a été mise à pied à titre conservatoire.
A titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que, son effectif étant inférieur à 11 salariés, l'indemnité visée par le barème de l'article 1235-3 du code du travail est de deux mois de salaires bruts.
Sur l'indemnité de nourriture, elle fait observer que Mme [S] [M] ne fonde pas juridiquement sa demande, qu'elle ne produit pas les bulletins de paie et qu'elle ne peut prétendre à un rappel au-delà de trois ans.
Sur le rappel du 218ème jour et les rappels RSU, elle invoque la prescription de trois ans et soutient que Mme [S] [M] ne rapporte pas la preuve du bien fondé de ses demandes.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante, et de la condamner aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur le licenciement, elle soutient que l'employeur ne démontre ni la réalité de la faute ni l'impossibilité de la maintenir à son poste en raison des faits reprochés et prétend avoir fait toutes les démarches pour obtenir paiement du séjour litigieux. Elle affirme que la cliente étant enceinte il avait été proposé d'héberger ses chats dans une chambre qui avait déjà été bloquée du 6 septembre 2020 au 6 novembre 2020 pour y être nettoyée et que son licenciement était préparé depuis longtemps. Elle demande à la cour de prendre acte que le dernier motif figurant sur la lettre de licenciement a été abandonné par l'appelante. Elle soutient que la production des pièces décriées par l'appelante est strictement indispensable à l'exercice des droits de la défense, qu'elle est équitable et en réponse aux arguments de l'employeur.
Sur le forfait jour, elle affirme que son contrat de travail prévoit un forfait annuel en jours calculé sur la base de 217 jours mais qu'elle en faisait en réalité 218 et sollicite, en conséquence, le rappel de salaire correspondant à ce jour de travail supplémentaire.
Sur la prime de RSU, elle rappelle que les jours travaillés au-delà des 217 jours prévus au forfait sont compensés sous forme de repos appelés RSU et soutient qu'elle n'en a pas bénéficié et en demande paiement. Sur l'indemnité de nourriture, elle expose que depuis novembre 2018, l'employeur ne lui versait qu'une seule indemnité de nourriture jour au lieu de deux auparavant.
Motifs :
1 - Sur la cancellation des pièces
L'employeur réclame que soit cancellées les pièces obtenues par la salariée après sa mise à pied conservatoire du 16 octobre 2020 et vise dans ses écritures les pièces adverses 10, 11, 13, 15, 16 et 18.
En matière sociale, la preuve est libre, c'est à dire qu'elle peut être apportée par tous moyens. Ainsi, le salarié peut être autorisé à produire en justice des documents appartenant à l'entreprise sans l'autorisation de son employeur s'il en a eu connaissance à l'occasion de ses fonctions, peu important la manière dont il se les est approprié, même de manière « déloyale» et pour autant que cela est strictement nécessaire à l'exercice des droits de sa défense dans le litige l'opposant à l'employeur.
En l'espèce, la pièce n°10 contient un ensemble de courriels échangés par Mme [M] elle-même avec divers interlocuteurs avant la mise à pied conservatoire et ne peut être considéré comme obtenu de manière illicite.
Pour ce qui concerne les autres pièces, elle explique les avoir obtenues pendant sa mise à pied conservatoire au moyen des outils informatiques que l'employeur laissait à sa disposition en rappelant que le contrat de travail n'était pas encore rompu. L'employeur ne démontre pas que ces pièces ont été obtenues de manière illicite.
Le jugement qui, dans son dispositif, a omis de statuer sur ce point sera complété.
2 - Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail
a - la prescription
L'employeur a, dans le dispositif de ses écritures, soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes salariales, et fondée sur les dispositions de l'article L3245-1 du code du travail.
Le contrat de travail ayant été rompu le 5 novembre 2020, seules les demandes salariales antérieures au 5 novembre 2017 sont prescrites.
Dans la mesure où toutes les demandes salariales sont postérieures à cette date de prescription, la fin de non-recevoir n'est pas fondée.
b - le fond
- le forfait jour
L'appelant, qui a fait appel de ce chef du jugement, ne demande plus l'infirmation dans ses dernières écritures, lesquelles ont donc réduit le périmètre de son appel, empêchant ainsi toute dévolution à la cour de ce chef du dispositif du jugement, en l'absence d'appel incident.
- l'indemnité de nourriture
Mme [S] [M] sollicite un rappel d'indemnité de nourriture à compter de novembre 2018 en expliquant qu'à compter de cette date, l'employeur a réduit son indemnité en ne versant qu'une indemnité journalière au lieu de deux.
L'article 3 de l'avenant au contrat de travail de Mme [S] [M] prévoit qu'à la rémunération de base s'ajoutent les avantages en nature et/ou indemnités de nourriture. Ces stipulations reprennent l'obligation faite à l'employeur du secteur des hôtels, cafés et restaurants, par un usage repris par l'arrêté du 22 février 1946 modifié le 1er octobre 1947, de nourrir gratuitement leurs personnels ou de leur allouer une indemnité compensatrice, à la double condition que l'entreprise soit ouverte à la clientèle au moment des repas et que le salarié soit présent dans l'entreprise à l'heure de ses repas.
En l'espèce, le principe même de l'indemnité de nourriture n'est pas contesté au contraire du nombre d'indemnités servies. Cependant, Mme [S] [M] qui revendique le bénéfice d'une seconde indemnité de repas par jour ne justifie pas remplir les conditions d'octroi. En effet, la salariée travaillait au forfait, et percevait mensuellement une indemnité compensatrice de nourriture d'un montant variable avant et après novembre 2018. Aucun élément de son dossier ne permet de comptabiliser son temps de présence, de sorte qu'en l'absence d'éléments sur les temps de présence de la salariée, la demande n'apparaît pas fondée.
En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande et le jugement infirmé de ce chef.
- le rappel RSU 2018 et 2019
L'article 4 de l'avenant au contrat de travail du 1er avril 2015, relatif à la durée du travail, prévoit que Mme [S] [M] relève du forfait annuel en jours fixé à 217.
Le document annexe au contrat de travail, mentionne un repos supplémentaire dénommé RSU équivalent aux RTT, de 0,71 jours par mois, soit huit jours par an, à titre de compensation des jours travaillés au-delà du forfait.
En l'espèce, Mme [S] [M] verse aux débats ses bulletins de paye, à partir desquelles elle prétend apporter la preuve du nombre de jours travaillés au-delà du forfait soit 242 jours en 2018 et 235 jours en 2019, en les déduisant des indemnités compensatrices de repas.
C'est à tort que l'employeur prétend faire peser la charge de la preuve sur la salariée exclusivement, dans la mesure où s'agissant d'un litige portant sur le temps de travail, il faut faire application des dispositions de l'article L3171-4 du code du travail, selon lesquelles, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions des articles L3171-2 alinéa 1 et L 3171-4 du code du travail. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
L'employeur ne verse aux débats aucun élément de nature à contredire utilement le décompte de la salariée.
Il n'est pas démontré que Mme [S] [M] a bénéficié des repos supplémentaires en 2018 et 2019.
C'est donc à raison que la salariée réclame les repos supplémentaires qui lui sont dûs.
C'est en revanche à tort qu'elle réclame le montant des jours travaillés alors que le RSU dont elle demande le bénéfice, ne consiste pas en la rémunération des jours effectués en plus du forfait, mais en un repos supplémentaire d'une durée maximale de huit jours par an de sorte qu'elle ne peut réclamer qu'une somme correspondant à l'indemnisation de huit jours de travail par an, soit 16 jours en l'espèce. Sur la base d'un salaire journalier de 141,50 euros, c'est une indemnité de 2 264,00 euros qui est due, outre 226,40 euros de congés payés afférents.
En conséquence, le jugement sera infirmé au quantum.
3 - Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail
La faute grave, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur, telle qu'énoncée dans la lettre de licenciement dont les termes fixent le cadre du litige soumis à l'appréciation des juges du fond, se définit comme un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié, caractérisant de sa part un manquement tel aux obligations découlant de la relation de travail que son maintien dans l'entreprise, pendant la durée du préavis, s'avère impossible.
En l'espèce, la lettre de licenciement reproche à Mme [S] [M] une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail ainsi que des manquements à ses obligations professionnelles et contractuelles portant atteinte aux intérêts de l'entreprise caractérisés par les faits suivants :
- l'occupation d'une chambre par un couple du 16 juin 2020 au 16 octobre 2020 sans paiement,
- l'occupation d'une deuxième chambre par les chats de ce couple pendant 41 jours à titre gracieux et au mépris des règles d'hygiène,
- l'usage gratuit d'une troisième chambre pour l'entreposage des meubles du couple ainsi que l'utilisation gratuite et régulière de la machine à laver le linge de l'hôtel et ce, après passage par le local technique alors que ce dernier doit resté fermé pour des raisons de sécurité,
- le prêt d'une somme de 1 500,00 euros dont 1 499,20 euros prélevés sur les fonds de l'hôtel.
Il ressort des diverses attestations de salariés et des photographies versées au débat qu'un couple de personnes pris en charge par l'aide sociale, a occupé une chambre, a entreposé leurs affaires dans une deuxième chambre, a logé leurs nombreux chats dans une troisième chambre, et utilisait la machine à laver de l'hôtel pour leur lessive personnelle, sans que Mme [S] [M], informée de la situation, n'y mette fin.
C'est vainement que la salariée intimée vient expliquer que des chambres étaient bloquées c'est-à-dire qu'elles n'étaient pas ouvertes à la clientèle pour diverses raisons, dans la mesure où cette situation ne justifie pas qu'elle soit mise à disposition d'animaux, en violation des règles d'hygiène, qu'elles soient affectées à l'entreposage de biens personnels de clients, en violation de la destination des bâtiments, d'autant qu'il n'est pas contesté qu'aucune contrepartie n'était payée.
De même, il ressort d'un échange de courriels entre l'employeur et les services de l'aide sociale départementale qu'une seule prise en charge des frais de d'hébergement pour l'un des membres du couple a été faite sur la période du 18 mai au 15 juin 2020. Autrement dit, après le 15 juin 2020, Mme [S] [M] a laissé le couple occuper des chambres de l'hôtel sans s'assurer de leur prise en charge par les services de l'aide sociale, sachant qu'il s'agissait de personnes insolvables.
Les échanges de courriels qu'elle produit à son dossier prouvent qu'elle a sollicité le paiement du séjour d'une des deux personnes concernées en juillet, en septembre et en octobre 2020 auprès des services sociaux, mais ne justifient pas qu'elle a obtenu préalablement au prolongement du séjour du couple concerné l'autorisation d'une prise en charge au titre de l'aide sociale pour la période considérée.
En tout état de cause, à supposer même que le défaut de paiement serait à imputer à la défaillance des services sociaux, cela ne justifie pas la mise à disposition de chambres pour loger des animaux ou entreposer des affaires personnelles, ni l'usage par la clientèle de la machine à laver de l'hôtel.
Certes, le dernier grief lié au prélèvement d'une somme dans les caisses de l'hôtel n'est pas établi par aucune pièce du dossier.
Toutefois, le fait de laisser un couple occuper plusieurs chambres de l'hôtel dont elle avait la direction, dans les circonstances rappelées ci-dessus, constitue un manquement à ses obligations contractuelles, suffisamment grave pour que l'employeur veuille mettre fin immédiatement au contrat de travail, dès lors que la salariée, qui avait la charge de la direction de l'hôtel, lui a fait supporter un préjudice financier et lui a fait courir des risques juridiques.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée les salaires retenus pendant la mise à pied conservatoire, des congés payés afférents, une indemnité de préavis et congés payés afférents ainsi qu'une indemnité de licenciement avec congés payés afférents, d'autant que l'indemnité de licenciement ne génère pas d'indemnité compensatrice de congés payés.
4 - Sur les autres demandes
- les demandes plus amples ou contraires
Aucun appel principal ni incident n'a été formé contre le dispositif du jugement qui déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires de sorte que ce chef de jugement n'est pas dévolu à la cour.
- les cotisations afférentes aux condamnations
Il sera dit au dispositif que les condamnations sont prononcées sous réserve d'éventuelles cotisations sociales et salariales.
- la remise des documents rectifiés
Le jugement sera infirmé du chef de la remise du bulletin de salaire rectifié, et l'employeur sera condamné sans astreinte à remettre à la salariée un bulletin de salaire conforme au présent arrêt.
- les intérêts au taux légal
Aucun appel principal ni incident n'a été formé contre le dispositif du jugement qui déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires de sorte que ce chef de jugement n'est pas dévolu à la cour.
- les frais irrépétibles et les dépens
La salariée ayant obtenu gain de cause sur une partie de ses prétentions, l'employeur doit être considéré comme succombant au sens de l'article 700 du code de procédure civile. Il supportera donc les dépens de première instance par infirmation du jugement ainsi que ceux d'appel.
L'équité commande de laisser à chacune des parties, la charge de ses dépens de première instance, par infirmation du jugement, ainsi que ceux d'appel.
Par ces motifs :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Reims le 27 avril 2022 en ce qu'il a :
- dit et jugé que le licenciement pour faute grave de Mme [S] [M] par la société Invest Hôtel Reims Murigny était requalifié en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Invest Hôtel Reims Murigny au paiement des sommes suivantes :
7 675,98 euros à titre d'indemnités de préavis,
767,59 euros à titre de congés payés afférents,
5 117,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,
511,73 euros à titre de congés payés afférents,
1 364,61 euros à titre de rappel de salaires retenus pendant la mise à pied conservatoire,
136,46 euros à titre de congés payés afférents,
1 570,74 euros à titre de rappel de l'indemnité de nourriture,
5 817,90 euros à titre de rappel sur RSU,
581,79 euros à titre de congés payés afférents.
1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la S.A.R.L. Invest Hôtel Reims Murigny à remettre, sous astreinte, à Mme [S] [M] un bulletin de salaire rectificatif global,
Confirme le surplus du jugement, en ses dispositions dévolues à la cour,
Statuant à nouveau, dans la limite des chefs d'infirmation, et y ajoutant,
Déboute la société Invest Hôtel Reims Murigny de sa demande tendant à faire canceller les pièces adverses n° 10, 11, 13, 15, 16 et 18, produites aux débats par Mme [S] [M],
Condamne la société Invest Hôtel Reims Murigny à payer à Mme [S] [M] les sommes suivantes :
- 2 264,00 euros (deux mille deux cent soixante quatre euros) au titre de l'indemnité RSU 2018 et 2019,
- 226,40 euros (deux cent vingt six euros et quarante centimes) de congés payés afférents,
Déboute Mme [S] [M] de ses demandes tendant à faire dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, à faire condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis avec congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et congés payés afférents, de rappel de salaires retenus pendant la mise à pied conservatoire avec congés payés afférents, de rappel d'indemnité de nourriture ;
Précise que les condamnations sont prononcées sous réserve de déduire les cotisations salariales ou sociales éventuellement applicables,
Condamne la S.A.R.L. Invest Hôtel Reims Murigny à remettre à Mme [S] [M] un bulletin de salaire conforme au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Condamne chacune des parties à supporter la charge de ses propres frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne la SARL Invest Hôtel Reims Murigny aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER