Arrêt n°
du 28/06/2023
N° RG 22/00742
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 28 juin 2023
APPELANT :
d'un jugement rendu le 13 décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, section Encadrement (n° F 20/00067)
Monsieur [I] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par la SELARL G.R.M.A., avocats au barreau de REIMS
INTIMÉE :
SAS PERRENOT CHAMPAGNE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL LAMORIL-WILLEMETZ-LETKO-BURIAN, avocats au barreau d'ARRAS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 7 juin 2023, prorogée au 28 juin 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 28 mai 2018, la SAS Perrenot Champagne a embauché Monsieur [I] [T] en qualité de directeur de site, pour un horaire mensuel de 160 heures, soit 8,33 heures supplémentaires par mois.
Monsieur [I] [T] a été en arrêt-maladie à compter du 26 juin 2019 jusqu'au 26 juillet 2019. Il reprenait le travail le 29 juillet 2019 avant d'être de nouveau placé en arrêt-maladie le même jour.
Le 21 août 2019, la SAS Perrenot Champagne a convoqué Monsieur [I] [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave.
Le 5 septembre 2019, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Contestant notamment le bien-fondé de son licenciement, le 20 août 2020, Monsieur [I] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne de différentes demandes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement en date du 13 décembre 2021, le conseil de prud'hommes a :
- dit qu'il n'y a pas nullité du licenciement,
- dit que le licenciement de Monsieur [I] [T] repose sur une faute grave,
- condamné la SAS Perrenot Champagne à payer à Monsieur [I] [T] les sommes de :
. 21000 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
. 2100 euros au titre des congés payés y afférents,
. 9000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information et privation du bénéfice des contreparties obligatoires en repos,
. 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes ou prétentions contraires,
- dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.
Le 29 mars 2022, Monsieur [I] [T] a formé appel de chacun des chefs du jugement à l'exception de la condamnation de la SAS Perrenot Champagne au paiement d'une indemnité de procédure.
Dans ses écritures en date du 15 février 2023, Monsieur [I] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement sauf du chef de la condamnation de la SAS Perrenot Champagne à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande à la cour, statuant à nouveau :
* à titre principal, de juger que son licenciement est discriminatoire et donc entaché de nullité, de prononcer la nullité de son licenciement et de condamner la SAS Perrenot Champagne à lui payer la somme de 74763,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
* à titre subsidiaire, de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail et de condamner la SAS Perrenot Champagne à lui payer la somme de 74763,30 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* en tout état de cause,
- de condamner la SAS Perrenot Champagne à lui payer les sommes de :
. 32674,42 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 3267,44 euros au titre des congés payés y afférents,
. 21153 euros nets de toutes charges à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information et privation du bénéfice des contreparties obligatoires en repos,
. 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la durée hebdomadaire du travail,
. 44858,16 euros nets de toutes charges à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
. 15000 euros nets de toutes charges à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
- d'ordonner la remise des bulletins de salaire, de l'attestation Pôle Emploi ainsi que du certificat de travail conformes sous astreinte,
- d'ordonner la régularisation de sa situation par organisme social et sous astreinte,
- de condamner la SAS Perrenot Champagne à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la SAS Perrenot Champagne aux dépens,
- de débouter la SAS Perrenot Champagne de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes.
Dans ses écritures en date du 23 février 2023, la SAS Perrenot Champagne demande à la cour d'infirmer le jugement du chef des condamnations prononcées à son encontre et de le confirmer en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [T] de ses autres demandes. En tout état de cause, elle lui demande de débouter Monsieur [I] [T] de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé.
Motifs :
A titre liminaire, il convient de relever que Monsieur [I] [T] n'a pas repris, dans le dispositif de ses écritures, les demandes au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents ainsi que de l'indemnité de licenciement faites dans leurs motifs, de sorte que la cour n'est pas saisie de demandes à ces titres en application de l'article 954 du code de procédure civile.
- Sur les heures supplémentaires :
Monsieur [I] [T] reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à sa demande de rappel d'heures supplémentaires de juin 2018 à juin 2019 à hauteur de la somme réclamée, qu'il reprend à hauteur d'appel, dès lors qu'il prétend satisfaire à la preuve qui lui incombe, tandis que la SAS Perrenot Champagne, même au moyen d'une nouvelle pièce produite à hauteur d'appel, est défaillante à ce titre.
La SAS Perrenot Champagne réplique que Monsieur [I] [T] ne produit aucun élément de nature à 'étayer' sa demande, et que son décompte n'est pas fiable, qu'en toute hypothèse le décompte qu'elle produit établit que Monsieur [I] [T] n'a pas accompli les heures supplémentaires dont il demande le paiement, ce qu'il n'a jamais fait au demeurant le temps de la relation contractuelle, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande. Elle soutient que les seules heures supplémentaires effectuées sont celles reprises au contrat de travail et ont été payées.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Monsieur [I] [T] produit aux débats un relevé hebdomadaire de ses heures de travail de juin 2018 à juin 2019, ce qui constitue un élément suffisamment précis, contrairement à ce que la SAS Perrenot Champagne soutient, pour lui permettre d'y répondre utilement, ce qu'elle ne fait pas puisqu'elle ne produit aucun document de contrôle.
La réalité des heures supplémentaires est donc établie, peu important à cet effet que Monsieur [I] [T] ne les ait pas réclamées avant l'introduction de l'instance auprès de son employeur.
Il ne sera toutefois pas fait droit à la demande de Monsieur [I] [T] dans la proportion réclamée, dès lors que la SAS Perrenot Champagne fait notamment valoir à raison que celui-ci n'a pas intégré certaines absences dans son décompte, ainsi par exemple pour les semaines 32 et 42 en août et octobre 2018.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour évalue le rappel de salaires à la somme de 7339,06 euros, outre les congés payés, sur la base de 174 heures supplémentaires de juin à décembre 2018, et sur la base de 130 heures supplémentaires de janvier à juin 2019, déduction faite des 8,33 heures supplémentaires mensuelles réglées sur la période.
La SAS Perrenot Champagne doit être condamnée au paiement de ces sommes et le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur les dommages-intérêts pour défaut d'information et privation du bénéfice des contreparties obligatoires en repos :
La SAS Perrenot Champagne sollicite à juste titre le rejet de la demande de Monsieur [I] [T] au titre de l'année 2019 et à tort pour l'année 2018, en ce que le nombre d'heures supplémentaires effectuées pour cette seule année excède le contingent annuel d'heures supplémentaires -lequel est de 130 heures pour le personnel sédentaire aux termes de la convention collective des transports routiers- et que Monsieur [I] [T] n'a pas été informé de ses droits à repos obligatoires et par voie de conséquence pas en mesure de les prendre.
Monsieur [I] [T] peut dès lors prétendre à une indemnisation qui comprend à la fois le montant de l'indemnité de repos et les congés payés y afférents.
Dans ces conditions, et sur la base d'un dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires de 44 heures au titre de l'année 2018, la SAS Perrenot Champagne sera condamnée à payer à Monsieur [I] [T] la somme de 1815 euros (1650 euros + 165 euros).
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur l'indemnité de travail dissimulé :
Monsieur [I] [T] reproche aux premiers juges de l'avoir débouté de sa demande en paiement au titre de l'indemnité de travail dissimulé, alors même qu'il prétend établir le caractère intentionnel de la dissimulation.
Or, Monsieur [I] [T] n'établit pas, ne procédant sur ce point que par voie d'allégations, que la volonté de la SAS Perrenot Champagne étant de serrer les coûts au regard de sa situation financière, c'est volontairement qu'elle ne lui aurait pas payé les heures supplémentaires.
Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet de sa demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.
- Sur les dommages-intérêts pour dépassement de la durée hebdomadaire de travail :
Monsieur [I] [T] reproche encore aux premiers juges de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour dépassement de la durée conventionnelle hebdomadaire de travail, ce que la SAS Perrenot Champagne demande à la cour de confirmer en l'absence de manquement de sa part à ce titre et en toute hypothèse en l'absence de preuve d'un préjudice.
La SAS Perrenot Champagne conteste vainement tout manquement de sa part alors qu'elle ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle a respecté la durée conventionnelle hebdomadaire de travail fixée à 44 heures, alors qu'une telle preuve lui incombe et qu'il ressort du relevé d'heures établi par le salarié qu'elle s'est affranchie à plusieurs reprises du respect d'une telle durée.
Si la SAS Perrenot Champagne fait valoir à raison que Monsieur [I] [T] n'établit pas de lien entre un tel manquement et une aggravation de son état de santé dans le cadre de son hospitalisation au mois de juin 2019, en toute hypothèse, celui-ci est à l'origine d'une fatigue du salarié.
Dans ces conditions, la SAS Perrenot Champagne sera condamnée à payer à Monsieur [I] [T] la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi à ce titre.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur le licenciement :
Les premiers juges ont débouté Monsieur [I] [T] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement au motif qu'il n'établissait pas que son état de santé était en lien avec ses conditions de travail et ils ont débouté Monsieur [I] [T] de sa demande tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que les griefs invoqués au soutien de la faute grave étaient caractérisés.
Monsieur [I] [T] soutient qu'il présente des éléments de fait laissant supposer que son licenciement est discriminatoire en ce qu'il a été prononcé à raison de son état de santé, la SAS Perrenot Champagne ne voulant pas le conserver dans ses effectifs dès lors que son état de santé était altéré, qu'il avait été hospitalisé puis en arrêt-maladie, qu'elle le considérait 'moins opérationnel' et qu'il risquait d'être de nouveau en arrêt ou hospitalisé.
Il fait par ailleurs valoir qu'à supposer établis les manquements qui lui sont reprochés, ils seraient constitutifs d'une insuffisance professionnelle alors que la SAS Perrenot Champagne s'est placée sur le terrain disciplinaire, de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il ajoute que les griefs doivent être appréciés dans un contexte de manque de moyens humains et financiers, qu'ils sont imprécis, prescrits ou en toute hypothèse non établis et que de surcroît, ils n'ont pas donné lieu à une réaction immédiate de la SAS Perrenot Champagne.
La SAS Perrenot Champagne réplique que le licenciement du salarié n'a pas été motivé par son état de santé mais par des dysfonctionnements découverts lors de son absence à compter de la fin du mois de juin 2019. Elle conteste avoir tardé dans l'engagement de la procédure de licenciement, ayant notamment attendu le retour du salarié pour recueillir ses explications sur les faits découverts, constitutifs, non pas d'une insuffisance professionnelle mais de faits fautifs établis démontrant la volonté de Monsieur [I] [T] de ne pas effectuer ses missions et de ne pas exécuter loyalement son contrat de travail, lesquels caractérisent une faute grave.
Monsieur [I] [T] soutenant avoir fait l'objet d'un licenciement discriminatoire lié à son état de santé, il lui appartient de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination.
Monsieur [I] [T] explique, sans être contredit sur ce point par aucune pièce du dossier de l'employeur, qu'il n'a jamais fait l'objet de reproche jusqu'à son arrêt-maladie.
Il soutient n'avoir commis aucune faute.
Il est constant que la SAS Perrenot Champagne s'est placée sur le terrain d'un licenciement disciplinaire.
Les griefs imputés à Monsieur [I] [T] sont de deux ordres :
- principalement, un non-respect de ses missions, fautif en ce qu'il est volontaire,
- un manquement à l'obligation de loyauté.
La SAS Perrenot Champagne soutient que le caractère volontaire du non-respect des missions résulte de la récurrence des faits.
Or, ce seul élément est insuffisant à le caractériser. L'ensemble des griefs n'est donc pas fautif en ce qu'il relèverait, à les supposer établis, tout au plus de l'insuffisance professionnelle.
S'agissant ensuite du manquement à l'obligation de loyauté, la SAS Perrenot Champagne reproche à Monsieur [I] [T] d'avoir fait preuve de malhonnêteté en demandant à ses équipes de lui cacher la vérité lors d'un déplacement du directeur d'agence au sein du site de [Localité 4] à la fin de l'année 2018.
Il est établi au vu des deux attestations produites par la SAS Perrenot Champagne (pièces n°8 et 9) que Monsieur [I] [T] est entré seul en salle d'exploitation, en affirmant que le solde des palettes était à 0. L'une des deux salariées lui a alors demandé, sachant que le chiffre ne correspondait pas à la réalité 'vous nous demandez de mentir', question à laquelle il a répondu avec un hochement de tête et en disant 'on est à zéro'. Toutefois, la SAS Perrenot Champagne n'établit pas à quelle date de tels éléments ont été portés à sa connaissance alors que Monsieur [I] [T] soulève la prescription des faits et qu'il est par ailleurs établi que dès le 16 janvier 2019, au vu des pièces n°208 à 211 du salarié, le directeur d'agence savait que le solde des palettes n'était pas de 0 mais de -3201.
Dans ces conditions, ce grief doit être écarté comme étant prescrit, Monsieur [I] [T] ayant été convoqué à l'entretien préalable le 21 août 2019, soit plus de deux mois après la connaissance des faits par l'employeur.
Aucune faute n'est donc caractérisée à l'encontre de Monsieur [I] [T].
Monsieur [I] [T] fait encore exactement valoir que son licenciement est intervenu dans le prolongement de son arrêt-maladie, puisqu'il a été arrêté à compter du 26 juin 2019, qu'il n'a repris le travail qu'une journée le 29 juillet 2019, que ses problèmes de santé et notamment son hospitalisation ont été portés par mail à la connaissance de la direction, ce qui ressort de ses pièces n°33 et 34, et qu'il a été convoqué à un entretien préalable le 21 août 2019 puis licencié le 5 septembre 2019.
De tels éléments laissent supposer l'existence d'un licenciement de Monsieur [I] [T] à raison de son état de santé.
La SAS Perrenot Champagne doit donc établir dans ces conditions que le licenciement de Monsieur [I] [T] était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, ce qu'elle ne fait pas.
En effet, elle n'est pas fondée à opposer à Monsieur [I] [T] l'existence d'une faute grave alors que tout comportement fautif de celui-ci vient d'être écarté.
Dans ces conditions, le licenciement de Monsieur [I] [T] est nul, et ce en application des articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur les dommages-intérêts pour licenciement nul :
En application de l'article L.1235-3-1 du code du travail, Monsieur [I] [T] peut prétendre à des dommages-intérêts pour licenciement nul qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des six derniers mois, soit la somme de 32562,12 euros, sur la base d'un salaire reconstitué de 5427,02 euros.
Monsieur [I] [T] était âgé de 54 ans lors de son licenciement. Il établit avoir perçu l'ARE quelques mois jusqu'au mois de mars 2020 puis avoir été embauché en contrat à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2021 en qualité de directeur de site adjoint.
Au vu de ces éléments, la SAS Perrenot Champagne sera condamnée à lui payer la somme de 33000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul en réparation du préjudice subi.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :
Monsieur [I] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral alors qu'il soutient que les manquements de la SAS Perrenot Champagne à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et les conditions vexatoires du licenciement sont établies, ce que conteste à raison la SAS Perrenot Champagne pour les seules circonstances ayant entouré le licenciement, dès lors que Monsieur [I] [T] ne procède sur ce point que par voie d'allégations.
La SAS Perrenot Champagne a en revanche manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, car même si elle établit que Monsieur [I] [T] avait notamment demandé à la comptable de le tenir informé pendant son arrêt de travail, pour autant, au vu des mails produits par le salarié et alors que le contrat de travail était suspendu, le directeur de région l'interrogeait à plusieurs reprises sur des sujets professionnels, ce qu'il n'aurait pas dû faire. Il n'y a pas en revanche de manquement ni dans la date du paiement du complément de salaire du mois de juillet 2019 ni au titre de l'établissement du bulletin de paie, alors que la SAS Perrenot Champagne ne disposait pas à cette date des informations relatives aux versements de la caisse primaire d'assurance maladie.
Au vu de ces éléments, la SAS Perrenot Champagne sera condamnée à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
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Les premiers juges ont à tort débouté Monsieur [I] [T] de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la SAS Perrenot Champagne de lui remettre un dernier bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes, de sorte qu'il sera fait droit à cette demande, sans qu'il soit nécessaire toutefois d'ordonner une astreinte.
Il y a lieu d'ordonner à la SAS Perrenot Champagne de régulariser la situation de Monsieur [I] [T] auprès des organismes sociaux concernés, sans qu'il y ait lieu toutefois à astreinte.
Il y a lieu de dire que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
Partie succombante, la SAS Perrenot Champagne doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [I] [T] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, en sus de l'indemnité de procédure allouée en première instance.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [I] [T] de sa demande au titre de l'indemnité de travail dissimulé et au titre de l'astreinte, sauf en ce qu'il a débouté la SAS Perrenot Champagne de sa demande d'indemnité de procédure et sauf en ce qu'il l'a condamnée de ce chef à payer à Monsieur [I] [T] la somme de 1000 euros ;
Le confirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Condamne la SAS Perrenot Champagne à payer à Monsieur [I] [T] les sommes de :
- 7339,06 euros au titre des heures supplémentaires de juin 2018 à juin 2019 ;
- 733,90 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 1815 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'information et privation du bénéfice des contreparties obligatoires en repos au titre de l'année 2018 ;
- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la durée hebdomadaire du travail ;
Dit que le licenciement de Monsieur [I] [T] est nul ;
Condamne la SAS Perrenot Champagne à payer à Monsieur [I] [T] la somme de 33000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Condamne la SAS Perrenot Champagne à payer à Monsieur [I] [T] la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
Enjoint à la SAS Perrenot Champagne de remettre à Monsieur [I] [T] le dernier bulletin de paie, l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail conformes à la présente décision et de régulariser la situation de Monsieur [I] [T] auprès des organismes sociaux concernés ;
Dit que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;
Condamne la SAS Perrenot Champagne à payer à Monsieur [I] [T] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;
Déboute la SAS Perrenot Champagne de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur d'appel ;
Condamne la SAS Perrenot Champagne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER