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07/06/2023 | FRANCE | N°23/00014

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre premier président, 07 juin 2023, 23/00014


ORDONNANCE N° 23



DOSSIER N° RG 23/00014

N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJ2U







[F] [S]





c/



[Z] [I] [E]





















Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire

délivrée le

à

- Me Pascal GUILLAUME

- la SCP BIAUSQUE SICARD































L'AN DEUX MIL VINGT TROIS,


>Et le sept juin,





A l'audience des référés de la cour d'appel de REIMS, où était présent et siégeait M. Benoît PETY, président de chambre, faisant fonction de premier président, spécialement désigné par ordonnance en date du 5 décembre 2022, assisté de Mme Jocelyne DRAPIER, greffier,



Vu l'assignation donnée par la SCP...

ORDONNANCE N° 23

DOSSIER N° RG 23/00014

N° Portalis DBVQ-V-B7H-FJ2U

[F] [S]

c/

[Z] [I] [E]

Expédition certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire

délivrée le

à

- Me Pascal GUILLAUME

- la SCP BIAUSQUE SICARD

L'AN DEUX MIL VINGT TROIS,

Et le sept juin,

A l'audience des référés de la cour d'appel de REIMS, où était présent et siégeait M. Benoît PETY, président de chambre, faisant fonction de premier président, spécialement désigné par ordonnance en date du 5 décembre 2022, assisté de Mme Jocelyne DRAPIER, greffier,

Vu l'assignation donnée par la SCP François MILLET, Benjamin BOURRET, commissaires de justice associés à la résidence de [Adresse 7], en date du 8 mars 2023,

A la requête de :

M. [F] [S], né le 24 octobre 1970, à [Localité 8], de nationalité française, agriculteur, demeurant [Adresse 1],

DEMANDEUR,

représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, postulant et de Me Raphaël YERNAUX, avocat au barreau de l'AUBE (SCP PLOTTON - VANGHEESDAELE - FARINE - YERNAUX), plaidant,

à

Mme [Z] [I] [E], née le 27 novembre 1985 au Brésil, de nationalité brésilienne, hygièniste buccodentaire, demeurant [Adresse 4] (ESPAGNE), élisant domicile au cabinet de Me Mathieu PONS SERRADEIL, avocat au barreau des Pyrénées-Orientales, y exerçant [Adresse 2],

DEFENDERESSE,

représentée par Me Maylis DUMONT, avocat au barreau de REIMS (SCP POUGEOISE-DUMONT-BIAUSQUE),

d'avoir à comparaître le mercredi 15 mars 2023, devant le premier président statuant en matière de référé.

L'affaire a fait l'objet de renvois successifs au mercredi 12 avril 2023, au mercredi 3 mai 2023 et enfin au mercredi 24 mai 2023.

A l'audience du 24 mai 2023, M. Benoît PETY, président de chambre, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, assisté de Mme Jocelyne DRAPIER, greffier, puis l'affaire a été mise en délibéré au mercredi 7 juin 2023,

Et ce jour, 7 juin 2023, a été rendue l'ordonnance suivante par mise à disposition au greffe du service des référés, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile :

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Mme [Z] [I] [E], de nationalité brésilienne, a donné naissance le 5 août 2017 à [Localité 6] (province de [Localité 3], Espagne) à une enfant [T] qui n'a pas été reconnue par son père.

Par acte d'huissier du 9 août 2019, Mme [I] [E], ès qualité de représentante légale de sa fille, a fait assigner M. [F] [S] devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins de recherche de paternité.

Par jugement du 4 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Troyes a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes et, avant dire droit, ordonné un examen comparé des allèles de l'enfant [T] [I] [E] et de M. [S].

Le rapport d'expertise déposé le 9 décembre 2021 a conclu à l'exclusion de la paternité de M. [S] sur l'enfant [T] [I] [E].

Par jugement du 16 février 2023, le tribunal judiciaire de Troyes a notamment :

- reconnu sa compétence pour connaître du litige en faisant application de la loi française,

- déclaré nul le rapport établi par le laboratoire d'analyses Analysis le 18 novembre 2021,

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes présentées au fond par les parties,

- avant dire droit, ordonné un nouvel examen comparé des allèles de l'enfant [T] [I] [E], de Mme [Z] [I] [E] et de M. [F] [S],

- désigné pour ce faire M. [X] [U] du Laboratoire d'empreintes génétiques Biomnis à [Localité 5],

- renvoyé l'affaire au jeudi 15 juin 2023 à 9 heures,

- réservé les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire des dispositions du jugement relatives à l'expertise judiciaire.

Par acte de commissaire de justice du 8 mars 2023, M. [F] [S] a, au visa de l'article 272 du code de procédure civile, fait assigner Mme [Z] [I] [E] devant le premier président de la cour d'appel de Reims, selon la procédure accélérée au fond, aux fins de voir :

- juger qu'il existe un motif grave et légitime de relever appel à l'encontre du jugement rendu le 16 février 2023 par le tribunal judiciaire de Troyes,

- juger le demandeur recevable et fondé en son action,

- en conséquence, l'autoriser à relever appel de ce jugement,

- fixer le jour et l'heure de l'audience où l'affaire sera examinée,

- juger que les dépens de référé suivront le sort de ceux de l'instance au fond.

L'affaire a été examinée à l'audience du 24 mai 2023 à 11 heures, date à laquelle M. [S] a réitéré ses demandes initiales en sollicitant par ailleurs le débouté de Mme [I] [E] de son exception de nullité.

Le demandeur fait d'abord valoir que la nullité de l'assignation soulevée par Mme [I] [E] assignée en son nom personnel et non en sa qualité de représentant légal de sa fille, ne peut prospérer, la défenderesse ne mentionnant pas la disposition légale au soutien de ce moyen ni s'il s'agit d'une irrégularité de fond ou d'une fin de non-recevoir. En toute hypothèse, s'agissant d'une nullité de forme, il importe de justifier d'un grief, ce qui n'est en l'état pas rapporté. Les termes de l'assignation en référé ne permettent aucune ambiguïté ne serait-ce qu'en rapport à la nature même de l'action au fond engagée par Mme [I] [E].

M. [S] poursuit en évoquant les motifs graves et légitimes au soutien de son action en référé. En effet, le prélèvement sur sa personne a bien été réalisé par une infirmière libérale à laquelle il a présenté sa pièce d'identité. Le prélèvement a donc été réalisé par un professionnel de santé selon une méthode validée par l'expert judiciaire. Le tribunal judiciaire de Troyes ne pouvait ainsi affirmer que l'infirmière n'avait pas agi sous le contrôle de l'expert judiciaire puisque c'est ce dernier qui lui a donné la possibilité de faire pratiquer le prélèvement auprès du laboratoire de biologie médicale de son choix, pratique en tout conforme aux usages en matière d'analyses génétiques. Il est précisé que le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Troyes a conclu à la régularité du prélèvement et du rapport d'expertise judiciaire. Il entend dénoncer l'ajout de l'adverbe « personnellement » par le tribunal judiciaire à la mission d'expertise définie par le précédent jugement du 4 décembre 2020.

M. [S] rappelle qu'il a toujours contesté tout rapport intime avec Mme [I] [E] au cours de la période légale de conception et il est impossible qu'il soit le père de l'enfant. Il a d'ailleurs accepté dès l'origine le principe du test génétique. Il dénonce le caractère intéressé de l'action de Mme [I] [E] et la présence de cette dernière à [Localité 8] en 2016 par le biais d'un site internet de rencontres tarifées.

Mme [Z] [I] [E], pour sa part, demande au premier président de :

Vu les articles 117 et suivants du code de procédure civile,

- dire que l'assignation qui lui a été délivrée à titre personnel le 8 mars 2023 est nulle et de nul effet,

- déclarer les demandes de M. [S] irrecevables,

- à titre subsidiaire, dire que M. [S] ne justifie pas d'un intérêt grave et légitime à demander l'autorisation d'interjeter appel du jugement du 16 février 2023 rendu par le tribunal judiciaire de Troyes,

- condamner M. [S] aux entiers dépens.

La défenderesse au référé expose en premier lieu que l'assignation lui a été délivrée en son nom personnel alors qu'au sens de l'article 327 alinéa 2 du code civil, l'action en recherche de paternité est réservée à l'enfant. L'article 328 rappelle que, durant la minorité de l'enfant, seul son représentant légal a qualité pour exercer cette action. Il s'en déduit que le parent attrait à titre personnel n'est pas partie à la procédure. M. [S] ne pouvait donc l'assigner en référé devant le premier président qu'en sa seule qualité de représentant légal de sa fille mineure [T]. L'assignation en référé est donc nulle, avec toutes conséquences de droit et les demandes de M. [S] irrecevables.

A titre subsidiaire, Mme [I] [E] estime que les conditions de l'article 272 du code de procédure civile ne sont en l'occurrence pas réunies. En effet, M. [S] ne fait que critiquer la décision du 16 février 2023 mais la contestation d'un jugement ne constitue pas un motif grave et légitime.

L'intéressé a fait choix d'une infirmière libérale pour procéder au prélèvement, infirmière qui n'est ni un laboratoire ni un biologiste. L'expert judicaire doit accomplir personnellement sa mission et le tribunal judiciaire n'a fait que dire le droit.

Mme [I] [E] entend qualifier le reste des propos de M. [S] de sordides, ce dernier ayant toujours caché son état d'homme marié et il se refuse à se soumettre à une expertise biologique valablement réalisée.

* * * *

Motifs de la décision :

- Sur l'irrégularité alléguée de l'assignation en référé :

Attendu en premier lieu qu'il importe de préciser à la lecture des écritures de Mme [I] [E] que cette partie vise au soutien de l'incident de procédure qu'elle soulève les articles 117 et suivants du code de procédure civile et demande au premier président de prononcer la nullité de l'assignation délivrée à la requête de M. [S] ;

Qu'il est donc suffisamment explicite que Mme [I] [E] a soulevé un moyen de nullité afférent à la question de la qualité de la partie assignée ;

Que l'article 327 alinéa 2 du code civil rappelle le principe selon lequel l'action en recherche de paternité appartient à l'enfant, ce qui explique que, tant dans l'entête du jugement du 4 décembre 2020 que dans celui du jugement du 16 février 2023, Mme [Z] [I] [E] est bien désignée « en qualité de représentante légale de l'enfant mineure [T] [I] [E] » ;

Que cette qualité de représentant légal du mineur n'apparaît pas dans l'assignation en référé que M. [S] a fait délivrer à Mme [I] [E] le 8 mars 2023, ce qui constitue une irrégularité tenant à la qualité du défendeur et à la représentation d'une personne incapable d'agir ou d'être attraite en justice compte tenu de sa minorité ;

Qu'il s'agit là non pas d'une simple nullité de forme mais bien d'une nullité de fond, susceptible d'être couverte au sens des dispositions de l'article 121 du code de procédure civile, de sorte que la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ;

Que, de fait, lorsque l'affaire a été évoquée à l'audience de référé du mercredi 24 mai 2023 à 11 heures, M. [S] avait conclu à nouveau après la délivrance de l'assignation irrégulière, les écritures du demandeur mentionnant explicitement à l'endroit de la défenderesse : « ès qualité de représentante légale de l'enfant mineure [T] [I] [E] » ;

Qu'il faut donc en conclure que l'irrégularité de l'assignation initiale a été rectifiée au moment où le magistrat statue, la nullité de fond étant ainsi couverte de telle sorte qu'aucune conséquence ne peut en être tirée pour la suite de la procédure ;

Que, par ailleurs, aucune fin de non-recevoir n'étant explicitée par la défenderesse, les demandes de M. [S] n'encourent aucune irrecevabilité ;

- Sur la demande d'autorisation d'appel immédiat :

Attendu que l'article 272 du code de procédure civile énonce en son premier alinéa que la décision ordonnant l'expertise peut être frappée d'appel indépendamment du jugement au fond sur autorisation du premier président de la cour d'appel s'il est justifié d'un motif grave et légitime ;

Qu'il doit être rappelé que l'article 544 du même code dispose en son premier alinéa que les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal ;

Que l'article 545 mentionne enfin que les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond, que dans les cas spécifiés par la loi ;

Attendu qu'il est constant que les parties à l'instance admettent sans aucune réserve que la décision rendue par le tribunal judiciaire de Troyes le 16 février 2023 n'est ni un jugement tranchant le principal ni une décision mixte, ce jugement ne tranchant le litige qu'au titre de la mesure d'instruction ordonnée le 4 décembre 2020 (nullité du rapport d'expertise) et du prononcé d'une nouvelle mesure d'instruction ;

Attendu que M. [S] prétend justifier d'un motif grave et légitime en ce qu'il soutient que les opérations d'expertise génétique confiées à M. [F] [D] au laboratoire Analysis Expertise d'Epinal ont en tout été réalisées selon la mission confiée par les premiers juges de sorte que le tribunal judiciaire de Troyes ne pouvait invalider le rapport de l'expert en ajoutant à l'exécution de sa mission l'adverbe « personnellement » ;

Qu'il faut en comprendre que M. [S] entend, par le biais de sa demande d'autorisation d'appel immédiat du jugement du 16 février 2023, dénoncer le caractère parfaitement inutile de la seconde mission d'expertise ordonnée par les magistrats du fond, ce que le ministère public près la juridiction troyenne a du reste admis ;

Attendu qu'outre le fait que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée comme l'énonce l'article 233 du code de procédure civile, ce qui n'exclut pas que l'expert puisse se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient alors sous son contrôle et sa responsabilité (article 278-1 du code de procédure civile), les premiers juges ont aussi motivé leur décision d'annulation du rapport de M. [F] [D] sur la question des conditions dans lesquelles le prélèvement buccal avait été entrepris sur la personne de M. [S], considérant qu'il n'était pas garanti que l'infirmière libérale ayant procédé audit prélèvement ait agi « sous le contrôle et la responsabilité de l'expert » ;

Qu'il ne peut être négligé, dans le contexte d'une expertise judiciaire, qu'elle soit de nature civile ou pénale, que les modalités de réalisation du prélèvement sont aussi capitales que les modalités de réalisation de l'expertise même, les premiers juges n'ayant nullement remis en question le principe du recours par l'expert à des techniciens de son choix auxquels la réalisation d'un prélèvement à analyser serait confiée, le litige portant sur les conditions dans lesquelles ces modalités de prélèvement ont en l'espèce été réalisées ;

Que les premiers juges ont en effet estimé que le choix de l'infirmière n'avait pas été le fait de l'expert judiciaire mais bien de M. [S] lui-même, ce qui en soit posait difficulté ;

Qu'en cela, hormis la circonstance qu'il doive se soumettre à un nouveau prélèvement, M. [S] ne démontre pas en quoi l'annulation du rapport d'expertise de M. [F] [D] (laboratoire Analysis Expertise d'Epinal) et partant la mission d'expertise nouvellement ordonnée et confiée au laboratoire d'analyses de [Localité 5] constitueraient des mesures parfaitement inutiles, les motifs qu'il développe au soutien de sa demande d'autorisation d'appel du jugement du 16 février 2023 n'étant ni graves ni légitimes ;

Que l'intéressé sera en conséquence débouté de sa demande ;

- Sur les dépens :

Attendu que M. [S] qui succombe en son action supportera les entiers dépens de la présente instance ;

Par ces motifs,

Statuant publiquement et contradictoirement,

- rejetons le moyen de nullité de l'assignation délivrée le 8 mars 2023 à Mme [Z] [I] [E] à la requête de M. [F] [S] ;

- déclarons M. [F] [S] recevable en son action mais le disons mal-fondé ;

- déboutons en conséquence M. [F] [S] de sa demande d'autorisation pour relever appel immédiat du jugement du tribunal judiciaire de Troyes du 16 février 2023 ;

- condamnons M. [F] [S] aux entiers dépens de l'instance.

Le greffier, Le Président de chambre délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00014
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;23.00014 ?
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