Arrêt n°
du 31/05/2023
N° RG 22/00815
MLS/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 31 mai 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 5 avril 2022 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Commerce (n° F 21/00086)
SAS AUBERGE DE NICEY
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL IFAC, avocats au barreau de l'AUBE
INTIMÉE :
Madame [K] [L] épouse [A]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par M. [Z] [V], défenseur syndical
DÉBATS N° RG 22/00815 :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 avril 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 31 mai 2023.
DÉBATS N° RG 22/00980 :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 février 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle FALEUR, conseiller faisant fonction de président, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 12 avril 2023, prorogée successivement au 10 et 31 mai 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Aux termes d'un contrat du 30 juillet 1992, Madame [K] [A] a effectué un apprentissage de 'Traiteur' au sein de la société Auberge de Nicey entre le 1er septembre 1992 et le 31 août 1993.
Elle a été embauchée en qualité de commis de cuisine en contrat à durée indéterminée à partir du 1er septembre 1993.
Le 1er janvier 1999, elle a signé un avenant à son contrat de travail pour un changement de qualification en qualité de chef de cuisine niveau IV échelon 1, dans lequel figurait une clause de non-concurrence.
Le 13 mars 2001, son employeur a accepté sa demande de temps partiel dans le cadre d'un congé parental.
Le 1er septembre 2017, la société Auberge de Nicey a demandé à Madame [K] [A] de signer la mise en place de l'annualisation du temps de travail avec une première période du 1er septembre au 31 décembre 2017 puis du 1er janvier au 31 décembre 2018 et ensuite toutes les années civiles.
Le temps de travail de Madame [K] [A] a été fixé à 145 heures mensuelles, soit 33,46 heures par semaine et 1525,84 heures à faire dans l'année.
Une badgeuse a été mise en place à compter du 1er septembre 2017.
Le 13 octobre 2020, l'employeur a envoyé un courrier recommandé à Madame [K] [A] dans lequel il expliquait que la société rencontrait des difficultés économiques et lui proposait un avenant à son contrat de travail avec les modifications suivantes :
- emploi : cuisinière au lieu de chef de cuisine,
- statut professionnel : néant au lieu d'agent de maîtrise,
- niveau III au lieu de niveau IV,
- échelon 1 au lieu de l'échelon 2,
- durée de travail de 30 heures par semaine au lieu de 34 heures par semaine,
- taux horaire de 11,30 euros de l'heure au lieu de 13,65 euros de l'heure.
Le 9 novembre 2020, Madame [K] [A] a fait part de son refus à son employeur.
Le 16 novembre 2020, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un licenciement économique, qui s'est tenu le 25 novembre 2020. Au cours de l'entretien, l'employeur lui a remis les documents d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle auquel elle a adhéré par lettre recommandée du 8 décembre 2020.
Le 22 décembre 2020, Madame [K] [A] a envoyé un courrier recommandé à son employeur pour contester son licenciement pour motif économique et son reçu pour solde de tout compte.
Par requête du 19 avril 2021, Madame [K] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes aux fins de voir confirmer que les temps de pause repas étaient du travail effectif et de voir son employeur condamné à lui verser les sommes suivantes :
. 1 156,07 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,
. 1 522,51 euros à titre de remboursement de 20 jours de congés payés imposés pendant le confinement,
. 611,37 euros à titre de rappel de paiement des congés payés de 2018 à 2020,
. 1 370,25 euros à titre de paiement des jours fériés garantis de 2018 à 2020,
. 137,03 euros à titre de congés payés afférents,
. 5 023,20 euros à titre de rappel des temps de pause repas en temps de travail effectif,
. 502,35 euros à titre de congés payés afférents,
. 16'860,16 euros (huit mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour non attribution du temps de pause,
. 4 425,81 euros à titre de rappel des heures supplémentaires de 2018,
. 442,58 euros à titre de congés payés afférents,
. 4 833,36 euros à titre de rappel des heures supplémentaires de 2019,
. 483,37 euros à titre de congés payés afférents,
. 12'645,12 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 16'860,16 euros (huit mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien de 11 heures,
. 609 euros à titre de rappel des jours de fractionnement de 2018 à 2020,
. 12'645,12 euros (six mois de salaire) au titre de la nullité de la clause de non-concurrence,
. 16'860,16 euros (huit mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,
. 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Elle sollicitait également du conseil de prud'hommes qu'il ordonne l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile, qu'il condamne la société Auberge de Nicey aux dépens de l'instance y compris les frais d'exécution forcée et qu'il juge que les sommes porteraient intérêt au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement.
Par conclusions en réplique, la société Auberge de Nicey a sollicité du conseil de prud'hommes que Madame [K] [A] soit déboutée de toutes ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 5 avril 2022, le Conseil de prud'hommes de Troyes a :
- dit Madame [K] [A] partiellement fondée en ses demandes,
- condamné la société Auberge de Nicey à lui verser les sommes suivantes :
. 1 071,77 euros au titre de rappel de l'indemnité de licenciement,
. 1 522,51 euros au titre du remboursement de 20 jours de congés payés imposés pendant le confinement,
. 611,37 euros à titre de rappel de paiement des congés payés de 2018 à 2020,
. 4 425,81 euros à titre de rappel des heures supplémentaires de 2018,
. 442,58 euros au titre des congés payés afférents,
. 4 833,36 euros à titre de rappel des heures supplémentaires de 2019,
. 483,34 euros au titre des congés payés afférents,
. 12 645,12 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 609,00 euros au titre de rappel des jours de fractionnement de 2018 à 2020,
. 6 300,00 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
. 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ces sommes seraient assujetties aux intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement en vertu des dispositions de l'article 1153-1 du code civil,
- débouté la société Auberge de Nicey de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Auberge de Nicey aux entiers dépens.
La société Auberge de Nicey a formé un appel principal le 7 avril 2022, enregistré sous le numéro de rôle 22/00815, portant sur sa condamnation au titre de l'indemnité de licenciement, des jours de congés imposés et des rappels de congés payés, des heures supplémentaires et congés payés afférents, de l'indemnité de travail dissimulé, des jours de fractionnement, de la clause de non-concurrence, des intérêts au taux légal, des frais irrépétibles et des dépens.
Madame [K] [A] a également formé un appel principal le 27 avril 2022, reçu au greffe le 28 avril 2022 et enregistré sous le numéro de rôle 22/00980, portant sur le rappel de salaire au titre des temps de pause et congés payés afférents, sur les dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause et du repos quotidien et sur le préjudice moral et financier.
Aux termes de ses conclusions d'appelante principale notifiées par RPVA le 4 juillet 2022, et de ses conclusions d'intimée et d'appelante incident notifiées par RPVA le 27 septembre 2022, auxquelles en application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Auberge de Nicey demande à la cour :
- de prononcer la jonction entre les procédures ouvertes sous les numéros RG 22/00815 et 22/00980,
- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Troyes en date du 5 avril 2022 en ce qu'il a débouté partiellement Madame [K] [A] de ses demandes à savoir :
. 5 023,20 euros au titre de rappel des temps de pause de repas en temps de travail effectif,
. 502,35 euros au titre des congés payés afférents,
. 16'860,16 euros à titre de dommages et intérêts pour non attribution du temps de pause,
. 16'860,16 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien de 11 heures,
. 16'860,16 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,
- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Troyes en date du 5 avril 2022 en ce qu'il l'a condamnée à payer à Madame [K] [A] les sommes suivantes :
. 1 071,77 euros au titre de rappel de l'indemnité de licenciement,
. 1 522,51 euros au titre du remboursement de 20 jours de congés payés imposés pendant le confinement,
. 611,37 euros au titre de rappel de paiement des congés payés de 2018 à 2020,
. 4 425,81 euros au titre de rappel des heures supplémentaires de 2018,
. 442,58 euros au titre des congés payés afférents,
. 4 833,36 euros au titre de rappel des heures supplémentaires de 2019,
. 483,34 euros au titre des congés payés afférents,
. 12 645,12 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 609,00 euros au titre de rappel des jours de fractionnement de 2018 à 2020,
. 6 300,00 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
. 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il :
- a dit que ces sommes seraient assujetties aux intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement en vertu des dispositions de l'article 1153-1 du code civil,
- l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux entiers dépens,
statuant à nouveau,
- de débouter Madame [K] [A] de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner Madame [K] [A] à lui payer la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner Madame [K] [A] aux frais et dépens de première instance et de l'instance en appel.
La société Auberge de Nicey fait valoir que pour calculer le montant de l'indemnité de licenciement, le conseil de prud'hommes de Troyes a omis de décompter la période d'absence pour arrêt maladie de Madame [K] [A], non assimilée à du travail effectif, c'est-à-dire les mois de mars, avril et mai 2015.
Elle soutient qu'elle n'a jamais imposé à sa salariée la prise de congés payés pendant le confinement lié à la crise sanitaire de la covid 19 mais a toujours sollicité son accord ainsi que l'attestent les échanges de SMS produits aux débats et ajoute que, si des congés payés devaient être considérés comme non pris, Madame [K] [A] devrait être condamnée à rembourser les allocations d'activité partielle qu'elle a perçues et qui deviendraient indues.
La société Auberge de Nicey prétend justifier que Madame [K] [A] a pu normalement bénéficier de ses pauses déjeuner et dîner, et que ce temps ne doit pas être considéré comme du temps de travail effectif. Elle note le caractère fantaisiste de la demande de dommages et intérêts attachée aux temps de pause.
Concernant le rappel d'heures supplémentaires, l'employeur fait valoir que les demandes de Madame [K] [A] procèdent d'une interprétation erronée des feuilles de pointage dans la mesure où ni l'horaire prévu ni l'horaire réalisé ne correspondent réellement au travail effectif, les horaires prévus et réalisés prenant en compte des heures non travaillées comme les périodes de congés, les jours fériés chômés et les absences diverses. Elle conteste avoir eu l'intention de dissimuler les heures de travail effectuées par Madame [K] [A].
Concernant le temps de repos quotidien, la société Auberge de Nicey fait valoir que le métier de la restauration implique une certaine souplesse et que lorsque Madame [K] [A] était amenée à quitter plus tard le soir, elle arrivait plus tard le lendemain. Elle ajoute que la fréquence, l'importance et les circonstances de ces dépassements ne peuvent en aucun cas justifier une demande de dommages et intérêts à hauteur de huit mois de salaire.
Elle affirme que les jours de congés supplémentaires pour fractionnement ne sont dûs que lorsque l'employeur impose le fractionnement, ce qui n'était pas le cas dès lors que Madame [K] [A] était libre de prendre ses congés comme elle le souhaitait.
La société Auberge de Nicey soutient que Madame [K] [A] n'apporte pas la preuve d'un quelconque préjudice découlant de la prétendue nullité de la clause de non concurrence.
Elle ajoute que la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier qui ne porte pas sur la validité du licenciement, lequel n'est pas mis en cause par Madame [K] [A], est un doublon par rapport à certaines de ses demandes et qu'il n'est pas possible d'indemniser deux fois un éventuel préjudice.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante principale et d'intimée déposées au greffe par courrier du défenseur syndical le 18 juillet 2022, et des conclusions d'appelante incident du 23 septembre 2022 auxquelles en application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens Madame [K] [A] demande à la cour :
- de la juger recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
- de juger que les sommes qu'elle demande sont dues,
- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Troyes en ce qu'il a condamné la société Auberge de Nicey à lui payer :
. 1 071,77 euros au titre de rappel de l'indemnité de licenciement,
. 1 522,51 euros au titre du remboursement de 20 jours de congés payés imposés pendant le confinement,
. 611,37 euros au titre de rappel de paiement des congés payés de 2018 à 2020,
. 4 425,81 euros au titre de rappel des heures supplémentaires de 2018,
. 442,58 euros au titre des congés payés afférents,
. 4 833,36 euros au titre de rappel des heures supplémentaires de 2019,
. 483,34 euros au titre des congés payés afférents,
. 12 645,12 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 609,00 euros au titre de rappel des jours de fractionnement de 2018 à 2020,
. 6 300,00 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
. 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Troyes en ce qu'il l'a déboutée des demandes suivantes et statuer à nouveau pour :
- confirmer que les temps de pause repas sont du travail effectif,
- condamner l'employeur à lui payer :
. 5 023,20 euros à titre de rappel des temps de pause repas en temps de travail effectif,
. 502,32 euros au titre des congés payés afférents,
. 16'860,16 euros à titre de dommages et intérêts pour non-attribution du temps de pause,
. 16'860,16 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos quotidien de 11 heures,
. 16'860,16 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,
- de condamner la société Auberge de Nicey à lui payer la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Auberge de Nicey aux dépens y compris les éventuelles dépenses ou frais d'exécution forcée,
- de dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé du jugement.
Madame [K] [A] affirme que son ancienneté doit être appréciée du 1er septembre 1992 au 16 février 2021, fin du préavis non effectué, qui doit être pris en considération bien qu'elle ait adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle. Elle fait valoir que la période de trois mois d'absence entre mars et mai 2015 invoquée par la société Auberge de Nicey est prescrite et qu'en tout état de cause il ne s'agissait que d'un arrêt de travail de 46 jours.
Elle soutient que la société Auberge de Nicey lui a imposé de prendre 25 jours de congés payés, sans son accord, soit 5 jours en avril 2020, 3 jours en mai 2020 et 17 jours en août 2020 et que l'employeur ne pouvait lui imposer, dans le contexte de la crise sanitaire liée au covid 19, que la prise de 5 jours de congés payés.
Madame [K] [A] expose que l'article L 3121-6 du code du travail impose au moins 20 minutes consécutives de pause pour six heures de travail consécutif, et que la pause déjeuner représente un temps de travail effectif dès lors que le salarié doit répondre à de possibles sollicitations.
Elle souligne qu'il lui était décompté 30 minutes à chaque pause déjeuner et dîner alors qu'elle ne prenait la plupart du temps qu'un simple casse-croûte en continuant à travailler pour surveiller la préparation des repas.
Madame [K] [A] soutient que la société Auberge de Nicey a mis en place une annualisation de son temps de travail sans préciser le nombre minimum et maximum d'heures de travail par semaine, ni la durée précise ni la période de référence ni la rémunération en cas de dépassement et qu'il n'a pas affiché à l'avance les horaires de travail ni prévenu à l'avance des changements d'horaires.
Elle sollicite un rappel d'heures supplémentaires pour les mois de septembre 2017 à la fin de l'année 2019 faisant valoir qu'elle a effectué 58,35 heures supplémentaires de septembre à décembre 2017, 217,44 heures supplémentaires sur l'année 2018 et 237,34 heures supplémentaires au cours de l'année 2019.
Elle ajoute qu'elle a effectué beaucoup plus d'heures que ce que prévoyaient les dispositions sur l'aménagement du temps de travail, et que le défaut de paiement par l'employeur des heures supplémentaires, en toute connaissance, justifie l'octroi d'une indemnité pour travail dissimulé.
Madame [K] [A] soutient que, du mois d'août 2017 au mois de décembre 2019, elle a été privée à 188 reprises du repos minimal quotidien de 11 heures consécutives prévu tant par les dispositions légales que par les dispositions conventionnelles de la convention collective applicable.
Elle sollicite le rappel de 8 jours de fractionnement au titre de la période d'octobre 2017 à octobre 2020 faisant valoir que le point de départ de la prescription en matière d'indemnité de congés payés est fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris.
Madame [K] [A] soutient que la clause de non-concurrence, qui a été insérée à l'avenant du 1er janvier 1999 à son contrat de travail, est nulle faute de prévoir une contrepartie financière et qu'au surplus la renonciation de l'employeur à l'appliquer, pour être valable, doit être prévue par le contrat de travail et intervenir avant que le salarié ne quitte l'entreprise.
Madame [K] [A] fait valoir que son préjudice moral est caractérisé par le fait qu'elle a travaillé plus de 28 ans pour la société Auberge de Nicey, sans compter ses heures et qu'elle se retrouve privée d'emploi et affectée psychologiquement.
Elle fait valoir que son préjudice financier est caractérisé par le fait qu'elle n'a jamais bénéficié des jours de fractionnement depuis son embauche, qu'elle faisait l'objet d'une clause de non-concurrence qui ne lui permettait pas de travailler ailleurs, qu'elle n'a jamais eu la rétribution des pourboires, qu'elle n'a jamais bénéficié des jours de congés supplémentaires conventionnels ni des jours fériés garantis, que l'employeur n'a pas respecté le repos journalier de 11 heures et lui a décompté du temps de travail effectif lors de pauses dont elle ne pouvait disposer.
Motifs :
Il convient de prononcer la jonction, sous le n° unique 22/00815, des procédures ouvertes sous les numéros RG 22/00815 et 22/00980.
Au préalable, il sera noté que le rejet des demandes de paiement des jours fériés et congés payés afférents ne font pas l'objet d'un appel principal ou incident de sorte que la question n'est pas dévolue à la cour.
1 - l'exécution du contrat de travail
- Sur le rappel de salaire concernant les temps de travail effectif pendant les pauses repas et les dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause.
Madame [K] [A] produit aux débats des attestations de :
- Madame [N] [R] qui témoigne avoir travaillé à la société Auberge de Nicey, en qualité de femme de chambre, pendant la période du 2 février 2015 au 16 septembre 2015 et indique qu'à chaque fois qu'elle descendait le midi pour aller pointer avant d'aller prendre sa pause repas, Madame [K] [A] se trouvait en cuisine pour préparer les repas et terminer sa mise en place pour le service du midi, et qu'elle ne pouvait accompagner les autres personnels en pause déjeuner,
- Madame [Y] [B] qui témoigne avoir remarqué, lors de son apprentissage, que Madame [K] [A] utilisait souvent son temps de pause pour faire à manger au personnel ou ranger les courses ou les livraisons de légumes,
- Madame [P] [C] qui atteste que Madame [K] [A] utilisait souvent son temps de pause pour faire à manger au personnel et ranger les courses, et qu'elle devait manger très rapidement,
- Monsieur [U] [F] qui atteste que durant l'année 2016, il occupait le poste d'apprenti cuisinier au sein de la société Auberge de Nicey et qu'il a constaté que Madame [K] [A] ne prenait pas son temps de pause de midi.
La société Auberge de Nicey produit aux débats des attestations de :
- Monsieur [D] [H] qui témoigne avoir travaillé en contrat à durée indéterminée au sein de la société Auberge de Nicey du 2 septembre 2019 au 20 mars 2020 et atteste que Madame [K] [A] prenait ses repas de manière récurrente durant les pauses déjeuner de 11 h 30 à midi et les pauses dîner de 19 heures à 19 h 30, qu'il est arrivé de manière très exceptionnelle qu'elle ne puisse prendre ses repas à ces horaires mais qu'elle décalait alors sa pause repas.
- Madame [W] [S], salariée de la société Auberge de Nicey qui indique que Madame [K] [A] mangeait avec l'ensemble de ses collègues et prenait sa pause de 11 h 30 à 12 heures.
- Madame [M] [G] qui témoigne que pendant ses périodes de stage en tant que serveuse à la société Auberge de Nicey, de février à avril 2017 ainsi que pendant ses périodes d'extra d'avril 2017 à août 2019, Madame [K] [A] était présente pendant les temps de pause de midi, de 11 h 30 à 12 heures, et le soir, de 18 h 30 à 19 heures, que parfois elle arrivait avec quelques minutes de retard en début de pause et repartait quelques minutes en avance avant la fin de la pause.
- Monsieur [J] [E] qui témoigne que Madame [K] [A] prenait ses pauses repas et qu'il préparait, tout comme elle, les repas du personnel, précisant qu'il leur arrivait quelquefois exceptionnellement de ne pouvoir prendre leur pause complètement mais qu'ils récupéraient ce temps sur d'autres temps de pause repas.
L'employeur justifie donc par de multiples attestations, non combattues efficacement par celles produites par la salariée, que celle-ci a bénéficié de ses temps de pause.
Le jugement de première instance doit donc être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire à ce titre et de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause.
- Sur le rappel des heures supplémentaires pour les années 2018 et 2019
Le 10 août 2017, Madame [K] [A] et la société Auberge de Nicey ont signé un document intitulé 'mise en place de l'annualisation du temps de travail' qui prévoit une première période du 1er septembre au 31 décembre 2017 puis du 1er janvier au 31 décembre 2018 et ensuite toutes les années civiles.
Ce document stipule que :
- les jours de congé de Madame [K] [A] resteront dans la mesure du possible les mêmes sauf en cas d'absence d'un de ses collègues ou d'un surcroît de travail,
- tous les mois Madame [K] [A] signera sa fiche horaire et une fois par an un récapitulatif de l'année avec, en plus ou en moins, les horaires à lui devoir,
- en fonction de ces horaires, son temps de travail sera toujours de 145 heures mensuelles soit 33,46 heures par semaine et 1525,84 heures à faire dans l'année,
- une badgeuse sera mise en place pour pointer le matin à l'arrivée et au départ, et le soir à l'arrivée et au départ,
- concernant la pause du déjeuner et du dîner, 30 minutes à chaque fois, soit une heure, seront déduites du total des heures effectuées.
Le temps partiel aménagé sur tout ou partie de l'année permet, dans certaines limites de faire varier sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année la durée du travail hebdomadaire ou mensuel fixée dans le contrat.
En application de l'article L 3121-44 du code du travail, un accord d'entreprise ou d'établissement ou à défaut une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine.
Lorsque cet accord s'applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.
L'avenant n° 19 du 29 septembre 2014 à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, relatif à l'aménagement du temps de travail, organise l'aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année.
Il ne concerne toutefois que les salariés embauchés à temps plein.
En conséquence, dès lors que le contrat de travail de Madame [K] [A] est à temps partiel, il convient de faire application des dispositions supplétives de l'article L 3121-45 du code du travail qui prévoient qu'à défaut d'accord mentionné à l'article L 3121-44, l'employeur peut, dans des conditions fixées par décret, mettre en place une répartition sur plusieurs semaines de la durée du travail dans la limite de neuf semaines pour les entreprises employant moins de 50 salariés et dans la limite de quatre semaines pour les entreprises de 50 salariés et plus.
La société Auberge de Nicey ne pouvait donc comptabiliser les heures de travail de Madame [K] [A] à l'année comme l'a, à bon droit, relevé le conseil de prud'hommes, et il convient de faire application des règles classiques de comptabilisation mensuelle des heures travaillées dans le cadre du contrat de travail à temps partiel.
Madame [K] [A] devait travailler 33,46 heures par semaine soit 145 heures par mois.
Contrairement à ce qu'elle soutient, les heures accomplies au-delà ne sont pas des heures supplémentaires mais des heures complémentaires. Les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà de la 35ème heure.
Au vu des tableaux de relevés de pointages produits par l'employeur et repris par la salariée, et qui retracent fidèlement le temps de travail effectif, il ressort que la salariée a effectué en heures supplémentaires :
- en 2018 :
* 85,36 heures supplémentaires majorées à 25 % soit à 17,06 euros l'heure, soit au total un rappel de salaire de 1 456,24 euros en l'absence de paiement ou de compensation,
* 17,36 heures supplémentaires majorées à 50 % soit à 20,47 euros l'heure, soit au total un rappel de salaire de 355,35 euros en l'absence de paiement ou de compensation,
soit un total de 1 811,60 euros pour l'année 2018,
- en 2019 :
* 82,13 heures supplémentaires majorées à 25 % soit à 17,06 euros l'heure, soit au total un rappel de salaire de 1 401,13 euros en l'absence de paiement ou de compensation,
* 16,68 heures supplémentaires majorées à 50 % soit à 20,47 euros l'heure, soit au total un rappel de salaire de 341,43 euros en l'absence de paiement ou de compensation,
soit un total de 1742,56 euros pour l'année 2018.
Au total, c'est une somme de 3 554,16 euros qui est due au titre des heures supplémentaires outre 355,46 euros au titre des congés payés afférents.
Il convient donc d'infirmer le jugement sur le quantum des condamnations.
- Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'intention de l'employeur de dissimuler de nombreuses heures supplémentaires effectuées par la salariée n'est pas caractérisée.
En effet la société Auberge de Nicey a mis en place une badgeuse pour comptabiliser la durée de travail effectif et le rappel d'heures complémentaires susmentionné est la conséquence d'une application illicite d'une annualisation du temps de travail, qui à elle seule, et sans autre élément, ne peut suffire à caractériser l'intention frauduleuse de dissimulation des heures de travail.
Le jugement de première instance doit donc être infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé formée par Madame [K] [A].
- Sur les dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien
Il résulte des dispositions légales de l'article L 3131-1 du code du travail et des dispositions conventionnelles applicables en l'espèce que le temps de repos quotidien entre deux jours de travail est d'une durée minimale de 11 heures consécutives sauf cas exceptionnels prévus par la loi.
Or, en l'espèce, Madame [K] [A] justifie par les relevés des tableaux de pointage qu'elle a été, à de nombreuses reprises, dans l'incapacité de bénéficier de ses 11 heures consécutives de repos quotidien. D'ailleurs l'employeur admet ce manquement, tout en affirmant de manière inopérante, qu'il était compensé par ailleurs.
Cette situation, de nature à mettre en péril sa santé, lui a nécessairement causé un préjudice qu'il convient de réparer en condamnant la société Auberge de Nicey à lui payer, par infirmation du jugement déféré, la somme de 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts.
- sur le rappel de congés payés de 2018 à 2020
Le conseil de prud'hommes de Troyes a jugé que la société Auberge de Nicey restait redevable envers Madame [K] [A] de la somme de 611,37 euros.
Si l'employeur a formé appel concernant cette disposition, il ne fait valoir aucun moyen, ni de droit ni de fait, au soutien de sa contestation.
Le jugement de première instance sera donc confirmé de ce chef.
- sur les congés payés imposés pendant le confinement
La salariée soutient à tort que l'employeur lui a imposé 25 jours de congés en 2020, soit 5 jours en avril 2020, 3 jours en mai 2020 et 17 jours en août 2020. En effet, il ressort d'échanges de sms que l'employeur l'a effectivement mise en congés en avril et mai 2020, mais qu'en revanche, il a fait droit à sa demande de trois semaines de congés en août 2020.
En réalité, ce sont 8 jours de congés qui ont été décidés par l'employeur en dehors de tout accord d'entreprise ou accord de branche alors que l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos autorisait, par dérogation, que l'employeur soit autorisé à procéder ainsi selon des conditions à fixer par un accord de branche ou un accord d'entreprise.
C'est toutefois à tort que le conseil de prud'hommes de Troyes a fait droit partiellement à la demande de 'remboursement' des congés après déduction d'une somme de 932,85 euros correspondant aux allocations d'activité partielle payées par l'employeur, dès lors que l'employeur n'a pas payé d'allocations pour les jours de congés payés qui ont été indemnisés distinctement.
Par ailleurs, la salariée ne peut obtenir remboursement de congés qui lui ont été payés, mais indemnisation d'un préjudice qu'elle n'allègue pas.
Il faut donc la débouter par infirmation du jugement.
- Sur le rappel des jours de fractionnement
Lorsque c'est l'employeur qui fixe la période des congés payés, il est tenu par la période légale. La prise des congés en dehors de cette période ne peut résulter que d'un accord entre l'employeur et le salarié.
Les articles L 3141-18 et L 3141-19 du code du travail prévoient que lorsque le congé ne dépasse pas 12 jours ouvrables, il doit être continu et attribué au cours de la période légale des congés payés. Lorsque le congé principal, d'une durée maximale de 24 jours ouvrables, est de plus de 12 jours ouvrables, il peut être fractionné, par accord entre l'employeur et le salarié. Cet accord n'est pas requis en cas de fermeture de l'entreprise.
En outre, une fraction d'au moins 12 jours ouvrables continus compris entre 2 jours de repos hebdomadaire doit être attribuée pendant la période légale des congés payés, soit du 1er mai au 31 octobre, le reste pouvant être accordé en une ou plusieurs fois en dehors de cette période. Ces dispositions sont d'ordre public.
Le fractionnement du congé principal ouvre droit à des jours de congé supplémentaires. Il est attribué :
- 2 jours ouvrables de congés supplémentaires si le nombre de jours de congés pris en dehors de la période légale, en une ou plusieurs fois, est au moins égal à 6,
- 1 jour si le congé pris en dehors de la période légale comporte 3, 4 ou 5 jours.
Ni les jours de congé dûs en plus de 24 jours ouvrables (jours supplémentaires) ni la 5ème semaine ne sont pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément.
Ces jours de congés supplémentaires ne sont dûs que si les congés sont pris hors période de congé légale soit hors du 1er mai au 31 octobre.
Le droit à des jours de congés supplémentaires naît du seul fait du fractionnement, peu importe que ce soit l'employeur ou le salarié qui en ait pris l'initiative
Les jours de fractionnement pour la période de référence du 1er juin 2016 au 31 mai 2017 auraient pu être pris jusqu'en mai 2018.
Les bulletins de salaire des mois d'octobre 2017, 2018, 2019 et 2020 établissent que la salariée a reporté en dehors de la période de prise de congés, plus de six jours de congés pour les prendre nécessairement hors période de prise de congés.
C'est donc à raison que la salariée réclame la somme de 609,00 euros qui lui sera allouée par confirmation du jugement sur ce point.
2 - la rupture du contrat de travail
- Sur le rappel d'indemnité de licenciement
Les deux parties sont d'accord sur la période à prendre en compte allant de l'embauche à la fin du préavis mais l'employeur prétend déduire de l'ancienneté les périodes de suspension pour motif non professionnelle.
Il est établi par les bulletins de salaire produit aux débats que Madame [K] [A] a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 25 mars 2015 au 10 mai 2015 ce qui correspond à 46 jours.
La salariée ne peut se prévaloir d'une prescription dans la mesure où la demande est une demande d'indemnité de licenciement dont elle est à l'initiative et qui ne se prescrit pas avant la rupture du contrat de travail.
Les dispositions de l'article L 1234-11 du code du travail, qui disposent que la suspension du contrat ne rompt pas l'ancienneté du salarié pour apprécier la détermination du droit à l'indemnité de licenciement, n'étant pas invoquées par les parties, il sera fait droit à la déduction d'une période de 46 jours comme admis en subsidiaire par la salariée.
Le salaire mensuel moyen de Madame [K] [A], à retenir en vertu de l'article R 1234-4 du code du travail, est de 2107,52 euros dont le montant n'est pas contesté par les parties.
En vertu de l'article L 1234-9 du code du travail, plus favorable que les dispositions conventionnelles, Madame [K] [A], qui avait 28, 34 ans d'ancienneté, ce qui n'est pas contesté par l'employeur, avait droit à une indemnité de licenciement de 18 143,48 euros. Or elle n'a perçu que la somme de 17'081 euros. Il lui reste donc dû par la société Auberge de Nicey la somme de 1062,48 euros.
3 - les autres demandes
- Sur la clause de non concurrence
Une clause de non -concurrence n'est licite que si elle respecte les conditions obligatoires et cumulatives suivantes :
- être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entrepris,
- être limitée dans le temps et dans l'espace,
- tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié,
- comporter l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière.
La validité de la clause de non - concurrence s'apprécie à la date de sa conclusion.
Le salarié qui demande réparation doit démontrer en quoi la nullité de la clause lui a causé un préjudice.
Dans l'avenant du 1er janvier 1999 au contrat de travail de Madame [K] [A], il est prévu une clause de non-concurrence ainsi libellée : « dès l'instant où vous ne ferez plus partie de l'effectif vous serez tenue d'exercer votre profession en tant que chef de cuisine pendant une durée d'un an dans un périmètre au-delà de [Localité 3] de 30 km et de manière générale tout ce qui est inhérent au bon fonctionnement de la cuisine ».
Cette clause de non-concurrence, générale et qui ne prévoit pas de contrepartie financière est nulle.
Il est établi que le 19 février 2021, la société Auberge de Nicey a adressé un courrier recommandé à Madame [K] [A] pour lui indiquer qu'elle ne ferait pas application de la clause de restriction de concurrence figurant à l'avenant de son contrat de travail.
Si ce courrier n'emporte pas renonciation régulière à la clause de non concurrence dans la mesure où la possibilité de renonciation n'est pas prévue au contrat de travail et où le courrier est postérieur à la rupture du contrat de travail, Madame [K] [A] ne justifie d'aucun préjudice, ni au titre de la nullité de la clause de non-concurrence, ni au titre de la renonciation irrégulière de l'employeur à s'en prévaloir.
Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
- Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier
C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a relevé que Madame [K] [A], qui invoquait la perte de son emploi pour solliciter des dommages et intérêts pour préjudice moral ne contestait pas la rupture et l'a déboutée de sa demande à ce titre. En effet, en l'absence de faute dans la rupture du préjudice allègué, la demande ne peut aboutir.
C'est également à raison que le conseil de prud'hommes a relevé que les griefs que Madame [K] [A] formule au soutien de sa demande de préjudice financier ont déjà été examinés dans le cadre de ses demandes salariales et indemnitaires.
Par ailleurs, les allégations de Madame [K] [A] selon lesquelles elle ne bénéficiait pas de pourboires sont démenties par les attestations produites par la société Auberge de Nicey qui démontrent qu'elle était chargée de la répartition des pourboires.
Madame [K] [A] conteste la baisse de son pouvoir d'achat, faisant valoir qu'à partir de 2012, son salaire n'a plus été augmenté. Toutefois elle ne fait valoir aucun moyen de nature à caractériser un manquement de son employeur.
Il y a lieu de confirmer le jugement de première instance qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.
- Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de rappeler que les condamnations sont prononcées sous déductions des cotisations sociales et salariales applicables.
Les condamnations à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du 3 mai 2021 date de réception par la société Auberge de Nicey du courrier de convocation devant le conseil de prud'hommes de Troyes.
Les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions assumera la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et la moitié des dépens de première instance et d'appel.
Le jugement de première instance sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Auberge de Nicey à payer à Madame [K] [A] la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Prononce la jonction, sous le n° unique 22/00815, des procédures ouvertes sous les numéros RG 22/00815 et 22/00980,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Troyes en date du 5 avril 2022 en ce qu'il a :
- condamné la société Auberge de Nicey à payer à Madame [K] [A] les sommes suivantes :
. 611,37 euros à titre de rappel de congés payés pour les années 2018 à 2020,
. 609,00 euros au titre des jours de congés de fractionnement,
- rejeté les demandes de Madame [K] [A] tendant à un rappel de salaires en raison de la requalification des temps de pause repas en travail effectif, à l'octroi de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés non-respect du temps de pause et en réparation des préjudices moral et financier nés de l'exécution et de la rupture du contrat de travail,
L'infirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau, dans la limite des chefs d'infirmation dévolus à la cour, et y ajoutant,
Condamne la société Auberge de Nicey à payer à Madame [K] [A] les sommes suivantes :
. 1 062,48 euros (mille soixante deux euros et quarante huit centimes) au titre du reliquat d'indemnité de licenciement,
. 3 554,16 euros (trois mille cinq cent cinquante quatre euros et seize centimes) au titre des heures complémentaires effectuées en 2018 et 2019,
. 355,41 euros (trois cent cinquante cinq euros et quarante et un centimes) de congés payés afférents,
. 2 000,00 euros (deux mille euros) de dommages et intérêts pour non-respect du temps minimum de repos quotidien
Déboute Madame [K] [A] de sa demande de remboursement des congés imposés pendant la période de confinement, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de sa demande de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
Rappelle que les condamnations sont prononcées sous déductions des cotisations sociales et salariales applicables,
Dit que les condamnations à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du 3 mai 2021, et que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
Laisse à Madame [K] [A] et la société Auberge de Nicey la charge de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne Madame [K] [A] et la société Auberge de Nicey à supporter par moitié les dépens de première instance et d'appel dont il sera fait masse.
LE GREFFIER LE CONSEILLER