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10/05/2023 | FRANCE | N°22/01803

France | France, Cour d'appel de Reims, Chambre premier président, 10 mai 2023, 22/01803


N° RG : 22/01803

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FHTH



ARRÊT N°

du : 10 mai 2023









C. R.

















SARL Temrex



C/



DGFIP DNEF





















Formule exécutoire le :



à :

Me Pierre Boudriot

Me Jean Di Francesco

















COUR D'APPEL DE REIMS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉ

SIDENT



ORDONNANCE DU 10 MAI 2023







À l'audience publique de la cour d'appel de Reims, où était présent et siégeait M. Christophe Regnard, premier président de la cour d'appel de Reims, assisté de Mme Frédérique Roullet, greffier



a été rendue l'ordonnance suivante :





ENTRE :



SARL Temrex - société de droit luxembourgeois, re...

N° RG : 22/01803

N° Portalis :

DBVQ-V-B7G-FHTH

ARRÊT N°

du : 10 mai 2023

C. R.

SARL Temrex

C/

DGFIP DNEF

Formule exécutoire le :

à :

Me Pierre Boudriot

Me Jean Di Francesco

COUR D'APPEL DE REIMS

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 10 MAI 2023

À l'audience publique de la cour d'appel de Reims, où était présent et siégeait M. Christophe Regnard, premier président de la cour d'appel de Reims, assisté de Mme Frédérique Roullet, greffier

a été rendue l'ordonnance suivante :

ENTRE :

SARL Temrex - société de droit luxembourgeois, représentée par M. [V] [Y], [P] [L] et la société par action simplifiée de droit français Temrex Holding SAS -

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre Boudriot, membre de la SELEURL Pierre Boudriot, avocat au barreau de Paris

ET :

Le Directeur Général des Finances Publiques (DGFIP) chargé de la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales (DNEF) - représenté par l'administrateur général des finances publiques -

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean Di Francesco, membre de la SELARL Urbino associés, avocat au barreau de Paris

DÉBATS :

À l'audience publique du 8 mars 2023, le premier président a entendu les avocats des parties en leurs explications, et l'affaire a été mise en délibéré au 12 avril 2023 régulièrement prorogé au 10 mai 2023

GREFFIER D'AUDIENCE :

Mme Roullet, greffier, lors des débats et du prononcé

ORDONNANCE :

Contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les avocats des parties en ayant été préalablement avisés dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Regnard, président de chambre, et par Mme Roullet, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

- 2 -

EXPOSE DES FAITS, DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par requête en date du 27 septembre 2022, M. [Z], inspecteur des finances publiques, en poste à la direction nationale d'enquêtes fiscales, spécialement habilité par le directeur général des finances publiques, a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières et sollicité la mise en 'uvre de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre de la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL, représentée par MM. [Y] et [L] et la société par actions simplifiées de droit français TEMREX HOLDING SAS, en arguant du fait que la société TEMREX SARL est présumée :

- «Exercer et/ou avoir exercé à partir du territoire national une activité professionnelle de gestion, développement et commercialisation de marques sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi avoir omis de passer les écritures comptables afférentes».

- «S'être soustrait et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaire, en se livrant à des achats et/ou ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts (Article 54 et 209-1 pour l'IS et 286 pour la TVA)».

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, par ordonnance du 3 octobre 2022, et après avoir listé l'ensemble des documents transmis par le requérant :

- A autorisé nommément les agents de la direction des finances publiques à procéder conformément aux dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les locaux et dépendances sis [Adresse 8], présumés être occupés par la société SAS TEMREX DC et/ou la SAS ELECTROCLASS TEMREX et/ ou la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL.

- A désigné le major [O], de la brigade de gendarmerie de [Localité 5] pour nommer un officier de police judiciaire placé sous son autorité, chargé d'assister aux opérations et de rendre compte des actions menées.

La visite domiciliaire, au cours de laquelle ont été pratiquées diverses saisies, s'est déroulée le 4 octobre 2022.

* * * *

La société TEMREX SARL a interjeté appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le 14 octobre 2022.

Par conclusions et à l'audience, elle demande l'infirmation de l'ordonnance du juge des libertés en date du 3 octobre 2022 et la restitution de l'ensemble des éléments saisi par l'administration.

La société TEMREX SARL expose que :

- 3 -

- L'administration n'a pas présenté de présomptions suffisantes pour justifier la mise en 'uvre des dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales ;

- Et qu'elle s'est abstenue de transmettre des éléments en sa possession susceptibles de modifier l'appréciation du juge des libertés et de la détention, et même volontairement présenté des informations partielles ou, pour certaines, erronées.

Premièrement, elle conteste l'analyse de la DGFIP relative à l'adresse présumée de la société. Elle indique que les arguments relatifs à l'existence d'une supposée adresse de domiciliation de la société TEMREX SARL sont manifestement inexacts puisque que la recherche sur le logiciel ORBIS ne fait pas référence au nom de la commune, cette dernière étant imprécise et erronée. Elle estime en outre que l'administration a créé une confusion entre deux adresses, notamment celles des sociétés BAKER HOLDINGS et BAKER TILLY Luxembourg CORPORATE SERVICES afin d'asseoir son propos.

Elle en tire la conclusion que l'administration a privé le juge des libertés et de la détention des éléments nécessaires pour lui permettre de vérifier de manière concrète le bien fondé de la demande.

Deuxièmement, elle conteste l'analyse de la DGFIP relativement au statut de résident fiscal français des dirigeants de la société TEMREX SARL, indiquant que le droit luxembourgeois et le droit français ne l'interdisent pas. Elle ajoute, tout en reconnaissant l'absence de salariés de la société TEMREX SARL, que l'activité principale de la société TEMREX SARL consiste à conclure des conventions pour l'exploitation de sa marque par des sociétés du groupe, activité qui ne nécessite pas d'avoir un nombre important de moyens humains et matériels, le dirigeant de la société pouvant «engager la société en toutes circonstances par sa seule signature».

Elle conteste enfin la position de l'administration quant à l'utilisation d'une partie des moyens humains de la société de droit français ELECTROCLASS-TEMREX SAS pour réaliser son activité de gestion et de développement de la marque TEMREX. Elle indique que la convention de marque, dont l'administration se prévaut pour démontrer une supposée fraude, prévoit les conditions d'exploitation de la marque.

Elle estime dès lors que les arguments invoqués sont manifestement inexacts et incomplets et ont privé le juge des libertés et de la détention des éléments nécessaires pour lui permettre d'apprécier de manière concrète le bien fondé de la demande.

Troisièmement, relativement au régime fiscal privilégié au Luxembourg pour les redevances de marque, elle estime que son implication impose de remplir certaines conditions et que le mail de M. [Y], sur lequel se fonde l'administration, n'affirme pas que la société TEMREX SARL s'est implantée au Luxembourg uniquement pour des raisons fiscales et qu'elle va bénéficier de ce régime privilégié, mais qu'il démontre seulement la complexité de la mise en place de ce régime fiscal particulier.

Elle estime dès lors que les éléments transmis au juge des libertés et de la détention sont manifestement parcellaires, inexacts et incomplets, ce qui a privé le juge des libertés et de la détention des éléments nécessaires à sa prise de décision.

- 4 -

Quatrièmement, relativement à l'existence d'une activité occulte de la société TEMREX SARL ou de facturation dépourvue de réalité, elle indique, que si la société TEMREX DC SAS a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, elle a été destinataire d'une proposition de rectification le 9 décembre 2021.

Elle estime qu'en application de l'article L 80 A al. 2 et L 80 B 10° du livre des procédures fiscales, l'administration est tenue de porter expressément à la connaissance du contribuable, sur la proposition de rectification ou l'avis d'absence de rectification, les points contrôlés même non rectifiés, ce qui constitue une validation de l'administration, dont le contribuable pourra se prévaloir sous certaines conditions et empêchera l'administration de proposer des rectifications contraires à cette position sur toute période non prescrite, tant qu'elle n'a pas rapporté cette position.

Or, elle souligne que sur la proposition de rectification, figure l'application de la garantie fiscale qui s'applique expressément sur les redevances de marque.

Elle en tire la conclusion que le service vérificateur a validé sans aucune réserves les modalités de rémunération de la marque et le fait que la société TEMREX SARL était valablement implantée au Luxembourg.

Dès lors elle considère que les informations parcellaires, inexactes et incomplètes n'ont pas mis le juge des libertés et de la détention en état de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause.

* * * *

Dans ses conclusions n°1 et à l'audience, le directeur général des finances publiques demande la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Charleville-Mézières du 3 octobre 2022 et la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens.

Il rappelle que :

- la SAS ELECTROCLASS TEMREX est domiciliée à [Localité 4] (77), un bureau d'études étant implanté à [Localité 5] (08) ;

- la SAS ELECTROCLASS TEMREX est détenue à 99,9% par la société TEMREX HOLDING SAS, également située à [Localité 4] (77) ;

- la société TEMREX HOLDING SAS est l'associée unique de la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL ;

- la société TEMREX SARL détient 100% du capital social de la société de droit français TEMTREX DC, située à [Localité 5] (08) et de la société de droit émirati TEMREX FZE, de même que 70,1 % de la société de droit polonais TEMREX DYNATECH SPOLKA Z OGRANICZONA PDPOWIEDZIALNOSCIA et 45 % de la société de droit italien TEMREX SRL ;

- M. [V] [Y], résident à [Localité 7], détient 65,22 % du capital de la société TEMREX HOLDING SAS et 55 % de la société TEMREX SRL,

- 5 -

Il en tire la conclusion que l'ensemble de ces sociétés font partie d'un groupe informel («groupe TEMREX»), spécialisé dans la fourniture de solutions de stockage, avec à sa tête [V] [Y], résidant en France.

Il souligne par ailleurs que :

- La société TEMREX SARL a été constituée au Luxembourg :

. en octobre 2013 avec pour gérant M. [Y], demeurant à [Localité 7],

. en 2014, la société ELECTROCLASS INDUSTRIE SAS a été nommée gérante de la société TEMREX SARL,

. en 2016, la société ELECTROCLASS INDUSTRIE SAS est devenue TEMREX HOLDING SAS,

. en 2020, M. [L], domicilié à [Localité 7], est devenu gérant de la société TEMREX SARL.

Il en tire la conclusion que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL est dirigée par des personnes résidentes en France. Il souligne également que le capital social est entièrement détenu par des personnes résidentes en France et de nationalité française.

Après avoir rappelé l'objet social de la société TEMREX SARL, il ajoute que celle-ci a déposé en 2014 au niveau français et européen la marque TEMREX et qu'au regard des comptes de la société TEMREX SARL, des immobilisations incorporelles, des prestations de services intracommunautaires, des clients indiqués sur le fichier informatisé TTC, du fait que la société TEMREX HOLDING détient 100 % de la société TEMREX SARL et 99,9 % de la société ELECTROCLASS TEMREX, alors même que l'intégralité des prestations de service intracommunautaires déclarées par la société TEMREX SARL est à destination des sociétés mère, s'urs ou filles situées en France, Italie et Pologne, il pouvait être présumé que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL avait pour activité la gestion et le développement de la marque TEMREX en France et à l'international.

Il ajoute notamment que :

- La société TEMREX SARL a son siège, depuis sa création à [Adresse 1] et qu'à cette adresse figurent également 159 sociétés, laissant présumer qu'il s'agit d'une adresse de domiciliation.

- À cette adresse est notamment domiciliée la société BAKERS HOLDINGS SARL, qui possède les mêmes administrateurs que la société BAKER TILLY Luxembourg CORPORATE SERVICES, dont l'une des employées représentait M. [Y] lors de la constitution de la société TEMREX SARL et dont l'un des administrateurs a également représenté M. [Y] à l'occasion d'une fusion entre deux sociétés du groupe.

- La société TEMREX SARL n'a déclaré aucune immobilisation corporelle à l'occasion de plusieurs exercices entre 2013 et 2021.

- La société TEMREX SARL a déclaré n'avoir aucun employé entre 12016 et 2019 et aucune information n'est disponible sur les comptes annuels déposés au titre des autres années.

- La société TEMREX SARL ne dispose d'aucune ligne téléphonique enregistrée.

- C'est un employé de la société SAS ELECTROCLASS TEMREX qui gère les différents noms de domaine répertoriés au nom des sociétés du groupe TEMREX.

- 6 -

Il en conclut que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL est présumée :

- Avoir son siège social au Luxembourg à une adresse de domiciliation.

- Avoir son centre décisionnel en France.

- Ne pas disposer de moyens matériels et humains suffisants au Luxembourg pour réaliser son activité.

- Bénéficier d'un régime fiscal privilégié au Luxembourg pour les redevances de marques qui constituent la majeure partie de son chiffre d'affaire.

- Disposer, en France, de tout ou partie des moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation de son activité de gestion de marques.

Il souligne que la société TEMREX SARL n'est pas répertoriée au compte fiscal professionnel de la DGFIP et est présumée exercer à partir du territoire national une activité de gestion, développement et commercialisation de marques sans souscrire les déclarations fiscales afférentes et en omettant de passer en France les écritures comptables correspondantes.

Il conteste les critiques factuelles et juridiques formulées par l'appelant, indiquant :

- En ce qui concerne l'adresse du siège social que les griefs manquent en fait.

- En ce qui concerne le centre décisionnel en France et l'absence de moyens matériels et humains suffisants au Luxembourg que l'administration n'a jamais dit qu'il était interdit pour des résidents français d'exercer des fonctions de gérance d'une société luxembourgeoise, mais seulement que les éléments à disposition permettaient de présumer que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL était majoritairement dirigée par des résidents en France et disposait de son centre décisionnel en France.

- En ce qui concerne l'insuffisance de personnel au Luxembourg que l'exploitation de la marque exclusivement par les sociétés licenciées renforce la présomption d'une implantation artificielle de la société TEMREX SARL au Luxembourg.

- En ce qui concerne le bénéfice du régime fiscal privilégié au Luxembourg pour les redevances de marque qu'il s'était contenté de rappeler les règles applicables et que les éléments à disposition, notamment un courriel de M. [Y], laissent à penser que l'implantation au Luxembourg visait exclusivement à bénéficier du régime fiscal privilégié.

- En ce qui concerne l'existence d'une activité occulte de la société TEMREX et la vérification de comptabilité que celle-ci portait sur la société TEMREX DC et pas sur la société TEMREX SARL qui ne peut dès lors se prévaloir de la garantie fiscale octroyée à la société TEMREX DC.

* * * *

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Interjeté dans les formes et délais légaux, l'appel est recevable.

- 7 -

Sur le fond :

Aux termes de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales : «Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support».

Le même article dispose que : «Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite» ou encore que : «Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée».

Il convient de relever que ces dispositions imposent que soient rapportée par l'autorité requérante l'existence de présomptions de soustraction à l'impôt, mais pas de preuves formelles de cette soustraction.

Le premier juge, après avoir analysé longuement les documents transmis par l'autorité requérante, et conformément à la position de celle-ci, a estimé que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL est présumée :

- Avoir son siège social au Luxembourg à une adresse de domiciliation.

- Avoir son centre décisionnel en France.

- Ne pas disposer de moyens matériels et humains suffisants au Luxembourg pour réaliser son activité.

- Bénéficier d'un régime fiscal privilégié au Luxembourg pour les redevances de marques qui constituent la majeure partie de son chiffre d'affaire.

- Disposer, en France, de tout ou partie des moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation de son activité de gestion de marques.

- Exercer à partir du territoire national une activité de gestion, développement et commercialisation de marques sans souscrire les déclarations fiscales afférentes et en omettant de passer en France les écritures comptables correspondantes.

En raison de leurs qualités et des liens commerciaux et capitalistiques entre les différentes sociétés du groupe, il a estimé qu'il convenait d'autoriser des visites domiciliaires, celles-ci ayant été réalisées quelques jours après que l'ordonnance ait été rendue.

- 8 -

L'appelant considère que l'administration n'a pas fourni tous les éléments utiles et à certains égards a même fourni des éléments erronés au juge. Il estime en tout état de cause qu'il n'existe pas de présomptions suffisantes pour permettre au juge d'autoriser les visites domiciliaires.

Sur l'adresse du siège social de la société TEMREX SARL,

Si l'appelant estime qu'il existe une confusion sur l'adresse du siège social, les pièces produites par l'administration ne peuvent laisser place à aucune interprétation.

L'adresse du siège social [Adresse 1] correspond aux éléments par ailleurs vérifiés qui laissent apparaître qu'à la même adresse sont également domiciliées 159 autres sociétés.

La transmission dans ses écritures par les conseils de la société TEMREX SARL de la photo de ce siège social, sur lequel le nom de la société TEMREX SARL ne figure aucunement, ne peut que confirmer la présomption qu'il s'agit bien d'une adresse de domiciliation.

Il ne saurait davantage être reproché à l'administration d'avoir volontairement induit en erreur le premier juge en opérant une confusion entre deux sociétés : la société BAKER TILLY Luxembourg CORPORATE SERVICES et la société BAKER HOLDINGS.

L'argumentation initiale de l'administration, reprise par le premier juge, se borne à rappeler les liens existants entre les administrateurs et employés de ces deux sociétés, dont l'une a été domiciliée à la même adresse que la société TEMREX SARL et la société TEMREX SARL elle-même, ces personnes ayant à plusieurs reprises représenté les dirigeants de la société TEMREX SARL pour des actes d'administration ou de gestion.

Ces deux arguments seront dès lors écartés.

Sur le centre décisionnel en France et l'absence de moyens matériels et humains suffisants au Luxembourg pour réaliser son activité de gestion de marque,

Si l'appelant relève que les droits français et luxembourgeois n'interdisent pas qu'une personne physique de résidence fiscale étrangère exerce des fonctions de dirigeant de société dans un pays tiers, il convient de souligner que l'administration dans sa requête ne s'est pas appuyée sur cette question de pur droit.

Elle a en revanche relevé un certain nombre d'éléments (listés dans sa requête) et indiqué que ces éléments laissaient présumer que la société de droit luxembourgeois TEMREX SARL était majoritairement dirigée et contrôlée, par des résidents en France et qu'elle disposait de son centre décisionnel en France.

Sur le deuxième point, il convient de donner acte à la société appelante du fait qu'elle ne conteste pas ne pas avoir de salariés au Luxembourg.

À cette absence de salariés, il convient d'ajouter le fait que la société TEMREX SARL ne disposait pas de ligne téléphonique et qu'elle n'a déclaré aucune immobilisation corporelle pendant de nombreuses années, éléments, non contestés par la société appelante, laissant présumer qu'aucune activité ne se déroulait depuis le Luxembourg.

- 9 -

L'argument selon lequel les statuts prévoient que le dirigeant de la société peut engager la société en toutes circonstances par sa seule signature, qui constitue une règle de gestion de la société, ne peut en aucun cas être perçu comme une justification de ce que la société peut fonctionner sans aucun salarié.

Il résulte en réalité des éléments produits par l'administration, dont certains ne sont au demeurant pas contestés par l'appelant, qu'il existait en la matière une présomption de soustraction à l'impôt.

Sur le bénéfice d'un régime fiscal privilégié au Luxembourg pour les redevances de marque qui constitue la majeure partie de son chiffre d'affaires,

La société appelante reproche à l'administration d'avoir trompé le premier juge en ne lui fournissant pas tous les éléments relatifs au régime fiscal privilégié au Luxembourg et en utilisant, en détournant sa nature, un écrit de M. [Y].

Il convient néanmoins de constater que l'administration a fourni au premier juge des éléments factuels sur le régime fiscal privilégié tel qu'issu des dispositions de l'article 50 bis L.I.R du Grand-Duché du Luxembourg et sur l'organisation des différentes sociétés du groupe et que ces éléments étaient suffisants pour lui permettre de constater une présomption d'irrégularités.

Il convient en outre de souligner la teneur de l'écrit de M. [Y] à M. [S], aux termes duquel M. [Y] indique : «il est désormais nécessaire d'accélérer l'utilisation effective de la marque et la signature des contrats, si nous voulons être éligibles aux conditions avantageuses que le Luxembourg a mis en place pour les marques et vigueur jusqu'à mi 2021».

Cet écrit, dont l'existence n'est pas contestée par la société appelante, est en lui-même un indice important laissant présumer que la société TEMREX avait choisi une implantation au Luxembourg pour bénéficier d'un régime fiscal favorable, quand bien même ses activités ne s'y dérouleraient pas.

Ce troisième argument doit dès lors également être rejeté.

Sur l'existence d'une activité occulte de la société TEMREX SARL ou de facturation dépourvue de réalité,

La société appelante rappelle que les documents ayant été à l'origine de la présente procédure ont été obtenus à l'occasion d'une vérification de comptabilité de la société TEMREX DC SAS, qui a été destinataire d'une proposition de rectification le 9 décembre 2021 et qu'elle bénéficie dès lors d'une garantie fiscale, laquelle s'applique expressément sur les redevances de marque.

Néanmoins, ainsi que le relève l'administration dans ses écritures, la garantie fiscale de l'article L80A al 2 du livre des procédures fiscales ne peut bénéficier qu'au contribuable visé par la procédure de contrôle, en l'occurrence la société TEMREX DC SAS et ne peut en aucun cas être invoquée par la société TEMREX SARL comme une reconnaissance par l'administration des conditions d'exercice de la société TEMREX SARL au Luxembourg.

- 10 -

Ce dernier argument sera également rejeté.

* * * *

Au vu de ce qui précède, il apparaît que l'administration n'a en aucun cas tenté de trompé le premier juge en lui fournissant des arguments insuffisants voire erronés.

Il a au contraire transmis de très nombreux éléments factuels et une analyse technique permettant au premier juge de statuer en toute connaissance de cause et de déterminer l'existence, au regard de très nombreux éléments listés précédemment, d'une présomption, par la société TEMREX SARL, de soustraction à l'impôt.

Les arguments avancés en appel par la société TEMREX SARL ne résistent pas à l'examen factuel de la situation et ne sauraient remettre en cause la décision du premier juge laquelle était fondée en fait et en droit.

La décision de première instance sera dès lors confirmée intégralement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande que la société TEMREX SARL soit condamnée à verser au directeur général des finances publiques la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* * * *

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et par décision contradictoire,

Déclare recevable l'appel de la société TEMREX SARL ;

Confirme, en toutes ses dispositions, l'ordonnance juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières en date du 3 octobre 2022 ;

Rejette en conséquence la demande de restitution de l'ensemble des éléments saisis par l'administration ;

Condamne la Société TEMREX SARL à payer au Directeur général des Finances publiques la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 22/01803
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;22.01803 ?
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