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02/05/2023 | FRANCE | N°22/00909

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 02 mai 2023, 22/00909


ARRET N°

du 02 mai 2023



R.G : N° RG 22/00909 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFMP





[Z]





c/



[W]











AL







Formule exécutoire le :

à :



la SCP ROYAUX



la SELARL GUYOT - DE CAMPOS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE



ARRET DU 02 MAI 2023



APPELANTE :

d'un jugement rendu le 19 novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Reims




Madame [G] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Romain ROYAUX de la SCP ROYAUX, avocat au barreau des ARDENNES



INTIMEE :



Madame [H] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Edouard COLSON de la SELARL GUYOT - DE CAMP...

ARRET N°

du 02 mai 2023

R.G : N° RG 22/00909 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFMP

[Z]

c/

[W]

AL

Formule exécutoire le :

à :

la SCP ROYAUX

la SELARL GUYOT - DE CAMPOS

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 02 MAI 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 19 novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Reims

Madame [G] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Romain ROYAUX de la SCP ROYAUX, avocat au barreau des ARDENNES

INTIMEE :

Madame [H] [W]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Edouard COLSON de la SELARL GUYOT - DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 14 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 02 mai 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 02 mai 2023 et signé par M. Benoît PETY, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Par acte sous seing privé du 25 août 2018 avec effet au 1er septembre 2018, Mme [H] [W] a donné à bail à Mme [G] [Z] une maison à usage d'habitation sise [Adresse 2] à [Localité 5] (Ardennes), moyennant un loyer mensuel de 600 euros outre les charges.

Mme [Z] était la compagne de M. [D] [W], frère de la bailleresse, depuis juillet 2018, et travaillait au sein du restaurant de ce dernier, sis à [Localité 5].

Le 11 février 2020, un incendie s'est déclaré au domicile de Mme [Z], au niveau du poêle à granulés, nécessitant l'intervention des sapeurs-pompiers. La locataire a déclaré le sinistre à son assureur, la société Allianz, qui lui a versé une indemnisation.

Le 8 avril 2021, Mme [Z] a fait assigner Mme [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Reims, afin de la voir condamner, au visa des articles 1103, 1217 et 1231-1 du code civil :

- au paiement d'une somme de 1 231,97 euros en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- à faire installer par un professionnel agréé les radiateurs posés au sol et le poêle à granulés conformément aux normes de sécurité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement,

- au paiement d'une somme de 1 350 euros en réparation de son préjudice de jouissance et de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux dépens.

Mme [W] s'est opposée à toutes les demandes adverses et a sollicité la condamnation de Mme [Z] aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le jugement du 19 novembre 2021 a débouté Mme [Z] de ses prétentions et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 15 avril 2022, Mme [Z] a fait appel du jugement en toutes ses dispositions.

Par conclusions du 30 juin 2022, elle demande à la cour d'infirmer la décision du 19 novembre 2021, afin de condamner Mme [W] :

- au paiement d'une somme de 1 231,97 euros en réparation de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- au paiement des sommes de 1 350 euros en réparation de son préjudice de jouissance et de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux dépens.

Selon écritures du 30 septembre 2022, Mme [W] conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, au débouté des prétentions de Mme [Z], à la condamnation de celle-ci aux dépens et au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 21 février 2023.

Motifs de la décision :

Rappel historique :

Le 11 février 2020 vers 11h, Mme [Z] informait son ex-compagnon, M. [D] [W], frère de la propriétaire, qu'un début de combustion s'était produit dans la réserve à pellets du poêle placé dans le salon. Il venait immédiatement sur les lieux et circonscrivait le feu en vidant le réservoir. Le 11 février 2020 à 15 h 48, Mme [Z] a sollicité l'intervention des pompiers, qui se sont déplacés mais n'ont réalisé aucune action d'extinction puisque le feu dans le poêle à granulés était éteint.

Mme [Z] s'est présentée au service des urgences du groupement hospitalier [6] le 11 février 2020 à 17 h 30, qui a constaté l'absence totale de répercussions du sinistre sur sa santé, mise à part une toux sèche d'irritation, selon un certificat médical du 22 février 2020.

Mme [W] procédait à l'acquisition d'un nouveau poêle (coût de 750 euros) qu'elle faisait mettre en place par l'entreprise de M. [F] [Z], au domicile de la locataire dès le 14 février 2020. Elle précisait que, compte tenu de l'urgence, l'appareil était provisoirement posé sur un socle en bois, qu'elle proposait de remplacer par un socle en siporex (béton cellulaire ininflammable). Elle rappelait ces démarches à sa locataire par une lettre recommandée avec avis de réception distribuée le 27 février 2020, doublée d'une lettre simple.

A la demande de Mme [Z], un procès-verbal de constat était établi par huissier de justice le 24 février 2020, qui relevait l'absence de radiateur dans la cuisine, dans la pièce principale et dans la chambre du rez-de-chaussée, à l'exception d'un convecteur électrique non branché, posé sur le parquet et dont le fil électrique était abimé. Il était également noté que le nouveau poêle était installé sur une palette en bois posée sur le parquet, que son conduit était mal inséré au niveau du coude de sortie et que le poêle était à faible distance de la fenêtre (62 et 37 cm respectivement pour le conduit et pour la partie inférieure du poêle).

Suite à un signalement transmis le 14 avril 2020, l'Agence Régionale de Santé Grand Est a fait procéder à un rapport d'inspection de l'habitation, rapport établi le 15 octobre 2020. Il a conclu à la nécessité de travaux urgents pour :

- mettre en place un moyen de chauffage suffisant et sécurisé dans l'ensemble des pièces,

- mettre en place les ventilations réglementaires dans les pièces munies d'appareil à combustion,

- faire vérifier l'installation de chauffage par un professionnel qualifié et, le cas échéant, procéder aux travaux nécessaires pour sécuriser appareil et conduit,

- supprimer le risque d'incendie par la pose d'un matériau ininflammable sous le poêle,

- mettre en place une prise électrique sécurisée à proximité du poêle pour son utilisation,

- fournir un justificatif d'un professionnel qualifié sur la mise en sécurité de l'installation de chauffage et de ses conduits,

- sécuriser les installations électriques et éviter les risques d'électrisation, d'électrocution et d'incendie, et fournir un justificatif établi par un professionnel qualifié,

- éviter les risques de chute par des dispositifs de protection dans les escaliers d'accès à la cave, au premier étage (mains courantes), au niveau des fenêtres du 1er étage de hauteur d'allège inférieure à 90 cm (garde-corps) et de la marche entre cuisine et salon,

- éviter les risques de chute d'éléments au niveau du portail du jardin, de la clôture, de la tuile de rive, du revêtement mural et du garde-corps de la terrasse.

Un arrêté préfectoral n°2020-677 du 20 octobre 2020, portant traitement d'urgence d'une situation d'insalubrité présentant un danger imminent pour la santé et la sécurité des occupants et du voisinage, a mis Mme [W] en demeure d'exécuter les six premières mesures dans les 15 jours et les autres mesures dans le mois de la notification de l'arrêté.

Par ordonnance de référé du 24 novembre 2020, l'exécution de l'arrêté du 20 octobre 2020 a été suspendue au motif que le logement était inoccupé depuis le départ en mars 2020 de la locataire et qu'il n'était pas allégué d'un danger pour les voisins. Puis ledit arrêté a été abrogé le 22 décembre 2020, l'inoccupation des lieux annulant son caractère urgent.

La commune d'[Localité 5] a obtenu la désignation d'un expert par ordonnance du 21 décembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif. L'expert [U] a déposé son rapport le 8 janvier 2021 ; il a conclu à la non-nécessité pour la commune d'[Localité 5] de prononcer un arrêté de péril grave imminent, la sécurité des personnes et des biens n'étant pas engagée. Mais il a conseillé les mesures suivantes :

- le traitement provisoire par un joint extérieur de la fissure au niveau du fractionnement des deux parties de la maison pour éviter pénétration d'eau et intempéries, et la mise en place de témoins pour surveiller l'évolution des fissures,

- la condamnation de l'accès à la terrasse (risque de chute) et la reprise de ses garde-corps,

- le changement des vitrages cassés,

- la fermeture à clé de la maison si elle est inhabitée,

- la révision de l'installation électrique par un professionnel.

Sur la demande de Mme [Z] en dommages et intérêts :

L'article 1719 du code civil dispose : 'Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;

2° d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;

4° d'assurer également la permanence et la qualité des plantations.'

Selon l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, 'le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation (...)

Le bailleur est obligé :

a) de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (...)

b) d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et (...) de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle (...)

c) d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués (...).

L'article 1731 précise : 'S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.'

L'obligation de délivrer un logement décent doit être remplie dès la mise en location, mais aussi tout au long du bail. Par ailleurs, le locataire, qui sollicite des dédommagements au motif que l'obligation de délivrance d'un logement décent n'a pas été respectée par le bailleur, doit établir qu'il a mis ce dernier en demeure de réparer les désordres invoqués.

Or Mme [Z] n'a saisi le tribunal judiciaire de Reims en excipant du caractère indécent des lieux loués que le 8 avril 2021, alors qu'elle avait quitté les lieux dès le 21 février 2020, selon l'attestation rédigée par sa soeur le 24 février 2020, et, à tout le moins en mars 2020, selon la demande de remboursement adressée à la bailleresse par la caisse d'allocations familiales le 24 août 2020 concernant les mois de mars et avril 2020 (pièces n° 40 et 9 de Mme [W]).

Mme [Z] produit plusieurs attestations d'amis, rédigées fin février 2020, faisant état d'un manque de chauffage dans les pièces de la maison, d'une mauvaise isolation, de pannes du poêle à granulés pendant l'hiver 2018. Cependant, jusqu'à la date du sinistre, elle n'avait jamais fait état auprès de Mme [W] d'un dysfonctionnement du système de chauffage de nature à affecter la décence du logement. Par ailleurs, elle ne produit ni relevés de température, ni justificatifs de ses dépenses de chauffage, de nature à suggérer des anomalies ou insuffisances des équipements. Elle ne justifie pas avoir fait, chaque année, ramoner le conduit du poêle, ni fait réviser cet appareil par un spécialiste qualifié, conformément aux obligations du locataire prévues par le bail en page 6, au paragraphe 8°.

Si le constat d'huissier de justice du 24 février 2020 fait état de fissures au plafond et traces d'humidité autour d'une fenêtre, Mme [Z] n'établit pas davantage en avoir précédemment informé Mme [W] et elle ne s'est jamais plainte de la qualité des lieux avant ses conclusions du 26 février 2021 de réponse à l'assignation en constat de la résiliation du bail devant le juge des contentieux de la protection de Charleville-Mézières.

Mme [W] produit, quant à elle, des factures d'une entreprise de couverture des 29 janvier, 15 février et 14 novembre 2020, le ticket de caisse du remplacement du poêle du 12 février 2020 et la facture du professionnel intervenu pour le poser le 14 février 2020, afin de prouver sa réactivité de bailleur diligent.

Enfin, Mme [Z] verse aux débats la lettre par laquelle elle a accepté l'indemnité proposée par sa compagnie d'assurances, soit 700 euros pour les dommages matériels (linge, vêtements) et 2 285,72 euros pour la dépollution et le nettoyage des lieux (sa pièce n°27).

Il résulte des pièces sus-évoquées :

- d'une part, que Mme [Z] échoue à établir que le feu dans le poêle à granulés serait de la responsabilité du bailleur qui n'aurait pas respecté son obligation de délivrer un logement décent, ainsi que l'a exactement apprécié le premier juge,

- d'autre part, que Mme [Z], ayant quitté les lieux dès le 21 février 2020 et obtenu une indemnisation de sa compagnie d'assurance, ne démontre pas avoir souffert d'un préjudice matériel, ni d'un préjudice de jouissance, ni d'un préjudice moral causés par le caractère indécent des lieux loués, qu'elle occupait avec ses quatre enfants depuis septembre 2018.

En conséquence, le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il la dit mal fondée en ses prétentions.

Sur les dépens et demandes au titre des frais irrépétibles :

Le sens du présent arrêt conduit à faire supporter par Mme [Z] les dépens de première instance et d'appel, la décision combattue étant sur ce point confirmée.

L'équité commande de confirmer le jugement en ce qu'il alloue à Mme [W] une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à lui accorder en sus une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs,

Confirme le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Reims du 19 novembre 2021,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Z] à payer à Mme [W] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Z] aux dépens.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 22/00909
Date de la décision : 02/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-02;22.00909 ?
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