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04/04/2023 | FRANCE | N°22/01255

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ère chambre section inst, 04 avril 2023, 22/01255


R.G. : N° RG 22/01255 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FGF2

ARRÊT N°

du : 04 avril 2023





AL



























Formule exécutoire le :

à :



la SELARL DEROWSKI & ASSOCIEES









COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE



ARRÊT DU 04 AVRIL 2023





APPELANTE :

d'un jugement rendu le 16 mai 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Châlons-

en-Champagne (RG 22/00447)



S.A. COFIDIS

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Patrick DEROWSKI de la SELARL DEROWSKI & ASSOCIEES, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE



INTIMÉS :



Monsieur [U] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]



N'ayant p...

R.G. : N° RG 22/01255 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FGF2

ARRÊT N°

du : 04 avril 2023

AL

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL DEROWSKI & ASSOCIEES

COUR D'APPEL DE REIMS

1ère CHAMBRE CIVILE - SECTION INSTANCE

ARRÊT DU 04 AVRIL 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 16 mai 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Châlons-en-Champagne (RG 22/00447)

S.A. COFIDIS

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick DEROWSKI de la SELARL DEROWSKI & ASSOCIEES, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMÉS :

Monsieur [U] [P]

[Adresse 1]

[Localité 2]

N'ayant pas constitué avocat

Madame [Z] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]

N'ayant pas constitué avocat

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 04 avril 2023, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l'article 805 du code de procédure civile, Mme Anne LEFEVRE, conseiller, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Benoît PETY, président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, conseiller

Mme Christel MAGNARD, conseiller

GREFFIER D'AUDIENCE :

Madame Lucie NICLOT, greffier

ARRÊT :

Par défaut, prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. PETY, Président de chambre, et par Madame NICLOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Selon offre préalable du 9 juillet 2018, acceptée le même jour, la société Cofidis, SA, a consenti à M. [U] [P] et Mme [Z] [B] solidairement un crédit affecté portant le n° 28911000639189 d'un montant de 27 900 euros remboursable en 144 mensualités de 247,58 euros hors assurance, au taux débiteur fixe annuel de 3,66 %, destiné à l'acquisition de panneaux photovoltaïques.

Faute de paiement des échéances, la société Cofidis a adressé aux emprunteurs une mise en demeure de payer sous huitaine les mensualités non honorées, par lettre recommandée avec avis de réception du 10 novembre 2021, retournée à l'expéditeur le 29 novembre 2021 pour cause de dépassement de délai d'instance.

La mise en demeure étant infructueuse, la société Cofidis a adressé à chacun de M. [P] et Mme [B] une lettre recommandée avec avis de réception du 19 novembre 2021, distribuée le 20 novembre 2021, prononçant la déchéance du terme du contrat et exigeant le remboursement immédiat des sommes restant dues.

Le 4 février 2022, la société Cofidis a fait assigner M. [P] et Mme [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne pour obtenir :

- leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 27 589,13 euros avec intérêts au taux de 3,66 % à compter du 14 janvier 2022, avec, en cas d'octroi de délais de paiement, remboursement en 23 mensualités plus une 24ème égale au solde et exigibilité immédiate du tout à défaut de règlement d'une échéance à son terme,

- subsidiairement, la résiliation judiciaire du contrat et la condamnation des emprunteurs au paiement des sommes restant dues,

- plus subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts, leur condamnation solidaire au paiement des sommes empruntées sous déduction des remboursements opérés,

- en tout état de cause, leur condamnation in solidum au paiement d'une somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Lors de l'audience du 1er mars 2022, la société Cofidis a maintenu ses prétentions.

Respectivement cités à personne et à domicile, M. [P] et Mme [B] n'ont pas comparu.

Le jugement du 16 mai 2022, exécutoire de droit par provision, a :

- déclaré la société Cofidis recevable en ses demandes,

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du crédit du 9 juillet 2018,

- condamné solidairement M. [P] et Mme [B] à payer à la société Cofidis la somme de 20 328,21 euros pour solde du prêt affecté avec intérêts au taux légal, non majoré, à compter du jugement,

- débouté la société Cofidis de ses autres demandes,

- condamné in solidum M. [P] et Mme [B] à lui payer une somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les mêmes in solidum aux dépens.

Le 14 juin 2022, la société Cofidis a fait appel du jugement en ses dispositions prononçant la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, condamnant M. [P] et Mme [B] solidairement à lui payer la somme de 20 328,21 euros pour solde du prêt affecté, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du jugement et déboutant la société Cofidis de ses autres demandes.

Par conclusions du 13 juillet 2022, la société Cofidis demande à la cour d'infirmer la décision du 16 mai 2022 afin de :

- juger que l'offre de crédit est conforme aux dispositions du code de la consommation, que la banque a procédé à des vérification suffisantes des éléments de solvabilité et que la preuve de la remise aux emprunteurs d'un bordereau détachable de rétractation est bien rapportée,

- juger, en conséquence, n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

- condamner solidairement M. [P] et Mme [B] à payer à la société Cofidis une somme de 27 589,13 euros à majorer des intérêts au taux contractuel de 3,66 % à compter du 14 janvier 2022,

- en cas de délais de paiement, dire que les sommes dues seront réglées en 23 mensualités égales et une 24ème mensualité correspondant au solde restant dû en principal, intérêts et frais, avec exigibilité immédiate de l'intégralité des sommes dues à défaut de règlement d'une seule échéance à son terme,

- subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du contrat, et condamner M. [P] et Mme [B] au paiement des sommes dues en vertu des articles 1224 et 1227 du code civil,

- plus subsidiairement, si la déchéance du droit aux intérêts conventionnels était prononcée, condamner solidairement les emprunteurs au paiement des sommes empruntées sous déduction des règlements opérés,

- condamner in solidum M. [P] et Mme [B] à payer à la société Cofidis une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

La société Cofidis a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à M. [P] par acte remis le 25 juillet 2022 à personne et à Mme [B] par acte remis le 25 juillet 2022 à domicile.

Les intimés n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2023.

Motifs de la décision :

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. 'Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.'

Sur la remise du bordereau détachable de rétractation :

Selon l'article L. 312-21 du code de la consommation, pour permettre à l'emprunteur d'exercer son droit de rétractation (dans le délai de 14 jours calendaires révolus à compter de l'acceptation de l'offre), un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. Ce formulaire est établi selon un modèle type annexé à l'article R. 312-9 du code de la consommation, lequel précise que le formulaire ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur.

L'article L. 341-4 du code de la consommation sanctionne par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels le prêteur qui ne remet pas à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions de l'article L. 312-21.

La preuve par le prêteur de la communication à l'emprunteur du bordereau détachable de rétractation ne saurait résulter de la seule signature apposée par l'emprunteur sous une clause type par laquelle celui-ci reconnaît cette remise. Une telle circonstance ne constitue qu'un simple indice que le prêteur doit compléter par d'autres éléments pour établir l'exécution de son obligation envers l'emprunteur. A défaut la sanction encourue par le prêteur est la déchéance de son droit aux intérêts.

M. [P] et Mme [B] ont accepté l'offre de crédit en apposant la date du 9 juillet 2018 et leurs signatures sous une mention par laquelle ils reconnaissaient 'rester chacun en possession d'un exemplaire de ce contrat doté d'un formulaire détachable de rétractation'(pièce n°4).

La société Cofidis verse également aux débats, en pièce n°24, l'exemplaire de l'offre de crédit que les emprunteurs doivent conserver. Cette pièce, qui correspond en tous points à l'exemplaire à renvoyer du contrat de crédit affecté, avec en marge les mêmes références chiffrées, présente tout en bas de la page 24/35 un bordereau de rétractation relatif à l'offre de crédit n°28911000639189 et conforme au modèle type de l'article R. 312-9 du code de la consommation. Le verso de ce bordereau se situe dans la marge du bas de la page 23/35, de sorte qu'il ne comporte aucune mention.

Il est ainsi suffisamment établi qu'un formulaire détachable permettant l'exercice du droit de rétractation a été joint à l'exemplaire du contrat remis aux emprunteurs. Aucune déchéance du droit aux intérêts conventionnels n'est encourue à ce titre.

Sur la vérification de la solvabilité de M. [P] et Mme [B] :

L'article L. 312-16 du code de la consommation prévoit : 'Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier'.

Il s'ensuit que le prêteur doit procéder à une vérification de la solvabilité des emprunteurs, sans se contenter des éléments déclarés au titre des ressources et charges, et en sollicitant tout document utile à cette vérification.

La société Cofidis justifie avoir procédé aux consultations du FICP, qui l'a informée de l'absence d'incident déclaré ou d'une procédure de surendettement concernant M. [P] et Mme [B].

En revanche les éléments portés sur la 'fiche de dialogue : revenus et charges' ne sont pas confirmés par les deux bulletins de paye de juin 2018 remis. En effet, ladite fiche indique des revenus mensuels nets de 1 918 euros pour M. [P] et de 1 194 euros pour Mme [B], alors que les cumuls nets de leurs bulletins de paye aboutissent à des revenus nets mensuels moyens de 1 639 euros pour M. [P] et de 1 017 euros pour Mme [B], soit une différence de 456 euros par mois. La seule charge fixe pour laquelle un justificatif est fourni est une facture internet et mobile de 58 euros, alors que les candidats à l'emprunt faisaient état d'un loyer ou prêt immobilier important de 770 euros par mois et de deux enfants à charge, sans perception de prestations sociales.

Dans ces conditions, le premier juge a pertinemment relevé que les vérifications de solvabilité étaient insuffisantes, que le prêteur avait ainsi manqué à l'obligation imposée par l'article L. 312-16 du code de la consommation, et qu'en vertu de l'article L. 341-2 du même code il devait être déchu de son droit aux intérêts conventionnels.

Sur le montant de la créance de la société Cofidis :

La cour fait sienne l'analyse du premier juge qui calcule la créance de la banque en déduisant du capital emprunté de 27 900 euros les versements opérés pour 7 571,79 euros, pour aboutir à la somme de 20 328,21 euros à majorer des intérêts au taux légal.

Cependant, il convient de faire courir les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 novembre 2021 et non à compter du jugement, lequel est à cet égard réformé.

Les intérêts au taux légal sont majorés de cinq points si, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, l'emprunteur ne s'est pas acquitté de sa dette (selon l'article L. 313-3 du code monétaire et financier). Par suite, le montant des intérêts n'est pas significativement inférieur à celui dont le prêteur pourrait bénéficier s'il avait respecté son obligation de vérifier la solvabilité de l'emprunteur. En l'espèce le taux légal majoré serait même supérieur au taux contractuel de 3,66 %.

Par suite, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a écarté la majoration de cinq points du taux légal d'intérêt.

Sur les dépens et indemnité pour frais irrépétibles :

Le gain très partiel que la société Cofidis retire de la présente instance conduit à laisser à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

L'équité commande dès lors de débouter la société Cofidis de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour.

Par ces motifs,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme partiellement le jugement du 16 mai 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne,

Statuant à nouveau,

Dit que la société Cofidis encourt la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour manquement à l'obligation de vérifier la solvabilité des emprunteurs,

Condamne solidairement M. [P] et Mme [B] à payer à la société Cofidis la somme de 20 328,21 euros pour solde du crédit affecté n°28911000639189, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 20 novembre 2021,

Y ajoutant,

Déboute la société Cofidis de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ère chambre section inst
Numéro d'arrêt : 22/01255
Date de la décision : 04/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-04;22.01255 ?
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