Arrêt n°
du 29/03/2023
N° RG 22/00484
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 29 mars 2023
APPELANT :
d'un jugement rendu le 25 janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section Commerce (n° F 21/00026)
Monsieur [G] [R]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par la SCP HERMINE AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
INTIMÉE :
SAS [Y] CHAMPAGNE ARDENNE
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL MCMB, avocats au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 février 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 29 mars 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 septembre 2018, la SAS [Y] Champagne Ardenne a embauché Monsieur [G] [R] en qualité de conducteur routier.
Le 3 juillet 2020, la SAS [Y] Champagne Ardenne a convoqué Monsieur [G] [R] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.
Le 21 juillet 2020, elle l'a licencié pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Monsieur [G] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Troyes en vue de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en vue d'obtenir la condamnation de la SAS [Y] Champagne Ardenne à lui payer des sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement en date du 25 janvier 2022, le conseil de prud'hommes a :
- dit Monsieur [G] [R] recevable mais mal fondé en ses réclamations,
- dit que le licenciement de Monsieur [G] [R] reposait bien sur une faute grave,
- débouté Monsieur [G] [R] de ses demandes,
- débouté la SAS [Y] Champagne Ardenne de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS [Y] Champagne Ardenne aux dépens.
Le 25 février 2022, Monsieur [G] [R] a formé une déclaration d'appel sauf en ce que le jugement a débouté la SAS [Y] Champagne Ardenne de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sauf en ce qu'il l'a condamnée aux dépens.
Dans ses écritures en date du 14 avril 2022, il demande à la cour d'infirmer le jugement, et, statuant à nouveau de :
- juger que son licenciement n'est fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS [Y] Champagne Ardenne à lui payer les sommes de :
. 1940,31 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents,
. 970,15 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
. 11641,80 euros nets à titre de dommages-intérêts correspondant à six mois de salaire,
. 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS [Y] Champagne Ardenne aux dépens, lesquels pourront être recouvrés comme il est prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses écritures en date du 11 juillet 2022, la SAS [Y] Champagne Ardenne demande à la cour de :
- déclarer Monsieur [G] [R] recevable mais mal fondé en son appel,
- dire et juger son licenciement prononcé caractérisé par une faute grave,
- débouter en conséquence Monsieur [G] [R] de l'intégralité de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à prudence de justice s'agissant du préavis et de l'indemnité de licenciement,
- réduire à un mois de salaire, soit à la somme de 1940,31 euros les dommages-intérêts, en l'état de l'application du barème de l'article L. 1235-3 du code du travail et en l'absence de justification du préjudice par Monsieur [G] [R],
- condamner Monsieur [G] [R] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Motifs :
- Sur la faute grave :
Monsieur [G] [R] reproche aux premiers juges d'avoir retenu que la faute grave était caractérisée, alors qu'il conteste les faits invoqués et que la SAS [Y] Champagne Ardenne ne les établirait pas, ce que conteste cette dernière, laquelle sollicite la confirmation du jugement de ce chef.
Il appartient à la SAS [Y] Champagne Ardenne de rapporter la preuve d'une telle faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié pendant la durée du préavis.
Les faits qui sont reprochés à Monsieur [G] [R] sont en date du 2 juillet 2020, alors que celui-ci avait déjà fait l'objet de mise en garde et d'avertissement au titre du non-respect de règles de sécurité sur le site du client Suez.
Ils sont ainsi formulés :
' Le 2 juillet dernier, Monsieur [N] [C], chef du site SUEZ de [Localité 5] (21) a porté à notre connaissance une fiche de presqu'accident intervenu à la sortie de son site, sur la voie publique, à 9H20 le même jour mentionnant la vitesse excessive du chauffeur de semi [Immatriculation 4] de la société [Y] qui a accroché un camion de déchets industriels et balafré sa remorque'. Il lui est en outre reproché de ne pas avoir informé l'exploitation de [Localité 6] de l'accrochage et de la dégradation du matériel qu'il avait provoqués.
Au soutien des faits, la SAS [Y] Champagne Ardenne produit :
- un mail de Monsieur [N] [C] adressé à la SAS [Y] Champagne Ardenne auquel il a annexé un formulaire de gestion d'une remontée d'incident, presqu'accident et situation dangereuse concernant le chauffeur du véhicule EW296JE dans lequel il indique :
. vitesse excessive du chauffeur de semi [Y] qui a accroché un camion DI et balafré sa remorque
. D'après le conducteur DI, vitesse excessive du chauffeur [Y].
- 3 photographies d'une partie d'une remorque [Y] mettant en évidence des balafres sur une partie du mot [Y] apposé sur la remorque, non datées et sans identification de la remorque.
Monsieur [N] [C] n'a donc constaté aucun fait par lui-même et les photographies produites par la SAS [Y] Champagne Ardenne ne permettent pas de retenir que la remorque qui y figure était celle conduite par Monsieur [G] [R] le 2 juillet 2020.
Dans ces conditions, la preuve d'aucun fait fautif n'est rapportée le 2 juillet 2020, de sorte que le licenciement de Monsieur [G] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
- Sur les conséquences financières de la rupture :
Le licenciement étant privé de cause réelle et sérieuse, Monsieur [G] [R] est bien-fondé en sa demande d'indemnité de préavis, correspondant à 1 mois de salaire, soit la somme de 1940,31 euros, outre les congés payés, en application de l'article L.1234-1 du code du travail.
Il est également bien-fondé en sa demande d'indemnité de licenciement, exactement calculée en application de l'article R.1234-2 du code du travail, à la somme de 970,15 euros.
S'agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la SAS [Y] Champagne Ardenne fait valoir à raison que la demande de Monsieur [G] [R] qui correspond à 6 mois de salaire, excède le plafond prévu à l'article L.1235-3 du code du travail.
En effet, dès lors qu'au 21 juillet 2020, date à laquelle la SAS [Y] Champagne Ardenne a manifesté sa volonté de mettre fin au contrat de travail, Monsieur [G] [R] avait une ancienneté en année complète d'un an, il peut prétendre à une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire.
Monsieur [G] [R] était âgé de 26 ans lors de son licenciement, il ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieurement à son licenciement.
La SAS [Y] Champagne Ardenne sera condamnée à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle est de nature à réparer le préjudice subi.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
*********
Il y a lieu de dire que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
Partie succombante, la SAS [Y] Champagne Ardenne doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel -avec pour ceux d'appel faculté de recouvrement direct conformément à l'article 699 du code de procédure civile-, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [G] [R] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Par ces motifs :
La cour statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SAS [Y] Champagne Ardenne de sa demande d'indemnité de procédure et sauf en ce qu'il l'a condamnée aux dépens ;
Le confirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Dit que le licenciement de Monsieur [G] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS [Y] Champagne Ardenne à payer à Monsieur [G] [R] les sommes de :
. 1940,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 194,03 euros au titre des congés payés y afférents ;
. 970,15 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;
. 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;
Condamne la SAS [Y] Champagne Ardenne à payer à Monsieur [G] [R] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déboute la SAS [Y] Champagne de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur d'appel ;
Condamne la SAS [Y] Champagne Ardenne aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Billion.
LE GREFFIER LE CONSEILLER