ARRET N°
du 28 février 2023
N° RG 22/00854 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FFID
E.A.R.L. [F]
c/
[G]
[X]
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 28 FEVRIER 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 14 janvier 2022 par le TJ de TROYES
E.A.R.L. [F]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Raphaël YERNAUX de la SCP PLOTTON-VANGHEESDAELE-FARINE-YERNAUX, avocat au barreau de L'AUBE
INTIMEES :
Madame [J] [G] épouse [G]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Angelique BAILLEUL de la SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS, avocat au barreau de L'AUBE
Madame [W] [X] épouse [X]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Angelique BAILLEUL de la SCP SCRIBE-BAILLEUL-SOTTAS, avocat au barreau de L'AUBE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame MAUSSIRE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS
DEBATS :
A l'audience publique du 17 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 février 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 28 février 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Mesdames [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X], ont hérité de leur père, Monsieur [V] [F], décèdé le 7 avril 2012 et qui détenait notamment des parts sociales et un compte courant dans l'Earl [F] et des terres agricoles.
Le cabinet d'expertise comptable a fait part au notaire par courrier du 14 novembre 2012 que le compte courant d'associé de cette société était créditrice à cette date d'un montant de 31 681,11 euros qui a été inscrit à cette hauteur dans la déclaration de succession.
Les 4 héritiers de feu [V] [F] ont signé un protocole d'accord le 21 novembre 2012 aux termes duquel le compte courant de 31 681,11 euros «'sera sectionné en 4 comptes courants égaux au nom de chacun'».
Par actes sous seing privé du 28 août et 31 août 2018, Madame [W] [X] et Madame [J] [G] ont cédé leurs parts sociales détenues dans l'EARL [F] à Madame [N] [F] pour un prix de 8 401,61 euros chacune (8996 parts X0,934 euros) et ont vendu à celle-ci et à monsieur [Z] [F] leurs terres agricoles.
Puis, elles ont mis en demeure l'Earl [F] de leur rembourser leur part de compte courant d'associé qui n'était pas incluse dans le prix de cession de leurs parts.
Par lettre du 13 décembre 2018, l'EARL [F] indiquait reconnaître le principe de l'obligation au paiement du compte courant, mais demandait que des délais lui soient accordés.
Par exploit d'huissier en date du 23 octobre 2019, Madame [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X], ont fait assigner l'Earl [F] devant le tribunal de grande instance de Troyes afin d'obtenir notamment le paiement de fermages et le remboursement de leurs comptes courant d'associé, à hauteur de 7.920,27euros chacune, avec intérêt au taux légal à compter des lettres de mise en demeure en date du 7 mars 2019, outre 3.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 29 janvier 2021, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal judiciaire incompétent pour connaître de la demande des requérantes au titre des fermages et a désigné le tribunal paritaire des baux ruraux pour ce faire.
Par jugement en date du 14 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Troyes a condamné l'Earl [F] à payer à Madame [W] [F] épouse [X] et à Madame [J] [F] épouse [G] chacune la somme de 7.920,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019, en remboursement de leur compte courant d'associé outre 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration en date du 14 avril 2022, l'Earl [F] a interjeté appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Troyes.
Par ordonnance d'incident en date du 19 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel de l'Earl [F] recevable.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 9 juin 2022, l'Earl [F], appelante, demande à la cour, au visa des articles L491-1 et R491-1 du Code Rural et de la Pêche Maritime, ainsi que 1353 et 1342-8 du code civil, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu en première instance et statuant à nouveau':
- de'fixer à la somme de 6.813,38 euros le montant du compte courant d'associé de Mesdames [J] [G] et [W] [X] au jour de l'assignation délivrée à l'EARLTaillard le 23 octobre 2019,
- de juger que l'EARL [F] s'est totalement libérée de ses obligations s'agissant des remboursements des comptes courants d'associé de Madame [J] [G] et de Madame [W] [X],
- de débouter Madame [J] [G] et Madame [W] [X] de l'intégralité de leurs demandes,
- et les condamner solidairement à la somme de 4 000 euros à verser à l'EARL [F] en application de l'article 700 du code de procédure civile en remboursement des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
La concluante rappelle qu'elle ne conteste pas le principe de l'obligation au remboursement des comptes courants d'associés de Mesdames [J] [G] et [W] [X] et que le litige ne porte donc que sur le montant à rembourser.
Elle précise que les comptes annuels de l'EARL [F] au 31 décembre 2017 font apparaître un compte courant d'associé au profit de Madame [W] [X] et de Madame [J] [G] d'un montant identique, soit la somme de 6.813,38 euros inférieure à celle demandée par les intimées et octroyée par le tribunal'; que la valeur de 31 681,11 euros inscrite dans la déclaration de succession n'a pour but que d'évaluer le montant de l'actif à partager lors du décès à des fins exclusivement fiscales au vu du paiement des droits de mutation dus à l'État selon des montants qui sont amenés à différer dans le temps'et ne vaut pas obligation de payer un quart de celle-ci à chacun des 4 héritiers; que par ailleurs elle entend se prévaloir de paiements partiels valant remboursement anticipé, effectués par chèques (n° 6790396 de 606,90 euros le 18 décembre 2014 + n° 0702546 de 500 euros le 31 décembre 2015 à madame [X]// n° 6790369 de 606,90 euros et n° 0702547 de 500 euros à madame [G] les mêmes jours que sa soeur)': que le montant des remboursements ainsi que le numéro des chèques sont repris par l'expert comptable dans le détail des comptes courants des parties demanderesses.
Elle se prévaut de la mauvaise foi des demanderesses, qui lors de leur première mise en demeure de paiement du compte courant du 2 octobre 2018, ne réclamaient que la somme de 6.813,38 euros et reconnaissaient donc les paiements partiels intervenus en 2014 et 2015 et justifiés par les copies des extraits bancaires fournis.
La concluante souligne que sa situation financière s'étant améliorée, elle a d'ores et déjà réglé le montant des soldes des comptes courants d'associés des parties intimées par deux chèques libellés au nom de la CARPA d'un montant de 6.813,38 euros signés le 20 janvier 2022 et adressés aux conseils de Mesdames [G] et [X].
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 23 août 2022, Mesdames [J] [F], épouse [G] et [W] [F], épouse [X], intimées, demandent à la cour, au visas des articles 1304 et 1353 du code civil deconfirmer en tous points le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Troyes en date du 14 janvier 2022 et de condamner l'Earl [F] à payer à Mesdames [J] [F] épouse [G] et à [W] [F] épouse [X] chacune la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les concluantes répondent qu'il n'est pas justifié que les règlements invoqués par l'Earl [F] leur étaient destinés et qu'elles soutiennent n'avoir rien reçu de leurs prétentions au montant fixé dans l'acte de succession de leur défunt père, en suite de la signature du protocole d'accord du 21 novembre 2012, après le dépôt de la déclaration de succession'; que la somme de 6.813,38 euros réclamée dans un premier temps ne valait pas reconnaissance de paiements partiels mais faisait référence au chiffre de leur compte courant inscrit sur les comptes annuels de l'Earl [F].
MOTIFS
Sur les montants dus au titre du compte courant d'associé au jour du décès
Il est constant qu'à la suite du décès de leur père monsieur [V] [F] le 7 avril 2012, Mesdames [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X] ont hérité chacune d'un quart des parts sociales et du compte courant d'associé de l'Earl [F].
La valeur du compte courant d'associé de M.[V] [F] à cette date est indiquée dans la déclaration de succession déposée au service des impôts sur la base d'un courrier transmis au notaire chargé de la succession par l'expert comptable le 14 novembre 2012, pour la somme de 31 681,11 euros.
Elle est reprise dans un protocole d'accord conclu entre les 4 héritiers du défunt qui précise que ce montant de 31 681,11 euros sera à sectionner en 4 comptes courants égaux au nom de chacun des comparants.
Ainsi, Mesdames [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X] sont fondées à se prévaloir de l'existence d'un compte courant d'associé dans l'Earl [F], au 7 avril 2012 d'un montant de 7 920,27 euros ce qui ne fait pas débat.
Si notamment la valeur des parts sociales d'une société ou des inscriptions en comptes bancaires varie avec la vie de la société, en revanche la valeur du compte courant d'un associé inscrite au bilan n'est fonction d'aucune variable.
Il s'analyse en un prêt à durée indéterminée consenti par un associé à la société; il ne peut être débité et crédité que sur accord de l'associé titulaire du compte courant qui peut par ailleurs en demander le remboursement à tout moment.
Mesdames [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X] qui ont, en 2018, vendu leurs parts sociales détenues dans la société ainsi que les terres louées à celle-ci, ont pu en conséquence et sans mauvaise foi, réclamer le remboursement de leur compte courant d'associé et ce quelque soit la situation financière de la société à cette date.
L'Earl [F] ne peut leur opposer le cas échéant que l'existence de mouvements intervenus sur ces comptes depuis l'année 2012 et jusqu'au jour de leur demande de remboursement.
Sur les remboursements effectués jusqu'au jour de la demande en remboursement
L'Earl [F] se prévaut de remboursements anticipés des comptes courants de Mesdames [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X] en décembre 2014 et décembre 2015 de 500 euros et 606 euros .
Débitrice de l'obligation au remboursement de la somme de 7920,27 euros, elle supporte la charge de la preuve de ces paiements.
Elle produit à ce titre des copies d'extraits bancaires sur lesquels apparaissent les débits des sommes de 606 et 500 euros aux dates précitées.
Néanmoins, ces débits ne sont pas accompagnés de la copie des chèques émis de sorte qu'il n'est pas possible d'établir un lien entre le bénéficiaire de ces chèques et les intimées.
Et l'Earl [F] ne démontre pas que les titulaires des comptes ont réclamé à ces dates un remboursement partiel de leur compte courant, qu'elles en ont accusé réception ou qu'elles les ont évoqués à un quelconque moment.
Elle ne prouve pas plus que les montants dont elle se prévaut correspondraient à une telle affectation alors notamment et de surcroit que Mesdames [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X] détenaient à ces dates des parts sociales dans la société outre des terres agricoles louées à celle-ci, de sorte que des mouvements financiers à des dates rapprochées pouvaient les concerner pour d'autres causes sans qu'il ne puisse en être tiré la conclusion qu'il s'agissait d'un remboursement partiel de leur compte courant d'associé.
Et les bilans 2014, 2015 et 2016 ne sont pas produits de sorte qu'il n'est pas même démontré que les comptes courants des intimées ont été réduits concommittament aux paiements allègués et que le solde de ceux-ci n'apparait pas que dans le bilan arrêté au 31 décembre 2017 et précédant la cession des parts sociales qui interviendra l'année suivante.
Une telle preuve ne peut être apportée par un mail d'un juriste du cabinet d'expertise comptable de la société du 2 décembre 2019 se limitant à reprendre des chiffres qui ne sont pas vérifiables.
Certes, Mesdames [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X] n'ont réclamé à l'Earl [F] dans un premier temps que la dernière somme de 6 813,38 euros inscrite au bilan 2017, mais sans reconnaissance dans ce courrier d'un quelconque remboursement anticipé de leur compte courant depuis 2012 pouvant expliquer ce montant, ni développement du calcul qu'elles ont fait.
Au contraire, il apparaît qu'elles font expréssément et seulement référence au protocole d'accord signé en novembre 2012 qui, s'il fixe leur droit à un quart de la somme de 31 681,11 euros, n'effectue pas le calcul.
Aussi, il est possible qu'elles aient pu croire que le montant de 6813,38 euros indiqué dans le bilan 2017 correspondait à ce quart, en l'absence de mouvements opérés de puis lors .
Ce courrier est dès lors équivoque et ne peut suffire à valoir reconnaissance de paiement de la différence avec la somme due en 2012.
En conséquence, l'Earl [F] n'apporte pas la preuve des remboursements effectués et le jugement est confirmé en ce qu'il la condamne à payer à Mesdames [J] [F] épouse [G] et Madame [W] [F], épouse [X] chacune la somme de 7 920,27 euros outre intérêts tels que réclamés à compter de la mise en demeure de payer du 7 mars 2019.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Troyes du 14 janvier 2022 en toutes ses dispositions,
Ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
Condamne l'Earl [F] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE