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28/02/2023 | FRANCE | N°22/00623

France | France, Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 28 février 2023, 22/00623


ARRET N°

du 28 février 2023



N° RG 22/00623 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FEVO





[S]





c/



[S]















Formule exécutoire le :

à :





COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 28 FEVRIER 2023



APPELANTE :



d'un jugement rendu le 18 octobre 2021 par le TJ de REIMS





Madame [T] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]/FRANCE

(bénéficie d'une aide j

uridictionnelle Totale numéro 2021/005394 du 24/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS





INTIME :



Monsieur [P] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide jurid...

ARRET N°

du 28 février 2023

N° RG 22/00623 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FEVO

[S]

c/

[S]

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 28 FEVRIER 2023

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 18 octobre 2021 par le TJ de REIMS

Madame [T] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]/FRANCE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005394 du 24/02/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS

INTIME :

Monsieur [P] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001104 du 24/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Cécile SANIAL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON conseiller, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Florence MATHIEU, conseillère

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS

DEBATS :

A l'audience publique du 13 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 février 2023, prorogé au 28 février 2023

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 28 février 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le 25 juin 1996, Mme [F] [K] a souscrit un Plan Epargne Logement, nommé " Carré Mauve " auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole de la Brie au nom de son petit-fils, [P] [Z], né le 18 février 1993. Celui-ci a ensuite pris le nom de [S], par décision du tribunal de grande instance de Meaux du 29 novembre 1996, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 mai 1998.

Le contrat de souscription stipulait un versement initial de 1 500 francs (228.67 euros) et des versements périodiques de 300 francs (45.73 euros).

Selon avenant du 7 septembre 2004, il a été convenu que Mme [K] procéderait à des versements mensuels de 46 euros sur le PEL.

Le contrat a été résilié le 25 septembre 2007 et la somme de 7 678.11 euros qui s'y trouvait a été remboursée par virement sur le compte de Mme [T] [S], mère de M [P] [S]. Celui-ci était alors âgé de 14 ans.

Le 30 septembre 2019, M [S] a fait assigner Mme [S] devant le tribunal d'instance de Reims afin de la voir condamner à lui restituer la somme qui se trouvait sur son compte d'épargne.

Par jugement du 18 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Reims a déclaré M [S] recevable en ses demandes et a condamné Mme [S] à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- La somme de 7 678.11 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2019, date de l'assignation, sous astreinte provisoire de 10 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification du jugement et ce pendant deux mois, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- 1 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral et financier,

- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Le tribunal a considéré que le point de départ du délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil devait être fixé au 1er avril 2014, date à laquelle M [S] est parti vivre chez Mme [K], en retenant comme établi le fait qu'il n'avait pu avoir connaissance du compte d'épargne que par celle-ci et à compter de cette date.

Il a estimé que la lettre faite par Mme [S] en réponse à un courrier de mise en demeure adressé par son fils afin d'obtenir le remboursement de la somme litigieuse constitue un aveu par celle-ci de l'utilisation des fonds qui appartenaient à son fils et interrompt donc la prescription.

Sur le fond, il a considéré que les sommes versées mensuellement jusqu'à la clôture du compte appartenaient à M [S] et que la jouissance légale attachée à l'administration légale n'autorisait pas Mme [S] à disposer du patrimoine de son fils.

Il a estimé que Mme [S] ne justifiait pas des dépenses qu'elle affirmait avoir effectuées pour son fils et que M [S] avait subi un préjudice moral et financier puisqu'il n'avait pu bénéficier de l'épargne qui avait été constituée par sa grand-mère en vue de sa majorité, notamment pour financer ses études.

Mme [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 8 mars 2022.

Par conclusions notifiées le 7 juin 2022, elle demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- Déclarer irrecevables comme prescrites les demandes en paiement et en dommages intérêts formées par M [S] à son encontre,

A titre subsidiaire,

- Débouter M [S] de sa demande en remboursement d'une épargne dont il a dépensé l'intégralité, à son préjudice,

- Débouter M [S] de toutes ses demandes,

- Condamne M [S] aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés comme il est de règle en matière d'aide juridictionnelle.

Elle conteste l'application de l'article 2224 du code civil et invoque celle de l'article 386 du même code pour retenir la date de la majorité de son fils comme point de départ du délai de prescription de son action.

Elle soutient que M [S] ne peut invoquer la suspension du délai de prescription sur le fondement de l'article 2234 qu'en prouvant un empêchement qui revête les caractéristiques de la force majeure, soit le caractère irrésistible. Et elle affirme que dans la mesure où il avait connaissance de l'existence du compte, l'ignorance de M [S] ne revêt pas les caractères de la force majeure parce qu'il aurait pu se renseigner sur la situation de son compte. Elle invoque en outre un arrêt de la cour de cassation considérant que n'a pas été empêché d'agir celui qui disposait encore, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps utile pour agir avant l'expiration du délai de prescription. Estimant que le délai pour agir a pris fin le 18 février 2016, elle fait valoir que celui-ci disposait encore de deux années lorsqu'il indique avoir eu connaissance de la situation de son compte, le 1er avril 2014.

Elle conteste tout caractère interruptif de prescription à la requête en injonction de payer invoquée par son fils, au motif que l'ordonnance n'a pas été signifiée. Elle conteste de même que le courrier qu'elle a adressé à son fils ait pu interrompre la prescription en soulignant le fait que, s'il elle y admet avoir utilisé des fonds appartenant à celui-ci, elle conteste qu'il ait encore le droit d'agir au motif qu'il a déjà été remboursé.

Sur le fond, elle affirme qu'elle n'a pas personnellement profité des fonds qui se trouvaient sur le compte de son fils, mais que ceux-ci ont servi à faire l'acquisition d'objets de loisirs et sportifs pour son fils.

Par conclusions notifiées le 31 août 2022, M [P] [S] sollicite le rejet de l'ensemble des demandes de Mme [S] et la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Il conteste la prescription de son action au motif qu'il convient de faire application de l'article 2224 du code civil et de fixer le point de départ du délai au 1er avril 2014, date à laquelle il a eu connaissance des agissements de sa mère.

Il fait valoir qu'en tout état de cause, et quel que soit le texte appliqué (articles 2224 ou 386 du code civil), la lettre de sa mère du 21 janvier 2016 a interrompu le délai de prescription en ce qu'il contient l'aveu non-équivoque de celle-ci de ses propres droits, dès lors que les derniers mots de ce courrier sont : " libre à toi de la suite que tu y donneras ".

Sur le fond, il conteste les affirmations de sa mère selon lesquelles elle aurait dépensé une somme de plus de 30 000 euros au titre de son entretien et de son éducation et affirme que celle-ci ne pouvait utiliser les fonds présents sur son compte d'épargne sans l'accord de sa grand-mère et le sien, même pour régler une partie des frais de préparation de son permis de conduire.

MOTIFS

Sur la prescription

Les dispositions générales de l'article 2224 du code civil fixant le point de départ du délai de prescription au jour où le titulaire d'un droit a connu au aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ne trouve à s'appliquer qu'en l'absence de texte spécial.

Il résulte de l'article 386 du code civil, propre à l'action en responsabilité du mineur contre l'administrateur légal à raison d'une faute dans la gestion des biens du mineur, que l'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la majorité de l'intéressé ou de son émancipation.

M [S] demande la confirmation du jugement ayant condamné Mme [S] à lui payer une somme correspondant au fonds qui se trouvaient sur son compte PEL au motif que la jouissance légale attachée à l'administration légale n'autorisait pas celle-ci à disposer du patrimoine de son fils mineur.

Est donc en cause une mauvaise gestion des biens de son fils par Mme [S], soumise à l'article 386 du code civil et non à l'article 2224.

Ainsi, le délai de prescription de 5 ans prévu par ce texte a commencé à courir à la majorité de M [S], soit le 18 février 2011, pour se terminer le 18 février 2016.

M [S] a fait assigner Mme [S] le 30 septembre 2019, soit après l'expiration du délai de prescription, mais il invoque l'effet interruptif d'un courrier que sa mère lui a adressé le 21 janvier 2016.

L'article 2240 du code civil prévoit que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Aucune condition de forme n'est exigée, la reconnaissance pouvant s'induire tacitement de tous les faits impliquant l'aveu de l'existence du droit du créancier ou du propriétaire. L'aveu doit néanmoins être clair et ne prêter à aucune discussion.

Si Mme [S] ne fait pas reproche au tribunal d'avoir considéré qu'elle avait admis, dans le courrier du 21 janvier 2016, avoir utilisé des fonds qui appartenaient à son fils, il n'apparaît pas, dans ce document, d'aveu de sa part du droit de créance de son fils contre elle.

Au contraire, Mme [S] écrit à celui-ci : " Je pense que la somme que tu me réclames aujourd'hui, tu l'as largement dépensée à tes fins personnelles ".

Ainsi, Mme [S] contestait-elle tout droit de créance de son fils au titre des sommes prélevées sur son compte PEL.

Le courrier en cause ne peut donc être retenu comme cause d'interruption de la prescription de l'action de M [S], qui se trouve donc irrecevable à agir pour avoir fait assigner Mme [S] après l'expiration du délai de prescription. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il condamne Mme [S] à payer la somme de 7 678.11 euros à M [S], outre intérêts au taux légal et sous astreinte, ainsi que la somme de 1 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral et financier.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu de ce qui précède, le jugement doit également être infirmé en ce qu'il condamne Mme [S] aux dépens et à payer une indemnité à M [S] au titre de ses frais irrépétibles.

Les dépens, de première instance, comme d'appel, seront supportés pour moitié par chaque partie.

L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Reims ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare M [P] [S] irrecevable en ses demandes en paiement ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne chaque partie à supporter la moitié des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Reims
Formation : 1ere chambre sect.civile
Numéro d'arrêt : 22/00623
Date de la décision : 28/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-28;22.00623 ?
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