ARRET N°
du 28 février 2023
N° RG 22/00566 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FEQ7
S.A.R.L. LA DORMOISE
c/
S.A.S. HANAU ENERGIES CONCEPT
S.A. AXA FRANCE IARD
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 28 FEVRIER 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 09 décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de CHALONS EN CHAMPAGNE
S.A.R.L. LA DORMOISE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
INTIMEES :
S.A.S. HANAU ENERGIES CONCEPT prise en la personne de son Président domicilié de droit audit siège [Adresse 7].
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Hélène VAN HOYLANDT-PERRIN de la SELAS AGN AVOCATS REIMS CHALONS, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE, avocat postulant et Me Caroline POIROT, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Sylvie RODAS de la SELARL RODAS DEL RIO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame MAUSSIRE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère
Madame Florence MATHIEU, conseillère
GREFFIER :
Madame Eva MARTYNIUK, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du prononcé
DEBATS :
A l'audience publique du 31 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 28 février 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 28 février 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
La société LA DORMOISE a procédé à l'édification d'un bâtiment à usage de stockage de grains sur un terrain situé à [Localité 6] (Marne).
Dans ce cadre, elle a souhaité que la couverture de ce bâtiment soit revêtue de panneaux solaires.
Elle s'est alors rapprochée de la société HANAU ENERGIES CONCEPT, assurée auprès de la société AXA FRANCE IARD et a souscrit avec elle le 16 juin 2010 un marché d'installation d'une centrale de production d'électricité photovoltaïque.
Les travaux ont été exécutés en 2011 selon un procédé dénommé «'JUST ROOF'» conçu par la société SUNTECH.
Ces travaux ont été intégralement réglés par la société LA DORMOISE.
La mise en service de l'installation est intervenue en juillet 2011.
Un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 31 mai 2013 a mis en évidence l'existence de pénétrations d'humidité importantes.
La société LA DORMOISE a sollicité du juge des référés du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire.
Elle a été déboutée de sa demande.
Sur appel, la décision a été infirmée et M. [T] a été désigné en qualité d'expert.
Celui-ci a déposé son rapport le 29 mai 2017.
M. [T] considère que la société HANAU ENERGIES CONCEPT n'a pas respecté les préconisations de pose des panneaux photovoltaïques et est d'avis qu'il faut procéder au remplacement complet de la couverture, qui apporte seule selon l'expert de véritables garanties techniques sur la suppression définitive des désordres dans un délai raisonnable.
Par actes d'huissier délivrés les 18 et 19 septembre 2018, la société LA DORMOISE a assigné la société HANAU ENERGIES CONCEPT et la société AXA FRANCE IARD devant le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne aux fins de les voir condamner au paiement de la somme de 526 008,61 euros au titre des frais de réhabilitation du bâtiment, 9 000 euros au titre de la perte des récoltes stockées par pourriture en raison des infiltrations et 30 000 euros au titre du préjudice moral, outre le paiement de frais irrépétibles.
Les demandes ont été contestées .
Par jugement rendu le 9 décembre 2021, le tribunal a':
- jugé la société LA DORMOISE recevable en son action,
- dit qu'elle demeurait pleinement responsable des malfaçons au titre des dispositions légales relatives à la garantie décennale,
- jugé la société LA DORMOISE irrecevable en ses demandes,
- débouté la société LA DORMOISE de toutes ses demandes,
- jugé que la société HANAU ENERGIES CONCEPT devra poser ou faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques JUST ROOF, process conçu et développé par la société SUNTECH fabricant, après accord de la société LA DORMOISE,
- débouté la société LA DORMOISE de ses demandes indemnitaires,
- condamné la société LA DORMOISE à payer à chacun des défendeurs la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société LA DORMOISE aux dépens.
Par déclaration reçue le 1er mars 2022, la société LA DORMOISE a formé appel de cette décision.
Une médiation a été proposée aux parties.
L'appelante y a répondu favorablement de même que la société HANAU ENERGIES CONCEPT.
La société AXA FRANCE IARD n'a pas répondu à cette proposition.
Par conclusions notifiées le 16 janvier 2023, l'appelante demande à la cour de':
A titre principal,
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, et subsidiairement 1134 et 1147 du code civil dans leur version applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016,
Vu les dispositions de l'article L 124-3 du code des assurances,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la société HANAU ENERGIES CONCEPT est débitrice de plein droit de la garantie décennale des constructeurs,
- subsidiairement, dire et juger qu'elle a manqué à son obligation de résultat de délivrance d'un bien conforme à sa destination sur le fondement de la responsabilité de droit commun,
- juger la société HANAU ENERGIES CONCEPT responsable des désordres et malfaçons affectant la couverture du bâtiment à usage agricole appartenant à la société LA DORMOISE,
- juger que la société AXA FRANCE IARD est tenue de garantir le sinistre sur le fondement de l'assurance de garantie décennale souscrite et subsidiairement pour faute commise dans le cadre de l'attestation d'assurance qu'elle a délivrée,
- condamner en conséquence in solidum la société HANAU ENERGIES CONCEPT et
la société AXA FRANCE IARD à payer à la société LA DORMOISE la somme de 487.008,61 € au titre des travaux de réfection de la couverture du bâtiment agricole,
- condamner in solidum la société HANAU ENERGIES CONCEPT et la société AXA
FRANCE IARD à payer à la société LA DORMOISE la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi par la société LA DORMOISE,
- condamner in solidum la société HANAU ENERGIES CONCEPT et la société AXA
FRANCE IARD au paiement de la somme de 16 315,01 € HT au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,
- condamner in solidum la société HANAU ENERGIES CONCEPT et la société AXA
FRANCE IARD au paiement de la somme de 4 492 € HT au titre des dispositions de
l'article 700 du code de procédure civile d'appel,
- condamner in solidum la société HANAU ENERGIES CONCEPT et la société AXA
FRANCE IARD en tous les frais et dépens, en ce compris les frais et honoraires de
l'expert judiciaire.
Par conclusions notifiées le 26 août 2022, la société HANAU ENERGIES CONCEPT demande à la cour de':
- déclarer l'appel interjeté par la société LA DORMOISE comme étant mal fondé,
En conséquence :
A titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
En conséquence,
- débouter la société LA DORMOISE en toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait infirmer le jugement entrepris et juger que la responsabilité de la société HANAU ENERGIES CONCEPT était engagée :
- infirmer partiellement le jugement uniquement en ce qu'il déboute la société HANAU ENERGIES CONCEPT de sa demande envers la société AXA FRANCE IARD,
En conséquence,
- dire et juger et au besoin condamner la société AXA FRANCE IARD, à garantir la société HANAU ENERGIES CONCEPT de tout montant auquel elle serait tenue à raison de la présente instance, et à procéder au paiement des condamnations prononcées à son endroit,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait infirmer le jugement entrepris et décidait qu'il y avait lieu à remplacer la toiture photovoltaïque :
- dire et juger que le devis moins disant, à savoir celui de la société FAUTHELEC, pour un montant de 140 009 euros HT est retenu pour la reprise des réclamations portant sur les infiltrations/condensation de la centrale objet du litige,
A titre subsidiaire et infiniment subsidiaire':
- dire et juger que si la responsabilité de la société HANAU ENERGIES CONCEPT devait être engagée au titre de la garantie décennale, la responsabilité de la société LA DORMOISE, laquelle est maître d'oeuvre du chantier objet des présentes, devait également être engagée, et en conséquence, être solidairement tenue au paiement de sommes dues,
- dire et juger que les gains générés par la vente de l'électricité produite par la centrale photovoltaïque doivent être déduits des montants sollicités au titre des préjudices réclamés par la société LA DORMOISE à la société HANAU ENERGIES CONCEPT, et, au besoin, ordonner à la société appelante la communication des chiffres d'affaires de la centrale photovoltaïque depuis sa mise en service,
Au surplus,
- dire et juger à tout le moins que le surplus des gains générés par la vente de l'électricité produite par la centrale photovoltaïque à raison de l'absence de sous-toiture soit 316 000 euros, doit être déduit des montants sollicités au titre des préjudices réclamés par la société LA DORMOISE à la société HANAU ENERGIES CONCEPT,
En tout état de cause :
- condamner la société LA DORMOISE à payer à la société HANAU ENERGIES CONCEPT la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers frais et dépens de la procédure, en ce inclus les frais et honoraires de l'expert judiciaire.
Par conclusions notifiées le 28 novembre 2022, la SA AXA FRANCE IARD demande à la cour de':
1/ Vu les conclusions signifiées par la société HANAU ENERGIES CONCEPT,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société LA DORMOISE demeurait pleinement responsable des malfaçons, au titre des dispositions légales relatives à la garantie décennale, le maître d'ouvrage ayant également assumé la maîtrise d''uvre des travaux, y
compris en ce qui concerne la réalisation de la centrale photovoltaïque,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit la société LA DORMOISE irrecevable en ses demandes, et l'en a débouté,
Très subsidiairement, si la cour devait imputer à la société HANAU ENERGIES CONCEPT une part de responsabilité,
- laisser à la charge du maître d'ouvrage, qui a engagé sa responsabilité en choisissant le process qui a été mis en 'uvre (toiture photovoltaïque sans écran sous-toiture) et en assumant la maîtrise d''uvre des travaux, une quote-part du coût des reprises qui ne saurait être inférieure à 50 % de celui-ci,
2/ Vu les conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société HANAU,
* Vu la jurisprudence, notamment les arrêts rendus par la 3ème Chambre Civile le 20 janvier 1999 et le 18 avril 2019,
- débouter la société LA DORMOISE, comme la société HANAU ENERGIES CONCEPT, de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la concluante, la police d'assurance n'ayant pas vocation à recevoir application, dans la mesure où :
- la société HANAU ENERGIES CONCEPT a déclaré à la SA AXA FRANCE IARD,
lorsqu'elle a souscrit auprès de cette dernière une police BTPlus à effet du 30 juillet 2009, intervenir en qualité de contractant général, assumant en tout ou partie la maîtrise d''uvre des travaux et sous-traitant en tout ou partie la réalisation de ceux-ci,
- il ressort des conclusions de la société HANAU que celle-ci n'est pas intervenue en
qualité de contractant général, qu'elle n'a pas assumé la maîtrise d''uvre des travaux et qu'elle ne justifie pas les avoir, à tout le moins partiellement, sous-traités,
En conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société LA DORMOISE et la société HANAU de toutes leurs demandes dirigées contre la SA AXA FRANCE IARD, le tribunal ayant retenu à juste titre que la Société HANAU ENERGIES CONCEPT n'était pas intervenue en qualité de contractant général et qu'elle n'avait pas assumé, que ce soit en tout ou partie, la maîtrise d''uvre des travaux, ce qui implique que la police d'assurance n'avait pas vocation à recevoir application dans le cadre du présent litige.
* Vu les activités souscrites par l'assuré, dont il ressort que la société HANAU ENERGIES CONCEPT a déclaré à la SA AXA FRANCE IARD, lorsqu'elle a souscrit auprès de cette dernière une police BTPlus à effet du 30 juillet 2009, réaliser les travaux suivants (ce qui constitue une condition de garantie) :
« Mettre en 'uvre le seul produit ou procédé désigné ci-après :
1. JUST ROOF dont le fabricant est MSK (Solar Buildings a SUNTECH Products) procédé faisant l'objet d'une demande d'avis technique auprès du CSTB »,
En conséquence,
Vu la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment les arrêts rendus par la 1ère Chambre Civile les 29 avril 1997, 28 octobre 1997 et 1 er décembre 1998, et par la 3ème Chambre Civile les 20 janvier 1999, 14 décembre 2010, 8 décembre 2016, 8 novembre 2018, 22 novembre 2018, 30 janvier 2019, 16 janvier 2020, 5 mars 2020, 2 février 2022 et 13 juillet 2022 aux termes de laquelle la garantie d'un assureur ne porte que sur les travaux et/ou activités déclarés, réalisés selon les modalités prévues au contrat,
- débouter la société LA DORMOISE et la société HANAU ENERGIES CONCEPT de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la SA AXA FRANCE IARD, dans la mesure où :
- les travaux déclarés par l'assurée à la SA AXA FRANCE IARD et qui sont seuls couverts par le contrat sont ceux qui étaient décrits dans le dossier de demande d'avis technique joint audit avis (n°21/11-19, accordé le 27 février 2012 et remplacé par une nouvel avis technique, presque identique, n°21/11-19*V1), lequel prévoyait la mise en place de panneaux photovoltaïques en partie courante de toiture sur charpentes bois, en remplacement de petits éléments de couverture, avec mise en 'uvre d'un écran de sous-toiture et sur une longueur de rampant dont la projection horizontale ne dépasse pas 12 m,
- la société HANAU ENERGIES CONCEPT a réalisé des travaux entièrement différents (pose de panneaux photovoltaïques sur charpente métallique, sans écran de sous-toiture, sur une longueur de rampant supérieure), ainsi qu'elle-même le revendique dans ses écritures,
- la police d'assurance délivrée par la SA AXA FRANCE IARD à la société HANAU ENERGIES CONCEPT n'a pas vocation à recevoir application dans le cadre du présent litige,
3/ Débouter en tout état de cause tant la société LA DORMOISE que la société HANAU ENERGIES CONCEPT de leurs demandes dirigées à l'encontre de la SA AXA FRANCE IARD, aucune des garanties accordées par le contrat d'assurance n'ayant vocation à recevoir application, qu'il s'agisse de la garantie décennale (qui n'est pas applicable, le bâtiment ne relevant pas des travaux de construction soumis à cette assurance et les désordres ne présentant pas le caractère de gravité exigé par l'article 1792 du code civil), ou des garanties accordées avant réception, des garanties connexes à celles pour dommages de nature décennale, ou bien encore de la garantie couvrant la responsabilité civile de l'entreprise pour préjudices causés à autrui (dont sont exclus les désordres affectant les travaux de l'assuré),
Subsidiairement, donner acte à la concluante des limites du contrat d'assurance, et déclarer les plafonds et franchises opposables à toute partie, y compris au tiers lésé, dans l'hypothèse où il serait fait application d'une garantie facultative (c'est-à-dire autre que la garantie décennale obligatoire),
4/ Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société HANAU ENERGIES CONCEPT devra poser ou faire poser le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques JUST ROOF, après accord de la société LA DORMOISE qui à défaut devra supporter le coût de toutes autres réparations, étant précisé que la réparation par la société HANAU ENERGIES CONCEPT de travaux non conformes au process décrit dans la demande d'avis technique puis dans l'avis technique délivré engage sa seule responsabilité, étant ajouté que ledit procédé peut être utilisé sur les toitures de tout bâtiment, l'absence d'un écran sous toiture étant à l'origine des désordres allégués par l'appelante,
Débouter la société LA DORMOISE de sa demande visant à voir condamner la SA AXA FRANCE IARD au titre d'une prétendue faute délictuelle, l'attestation d'assurance qui a été délivrée reprenant très précisément les termes des conditions particulières de la police d'assurance, ce qui implique que la concluante n'a commis aucune faute,
5/ Subsidiairement,
Ecarter les conclusions, éminemment critiquables, de Monsieur [T] en ce qui concerne les travaux de reprise, l'expert ayant notamment lui-même écarté le devis de la société SILICEO, sans aucun justificatif, alors même qu'il était 5 fois moins disant que le premier devis présenté par la société LA DORMOISE, et plus de 2 fois moins disant que le dernier devis qui a été entériné par l'expert,
Limiter, s'il devait être fait droit aux demandes de la société LA DORMOISE, l'indemnité susceptible de lui être allouée au titre des travaux de reprise à la somme de 123.121 € HT,
Débouter la société LA DORMOISE, qui est une société commerciale récupérant la TVA, de toutes demandes à obtenir le paiement de ladite TVA, les indemnités susceptibles de lui être allouées devant l'être hors taxes,
6/ Débouter en tout état de cause la société LA DORMOISE de sa demande tendant à se voir allouer une indemnité de 5 000 euros au titre d'un prétendu préjudice moral dont il n'est pas justifié,
Condamner la société LA DORMOISE, ou à défaut la société HANAU ENERGIES CONCEPT, à verser à la SA AXA FRANCE IARD la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Pascal Guillaume, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du même code.
MOTIFS DE LA DECISION':
La responsabilité décennale'de la société HANAU ENERGIES CONCEPT s'agissant des problèmes d'infiltration de la toiture :
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
L'ouvrage peut être un bâtiment ou une partie de ce bâtiment.
Une couverture constitue ainsi un ouvrage.
En l'espèce, il est avéré à l'examen du procès-verbal de constat du 31 mai 2013 et de l'expertise réalisée par M. [T] que les panneaux photovoltaïques constituent pour très grande partie la couverture du bâtiment agricole propriété de la société LA DORMOISE (hormis la couverture nord) et comme telle, doivent en assurer l'étanchéité, peu important par ailleurs leur fonction de production d'électricité qui doit être différenciée.
Ces panneaux constituent ainsi un ouvrage immobilier résultant d'un travail de construction.
Il est également avéré qu'il n'y a pas eu de réception expresse de l'ouvrage mais que sa réception tacite s'est opérée par le paiement intégral de la facture par la société LA DORMOISE, maître de l'ouvrage, à la société HANAU ENERGIES CONCEPT, entreprise chargée de la construction de cet ouvrage.
Enfin, l'expertise démontre que la couverture n'est pas étanche, qu'elle fuit en plusieurs endroits (et ce indépendamment du vieillissement anormal des chéneaux qui génère également des fuites mais qui n'ont pas été posés par la société HANAU ENERGIES CONCEPT) et que les infiltrations d'eau entre les panneaux qui s'écoulent à l'intérieur du bâtiment sont dues à des problèmes d'étanchéité du système «'JUST ROOF'» reconnus dès l'origine par le fabricant, la société SUNTECH.
Les conditions sont par conséquent réunies pour que soit mise en 'uvre la garantie décennale de la société HANAU ENERGIES CONCEPT.
C'est par ailleurs à tort que les premiers juges, suivant en cela l'argumentaire de cette dernière, ont considéré que la société LA DORMOISE, n'ayant souscrit ni assurance dommages en tant que maître de l'ouvrage, ni assurance décennale en tant que maître d'oeuvre et ayant coordonné elle-même les travaux entre les différents corps de métier, devait assumer seule les conséquences des désordres.
En effet, l'article 1792 précité instaure une responsabilité de plein droit du constructeur (la société HANAU ENERGIES CONCEPT) qui ne peut s'exonérer que si les désordres trouvent leur origine dans une cause étrangère, soit une faute d'immixtion du maître de l'ouvrage, une acceptation délibérée des risques par ce dernier ou un cas de force majeure, causes d'exonération que l'entreprise n'invoque d'ailleurs même pas.
Ainsi, sauf à dénaturer le régime de la responsabilité décennale qui pèse sur le constructeur dont les conditions d'engagement et les cas d'exonération viennent d'être développés, l'absence de maître d'oeuvre ne peut être imputée à faute à la société LA DORMOISE.
Au surplus, cette qualité est expressément donnée à la société HANAU ENERGIE CONCEPT dans le marché d'installation (sa pièce n° 16).
C'est par conséquent à bon droit que la garantie décennale est invoquée par le maître de l'ouvrage, la société LA DORMOISE, qui ne détient que cette seule qualité, peu important qu'elle ait souscrit ou non une assurance dommages-ouvrage.
Enfin, la société HANAU ENERGIES CONCEPT ne peut contraindre son cocontractant à agir sur le fondement de la garantie des vices cachés contenue dans le contrat, la garantie décennale prévalant sur toute autre garantie.
La décision sera infirmée et la garantie décennale de la société HANAU ENERGIES CONCEPT sera retenue.
La responsabilité contractuelle de droit commun de la société HANAU ENERGIES CONCEPT s'agissant des problèmes de condensation':
Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La cour considère, au vu du rapport de M. [T], que les désordres doivent être différenciés.
Il existe en effet d'une part des phénomènes d'infiltration qui sont dus à un défaut d'étanchéité causé par le mauvais placement de la parclose qui n'a pas été plaquée tout le long des panneaux dont il a été précédemment jugé qu'ils relevaient de la garantie décennale du constructeur puisqu'ils rendaient la toiture fuyarde, et d'autre part des phénomènes de condensation qui sont dus à l'absence d'écran de sous-toiture mais qui ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination.
La société LA DORMOISE agit à titre subsidiaire, si la responsabilité décennale n'était pas retenue, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui impose à l'entreprise qui réalise des travaux une obligation de résultat.
Elle n'invoque pas le manquement à l'obligation de conseil de son cocontractant.
Il est constant que l'écran de sous-toiture ne fait pas partie du marché entre les parties, la solution photovoltaïque du bâtiment agricole choisie étant basée précisément sur un système d'intégration JUST ROOF (qui repose sur des rails et des modules) mais sans sous-couche, ce qui présente l'avantage au terme de la plaquette d'information du produit de permettre une ventilation accrue des modules améliorant le rendement de l'installation de 5 à 10% (pièce n° 8 de la société HANAU ENERGIES CONCEPT).
L'expertise sur laquelle la société LA DORMOISE appuie toute son argumentation met en exergue le fait que la société HANAU ENERGIES CONCEPT n'a pas respecté l'avis technique du CSTB n° 21/11-19 du 27 février 2012 rendant obligatoire la pose d'un écran de sous-toiture pour éviter les phénomènes de condensation.
Il est observé que la demande d'avis technique a été faite par la société SUNTECH, concepteur du système «'JUST ROOF'» et non par le poseur, même si celui-ci en connaissait le contenu.
Le CSTB a confirmé qu'il n'existait aucun avis antérieur au 27 février 2012.
De manière essentielle et comme l'avait relevé le conseil de la société HANAU ENERGIES CONCEPT dans un dire adressé à l'expert, cet avis est largement postérieur à l'installation de la centrale en 2011 et il ne peut donc être reproché à la société ayant installé les panneaux photovoltaïques de ne pas avoir suivi un avis qui n'existait pas à l'époque des travaux.
Il convient de relever enfin qu'à supposer même que cet avis technique ait été rendu avant l'installation de la centrale photovoltaïque, il n'aurait eu aucun caractère normatif ni obligatoire sauf à être inséré comme clause contractuelle par des parties qui auraient entendu se soumettre à cet avis (pièce n° 39 de la société HANAU ENERGIES CONCEPT).
Enfin, la référence par M. [T] dans son rapport en page 7 à un DTU qui rend obligatoire la mise en place d'un écran de sous-toiture pour les habitations apparaît inapproprié au cas d'espèce puisque le litige concerne un bâtiment agricole et qu'il reconnaît par ailleurs qu'il n'existe aucun DTU pour ce type d'ouvrage pour le moment.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être reproché à la société HANAU ENERGIES CONCEPT de ne pas avoir posé un écran de sous-toiture qui aurait évité le phénomène de condensation que M. [T] décrit au demeurant comme étant normal en l'absence de cet élément.
La responsabilité de la société HANAU ENERGIES CONCEPT n'étant pas engagée, elle n'est pas tenue à réparation de ce chef.
La réparation du préjudice causé par les infiltrations d'eau':
L'article 1149 ancien du code civil applicable au litige en raison de la date du contrat dispose que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.
Si, en application du principe de réparation intégrale en vertu duquel le responsable est tenu de compenser l'intégralité du préjudice causé à la victime et de rétablir ainsi, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage, les dommages et intérêts qui lui sont alloués doivent réparer le préjudice sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit.
Le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour déterminer les modalités de réparation du préjudice.
La société LA DORMOISE soutient, suivant en cela les préconisations de l'expert, que son dommage ne peut être réparé que par le remplacement complet de la couverture photovoltaïque aux frais de la société HANAU ENERGIES CONCEPT qu'elle chiffre suivant devis de la société Thirion à la somme de 487 008,61 euros ttc.
Elle sollicite en conséquence la condamnation in solidum de la société responsable des désordres ainsi que de son assureur, AXA FRANCE IARD, au paiement de cette somme.
La société HANAU ENERGIES CONCEPT sollicite la confirmation de la décision en toutes ses dispositions.
Ainsi, même si elle ne développe pas ce point dans ses écritures, elle ne critique pas la disposition qui l'a condamnée à faire poser un kit de réparation pour remédier aux infiltrations.
Il a été précédemment jugé que l'absence de pose d'écran de sous-toiture n'était pas de la responsabilité de la société HANAU ENERGIES CONCEPT et qu'elle ne pouvait par conséquent répondre des désordres constitués par la présence de condensation sur la toiture du bâtiment, phénomène qualifié de normal par M. [T] en l'absence de pose de cet élément.
S'agissant des infiltrations sous toiture, l'expert considère dans ses conclusions définitives qu'il convient d'effectuer le remplacement complet de la couverture photovoltaïque, et ce après avoir écrit dans ses conclusions provisoires en page 27 de son rapport que la solution proposée, le kit de réparation, répond au problème d'étanchéité de la couverture.
La cour comprend des énonciations expertales qu'en réalité, M. [T] reproche à la société HANAU ENERGIES CONCEPT de ne pas avoir fourni un plan d'action concernant la mise en place du kit comportant l'assurance de son bon fonctionnement, la date de mise en 'uvre et le délai d'intervention de la société devant poser ce kit.
Or, il résulte d'un dire du conseil de cette société figurant dans la note de synthèse n° 2 du rapport qu'elle s'engage à faire intervenir dans un délai de deux semaines l'entreprise chargée de poser ce kit.
Cette réparation peut donc s'exercer dans le délai raisonnable évoqué par M. [T] dans son rapport.
Il ressort également du courrier de la société SUNTECH et des attestations versées aux débats par la société HANAU ENERGIES CONCEPT émanant d'agriculteurs dont les témoignages ne peuvent être soupçonnés de partialité (ses pièces n° 7, 35, 36 et 37) que ce kit fonctionne parfaitement une fois posé et qu'il remédie aux problèmes d'infiltration (fuites d'eau au niveau des modules) que la société SUNTECH reconnaît avoir depuis l'origine avec le système JUST ROOF.
Il y a donc lieu de considérer, au vu de ces éléments et du principe intangible suivant lequel la réparation d'un préjudice doit se faire sans enrichissement pour celui qui le sollicite et qu'elle doit par conséquent être proportionnée et adaptée au dommage , que la pose du kit de réparation conçu par la société SUNTECH aux frais de la société HANAU ENERGIES CONCEPT, constitue une réparation en équivalence satisfactoire pour la société LA DORMOISE dont les modalités seront déterminées dans le dispositif de l'arrêt.
Le préjudice moral':
La réalité de ce préjudice n'est pas démontrée et la société LA DORMOISE sera déboutée de sa demande à ce titre.
La garantie de la société AXA FRANCE IARD':
La réparation du dommage n'est pas assurée par l'allocation d'une somme destinée à indemniser le coût des travaux de réfection (remplacement intégral du système) mais s'opère par équivalence, soit la fourniture et la pose d'un kit, cette prestation étant assurée par une autre entreprise que la société HANAU ENERGIES CONCEPT.
Dans ces conditions, la garantie de la société AXA FRANCE IARD ne peut être mobilisée.
La société LA DORMOISE sera déboutée de sa demande aux fins de voir l'assureur de la société HANAU ENERGIES CONCEPT garantir les conséquences du sinistre.
L'article 700 du code de procédure civile':
La décision sera infirmée.
En équité, chaque partie gardera à sa charge les frais qu'elle a engagés à ce titre.
Les dépens':
La décision sera infirmée.
La société HANAU ENERGIES CONCEPT, responsable des désordres de nature décennale, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de M. [T], avec recouvrement direct au profit de Maître Guillaume par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS':
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire';
Infirme le jugement rendu le 9 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne.
Statuant à nouveau';
Sur les problèmes d'infiltration':
Déclare la société HANAU ENERGIES CONCEPT responsable, sur le fondement de la garantie décennale, des désordres affectant le bâtiment agricole appartenant à la société LA DORMOISE.
Condamne la société HANAU ENERGIES CONCEPT à faire poser à ses frais le kit de réparation pour panneaux photovoltaïques JUST ROOF, et ce dans le délai de TROIS MOIS de la signification de cet arrêt.
Sur les problèmes de condensation':
Dit que la société HANAU ENERGIES CONCEPT n'est pas responsable des problèmes de condensation dus à l'absence de sous-toiture.
En conséquence, déboute la société LA DORMOISE de sa demande indemnitaire à ce titre.
Déboute la société LA DORMOISE de sa demande au titre du préjudice moral.
Déboute la société LA DORMOISE de sa demande aux fins de voir la société AXA FRANCE IARD, assureur de la société HANAU ENERGIES CONCEPT, garantir les conséquences du sinistre.
Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société HANAU ENERGIES CONCEPT aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de M. [T], avec recouvrement direct au profit de Maître Guillaume par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE