Ordonnance n°
du 8/02/2023
N° RG 22/01065
COUR D'APPEL DE REIMS
Chambre sociale
ORDONNANCE D'INCIDENT
Formule exécutoire le :
à :
Le huit février deux mille vingt trois,
Nous, Madame Isabelle FALEUR, Conseiller, magistrat en charge de la mise en état, assistée de Monsieur Francis JOLLY, greffier,
Après les débats du 18 janvier 2023, avons rendu l'ordonnance suivante, dans la procédure inscrite sous le numéro N° RG 22/01065 du répertoire général, opposant :
Madame [E] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/002308 du 29/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de REIMS)
Représentée par la SELAS DEVARENNE ASSOCIES GRAND EST, avocats au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE
APPELANTE
à
SARL ANTOINE INVEST
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SCP ACG & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
INTIMEE
* * * * *
Le 18 septembre 2017, Madame [E] [K] a été embauchée en contrat à durée déterminée pour surcroît d'activité par la société ANTOINE INVEST en qualité de secrétaire.
Le contrat de travail à durée déterminée s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée.
Madame [E] [K] a été licenciée le 27 novembre 2020 pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.
Par requête reçue au greffe le 27 avril 2021, Madame [E] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne pour contester son licenciement.
Par jugement en date du 29 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne a :
- jugé que le licenciement de Madame [E] [K] pour inaptitude est justifié,
- jugé que Madame [E] [K] n'a été victime ni de harcèlement ni de discrimination liée à son état de santé,
- débouté Madame [E] [K] de l'ensemble de ses demandes au titre de la nullité du licenciement, du harcèlement et de la discrimination,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile,
- condamné Madame [E] [K] à payer à la société ANTOINE INVEST la somme de 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Madame [E] [K] aux entiers dépens.
Le 19 mai 2022, Madame [E] [K] a interjeté appel du jugement de première instance pour le voir infirmer en toutes ses dispositions.
La Société ANTOINE INVEST s'est constituée le 2 juin 2022 par l'intermédiaire de son avocat, Maître [D] [P].
Le 5 août 2022, le conseil de Madame [E] [K] a notifié ses conclusions d'appelant et ses pièces à Maître [H] [M].
Par conclusions d'incident notifiées par RPVA le 7 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société ANTOINE INVEST a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir, sur le fondement des articles 903 et 908 du code de procédure civile et R.1461-2 du Code du travail :
- déclarer irrecevables les communications des conclusions et pièces de l'appelante effectuées le 5 août 2022 sur la clé RPVA de Maître [H] [M], non constitué pour l'intimée,
- juger que l'appelante n'a pas valablement communiqué ses conclusions au soutien de son appel dans le délai de trois mois à compter de la déclaration de celui-ci,
- prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 19 mai 2022 à l'encontre du jugement du 29 avril 2022 du Conseil de Prud'hommes de Châlons-en-Champagne,
- condamner Madame [E] [K] à lui verser une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner Madame [E] [K] aux entiers dépens.
La société ANTOINE INVEST soutient qu'elle s'est constituée le 2 juin 2022 par l'intermédiaire de son avocat, Maître Gérard CHEMLA, avocat au Barreau de Reims, nominativement par sa clé RPVA et que cette constitution a été notifiée à l'avocat de Madame [K].
Elle ajoute que la déclaration d'appel datant du 19 mai 2022, l'appelante avait jusqu'au 19 août 2022 pour communiquer ses conclusions à son avocat et qu'en communiquant ses conclusions et pièces d'appelante le 5 août 2022 à Maître [H] [M], l'avocat de Madame [K] n'a pas régulièrement communiqué ses conclusions et pièces à l'avocat qu'elle a constitué à hauteur de cour.
Aux termes de ses conclusions d'incident notifiées par RPVA le 7 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Madame [E] [K] demande au conseiller de la mise en état sur le fondement des articles 908 et suivants du Code de procédure civile, 21 du Décret n°93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé :
- de déclarer la société ANTOINE INVEST irrecevable et mal fondée en son incident,
- de déclarer recevable la communication de ses conclusions et pièces,
- de dire n'y avoir lieu à caducité de sa déclaration d'appel,
- de rejeter l'incident,
- de condamner la société ANTOINE INVEST à lui payer la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC,
- de condamner la société ANTOINE INVEST aux dépens du présent incident.
Madame [E] [K] soutient que, selon l'article 21 du décret n°93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, chaque avocat associé au sein d'une Société d'Exercice Libérale (SEL) exerce les fonctions d'avocat au nom de la société de sorte que le mandat donné à un avocat associé d'une société d'exercice libéral d'avocats vaut pour la société et pour tous les avocats membres de celle-ci.
Elle souligne que cette règle a été rappelée dans un arrêt rendu le 17 septembre 2020 par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation (n°19-15.814).
Madame [E] [K] expose que Me [H] [M] et Me [D] [P] sont associés au sein d'une même Société d'Exercice Libéral, «ACG» et qu'en application des textes et de la jurisprudence susvisés, la communication faite à Maître [H] [M] est parfaitement valable, en dépit de la constitution formelle de Maître [D] [P] via RPVA.
Motifs :
L'article 903 du code de procédure civile dispose que, dès qu'il est constitué, l'avocat de l'intimé en informe celui de l'appelant et remet une copie de son acte de constitution au greffe.
L'article 908 du code de procédure civile stipule : 'A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe'.
L'article 911 du code de procédure civile stipule : 'Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
La notification de conclusions au sens de l'article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu'à l'alinéa premier du présent article constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe'.
L'article 21 du décret n°93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé stipule : «chaque avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral exerce les fonctions d'avocat au nom de la société ».
Il résulte de cet article que le mandat donné à un avocat associé d'une société d'exercice libéral d'avocat vaut pour la société et pour tous les avocats membres de celle-ci dans la mesure où c'est la société d'exercice libéral et non la personne physique qui est mandatée.
Il est reproché à Madame [E] [K] de ne pas avoir notifié ses conclusions d'appelant à Maître [D] [P], avocat formellement constitué par RPVA devant la cour, mais de les avoir communiquées à Maître [H] [M].
Or Maître [H] [M] et Me [D] [P] sont associés au sein d'une même société d'exercice libéral 'ACG' ainsi que cela ressort des statuts de la société à la date du 1er janvier 2020 et du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire en date du 11 janvier 2020, enregistré le 4 mars 2020 au greffe du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne, qui a approuvé la transformation de la SCP ACG en société d'exercice libéral par action simplifiée.
En conséquence, la notification des conclusions et pièces de l'appelante, faite à Maître [H] [M] le 5 août 2022, est valable nonobstant la constitution formelle de Me [D] [P] via RPVA.
La société ANTOINE INVEST sera donc déboutée de ses demandes tendant à voir déclarer irrecevable la communication des conclusions et pièces de l'appelante faite le 5 août 2022 à Me [H] [M] et à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Madame [E] [K].
Partie qui succombe, la société ANTOINE INVEST est condamnée à payer à Madame [E] [K] la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ANTOINE INVEST est condamnée aux dépens de l'incident.
Par ces motifs :
Nous, conseiller de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, susceptible de déféré dans les 15 jours,
DEBOUTONS la société ANTOINE INVEST de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la communication des conclusions et pièces de l'appelante faite le 5 août 2022 à Me [H] [M],
DEBOUTONS la société ANTOINE INVEST de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel de Madame [E] [K],
CONDAMNONS la société ANTOINE INVEST à payer à Madame [E] [K] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS la société ANTOINE INVEST aux dépens de l'incident.
Le greffier, Le magistrat,