Ordonnance n° 86
du 8/02/2023
N° RG 22/00782
IF/ML
COUR D'APPEL DE REIMS
Chambre sociale
ORDONNANCE D'INCIDENT
Formule exécutoire le :
à :
Le huit février deux mille vingt trois,
Nous, Madame Isabelle FALEUR, conseillère, magistrate en charge de la mise en état, assistée de Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière,
Après les débats du 23 janvier 2023, avons rendu l'ordonnance suivante, dans la procédure inscrite sous le numéro N° RG 22/00782 du répertoire général, opposant :
Monsieur [L] [M]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par la SELARL G.R.M.A., avocats au barreau de REIMS
APPELANT
à
La S.A.S. BOUYGUES IMMOBILIER
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et par Maître Philippe ROZEC, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
* * * * *
Monsieur [L] [M] a été embauché par la société BOUYGUES IMMOBILIER et affecté à son établissement de [Localité 5], en qualité de conseiller commercial à compter du 19 août 2010.
Il a été mis à pied à titre conservatoire le 20 décembre 2020, et a été licencié pour faute simple par lettre recommandée du 22 janvier 2020, son employeur lui reprochant :
- de ne pas respecter, lors de la conclusion des contrats de réservation immobiliers, le recours au notaire habituellement sollicité par l'agence et de prescrire le recours à un autre notaire avec lequel il entretient des relations personnelles et auprès duquel il a bénéficié d'avantages à titre personnel ;
- de s'abstenir de présenter l'ensemble des options aux clients lors de la signature du contrat de réservation, à savoir la possibilité de se faire représenter par le notaire de l'opération ou un autre notaire de leur choix ;
- d'avoir corrigé de manière manuscrite un contrat de réservation après la signature d'un client.
Par requête reçue au greffe le 3 août 2020, il a saisi le conseil de prud'hommes de Reims pour contester son licenciement.
Par jugement du 18 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Reims a dit que le licenciement de Monsieur [L] [M] reposait sur une cause réelle et sérieuse, l'a débouté de ses demandes, a débouté la société BOUYGUES IMMOBILIER de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seraient supportés par chacune des parties.
Monsieur [L] [M] a interjeté appel, le 5 avril 2022.
La société BOUYGUES IMMOBILIER a constitué avocat.
Le 1er novembre 2022, Monsieur [L] [M] a fait sommation à la société BOUYGUES IMMOBILIER de communiquer l'intégralité des contrats de réservation conclus par ses soins lorsqu'il était salarié de la société.
La société BOUYGUES IMMOBILIER n'a pas déféré à cette sommation de communiquer.
Par conclusions notifiées par RPVA le 21 novembre 2022, Monsieur [L] [M] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir, sur le fondement des articles 907, 788, 790, 138, 139 et 142 du code de procédure civile :
- constater la carence de la société BOUYGUES IMMOBILIER dans la communication des pièces sollicitées ;
- juger qu'il est recevable et bien-fondé en sa demande de communication de pièces ;
- ordonner à la société BOUYGUES IMMOBILIER de communiquer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision, l'intégralité des contrats de réservation qu'il a conclus lorsqu'il était salarié de la société ;
- condamner la société BOUYGUES IMMOBILIER à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société BOUYGUES IMMOBILIER aux entiers dépens ;
Monsieur [L] [M] fait valoir que la production des contrats de réservation est de nature à démontrer que l'un des griefs qui fondent son licenciement pour faute n'est pas caractérisé.
Il expose qu'en raison de la pression mise sur les commerciaux par la société BOUYGUES IMMOBILIER pour l'obtention rapide des signatures et des actes, il était d'usage de rajouter manuscritement des mentions sur les contrats de réservation, sans renvoi du document aux clients mais avec leur accord verbal obtenu par téléphone.
Par conclusions d'incident notifiées par RPVA le 20 janvier 2023, la société BOUYGUES IMMOBILIER demande au conseiller de la mise en état :
* A titre principal :
- de débouter Monsieur [L] [M] de sa demande de communication de pièces sous astreinte ;
* A titre subsidiaire :
- d'ordonner la production des contrats de réservation en la limitant à la dernière année de travail de Monsieur [L] [M] sans ordonner d'astreinte
en tout état de cause ;
- de débouter Monsieur [L] [M] de sa demande relative à l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner Monsieur [L] [M] aux entiers dépens ;
Elle soutient que la production de l'intégralité des contrats de réservation ne présente aucun intérêt et que si tel avait été le cas, Monsieur [L] [M] les aurait sollicités dès la première instance. Elle ajoute qu'elle produit le contrat de réservation conclu avec Monsieur [B] [Z] et un échange de courriers électroniques avec ce dernier qui démontrent que Monsieur [L] [M] a modifié de façon manuscrite le contrat à l'insu du client.
Elle précise que les contrats de réservation ne font pas l'objet d'un archivage informatique et qu'il est matériellement très difficile de les réunir sur les dix dernières années.
MOTIFS
En vertu des articles 138 à 142 du code de procédure civile, si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce.
La demande est faite sans forme.
Le juge, s'il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.
La décision du juge est exécutoire à titre provisoire, sur minute s'il y a lieu.
Les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139.
En vertu de l'article 788 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 907 du même code relatif à la procédure d'appel, le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces.
Il est établi que la société BOUYGUES IMMOBILIER n'a pas déféré à la sommation de communiquer du 1er novembre 2022 faite par le conseil de l'appelant.
La production des contrats de réservation est de nature à éclairer la cour, notamment sur l'un des griefs formulés par l'employeur à l'encontre de Monsieur [L] [M].
Toutefois la difficulté matérielle pour la société BOUYGUES IMMOBILIER de retrouver l'ensemble des contrats de réservation sur les dix dernières années justifie que la production de ces pièces soit limitée aux trois années qui ont précédé la rupture du contrat de travail, sans astreinte.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.
La société BOUYGUES IMMOBILIER est condamnée aux dépens de l'incident.
PAR CES MOTIFS
Nous, Conseillère de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire insusceptible de recours indépendamment de l'arrêt au fond,
DECLARONS Monsieur [L] [M] recevable en sa demande de communication de pièces,
ORDONNONS à la société BOUYGUES IMMOBILIER de produire les contrats de réservation conclus par Monsieur [L] [M] au cours des trois années qui ont précédé la rupture de son contrat de travail,
DISONS n'y avoir lieu à astreinte,
LAISSONS à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles,
CONDAMNONS la société BOUYGUES IMMOBILIER aux dépens de l'incident.
La Greffière, La Conseillère,